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03/04/2003 | MONACO | N°27033

Monaco | Tribunal de première instance, 3 avril 2003, Sté A. R. c/ D.


Abstract

Appel civil

Appel incident - Conclusions signifiées au-delà du délai d'un mois - Irrecevabilité de l'appel incident

Procédure pénale

Instruction - Ordonnance de non lieu, devenue définitive à défaut d'appel du procureur général et de la partie civile de l'ordonnance de non lieu - Absence d'autorité de chose jugée, caractère provisoire et révocable

Tribunal du travail

Compétence - Clause de non concurrence incluse dans le contrat de travail (oui) - Preuve non rapportée de l'existence de cette clause : incompétence du tribunal

du travail

Résumé

La société A. R. a régulièrement interjeté l'appel de la décision du Tribunal du ...

Abstract

Appel civil

Appel incident - Conclusions signifiées au-delà du délai d'un mois - Irrecevabilité de l'appel incident

Procédure pénale

Instruction - Ordonnance de non lieu, devenue définitive à défaut d'appel du procureur général et de la partie civile de l'ordonnance de non lieu - Absence d'autorité de chose jugée, caractère provisoire et révocable

Tribunal du travail

Compétence - Clause de non concurrence incluse dans le contrat de travail (oui) - Preuve non rapportée de l'existence de cette clause : incompétence du tribunal du travail

Résumé

La société A. R. a régulièrement interjeté l'appel de la décision du Tribunal du Travail en ce que cette juridiction s'est déclarée incompétente pour connaître du litige ; l'appelante entend en effet voir J.-P. D. condamné à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait de la violation par cet ancien salarié de la clause de non concurrence qui le liait à cet employeur ;

S'il est loisible à toute partie de relever appel incident par voies de conclusions prises à l'audience, force est de constater que J.-P. D., qui a relevé appel du chef de jugement l'ayant débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts qui n'a pas fait l'objet de l'appel principal, est soumis aux délais d'appel institués par la loi ayant couru à compter de la signification du jugement du Tribunal du Travail ;

En l'occurrence, la société A. R. a formé appel le 18 mars 2002 à l'encontre de la décision du Tribunal du Travail, signifiée le 7 mars 2002, tandis que J.-P. D. n'a relevé appel que par conclusions du 14 mai 2002 ;

Il s'ensuit que la juridiction d'appel n'apparaît pas dès lors saisie par cet appel incident, interjeté hors délai et, comme tel, irrecevable ;

Dans le domaine des faits, il résulte des pièces versées aux débats que J.-P. D., alors directeur commercial auprès de la société anonyme monégasque CDC, a conclu avec A. C.-R. le 1er août 1995 une promesse synallagmatique portant sur la cession de la totalité des actions détenues par A. C.-R., sous conditions suspensives, et une convention d'actionnaires ;

Il a par ailleurs été embauché par la société anonyme monégasque A. R. en qualité de directeur chargé du développement à compter du 2 octobre 1995, en suite de la demande d'une autorisation d'embauche et de permis de travail du 29 septembre 1995, lequel a été délivré le 4 octobre suivant ;

Par courrier du 31 juillet 1996, J.-P. D. était licencié par la société anonyme monégasque A. R., pour « désaccord sur la stratégie commerciale de développement à suivre avec la Direction de la société et objectif non atteint » et dispensé de l'exécution de son préavis ;

Aux termes d'un premier document du 1er août 1996 institué « Convention de rupture », J.-P. D. renonçait à toutes réclamations et indemnités en contrepartie du règlement, par son employeur, d'une somme forfaitaire de 120 000 francs, tandis que par un second acte du même jour, les parties résiliaient la promesse synallagmatique de cessions d'actions sous conventions suspensives et la convention d'actionnaires précitées ;

Ainsi que l'ont énoncé liminairement les premiers juges, constitue un conflit du travail relevant de la compétence du Tribunal du Travail la violation, par le salarié, après la rupture de son contrat de travail, d'une clause de non concurrence incluse dans celui-ci ;

À défaut de stipulation d'une telle clause dans le contrat de travail, l'action en concurrence déloyale doit être engagée selon les règles générales de la responsabilité civile devant la juridiction de droit commun, dès lors que la compétence du Tribunal du Travail, juridiction d'exception, doit être sciemment entendue ;

Au soutien de son appel, la société A. R. invoque, en premier lieu, le caractère définitif des ordonnances de non lieu du juge d'instruction du 2 avril 2001, aux termes desquelles, selon cette société, la réalité d'un contrat de travail comportant une clause de non concurrence a été consacrée et ne peut plus être remise en cause désormais ;

En second lieu, la société A. R. soutient qu'il existe incontestablement une obligation de non concurrence liant les parties, dont ni la durée ni le domaine d'intervention ne peuvent être contestés ;

I - Sur les ordonnances de non lieu du juge d'instruction.

La société A. R. considère que les ordonnances dont s'agit ont été rendues sur le fondement des dispositions de l'article 215 du Code de procédure pénale ; ni la partie civile, ni le procureur général, en application des articles 227 et 228 dudit code n'ayant interjeté appel de ces ordonnances, celles-ci sont dès lors devenues définitives ;

Mais ainsi que l'a justement rappelé le Tribunal du travail dans son jugement, les ordonnances de non lieu ont un caractère provisoire et révocable en cas de survenance de charges nouvelles et n'ont en aucun cas l'autorité de chose jugée qui ne s'attache, au pénal, qu'aux décisions des juridictions de jugement définitives statuant sur le fond de l'action publique ;

Au surplus, contrairement à ce que soutient la société A. R., les termes de ces ordonnances ne permettent nullement de consacrer l'existence d'un contrat de travail écrit ayant été signé par J.-P. D. et son employeur ;

En conséquence l'on ne saurait tirer de l'analyse effectuée par le juge d'instruction au travers des deux ordonnances de non lieu du 2 avril 2001 la preuve de l'existence d'un contrat de travail écrit liant la société anonyme monégasque A. R. et J.-P. D. ;

II - Sur l'existence du contrat de travail et de la clause de non concurrence

Pour démontrer la réalité des engagements souscrits par J.-P. D. envers la société anonyme monégasque A. R., celle-ci excipe des dispositions contenues dans le document intitulé « convention de rupture d'une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, d'une convention d'actionnaires et d'un contrat de travail » en date du 1er août 1996 ;

Aux termes de ce document signé par J.-P. D., celui-ci a pris « également l'engagement, envers la société anonyme monégasque A. R., de respecter les clauses de non concurrence spécifiées dans son contrat de travail » ;

La convention d'actionnaires conclue le 1er août 1995, à laquelle se réfère l'appelante dispose en son article 1.6 a : « cependant, si la rupture de la relation de travail liant monsieur D à la société à l'initiative de l'employeur devait intervenir pendant la période d'essai prévue par le contrat de travail entre monsieur D et la société (...) » ;

Mais la référence explicite à un contrat de travail liant J.-P. D. à la société A. R. au travers de ces deux documents ne peut que confirmer ce qui n'a jamais été contesté, à savoir l'existence d'une relation de travail et de subordination entre ces deux parties ; en revanche, aucun élément ne permet de justifier de la réalité d'un document écrit comportant une clause de non concurrence valable ;

Ainsi, la société anonyme monégasque A. R. ne rapporte pas la preuve du contenu de la clause de non concurrence qui aurait été violée par J.-P. D., en sorte qu'aucune conséquence ne peut être tirée de l'engagement pris par ce salarié lors de la signature du document du 1er août 1996 précité ;

Il résulte de ce qui précède que faute pour J.-P. D. d'établir l'existence d'un engagement contractuel de non concurrence clair et précis quant à la période et au lieu concernés par un tel engagement, c'est à bon droit que le Tribunal du Travail s'est déclaré incompétent pour connaître d'une action en concurrence déloyale ressortissant à la compétence de la juridiction de droit commun ;

Il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 janvier 2002 ;

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que suivant jugement du 24 janvier 2002 auquel il y a lieu de se reporter, le Tribunal du Travail, dans l'instance opposant la société anonyme monégasque A. R. à son ancien employé J.-P. D.,

* s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en dommages-intérêts formée par la société A. R. à l'encontre de J.-P. D.,

* a renvoyé cette société à mieux se pourvoir,

* a débouté le salarié de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

* a condamné la société monégasque aux dépens ;

Que pour statuer ainsi, la juridiction du premier degré a considéré pour l'essentiel, que les actes de concurrence déloyale reprochés à J.-P. D. ont été commis après l'expiration du contrat de travail et que la preuve de l'existence d'un engagement contractuel de non concurrence clair et précis qui aurait été pris par le salarié n'a pas été rapportée par la société A. R. ;

Attendu que selon exploit du 18 mars 2002, la société anonyme monégasque A. R. a interjeté appel de cette décision, signifiée le 7 mars 2002, dont elle sollicite la réformation, et demande au Tribunal de première instance de condamner J.-P. D. à lui payer la somme de 1 274 895,46 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, outre intérêts de droit à compter du 14 octobre 1997, date de la saisine du Tribunal du Travail ;

Qu'au soutien de son appel, la société A. R. prétend que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'existence d'un contrat de travail écrit ayant lié les deux parties actuellement en litige ne fait aucun doute ;

Qu'elle observe que bien que J.-P. D. ait toujours soutenu n'avoir jamais signé de contrat de travail, il n'en demeure pas moins que la lecture du document intitulé « convention de rupture d'une promesse synallagmatique de cessions d'actions sous conditions suspensives, d'une convention d'actionnaires et d'un contrat de travail » daté du 1er août 1996 fait apparaître la mention suivante : « J.-P. D. a pris également l'engagement, envers la société anonyme monégasque A. R., de respecter les clauses de non concurrence spécifiées dans son contrat de travail » ;

Que selon l'employeur, l'analyse des quatre projets de contrats de travail révèle qu'une obligation de non concurrence n'a jamais été remise en cause par J.-P. D. ;

Que la société appelante se fonde sur les deux ordonnances de non lieu rendues par le magistrat instructeur le 2 avril 2001, - qui n'ont pas fait l'objet d'un appel et sont devenues définitives selon elle - à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par J.-P. D. pour faux et usage de faux à l'encontre de Madame C.-R. et son chef-comptable Monsieur M., aux termes desquelles ce magistrat aurait également conclu à l'existence d'un contrat de travail comportant une clause de non concurrence que la partie civile se serait engagée à respecter ;

Que s'agissant du contenu de la clause de non concurrence, l'examen des projets de contrat de travail démontrerait qu'in fine, J.-P. D. a, par les mentions manuscrites portées sur ces documents, entendu s'engager à ne pas concurrencer son ancien employeur pendant une durée minimum d'une année, l'interdiction de concurrence portant sur la vente directe par réunion de produits cosmétiques et diététiques ; Qu'ainsi, ni la durée de la clause, ni son domaine d'intervention ne sauraient être remis en cause ;

Attendu que par conclusions des 14 mai et 31 octobre 2002, J.-P. D. a sollicité la confirmation de la décision du Tribunal du travail en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de dommages-intérêts formée par la société A. R. ; Qu'il entend voir débouter en conséquence cette société de l'intégralité de ses demandes ;

Que J.-P. D. demande par ailleurs au Tribunal de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle, et conclut à la condamnation de la société A. R. à lui payer la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

Que J.-P. D. expose, pour l'essentiel :

* que l'ordonnance de non lieu rendue suite à sa plainte doit être analysée comme n'ayant pu attribuer à A. R. l'établissement d'un faux document, sans que pour autant il puisse être établi que le salarié est bien le signataire du document argué de faux, ce qu'il a toujours contesté ;

* qu'il n'y a jamais eu de contrat de travail signé par les parties, les pourparlers s'étant arrêtés à l'établissement des quatre projets établis par les conseils d'A. R. ;

* qu'A. R. a fait rédiger un contrat de travail postérieurement au départ de J.-P. D. et a prétendu que l'original signé par le salarié avait été volé dans le courant du dernier trimestre 1997 ;

* qu'il n'existe pas de clause de non concurrence qui lui serait opposable, dont le contenu n'est d'ailleurs pas précisé ;

* qu'il n'est nullement justifié que la perte financière invoquée par la société A. R. soit la conséquence directe et exclusive des faits qui lui sont reprochés ;

Sur ce :

Attendu que la société A. R. a régulièrement interjeté appel de la décision du Tribunal du Travail en ce que cette juridiction s'est déclarée incompétente pour connaître du litige ; Que l'appelante entend en effet voir J.-P. D. condamné à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait de la violation par cet ancien salarié de la clause de non concurrence qui le liait à cet employeur ;

Attendu que s'il est loisible à toute partie de relever appel incident par voies de conclusions prises à l'audience, force est de constater que J.-P. D., qui a relevé appel du chef du jugement l'ayant débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts qui n'a pas fait l'objet de l'appel principal, est soumis aux délais d'appel institués par la loi ayant couru à compter de la signification du jugement du Tribunal du Travail ;

Attendu qu'en l'occurrence, la société A. R. a formé appel le 18 mars 2002 à l'encontre de la décision du Tribunal du Travail, signifiée le 7 mars 2002, tandis que J.-P. D. n'a relevé appel incident que par conclusions du 14 mai 2002 ;

Qu'il s'ensuit que la juridiction d'appel n'apparaît pas dès lors saisie par cet appel incident, interjeté hors délai et, comme tel, irrecevable ;

Attendu, dans le domaine des faits, qu'il résulte des pièces versées aux débats que J.-P. D., alors directeur commercial auprès de la société anonyme monégasque CDC, a conclu avec A. C.-R. le 1er août 1995 une promesse synallagmatique portant sur la cession de la totalité des actions détenues par A. C.-R., sous conditions suspensives, et une convention d'actionnaires ;

Qu'il a par ailleurs été embauché par la société anonyme monégasque A. R. en qualité de directeur chargé du développement à compter du 2 octobre 1995, ensuite de la demande d'une autorisation d'embauche et de permis de travail du 29 septembre 1995, lequel a été délivré le 4 octobre suivant ;

Que par courrier du 31 juillet 1996, J.-P. D. était licencié par la société anonyme monégasque A. R., pour « désaccord sur la stratégie commerciale de développement à suivre avec la Direction de la société et objectif non atteint » et dispensé de l'exécution de son préavis ;

Qu'aux termes d'un premier document du 1er août 1996 intitulé « Convention de rupture », J.-P. D. renonçait à toutes réclamations et indemnités en contrepartie du règlement, par son employeur, d'une somme forfaitaire de 120 000 francs, tandis que par un second acte du même jour, les parties résiliaient la promesse synallagmatique de cessions d'actions sous conventions suspensives et la convention d'actionnaires précitées ;

Attendu qu'ainsi que l'ont énoncé liminairement les premiers juges, constitue un conflit du travail relevant de la compétence du Tribunal du Travail la violation, par le salarié, après la rupture de son contrat de travail, d'une clause de non concurrence incluse dans celui-ci ;

Qu'à défaut de stipulation d'une telle clause dans le contrat de travail, l'action en concurrence déloyale doit être engagée selon les règles générales de la responsabilité civile devant la juridiction de droit commun, dès lors que la compétence du Tribunal du Travail, juridiction d'exception, doit être strictement entendue ;

Attendu qu'au soutien de son appel, la société A. R. invoque, en premier lieu, le caractère définitif des ordonnances de non lieu du juge d'instruction du 2 avril 2001, aux termes desquelles, selon cette société, la réalité d'un contrat de travail comportant une clause de non concurrence a été consacrée et ne peut plus être remise en cause désormais ;

Qu'en second lieu, la société A. R. soutient qu'il existe incontestablement une obligation de non concurrence liant les parties, dont ni la durée ni le domaine d'intervention ne peuvent être contestés ;

I - Sur les ordonnances de non lieu du juge d'instruction

Attendu que la société A. R. considère que les ordonnances dont s'agit ont été rendues sur le fondement des dispositions de l'article 215 du Code de procédure pénale ; Que ni la partie civile, ni le procureur général, en application des articles 227 et 228 dudit code n'ayant interjeté appel de ces ordonnances, celles-ci sont dès lors devenues définitives ;

Mais attendu qu'ainsi que l'a justement rappelé le Tribunal du Travail dans son jugement, les ordonnances de non lieu ont un caractère provisoire et révocable en cas de survenance de charges nouvelles et n'ont en aucun cas l'autorité de chose jugée qui ne s'attache, au pénal, qu'aux décisions des juridictions de jugement définitives statuant sur le fond de l'action publique ;

Attendu, au surplus, que contrairement à ce que soutient la société A. R., les termes de ces ordonnances ne permettent nullement de consacrer l'existence d'un contrat de travail écrit ayant été signé par J.-P. D. et son employeur ;

Attendu en effet que l'objet de la plainte avec constitution de partie civile déposée par J.-P. D. étant de rechercher l'auteur de la signature portée sur le document intitulé contrat de travail et daté du 2 octobre 1995, le juge d'instruction a, dans les motifs de ses ordonnances du 2 avril 2001, expressément mentionné qu'à supposer que l'exemplaire du contrat de travail présenté en justice soit un faux, ce qui était loin d'être formellement établi, il n'a pas été cependant possible d'en identifier l'auteur ; Qu'en outre, ce magistrat faisait observer, comme résultant des éléments de l'information, que plusieurs exemplaires ou projets de ces contrats avaient été rédigés, sans que l'on sache si l'un d'entre eux avait finalement été signé par les parties et le cas échéant lequel ;

Que d'ailleurs, interrogée par sommation interpellative et pendant la procédure d'instruction, la secrétaire I. a déclaré avoir dactylographié le contrat de travail litigieux du 2 octobre 1995 au cours du quatrième trimestre de l'année 1996 ;

Attendu, en outre, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, force est de constater que le contrat argué de faux du 2 octobre 1995 comporte des omissions substantielles notamment quant au montant de la rémunération du salarié, ainsi que des mentions en contradiction flagrante avec la volonté exprimée par les parties au fur et à mesure de la rédaction des quatre projets de contrat de travail précédemment établis ;

Attendu en conséquence que l'on ne saurait tirer de l'analyse effectuée par le juge d'instruction au travers des deux ordonnances de non lieu du 2 avril 2001 la preuve de l'existence d'un contrat de travail écrit liant la société anonyme monégasque A. R. et J.-P. D. ;

II - Sur l'existence du contrat de travail et de la clause de non concurrence

Attendu que pour démontrer la réalité des engagements souscrits par J.-P. D. envers la société anonyme monégasque A. R., celle-ci excipe des dispositions contenues dans le document intitulé « convention de rupture d'une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, d'une convention d'actionnaires et d'un contrat de travail » en date du 1er août 1996 ;

Attendu qu'aux termes de ce document signé par J.-P. D., celui-ci a pris « également l'engagement, envers la société anonyme monégasque A. R., de respecter les clauses de non concurrence spécifiées dans son contrat de travail » ;

Que la convention d'actionnaires conclue le 1er août 1995, à laquelle se réfère l'appelante dispose en son article 1.6 a : « cependant, si la rupture de la relation de travail liant monsieur D à la société à l'initiative de l'employeur devait intervenir pendant la période d'essai prévue par le contrat de travail entre monsieur D et la société (...) » ;

Mais attendu que la référence explicite à un contrat de travail liant J.-P. D. à la société A. R. au travers de ces deux documents ne peut que confirmer ce qui n'a jamais été contesté, à savoir l'existence d'une relation de travail et de subordination entre ces deux parties ; Qu'en revanche, aucun élément ne permet de justifier de la réalité d'un document écrit comportant une clause de non concurrence valable ;

Attendu en effet que la lecture des quatre projets de contrats de travail établis par les conseils d'A. C.-R. font apparaître que si le principe d'une obligation de non concurrence mise à la charge de J.-P. D. a bien été retenu, force est de constater, au vu des nombreuses annotations manuscrites contenues en marge des différents projets, que les parties n'ont pas réussi à s'accorder tant sur la durée de l'interdiction de concurrence que sur la zone géographique et le domaine d'activités couverts ;

Qu'ainsi, la société anonyme monégasque A. R. ne rapporte pas la preuve du contenu de la clause de non concurrence qui aurait été violée par J.-P. D., en sorte qu'aucune conséquence ne peut être tirée de l'engagement pris par ce salarié lors de la signature du document du 1er août 1996 précité ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que faute pour J.-P. D. d'établir l'existence d'un engagement contractuel de non concurrence clair et précis quant à la période et au lieu concernés par un tel engagement, c'est à bon droit que le Tribunal du Travail s'est déclaré incompétent pour connaître d'une action en concurrence déloyale ressortissant à la compétence de la juridiction de droit commun ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 janvier 2002 ;

Et attendu que les dépens d'appel doivent rester à la charge de la société A. R., qui succombe, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

_________________________

Tribunal du Travail

Audience du 24 janvier 2002

Désireux d'acquérir une entreprise commerciale, J.-P. D., qui occupait alors un emploi de Directeur Commercial auprès de la Sam CDC, a conclu après de longs pourparlers avec Madame C.-R. le 1er août 1995 d'une part une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, et d'autre part une convention d'actionnaires.

Parallèlement à ces deux conventions, J.-P. D. a par ailleurs été embauché par la Sam A. R. aux termes d'une autorisation d'embauche et permis de travail en date du 27 septembre 1995 faisant suite à une offre d'emploi du 13 septembre 1995, en qualité de Directeur chargé du développement, moyennant un salaire brut mensuel de 28 289,00 F pour quarante cinq heures hebdomadaire de travail, la date d'entrée en fonction étant fixée au 2 octobre 1995 avec une période d'essai de six mois.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 juillet 1996, Madame C.-R. a adressé à J.-P. D. la copie d'un projet de protocole et offre d'achat de la totalité des actions de la Sam A. R. par Messieurs D. et F., mettant ainsi fin aux engagements souscrits quelques mois auparavant avec J.-P. D..

L'embauche de J.-P. D. n'ayant été que l'accessoire de la convention d'actionnaires et de la promesse de cession d'actions, les parties mettaient fin à l'ensemble de leurs conventions.

J.-P. D. était en conséquence licencié le 31 juillet 1996 par la Sam A. R. pour « désaccord sur la stratégie commerciale de développement à suivre avec la Direction de la société et objectif non atteint », et dispensé de l'exécution de son préavis.

Aux termes d'un document intitulé « Convention de rupture » en date du 1er août 1996, J.-P. D., en contrepartie du règlement par la Sam A. R. d'une somme forfaitaire et définitive de 120 000,00 F, renonçait à toutes réclamations et indemnités.

Par un second acte du même jour conclu entre Madame C.-R. et J.-P. D., les parties résiliaient par ailleurs la promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives et la Convention d'actionnaires susvisée, J.-P. D. s'engageant en outre, aux termes de ce document, d'une part à ne formuler aucune réclamation au titre d'une indemnité quelconque en relation avec son contrat de travail et d'autre part « à respecter les clauses de non concurrence spécifiées dans ledit contrat ».

Soutenant que J.-P. D. avait délibérément violé la clause de non concurrence à laquelle il était contractuellement tenu en créant, deux mois après son départ, une société concurrente dénommée Or et Ambre dont l'activité, la méthode et les produits vendus se sont avérés rigoureusement identiques à ceux de son ancien employeur, et dont le siège social se situe à Antibes, la Sam A. R., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 17 novembre 1997, a attrait ce dernier devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 8 362 766,00 F, à titre de dommages et intérêts.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont comparu par leurs conseils respectifs.

Puis, après de nombreux renvois intervenus à la demande des avocats, en raison notamment de l'instance pénale parallèlement introduite par J.-P. D. devant le Premier Juge d'Instruction, l'affaire a été contradictoirement débattue le 15 novembre 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé, après prorogation, ce jour 24 janvier 2002.

La Sam A. R. expose à l'appui de ses prétentions que l'ensemble des documents versés par ses soins aux débats, auxquels s'ajoutent désormais divers éléments recueillis dans le cadre de l'enquête effectuée auprès du personnel de la société par les services de Police Judiciaire, à la demande du Magistrat Instructeur (déposition de Mesdames M., V., S.) démontrent, sans la moindre ambiguïté possible, que J.-P. D. a, de façon délibérée, bafoué ses engagements contractuels et véritablement spolié la force de vente de la Sam A. R.

Elle fait valoir à cet effet que J.-P. D. a directement participé à la création d'une société située à Antibes dénommée Or et Ambre, immatriculée au répertoire du commerce le 31 octobre 1996, dont l'activité, la méthode de vente et les produits se sont avérés rigoureusement identiques à ceux de son ancien employeur.

Elle prétend par ailleurs que ce dernier s'est livré, après son départ de ladite société, à un véritablement détournement de la clientèle et du personnel de la Sam A. R. ; Qu'ainsi les quatre salariées avant le statut de VRP qui occupaient la fonction de manager et qui avaient réalisé à elles seules près de 10 millions de francs de chiffre d'affaires au cours de l'exercice 1995/1996 ont démissionné massivement le même jour, le 31 octobre 1996, pour rejoindre aussitôt, suivies par leurs équipes de vente (soit quarante deux personnes entre le 31 octobre et le 15 décembre 1996) les effectifs de la société Or et Ambre.

Soutenant que cette concurrence interdite et déloyale exercée par J.-P. D. a entraîné pour elle un préjudice considérable, lequel s'est concrètement traduit :

* par une diminution de plus de 60 % de ses effectifs depuis le mois d'octobre 1996,

* par une chute de 45,33 % du chiffre d'affaires entre le mois d'octobre 1996 et celui de septembre 1997,

* par un résultat déficitaire de 603 490,00 F, à l'expiration de cet exercice,

* par une perte de marge brute s'élevant pour la même période d'octobre 1996 à septembre 1997 à la somme de 8 362 766,00 F, elle demande au Tribunal du Travail, dans le dernier état de ses écritures, de condamner son ancien salarié à lui payer à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi la somme de 8 362 766,00 F, outre celle de 150 000,00 F, à titre de dédommagement des frais engagés dans le cadre de la présente instance.

Après avoir soulevé in limine litis l'incompétence ratione materiae du Tribunal du Travail au profit du Tribunal de Grande Instance de Grasse, J.-P. D. conclut à titre principal à l'irrecevabilité des demandes introduites à son encontre par la Sam A. R. et à titre subsidiaire au débouté pur et simple de cette dernière.

Il demande en outre à titre reconventionnel que le caractère « abusif et vexatoire » de la procédure diligentée à l'initiative de la Sam A. R. soit sanctionné par l'allocation à son profit d'une somme de 100 000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

Il indique à cette fin, en substance, les moyens de droit et de fait suivants :

Sur l'irrecevabilité :

En sollicitant sa condamnation non seulement pour violation d'une clause de non concurrence qui serait contenue dans le contrat de travail mais également pour agissements de concurrence déloyale, la Sam A. R. a modifié le fondement de son action.

Dès lors que cette nouvelle demande n'a jamais été soumise au préliminaire de conciliation, elle doit être déclarée irrecevable.

sur l'exception d'incompétence :

Le Tribunal du Travail, qui ne peut connaître que des conséquences qui découlent d'une relation de travail, n'a pas compétence pour connaître d'une action en concurrence déloyale, laquelle relève de la juridiction de droit commun, de sorte qu'en l'espèce seul le Tribunal de Grande Instance de Grasse est compétent ratione materiae et ratione loci pour traiter le présent litige.

au fond

a) sur l'existence d'un contrat de travail stipulant une clause de non concurrence

* il n'a jamais existé entre lui même et Madame A. R. de contrat de travail écrit et signé, les pourparlers entre les parties s'étant limité à l'établissement de quatre projets établis par la société Capital et Stratégie, conseil à Madame A. R., en l'état du refus de cette dernière de modifier le contenu de la clause de non concurrence spécifiée dans ces divers documents,

* en effet, si les parties ont toujours été d'accord sur le principe d'une clause de non concurrence elles ne sont en revanche jamais parvenues à s'entendre sur sa durée et surtout sur son étendue géographique,

* le document versé aux débats par la Sam A. R., dont il conteste formellement être le signataire et qui a été établi par Madame A. R. après son départ de l'entreprise sur la base des projets susvisés, doit être écarté des débats,

* en tout état de cause le fait que la plainte déposée à l'encontre de Madame A. R. ait abouti à une ordonnance de non lieu ne constituant pas la preuve de l'existence du contrat de travail et surtout de la clause de non concurrence, objet du présent litige, ce document ne peut servir de fondement à l'action diligentée par la Sam A. R.

b) sur les agissements de concurrence déloyale

* les pièces produites aux débats par la société demanderesse ne constituent nullement la preuve des agissements de concurrence déloyale qui lui sont imputés, les prétendus témoins qui sont tous en contact avec Madame C.-R. s'étant contentés de répéter ce qui leur était demandé, par pure complaisance,

* le jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse dont se prévaut la Sam A. R. qui a été rendu à son insu et qui contient de « fausses énonciations » ne lui est pas opposable dès lors qu'il n'y était pas partie.

c) sur le quantum du préjudice

* le préjudice, dont la Sam A. R. sollicite aujourd'hui l'indemnisation, a d'ores et déjà été réparé par les sommes qui lui ont été allouées à ce titre par le jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse ainsi que par les condamnations obtenues de certaines revendeuses pour les mêmes faits de concurrence,

* il n'est pas démontré en tout état de cause de façon préemptoire que la perte invoquée par la Sam A. R. soit la conséquence directe et exclusive des arguments qui lui sont reprochés.

La Sam A. R. fait valoir en réplique à ces divers moyens, les arguments suivants :

* sur l'exception d'incompétence

Cette exception n'est pas fondée et doit être rejetée, dès lors que la juridiction du travail bénéficie d'une compétence exclusive, qu'il s'agisse de la violation par le salarié de la clause de non concurrence dont il est débiteur ou d'actes de concurrence déloyale, connexes à celle-ci.

* sur l'irrecevabilité

Si la violation par J.-P. D. de la clause de non concurrence dont ce dernier est débiteur envers la Sam A. R., constitue certes le fondement de la demande en justice introduite par ses soins, il n'en demeure pas moins que les actes de concurrence déloyale imputés à ce dernier font partie intégrante de la violation de cette clause.

Dès lors qu'il est impossible d'opérer une distinction entre la violation, en elle-même, de la clause de non concurrence et les actes de concurrence déloyale qui en résultent, l'exception d'irrecevabilité soulevée par J.-P. D. n'est pas fondée et doit dès lors être rejetée.

Sur l'existence du contrat de travail et de la clause de non concurrence

* les deux ordonnances de non lieu, qui n'ont fait l'objet d'aucun recours, étant aujourd'hui revêtues de l'autorité de la chose jugée et s'imposant de plein droit au Tribunal du Travail, J.-P. D. doit être débouté de sa demande tendant à voir rejeter des débats le contrat de travail le concernant,

* les annotations manuscrites, qui figurent en marge, des quatre projets produits aux débats par J.-P. D., confirment que ce dernier avait soigneusement préparé la signature de son contrat de travail et en particulier étudié et discuté les termes de son engagement de non concurrence,

* en s'engageant expressément, dans un document intitulé « convention de rupture d'une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, d'une convention d'actionnaires et d'un contrat de travail », dont il n'a jamais contesté l'authenticité, à respecter les clauses de non concurrence spécifiées dans son contrat de travail, J.-P. D. a implicitement mais nécessairement reconnu d'une part que ce contrat de travail existait bien et d'autre part qu'il comportait bien de telles clauses.

Sur la violation de la clause de non concurrence et ses conséquences

Le bénéfice d'une société s'appréciant, en Principauté de Monaco, avant la rémunération de l'administrateur, les comptes annuels pour les exercices 1995 à 2000 versés aux débats établissent, de façon incontestable, l'existence et l'ampleur du préjudice subi.

Sur ce :

Il résulte des pièces versées aux débats que J.-P. D., qui avait été embauché à effet du 2 octobre 1995 par la Sam A. R. en qualité de directeur chargé du développement, a été licencié de cet emploi le 31 juillet 1996 et dispensé par son employeur de l'exécution de son préavis.

Les actes de concurrence déloyale invoqués par la Sam A. R., qu'il s'agisse de la participation de J.-P. D. à la création de la SA Or et Ambre, du débauchage massif de la quasi totalité de sa force de vente ou enfin du détournement de sa clientèle, étant tous postérieurs à la rupture du contrat de travail de l'intéressé, la demande en dommages et intérêts formée par cette société ne constitue un conflit du travail relevant de la compétence du Tribunal du Travail que si le contrat de travail du salarié concerné comporte une clause de non concurrence.

À défaut de stipulation d'une telle clause, l'employeur doit en effet engager une action en concurrence déloyale, sur le fondement des règles générales de la responsabilité civile délictuelle, devant la juridiction de droit commun.

Pour démontrer l'existence de l'obligation de non concurrence souscrite à son égard par J.-P. D., la Sam A. R. verse en l'espèce aux débats :

* la copie (l'original ayant été perdu ou volé) d'un contrat de travail daté du 2 octobre 1995, comportant en son article 7 une clause de non concurrence, dont elle estime que l'authenticité aurait été définitivement consacrée, en vertu du principe de l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil, par les deux ordonnances de non lieu rendues le 2 avril 2001 par le Juge d'Instruction en faveur de Madame A. R. et Monsieur M.

* l'original d'un document intitulé convention de rupture d'une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, d'une Convention d'actionnaires et d'un contrat de travail, daté du 1er août 1996, aux termes duquel J.-P. D. a pris « l'engagement envers la Sam A. R. de respecter les clauses (sic) de non concurrence spécifiées dans son contrat de travail ».

Il est constant, en droit, que l'autorité de la chose jugée au pénal qui ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement définitives et statuant sur le fond de l'action publique, n'appartient pas aux ordonnances de non lieu, lesquelles sont provisoires et révocables en cas de survenance de charges nouvelles ; qu'en conséquence, de telles décisions, quels qu'en soient les motifs en fait, ne peuvent exercer aucune influence sur l'action portée devant les Tribunaux Civils.

La Sam A. R. ne peut donc éluder le débat sur l'authenticité du contrat de travail versé aux débats en se retranchant derrière les décisions de non lieu rendues le 2 avril 2001 par le Magistrat Instructeur.

À supposer même que ces deux ordonnances bénéficient de l'autorité de chose jugée, cette autorité ne s'attache, en tout état de cause, qu'au dispositif de la décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire.

En l'espèce, dès lors que le Magistrat Instructeur, dans les motifs de son ordonnance, n'a nullement consacré l'authenticité du document argué de faux par J.-P. D. mais seulement relevé :

* que plusieurs exemplaires ou projets de contrat de travail avaient été rédigés sans que l'on sache si l'un d'entre eux avait finalement été signé par les parties et le cas échéant lequel,

* qu'en admettant que l'exemplaire du contrat de travail présenté en justice soit un faux, ce qui était loin d'être formellement établi, il n'avait pas été possible d'en identifier l'auteur.

Le Tribunal du Travail, conserve son entière liberté d'appréciation.

Force est de constater en l'espèce que l'avis technique fourni à partir de constatations d'ordre matériel par l'expert en vérification d'écriture se trouve conforté en tous points d'une part par la présence, dans le contrat du 2 octobre 1995, d'anomalies ou d'omissions conséquentes, voire même substantielles, et d'autre part et surtout par la contradiction flagrante existant entre le contenu de ce document et la volonté exprimée par les parties, telle qu'elle ressort des quatre projets précédemment établis.

Ainsi, alors que le versement d'un salaire en contrepartie de la prestation de travail constitue avec le lien de subordination l'un des critères essentiels et décisifs du contrat de travail, il apparaît pour le moins étonnant que le document versé aux débats par la Sam A. R. ne comporte pas l'indication du montant de la rémunération servie à J.-P. D.

Par ailleurs, alors qu'au cours de leurs pourparlers (dès le troisième projet établi par la société Capital et Stratégie conseil de la Sam A. R.), les parties s'étaient mises d'accord d'une part pour ramener à un an la durée de la clause de non concurrence et d'autre part pour limiter son champ d'application au seul domaine de la vente directe par réunions de produits cosmétiques et diététiques, le contrat argué de faux par J.-P. D. reprend très curieusement, sans qu'aucune explication plausible ait été fournie sur ces points, les conditions posées par le premier projet, au tout début des négociations, à savoir :

* une durée de trois années à compter de la cessation du contrat,

* un domaine d'application couvrant la diffusion par la vente directe ou non, l'achat, la vente, la commission, le courtage, l'importation et l'exportation de tous produits de beauté et cosmétique se rapportant généralement à l'esthétique et à la parure féminine et masculine.

Compte tenu au surplus des déclarations précises effectuées par Madame I., sur sommation interpellative, et réitérées au cours de la procédure d'information, selon lesquelles cette dernière a indiqué avoir dactylographié le contrat de travail litigieux daté du 2 octobre 1995 au cours du quatrième trimestre de l'année 1996, ce document, dont l'authenticité apparaît en définitive pour le moins contestable, ne peut servir de fondement à une action en responsabilité contractuelle et doit donc être rejeté des débats.

L'analyse des quatre projets de contrats susvisés révélant enfin que le principe d'une obligation de non concurrence n'a jamais été remis en cause par les parties, qui n'ont en revanche pas réussi à s'entendre sur les modalités concrètes d'application d'une telle obligation (durée de l'interdiction, champ d'application géographique, domaines d'activités couverts) aucune conséquence précise, quant au contenu de la ou des clauses souscrites, ne peut être tirée de l'engagement pris par J.-P. D. dans l'acte sous seing privé du 1er août 1996.

Dès lors ainsi en définitive d'une part que les actes de concurrence déloyale reprochés à J.-P. D. ont été commis après l'expiration du contrat de travail, d'autre part que la preuve de l'existence d'un engagement contractuel de non concurrence clair et précis pris par l'intéressé n'a pas été rapportée par la Sam A. R., le Tribunal du Travail n'est pas compétent pour connaître du présent litige, qui doit être porté devant la juridiction de droit commun.

Le caractère abusif et vexatoire de la procédure engagée par la Sam A. R. à l'encontre de J.-P. D. n'étant pas démontré, la demande de dommages-intérêts formée par ce dernier ne pourra qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal du Travail,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort, après en avoir délibéré.

Se déclare incompétent pour connaître de la demande en dommages et intérêts formée par la Société Anonyme Monégasque A. R., à l'encontre de J.-P. D.

Renvoie la Société Anonyme Monégasque A. R. à mieux se pourvoir.

Déboute J.-P. D. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

_________________________

Mme Coulet-Castaldi, juge de paix, prés. ; MM. Wolzok, Désidéri, membres patrons, MM. Tardeto, Somar, membres salariés ; Mes Pasquier, Karczag-Mencarelli, av. déf., Riffaud-Loriguespe, av. bar. de Nice.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux des premiers juges :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du Travail,

Déclare recevable l'appel principal et irrecevable l'appel incident ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 janvier 2002 par le Tribunal du Travail ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pasquier-Ciulla, Karczag-Mencarelli, av. déf. ; Riffaud-Longuespé, av. bar. de Grasse ; Cohen, av. bar. de Nice.

Note

Cette décision confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 janvier 2002 par le Tribunal du Travail et publié à la suite du présent jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27033
Date de la décision : 03/04/2003

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : Sté A. R.
Défendeurs : D.

Références :

article 231 du Code de procédure civile
ordonnances du 2 avril 2001
article 215 du Code de procédure pénale


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2003-04-03;27033 ?

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