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13/03/2003 | MONACO | N°27032

Monaco | Tribunal de première instance, 13 mars 2003, SAM Silvatrim c/ C.


Abstract

Contrat de travail

Licenciement - Travailleur victime d'un accident de travail - Droit de rupture pour l'employeur à l'expiration d'une période légale de suspension de 6 mois - Inaptitude partielle et temporaire non constitutive d'un motif valable - Caractère abusif du licenciement : brutalité et légèreté dans l'exercice du droit de rupture

Résumé

L'appel, qui apparaît avoir été régulièrement formé, doit être déclaré recevable ;

Sur le fond du litige, il ressort des éléments de la cause que Y. C. a été embauché le 3 mars 1986

en qualité d'extrudeur ;

Il a été licencié de cet emploi le 13 juin 2000, la rupture du contrat de t...

Abstract

Contrat de travail

Licenciement - Travailleur victime d'un accident de travail - Droit de rupture pour l'employeur à l'expiration d'une période légale de suspension de 6 mois - Inaptitude partielle et temporaire non constitutive d'un motif valable - Caractère abusif du licenciement : brutalité et légèreté dans l'exercice du droit de rupture

Résumé

L'appel, qui apparaît avoir été régulièrement formé, doit être déclaré recevable ;

Sur le fond du litige, il ressort des éléments de la cause que Y. C. a été embauché le 3 mars 1986 en qualité d'extrudeur ;

Il a été licencié de cet emploi le 13 juin 2000, la rupture du contrat de travail reposant sur un motif unique tiré de l'inaptitude partielle du salarié à accomplir le travail effectué dans les ateliers de l'usine ;

L'employeur, dans la présente instance, a fait valoir un second motif au soutien de cette mesure de licenciement, tiré de l'application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 729 ;

1° - Quant à la validité du motif de licenciement

En droit, il est communément admis, du fait de l'absence d'obligation de motivation du licenciement par l'employeur, que le motif de la rupture exprimé dans la lettre de licenciement n'est pas exclusif de l'allégation ultérieure d'un nouveau motif par l'employeur ;

En l'espèce, le Tribunal se doit donc d'analyser l'ensemble des motifs invoqués, alors même que celui tiré de l'interruption du contrat de travail pendant une durée supérieure à 6 mois (article 16 précité) n'avait été invoqué ni dans la lettre de rupture, ni devant les premiers juges ; qu'il convient ou outre de relever que l'application de cet article n'étant soumise à aucun délai ni condition, la société Silvatrim apparaît recevable à s'en prévaloir ;

Toutefois, sur le bien fondé de ce motif :

• En application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail est suspendu pendant une durée limitée à six mois en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constatés,

• Il est établi à ce titre que l'employeur qui entend, à l'expiration de la période de suspension prévue par ledit article, procéder au licenciement d'un salarié doit justifier d'un motif valable de rupture, la seule invocation de la durée de la rupture ne constituant pas en elle-même un tel motif ;

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu dès lors de déterminer si la deuxième cause invoquée au soutien de la rupture peut constituer ce motif valable au sens de la loi ;

En l'espèce, il est constant et non contesté par les parties que Y. C. a été victime d'un accident du travail survenu le 4 janvier 1999, au cours duquel il a subi, lors d'un mouvement de force, une rupture du tendon du biceps brachial droit ayant entraîné une absence totale de 518 jours consécutifs ;

Le 5 juin 2000, il a été déclaré « apte à la reprise sans port de charges supérieures à 5 kilos pour trois mois » par le médecin du travail, le docteur R. ;

Le droit de rompre le contrat de travail le liant à un salarié inapte au travail est reconnu à l'employeur ;

Celui-ci doit toutefois établir qu'au moment du licenciement, le salarié n'était pas apte à assurer normalement et pleinement les fonctions pour lesquelles il avait été embauché ; dans le cas présent, cette inaptitude s'étend non seulement à l'activité d'extrudeur mais encore, dans la mesure où l'employeur l'a visé expressément dans sa lettre de rupture, à « tout travail effectué dans nos ateliers » ;

En outre, il est manifeste qu'en l'espèce, l'inaptitude présentée par le salarié revêtait une double limitation dans le sens qu'elle avait un caractère temporaire (trois mois) et partiel (pas de port de charges de plus de 5 kilos) ;

En l'état de ces limitations, il appartient à l'employeur d'établir que cette inaptitude mettait Y. C. dans l'impossibilité physique d'exercer en tout ou partie une quelconque activité au sein des ateliers de la société Silvatrim ; qu'à ce titre, cette dernière n'a jamais défini de manière précise le poste d'extrudeur et les contraintes qu'il imposait, étant au surplus observé que l'accident du travail est survenu à la suite d'un mouvement de force et non du fait du port de lourdes charges ; pas davantage elle n'a donné la liste des postes de travail dans les ateliers et les conditions de travail qu'ils nécessitaient ;

Force est donc de constater que l'appelante ne démontre pas, en l'état des éléments versés aux débats, que Y. C. n'était plus en mesure physiquement de reprendre son activité d'extrudeur, ou à défaut une activité quelconque dans les ateliers, en l'état de son inaptitude partielle et temporaire ; les premiers juges ont en outre relevé que ce salarié avait été victime d'un incident antérieur exactement similaire en 1998, ayant affecté le biceps branchial gauche sans incidence professionnelle définitive ;

Il s'ensuit qu'en invoquant, dans sa lettre du 13 juin 2000, que l'état de santé de son employé ne lui permettait plus d'occuper son emploi, la société Silvatrim n'a pas justifié ce faisant d'un motif valable de licenciement ;

Il y a donc lieu de confirmer la décision du Tribunal du travail sur ce point et en ce qu'il a estimé que Y. C. était en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 s'élevant à la somme de 2 154,62 euros, montant au demeurant non remis en cause par les parties ;

2° - Quant à la rupture abusive alléguée

S'agissant du droit de Y. C. à prétendre à l'allocation des dommages-intérêts prévue par l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 au bénéfice des salariés victimes d'une rupture abusive de leur contrat, il y a lieu de déterminer si ce salarié rapporte la preuve du préjudice subi et de l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre un terme au contrat, laquelle peut consister dans l'allégation d'un faux motif ou dans la légèreté blâmable avec laquelle le licenciement est intervenu ;

Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la société Silvatrim a fait preuve d'une brutalité et d'une légèreté dans l'exercice de son droit de rupture qui confèrent au licenciement un caractère abusif en l'état notamment de la rapidité avec laquelle la décision a été prise, à l'égard d'un salarié justifiant au demeurant d'une importante ancienneté (mise en œuvre de la procédure dès le lendemain de la reprise du travail) et alors que la restriction d'aptitude médicalement constatée se trouvait limitée en pratique à deux mois, du fait de la fermeture de l'usine, durée correspondant aux deux mois de préavis que le salarié a été dispensé d'effectuer par l'employeur ;

Il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du travail le 10 janvier 2002, la somme de 38 000 euros allouée à titre de dommages-intérêts n'ayant pas été discutée dans son montant par la société Silvatrim et apparaissant au demeurant justifiée par les circonstances de la cause telles que relevées par les premiers juges.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que statuant dans l'instance opposant Y. C. à la société anonyme monégasque dénommée Silvatrim, le Tribunal du travail, par jugement du 10 janvier 2002 auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause, a :

• dit que le licenciement de Y. C. a été mis en œuvre pour un motif non valable,

• dit en outre qu'il revêt un caractère abusif,

• condamné en conséquence la société anonyme monégasque Silvatrim à payer à Y. C. les sommes suivantes :

* 2 154,62 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 38 000 euros à titre de dommages-intérêts,

avec intérêts aux taux légal à compter dudit jugement ;

Attendu que suivant exploit en date du 12 février 2002, la société anonyme monégasque Silvatrim a relevé appel de ce jugement, signifié le 4 février 2002, aux fins de :

• voir infirmer en totalité la décision entreprise, et ce faisant,

• dire et juger que la rupture du contrat de travail est fondée sur un motif valable,

• dire n'y avoir lieu en conséquence au versement de l'indemnité de licenciement ni à réparation sous forme de dommages-intérêts ;

Qu'au soutien de son appel, la demanderesse expose :

• que la rupture des relations de travail n'est intervenue que lorsqu'elle a été en mesure de réaliser que l'aptitude partielle du salarié ne pouvait être compatible avec aucun poste de travail dans l'usine,

• que le Tribunal du Travail a à tort estimé que la rupture n'était pas fondée sur un motif valable que la loi considérait pourtant comme légitime depuis plus de 6 mois, par référence aux dispositions de l'article 16 de la loi 729 du 16 mars 1963 admettant la rupture du contrat de travail après six mois de suspension médicalement motivée,

• que l'employeur n'est nullement soumis à une obligation de reclassement, selon une jurisprudence constante en principauté, de sorte que la rupture ne revêtait aucun caractère abusif,

• que l'application de l'article susvisé n'est nullement conditionnée à la constatation d'une inaptitude définitive du salarié,

• que l'impossibilité de Y. C. à manipuler des poids de plus de 5 kg ne pouvait être valablement caractérisée par les premiers juges « d'inaptitude de peu d'importance » au regard de la manipulation quotidienne, et à plusieurs reprises, de sacs ou containers de plus de 5 kg par les salariés de Silvatrim,

• qu'enfin et subsidiairement, elle estime n'avoir commis aucune faute en rompant le contrat de travail dès lors qu'elle a eu les plus grands égards à l'encontre de son salarié auquel elle avait proposé une solution lui garantissant un certain revenu, laquelle n'a échoué que du fait de l'inaptitude physique de ce dernier, alors au surplus qu'elle a agi dans le respect de la loi et de la jurisprudence établie ;

Attendu que Y. C., s'opposant formellement à ces demandes, a conclu à la confirmation du jugement entrepris du 10 janvier 2002 ;

Qu'il soutient à cet effet :

• que les premiers n'ont nullement méconnu les dispositions de l'article 16 de la loi 729 précitée dès lors que le licenciement du 15 juin 2000 était fondé sur l'inaptitude du salarié, motif qui en excluait l'application,

• que l'article susvisé ne dispense nullement l'employeur de justifier d'un motif valable de licenciement,

• que le Tribunal du travail n'a, dans sa décision, nullement créé une obligation de reclassement à la charge de la société Silvatrim, mais a au contraire établi qu'elle avait agi avec une légèreté blâmable dans son droit de rupture eu égard à la rapidité avec laquelle la décision avait été prise, à l'égard d'un salarié justifiant d'une importante ancienneté et dont le maintien n'aurait eu aucune incidence négative dès lors que la restriction d'aptitude se trouvait limitée dans les faits à deux mois (société fermée au mois d'août) correspondant aux deux mois de préavis non effectués ;

Attendu que par conclusions en date du 13 juin 2002, la société Silvatrim rétorque que la loi monégasque n'exigeant pas la motivation du motif de licenciement dans la lettre de rupture, une jurisprudence constante ouvre la faculté de ne as enfermer le motif de licenciement dans ce qui est explicité dans la lettre de licenciement ;

Qu'elle ajoute :

• que la légitimité de la rupture, en référence à l'article 16 de la loi 729, n'est soumise qu'à la seule vérification d'une interruption de travail supérieure à une durée de 6 mois, ce qui correspond au cas de l'espèce et justifie la mesure de licenciement,

• que l'aptitude temporairement réduite ne fait échec ni à une rupture pour ce motif, ni à une rupture dans le cas de suspension supérieure à six mois ;

Qu'elle reproche enfin aux premiers juges d'avoir fondé leur décision sur des raisonnements d'exception en contradiction avec la loi et la jurisprudence (droit au maintien du salarié en méconnaissance des dispositions de l'article 16 de la loi 729, création d'une obligation de reclassement) et considère qu'elle n'a commis aucun abus en exerçant son droit de rupture du contrat de travail ;

Attendu que Y. C. rappelle pour sa part les termes de l'accord du 16 juillet 1999 selon lequel l'employeur s'était engagé à ne pas user de la faculté offerte par l'article 16 de la loi 729 pendant une période déterminée (4 à 6 mois) pour affirmer que celui-ci ne pouvait désormais plus prétendre, en l'état de cette renonciation, à l'usage de cette faculté ;

Qu'en outre, il relève que son licenciement n'a jamais été motivé par l'interruption de travail de plus de six mois mais par l'avis d'inaptitude temporaire partielle rendu par la médecine du travail le 5 juin 2000, en sorte que ne pourraient plus être appliquées les dispositions de l'article 16 précité ;

Qu'enfin, il ajoute que la juridiction du premier degré a tiré les conséquences des conditions de la rupture en lui allouant des dommages-intérêts sans pour autant avoir créé de ce fait une obligation de reclassement qui n'existe pas en droit positif, tout en relevant que son employeur n'a jamais justifié de la réalité de la prétendue inexistence de postes pouvant lui convenir en l'état de son inaptitude partielle ;

Attendu qu'en réponse, dans ses écrits du 20 novembre 2002, la société Silvatrim fait valoir :

• que l'article 16 de la loi 729 ne prévoit aucun délai ni aucune condition et encore moins une forclusion quant à l'usage du droit de rompre le contrat suspendu,

• que l'absence de réintégration de Y. C. dans un poste à un coefficient inférieur, telle que prévue dans l'accord du 16 juillet 1999, est due aux seuls avis médicaux, alors cependant qu'il n'existerait pas de poste au sein de l'usine compatible avec son aptitude, c'est-à-dire ne comportant pas de port de charges de plus de 5 kg, de sorte qu'elle n'a commis aucun abus lors de la rupture,

• que l'effet combiné de l'inaptitude à tout poste de travail et le dépassement de la durée de suspension du contrat caractérise un motif valable de licenciement ;

Attendu qu'enfin Y. C. a conclu une ultime fois le 18 décembre 2002 en arguant pour l'essentiel que les pièces du dossier faisaient ressortir que le Tribunal du travail avait à juste titre jugé que le motif invoqué du licenciement intervenu le 13 juin 2000 n'était pas valable et abusif et qu'il entendait voir confirmer la décision entreprise ;

Sur quoi :

Attendu que l'appel, qui apparaît avoir été régulièrement formé, doit être déclaré recevable ;

Attendu, sur le fond du litige, qu'il ressort des éléments de la cause que Y. C. a été embauché le 3 mars 1986 en qualité d'extrudeur ;

Qu'il a été licencié de cet emploi le 13 juin 2000, la rupture du contrat de travail reposant sur un motif unique tiré de l'inaptitude partielle du salarié à accomplir le travail effectué dans les ateliers de l'usine ;

Attendu que l'employeur, dans la présente instance, a fait valoir un second motif au soutien de cette mesure de licenciement, tiré de l'application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 729 ;

1° - Quant à la validité du motif de licenciement

Attendu, en droit, qu'il est communément admis, du fait de l'absence d'obligation de motivation du licenciement par l'employeur, que le motif de la rupture exprimé dans la lettre de licenciement n'est pas exclusif de l'allégation ultérieure d'un nouveau motif par l'employeur ;

Attendu en l'espèce que le Tribunal se doit donc d'analyser l'ensemble des motifs invoqués, alors même que celui tiré de l'interruption du contrat de travail pendant une durée supérieure à 6 mois (article 16 précité) n'avait été invoqué ni dans la lettre de rupture, ni devant les premiers juges ; qu'il convient en outre de relever que l'application de cet article n'étant soumise à aucun délai ni condition, la société Silvatrim apparaît recevable à s'en prévaloir ;

Attendu toutefois, sur le bien fondé de ce motif :

• qu'en application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail est suspendu pendant une durée limitée à six mois en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constatés,

• qu'il est établi à ce titre que l'employeur qui entend, à l'expiration de la période de suspension prévue par ledit article, procéder au licenciement d'un salarié doit justifier d'un motif valable de rupture, la seule invocation de la durée de la rupture ne constituant pas en elle-même un tel motif ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu dès lors de déterminer si la deuxième cause invoquée au soutien de la rupture peut constituer ce motif valable au sens de la loi ;

Attendu, en l'espèce, qu'il est constant et non contesté par les parties que Y. C. a été victime d'un accident du travail survenu le 4 janvier 1999, au cours duquel il a subi, lors d'un mouvement de force, une rupture du tendon du biceps branchial droit ayant entraîné une absence totale de 518 jours consécutifs ;

Que le 5 juin 2000, il a été déclaré « apte à la reprise sans port de charges supérieures à 5 kilos pour trois mois » par le médecin du travail, le docteur R. ;

Attendu que le droit de rompre le contrat de travail le liant à un salarié inapte au travail est reconnu à l'employeur ;

Que celui-ci doit toutefois établir qu'au moment du licenciement, le salarié n'était pas apte à assurer normalement et pleinement les fonctions pour lesquelles il avait été embauché ; que dans le cas présent, cette inaptitude s'étend non seulement à l'activité d'extrudeur mais encore, dans la mesure où l'employeur l'a visé expressément dans sa lettre de rupture, à « tout travail effectué dans nos ateliers » ;

Qu'en outre, il est manifeste qu'en l'espèce, l'inaptitude présentée par le salarié revêtait une double limitation dans le sens qu'elle avait un caractère temporaire (trois mois) et partiel (pas de port de charges de plus de 5 kilos) ;

Attendu qu'en l'état de ces limitations, il appartient à l'employeur d'établir que cette inaptitude mettait Y. C. dans l'impossibilité physique d'exercer en tout ou partie une quelconque activité au sein des ateliers de la société Silvatrim ; qu'à ce titre, cette dernière n'a jamais défini de manière précise le poste d'extrudeur et les contraintes qu'il imposait, étant au surplus observé que l'accident du travail est survenu à la suite d'un mouvement de force et non du fait du port de lourdes charges ; que pas davantage elle n'a donné la liste des postes de travail dans les ateliers et les conditions de travail qu'ils nécessitaient ;

Attendu que force est donc de constater que l'appelante ne démontre pas, en l'état des éléments versés aux débats, que Y. C. n'était plus en mesure physiquement de reprendre son activité d'extrudeur, ou à défaut une activité quelconque dans les ateliers, en l'état de son inaptitude partielle et temporaire ; que les premiers juges ont en outre relevé que ce salarié avait été victime d'un incident antérieur exactement similaire en 1998, ayant affecté le biceps branchial gauche sans incidence professionnelle définitive ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'en invoquant, dans sa lettre du 13 juin 2000, que l'état de santé de son employé ne lui permettait plus d'occuper son emploi, la société Silvatrim n'a pas justifié ce faisant d'un motif valable de licenciement ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer la décision du Tribunal du travail sur ce point et en ce qu'il a estimé que Y. C. était en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 s'élevant à la somme de 2 154,62 euros, montant au demeurant non remis en cause par les parties ;

2° - Quant à la rupture abusive alléguée

Attendu, s'agissant du droit de Y. C. à prétendre à l'allocation des dommages-intérêts prévue par l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 au bénéfice des salariés victimes d'une rupture abusive de leur contrat, qu'il y a lieu de déterminer si ce salarié rapporte la preuve du préjudice subi et de l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre un terme au contrat, laquelle peut consister dans l'allégation d'un faux motif ou dans la légèreté blâmable avec laquelle le licenciement est intervenu ;

Attendu, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que la société Silvatrim a fait preuve d'une brutalité et d'une légèreté dans l'exercice de son droit de rupture qui confèrent au licenciement un caractère abusif en l'état notamment de la rapidité avec laquelle la décision a été prise, à l'égard d'un salarié justifiant au demeurant d'une importante ancienneté (mise en œuvre de la procédure dès le lendemain de la reprise du travail) et alors que la restriction d'aptitude médicalement constatée se trouvait limitée en pratique à deux mois, du fait de la fermeture de l'usine, durée correspondant aux deux mois de préavis que le salarié a été dispensé d'effectuer par l'employeur ;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du travail le 10 janvier 2002, la somme de 38 000 euros allouée à titre de dommages-intérêts n'ayant pas été discutée dans son montant par la société Silvatrim et apparaissant au demeurant justifiée par les circonstances de la cause telles que relevées par les premiers juges ;

Et attendu que les dépens d'appel incombent à la société Silvatrim, qui succombe, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ; qu'imputables à l'adversaire d'un assisté judiciaire, leur recouvrement sera régi par l'article 50 du Code de procédure civile ;

_________________________

Tribunal du travail

Audience du 10 janvier 2002

Embauché le 3 mars 1986 par la SAM Silvatrim en qualité d'extrudeur, Y. C. a été licencié de cet emploi par une lettre, dont un exemplaire lui a été remis en main propre le 13 juin 2000 et dont le contenu s'avère le suivant :

« Faisant suite à notre entretien du jeudi 7 juin à 14 heures en présence de Monsieur I., je vous confirme votre licenciement à dater du 15 juin 2000 pour le motif suivant :

Inaptitude partielle, à savoir » sans port de charges supérieur (sic) à 5 kilos «, est (sic) incompatible avec le travail effectué dans nos ateliers. Votre préavis débute à partir du 15 juin 2000 et ce jusqu'au 15 août 2000 et je vous dispense de l'effectuer ».

Soutenant d'une part que le motif invoqué par la Sam Silvatrim ne constituait pas un motif valable de licenciement, et d'autre part que cette mesure revêtait, au regard des circonstances de fait l'ayant entourée, un caractère manifestement abusif, Y. C., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 5 février 2001, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail, afin d'obtenir l'allocation à son profit, avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation, des sommes suivantes :

* 20 000 francs (soit 3 048,98 euros), à titre d'indemnité de licenciement,

* 250 000 francs (soit 38 112,25 euros), à titre de dommages et intérêts ;

À la date fixée par les conventions les parties ont régulièrement comparu, en personne en ce qui concerne la SAM Silvatrim et par son conseil en ce qui concerne Y. C..

Puis, après quatre renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue le 22 novembre 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 10 janvier 2002.

Y. C. expose, à l'appui de ses prétentions, que le 4 janvier 1999 il a été victime d'un accident du travail ayant entraîné une rupture du tendon du biceps brachial droit et nécessité une intervention chirurgicale le 22 janvier 1999, dont les suites se sont compliquées par l'apparition d'un syndrome neuroalgodystrophique.

Qu'alors que lors de la visite médicale du 5 juin 2000 le Docteur R. l'avait déclaré apte à la reprise de son emploi, moyennant une restriction (interdiction du port de charges supérieures à 5 kilos), limitée à 3 mois, il s'est vu notifier le 7 juin 2000 son licenciement par son employeur.

Soutenant qu'au regard de son caractère temporaire, l'inaptitude partielle constatée le 5 juin 2000 par le Docteur R. ne pouvait constituer un motif valable de rupture du contrat de travail d'un salarié comptant au surplus une très importante ancienneté au sein de l'entreprise, Y. C. sollicite en premier lieu la condamnation de son employeur au paiement de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

Soulignant par ailleurs qu'en le licenciant brutalement le lendemain de la visite médicale, alors qu'en l'état d'une part du caractère temporaire de la restriction émise par le médecin du travail et d'autre part de la fermeture annuelle de l'entreprise pendant le mois d'août, l'aménagement de poste (pas de port de poids supérieur à 5 kilos), rendu nécessaire par la recommandation du Docteur R., ne portait en définitive que sur une durée effective de deux mois, la SAM Silvatrim a fait un usage abusif du droit unilatéral de rupture qui lui est reconnu par la loi, Y. C. demande par ailleurs que l'important préjudice tant financier que moral, qu'il a subi soit équitablement compensé par l'allocation à son profit d'une somme de 38 112,25 euros (soit 250 000 francs), à titre de dommages et intérêts.

Il fait valoir à cet effet :

* qu'alors qu'il disposait d'une ancienneté de 14 années au service de la SAM Silvatrim et doit faire face à des crédits contractés pour l'acquisition de son logement et de son véhicule automobile, il n'est à ce jour toujours pas parvenu à retrouver d'emploi,

* qu'il a perdu consécutivement à son licenciement le bénéfice des prestations familiales monégasques auxquelles ouvraient droit ses deux enfants âgés de trois et cinq ans.

La SAM Silvatrim conclut pour sa part au rejet de l'intégralité des demandes formées à son encontre par Y. C.

Elle invoque, à cette fin, en substance les moyens suivants :

* L'entreprise ne comportant au sein de son effectif aucun poste compatible avec la restriction de port de charges émise par le médecin du travail, l'inaptitude partielle d'Y. C. constitue bien un motif valable de licenciement,

* La brutalité ou la légèreté qui lui sont reprochées ne sont nullement caractérisées en l'espèce dès lors que :

* elle n'a mis en œuvre son droit unilatéral de rupture qu'à l'issue d'une absence de 518 jours,

* elle a proposé à Monsieur C. une indemnité complémentaire de 7 000 francs, représentant environ un mois de salaire, pour mettre fin à toute discussion.

Sur ce :

1) Sur la validité du motif :

Il est constant en droit que l'inaptitude physique, même simplement partielle, d'un salarié à son emploi constitue un motif valable de rupture du contrat de travail, à la double condition toutefois d'une part qu'elle ait été médicalement constatée et d'autre part qu'elle revête un caractère définitif.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu'Y. C., qui était embauché par la SAM Silvatrim depuis le 3 mars 1986 en qualité d'extrudeur, a été victime le 4 janvier 1999 d'un grave accident du travail au cours duquel, lors d'un mouvement de force, il a subi une rupture du tendon du biceps brachial droit, dont les suites chirurgicales se sont compliquées par l'apparition d'un syndrome neuroalgodystrophique ; qu'après une absence totale de 518 jours consécutifs, du 4 janvier 1999 au 4 juin 2000 inclus, ce dernier a été déclaré le 5 juin 2000 par le Docteur R., médecin du travail, « apte à la reprise, sans port de charges supérieures à 5 kilos pour trois mois ».

Compte tenu du caractère doublement limité de la restriction émise par le médecin du travail l'inaptitude d'Y. C. à son poste de travail revêtait à l'évidence un caractère non seulement partiel, mais aussi et surtout temporaire.

Cette inaptitude ne pouvant constituer dans une usine comportant au moins 170 salariés, compte tenu d'une part de son caractère extrêmement limité dans le temps (3 mois, dont un mois de fermeture de l'entreprise pour congés annuels) et d'autre part du peu d'importance des restrictions d'emploi émises par le médecin du travail (absence de port de charges lourdes) un motif valable de rupture d'un contrat de travail d'un salarié disposant au surplus d'une importante ancienneté de services au sein de l'entreprise, Y. C. est en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

Sur les bases d'une ancienneté de services de 14 ans et 5 mois à la date d'effet de la rupture et d'une rémunération brute mensuelle moyenne de 1 375,43 euros, prime d'ancienneté de 15 % incluse, l'indemnité revenant à ce salarié s'élève à la somme de 9 517,97 euros, se décomposant ainsi :

1 375,43 x 173

* ------ = 9 517,97 euros

25

Le montant de l'indemnité de licenciement ne pouvant toutefois en application de l'alinéa 3 de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, excéder 6 mois de salaires, la somme allouée à Y. C. doit être ramenée à 6 x 1 375,43 = 8 252,58 euros, dont il convient de déduire l'indemnité de congédiement d'ores et déjà perçue, soit 6 097,96 euros, les deux indemnités n'étant pas cumulables, soit un solde de 8 252,58 – 6 097,96 = 2 154,62 euros en faveur du salarié.

2) Sur le caractère abusif de la rupture :

En convoquant Y. C. à un entretien préalable « pouvant déboucher sur son licenciement » dès le 6 juin 2000, soit le lendemain de la visite médicale de reprise, sans avoir préalablement recherché la moindre possibilité d'aménagement temporaire du poste de travail de l'intéressé, la SAM Silvatrim a agi avec une précipitation blâmable.

Il est constant par ailleurs que la SAM Silvatrim a cessé toute activité pour congés annuels au cours du mois d'août 1999 ; qu'ainsi la restriction tenant au port de charges lourdes émises par le médecin du travail le 5 juin 2000 se trouvait dans les faits limitée à 2 mois, correspondant aux 2 mois de préavis non effectués et payés.

Qu'enfin, compte tenu de l'existence (cf. rapport expertal du Docteur Borgia) d'un incident antérieur exactement similaire, survenu en 1998, ayant alors affecté le biceps brachial gauche de l'intéressé, la SAM Silvatrim ne justifie d'aucune raison sérieuse lui permettant de penser que la restriction d'aptitude temporairement émise le 5 juin 2000 par le Docteur R., suite à l'accident de travail du 4 janvier 1999, déboucherait à terme sur une inaptitude définitive de Monsieur C. à son emploi d'extrudeur.

La brutalité et la légèreté dont l'employeur a fait preuve en l'espèce confèrent assurément au licenciement de ce salarié un caractère abusif.

Y. C. qui se trouve à ce jour à l'âge de 37 ans sans emploi, avec une épouse et deux enfants à charge pour lesquels il ne bénéficie plus des prestations sociales prévues par la législation monégasque, et doit faire face avec ses revenus constitués des seules allocations dégressives servies par l'Assedic (33,66 euros par jour progressivement ramenées à 16,71 euros en fin de droits), en sus des charges courantes, au remboursement d'un emprunt hypothécaire et d'un emprunt personnel contractés en 1996 et 1998 pour l'acquisition d'un immeuble et d'un véhicule justifie d'un préjudice matériel important.

Ce préjudice, auquel s'ajoute un indéniable préjudice moral, compte tenu notamment de l'ancienneté de services de l'intéressé (14 ans), sera justement réparé par l'allocation à son profit d'une somme de 38 000 euros, à titre de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal du travail,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement d'Y. C. a été mis en œuvre pour un motif non valable ;

Dit en outre que cette mesure revêt un caractère abusif ;

Condamne, en conséquence, la Société anonyme monégasque dénommée Silvatrim à payer à Y. C. les sommes suivantes :

* 2 154,62 euros (deux mille cent cinquante quatre euros et soixante deux centimes) à titre d'indemnité de licenciement,

* 38 000 euros (trente huit mille euros) à titre de dommages et intérêts,

ces deux sommes produisant intérêts aux taux légal à compter du présent jugement.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Déclare l'appel recevable en la forme ;

Au fond,

Confirme le jugement du Tribunal du travail du 10 janvier 2002 en toutes ses dispositions ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Lelay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pasquier-Ciulla et Licari, av. déf. ; Gioccardi, av. stag.

Note

Cette disposition confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 janvier 2002 par le Tribunal du travail et publié à la suite du présent jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27032
Date de la décision : 13/03/2003

Analyses

Social - Général ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : SAM Silvatrim
Défendeurs : C.

Références :

article 50 du Code de procédure civile
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
10 janvier 2002
article 231 du Code de procédure civile
article 16 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2003-03-13;27032 ?

Source

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