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10/07/2003 | MONACO | N°335749

Monaco | Tribunal de première instance, 10 juillet 2003, P. c/ E. et Association Tutélaire du Nord


Abstract

Saisie-arrêt

Titre exécutoire : Jugement - Constitutif d'un titre pour partie seulement des créances invoquées d'où - Nullité et main levée de la saisie pour la créance non titrée - Régularité de la saisie pour la créance titrée (dépens, frais de justice) article 495 du CPL - Tiers saisi : Banquier - Le titulaire du compte est créancier envers la banque même si les sommes étaient encaissées à titre de mandataire

Résumé

Il est constant que par acte d'huissier du 17 février 2003 intitulé « saisie attribution et injonction au tie

rs saisi », les défendeurs ont fait pratiquer une saisie-arrêt à l'encontre de P. P. à hauteur de la s...

Abstract

Saisie-arrêt

Titre exécutoire : Jugement - Constitutif d'un titre pour partie seulement des créances invoquées d'où - Nullité et main levée de la saisie pour la créance non titrée - Régularité de la saisie pour la créance titrée (dépens, frais de justice) article 495 du CPL - Tiers saisi : Banquier - Le titulaire du compte est créancier envers la banque même si les sommes étaient encaissées à titre de mandataire

Résumé

Il est constant que par acte d'huissier du 17 février 2003 intitulé « saisie attribution et injonction au tiers saisi », les défendeurs ont fait pratiquer une saisie-arrêt à l'encontre de P. P. à hauteur de la somme de 2 750 174 euros ;

Du « commandement de payer avant exécution » du 14 février 2003 joint à cet acte de « saisie-attribution », il apparaît que cette somme de 2 750 174 euros résulte pour l'essentiel de l'addition de celles de 2 734 200 euros, de 15 204,91 euros et de 12 euros ;

La somme de 2 734 200 euros est ainsi explicitée dans le commandement : « montant en principal qu'il (P. P.) doit restituer aux requérants, seuls habilités à recueillir la succession de R. V. en leur qualité de seuls héritiers du de cujus » ;

Cette créance des défendeurs sur P. P. ne résulte directement ni du jugement de Tribunal du 29 juin 2000 ni de l'arrêt confirmatif du 7 janvier 2003 ;

Le Tribunal, confirmé en appel, s'est borné, en effet, dans les limites de sa saisine, à déclarer nul le testament et dire que les défendeurs étaient seuls habiles à recevoir la succession de feu R. V. ;

La créance de restitution dont font état les défendeurs n'est dès lors pas consacrée par un titre exécutoire ; qu'ainsi la saisie-arrêt pratiquée de ce chef ne pouvait pas prospérer sans autorisation judiciaire, ainsi qu'il est prévu à l'article 491 du Code de procédure civile ;

Sur les autres postes de créance, les sommes de 15 204,91 euros et 12 euros correspondent au « coût des dépens » de première instance et d'appel et à celui de la « grosse » ;

Il est acquis aux débats que P. P. a, par les décisions judiciaires précitées, été condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

Ces décisions ont été régulièrement signifiées à P. P. les 11 juillet 2000 (jugement) et 14 février 2003 (arrêt) et sont exécutoires ;

Le calcul des dépens à la somme dont s'agit de 15 204,91 euros n'est pas discuté par P. P., pas plus que le coût de 12 euros de la grosse de l'arrêt d'appel ;

Ainsi, les défendeurs étaient valablement titrés du chef de ces créances et ont pu, conformément aux dispositions de l'article 495 du Code de procédure civile, former une saisie-arrêt qui emporte attribution au profit du saisissant ;

Il convient toutefois d'examiner si les sommes saisies-arrêtées étaient bien « dues par le tiers saisi au débiteur saisi » ;

Il apparaît que les fonds saisis-arrêtés l'ont été sur le compte « Agence Landau » ouvert auprès du Crédit foncier de Monaco, la saisie-arrêt auprès de la Banque nationale de Paris s'étant relevée négative ;

Si P. P. exploite en nom personnel l'agence Landau, il fait valoir que le compte dont s'agit est un compte « location » qui lui permet de recueillir l'argent à gérer de ses clients dont il n'est pas propriétaire ;

Mais les sommes disponibles sur un compte en banque au jour de la saisie-arrêt qui les frappe d'indisponibilité constituent, quelle que soit l'origine des fonds versés, même au cas où ces sommes auraient été encaissées par le titulaire du compte en qualité de mandataire et pour le compte de tiers, une créance envers la banque au profit du titulaire du compte qui se trouve incluse dans le patrimoine de celui-ci et peut donc être saisie par les créanciers ;

Ainsi, la saisie-arrêt litigieuse pratiquée le 17 février 2003 est régulière et emporte effet attribution au profit des saisissants en ce qu'elle porte sur les dépens auxquels P. P. a été condamné, soit les sommes de 15 204,91 euros et 12 euros, soit en tout 15 216,91 euros ;

Pour le surplus, la saisie doit être déclarée nulle, en sorte qu'il y a lieu d'en ordonner la mainlevée partielle.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

P. P. a, par l'acte susvisé du 11 mars 2003, fait citer J. E. ainsi que l'Association Tutélaire du Nord (ATI), ès qualités de tutrice de J. V., aux fins suivantes :

« Au principal,

• Constater que la saisie-arrêt a été pratiquée en l'absence d'une quelconque autorisation judiciaire,

• Ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 17 février 2003 par M. E. et l'ATI représentant Mlle V. entre les mains des établissements bancaires Crédit foncier de Monaco et Banque nationale de Paris,

Subsidiairement,

• Ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 17 février 2003 par M. E. et l'ATI représentant Mlle V. entre les mains du Crédit foncier de Monaco sur le compte n° 26720 intitulé » Agence Landau «,

Dans tous les cas,

• Condamner M. E. et l'ATI représentant Mlle V. à payer à M. P. une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

• Les condamner également aux entiers dépens... » ;

P. P. expose à l'appui de sa demande :

• que suite à la contestation des deux défendeurs, le Tribunal, par jugement du 29 juin 2000, a déclaré nul le testament établi en sa faveur le 3 mars 1995 par R. V. et dit que J. E. et l'ATI, ès qualités, étaient seuls habiles à recueillir la succession dont s'agit,

• qu'il a été condamné aux dépens,

• que ce jugement a, sur ces points, été confirmé par la Cour d'appel par arrêt du 7 janvier 2003,

• qu'il a par ailleurs été condamné aux dépens d'appel,

• que le 14 février 2003 les défendeurs lui ont fait signifier ledit arrêt et fait commandement de payer les sommes de 2 734 000 euros (principal), 15 204,91 euros (dépens) et 12 euros (coût de la grosse),

• que le 17 février 2003 les défendeurs ont fait pratiquer une saisie-arrêt sur ses comptes auprès du Crédit foncier de Monaco et de la Banque nationale de Paris à hauteur de 2 750 174 euros,

• qu'il a dénoncé cette saisie-arrêt dès le 25 février 2003,

• que le 28 février 2003 il a saisi le Juge des référés de fins identiques à celle de la présente assignation et il explique que c'est en respectant le délai de quinze jours prévu à l'article 497 du Code de procédure civile qu'il a également agi devant le juge du fond ;

Il prétend que la saisie-arrêt est nulle pour avoir été pratiquée sans autorisation judiciaire en violation des dispositions de l'article 491 du Code de procédure civile ;

Subsidiairement, il fait valoir que les sommes saisies ne sont pas sa propriété, s'agissant du compte « location » qui lui permet la gestion des avoirs des clients de son agence immobilière, en précisant que ce compte est celui ouvert auprès du Crédit foncier de Monaco,

Le Juge des référés s'est, par ordonnance du 2 avril 2003, déclaré incompétent au profit du juge du fond ;

Les défendeurs ont conclu le 14 mai 2003 ;

Ils forment les demandes suivantes :

• « Dire qu'il résulte du jugement du Tribunal de Première Instance de Monaco du 29 juin 2000 et de l'arrêt de la Cour d'Appel du 7 janvier 2003 que le testament qui a permis à Monsieur P. P. de s'approprier auprès de la Banque nationale de Paris la succession de Monsieur R. V. de 2 750 174 euros a été annulé et qu'il a été jugé que Monsieur J. E. et Mademoiselle J. V. représentée par l'ATI sont seuls habiles à recueillir la succession de leur oncle, Monsieur R. V.,

• Dire que lesdites décisions des 29 juin 2000 et 7 janvier 2003 ont condamné Monsieur P. P. aux dépens de première instance et d'appel et que les commandements des 7 et 14 février 2003 ainsi que la saisie-arrêt qui s'en est suivie visent les condamnations dues par Monsieur P. P. de 15 216,91 euros,

• Dire que les commandements des 7 et 14 février 2003 et la saisie-arrêt pratiquée ont été diligentés dans le cadre de l'exécution des décisions judiciaires conformément aux articles 470 et suivants du Code de procédure civile concernant l'exécution forcée des décisions judiciaires,

• Déclarer Monsieur P. P. irrecevable et infondé en sa demande de rétractation et de mainlevée de saisie,

• Et le condamner en tous les dépens... ; » ;

Sur quoi,

Attendu qu'il est constant que par acte d'huissier du 17 février 2003 intitulé « saisie attribution et injonction au tiers saisi », les défendeurs ont fait pratiquer une saisie-arrêt à l'encontre de P. P. à hauteur de la somme de 2 750 174 euros ;

Que du « commandement de payer avant exécution » du 14 février 2003 joint à cet acte de « saisie-attribution », il apparaît que cette somme de 2 750 174 euros résulte pour l'essentiel de l'addition de celles de 2 734 200 euros, de 15 204,91 euros et de 12 euros ;

Attendu que la somme de 2 734 200 euros est ainsi explicitée dans le commandement : « montant en principal qu'il (P. P.) doit restituer aux requérants, seuls habilités à recueillir la succession de R. V. en leur qualité de seuls héritiers du de cujus » ;

Attendu que cette créance des défendeurs sur P. P. ne résulte directement ni du jugement du Tribunal du 29 juin 2000 ni de l'arrêt confirmatif du 7 janvier 2003 ;

Que le Tribunal, confirmé en appel, s'est borné, en effet, dans les limites de sa saisine, à déclarer nul le testament et dire que les défendeurs étaient seuls habiles à recevoir la succession de feu R. V. ;

Attendu que la créance de restitution dont font état les défendeurs n'est dès lors pas consacrée par un titre exécutoire ; qu'ainsi la saisie-arrêt pratiquée de ce chef ne pouvait pas prospérer sans autorisation judiciaire, ainsi qu'il est prévu à l'article 491 du Code de procédure civile ;

Attendu, sur les autres postes de créance, que les sommes de 15 204,91 euros et 12 euros correspondent au « coût des dépens » de première instance et d'appel et à celui de la « grosse » ;

Attendu qu'il est acquis aux débats que P. P. a, par les décisions judiciaires précitées, été condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

Que ces décisions ont été régulièrement signifiées à P. P. les 11 juillet 2000 (jugement) et 14 février 2003 (arrêt) et sont exécutoires ;

Que le calcul des dépens à la somme dont s'agit de 15 204,91 euros n'est pas discuté par P. P., pas plus que le coût de 12 euros de la grosse de l'arrêt d'appel ;

Attendu qu'ainsi, les défendeurs étaient valablement titrés du chef de ces créances et ont pu, conformément aux dispositions de l'article 495 du Code de procédure civile, former une saisie-arrêt qui emporte attribution au profit du saisissant ;

Qu'il convient toutefois d'examiner si les sommes saisies-arrêtées étaient bien « dues par le tiers saisi au débiteur saisi » ;

Attendu qu'il apparaît que les fonds saisis-arrêtés l'ont été sur le compte « Agence Landau » ouvert auprès du Crédit foncier de Monaco, la saisie-arrêt auprès de la Banque nationale de Paris s'étant révélée négative ;

Attendu que si P. P. exploite en nom personnel l'agence Landau, il fait valoir que le compte dont s'agit est un compte « location » qui lui permet de recueillir l'argent à gérer de ses clients dont il n'est pas propriétaire ;

Mais attendu que les sommes disponibles sur un compte en banque au jour de la saisie-arrêt qui les frappe d'indisponibilité constituent, quelle que soit l'origine des fonds versés, même au cas où ces sommes auraient été encaissées par le titulaire du compte en qualité de mandataire et pour le compte de tiers, une créance envers la banque au profit du titulaire du compte qui se trouve incluse dans le patrimoine de celui-ci et peut donc être saisie par ses créanciers ;

Qu'ainsi, la saisie-arrêt litigieuse pratiquée le 17 février 2003 est régulière et emporte effet attributif au profit des saisissants en ce qu'elle porte sur les dépens auxquels P. P. a été condamné, soit les sommes de 15 204,91 euros et 12 euros, soit en tout 15 216,91 euros ;

Que pour le surplus, la saisie doit être déclarée nulle, en sorte qu'il y a lieu d'en ordonner la mainlevée partielle ;

Attendu que les défendeurs ont légitimement pu agir en saisie-arrêt en se méprenant sur l'étendue de leurs droits et, particulièrement, sur l'interprétation à donner de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 janvier 2003 ;

Qu'ils ne paraissent donc pas avoir agi de manière abusive ;

Que par ailleurs, le demandeur peut d'autant moins justifier d'un préjudice que la saisie est partiellement justifiée et que le solde créditeur du compte saisi est à peine supérieur au montant reconnu de la créance des défendeurs ;

Attendu, dans ces conditions, que la demande de dommages-intérêts formée par P. P. doit être rejetée ;

Et attendu que les deux parties ayant partiellement succombé, il y a lieu à partage égalitaire des dépens entre elles ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare nulle et ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 17 février 2003 par J. E. et l'Association Tutélaire du Nord (ATI), agissant en sa qualité de tutrice de Mademoiselle J. V., au préjudice de P. P. entre les mains du Crédit foncier de Monaco et de la Banque nationale de Paris en ce qu'elle porte sur la somme de 2 734 200 euros ;

La déclare régulière pour la somme de 15 216,91 euros et dit que, dans cette limite, elle emporte effet attributif au profit des saisissants ;

Déboute P. P. de sa demande de dommages-intérêts ;

Composition

M. Narmino prés. ; Mme Vikström juge suppl. f.f. de subst. du proc. gén. Mes Licari, Pastor-Bensa av. déf. ; Rivovi av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 335749
Date de la décision : 10/07/2003

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : P.
Défendeurs : E. et Association Tutélaire du Nord

Références :

Code de procédure civile
article 497 du Code de procédure civile
article 495 du Code de procédure civile
ordonnance du 2 avril 2003
article 491 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2003-07-10;335749 ?

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