La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2002 | MONACO | N°27007

Monaco | Tribunal de première instance, 6 juin 2002, H. et G. c/ SCI particulière Le Lys


Abstract

Transaction

Convention ultérieure, contenant renonciation à des obligations accessoires à une promesse de vente - Article 1 883 et suivants du Code civil - Action aux fins d'application d'une clause pénale ou de dommages-intérêts, devenue sans fondement

Contrats et obligations

Promesse de vente - Obligations à terme, non réalisée - Vendeur délié de son engagement

Cour européenne des droits de l'homme

Incompétence pour connaître des litiges monégasques du fait que la Principauté de Monaco n'est pas membre du Conseil de l'Europe

et n'a pas adhéré à la Convention européenne des Droits de l'Homme

Résumé

Par l'intermédiaire de ...

Abstract

Transaction

Convention ultérieure, contenant renonciation à des obligations accessoires à une promesse de vente - Article 1 883 et suivants du Code civil - Action aux fins d'application d'une clause pénale ou de dommages-intérêts, devenue sans fondement

Contrats et obligations

Promesse de vente - Obligations à terme, non réalisée - Vendeur délié de son engagement

Cour européenne des droits de l'homme

Incompétence pour connaître des litiges monégasques du fait que la Principauté de Monaco n'est pas membre du Conseil de l'Europe et n'a pas adhéré à la Convention européenne des Droits de l'Homme

Résumé

Par l'intermédiaire de son avocat-défenseur, la société Le Lys a confirmé à la barre qu'elle n'entend plus vendre son bien aux demandeurs et qu'elle sollicite au contraire l'application à son profit de la clause pénale, sanctionnant le délit des acquéreurs, prévue par la promesse du 16 mars 2000 ;

Par cet acte, les parties se sont réciproquement engagées à vendre et acheter l'immeuble dont s'agit pour le prix de 130 000 000 francs dont un acompte de 13 000 000 francs a été versé par L. H. et R. G. dans les caisses du notaire le jour même de la signature ; ainsi qu'exposé plus haut, l'acte authentique de réitération devait intervenir au plus tard le 23 mai 2000, les parties ayant convenu à ce propos :

« ... Conformément aux dispositions de l'article 1426 du Code civil monégasque, celle des parties qui se refuserait à exécuter les obligations résultant des présentes pourrait y être contrainte sous les formes de droit, à la diligence de l'autre ;

Le vendeur, dont l'engagement résultant des présentes, est formel et irrévocable, ne pourra, en aucun cas, se refuser à réaliser la vente en se prévalant des dispositions de l'article 1433 du Code civil, c'est-à-dire en offrant de restituer le double de la somme versée à titre d'acompte et quittancée aux présentes ;

En revanche, à titre de clause pénale forfaitairement convenue, pour le cas où l'acquéreur, de son seul chef, refuserait de régulariser son acquisition par acte authentique, et si mieux ne plaît au vendeur de l'y contraindre ainsi qu'il a été prévu ci-dessus, la somme versée à titre d'acompte et quittancée aux présentes demeurerait, de plein droit, acquise au vendeur à titre d'indemnité d'immobilisation (...) huit jours après une simple mise en demeure de signer l'acte authentique restée infructueuse. Dans ce dernier cas, le vendeur sera, de plein droit, délié de tout engagement vis-à-vis de l'acquéreur » ;

Par leur convention ultérieure du 11 avril 2001, les parties ont non seulement décidé de reporter au 31 décembre 2001 au plus tard la signature de l'acte authentique de vente, mais ont encore expressément renoncé l'un envers l'autre « à toutes actions respectives, nées tant de la promesse du 16 mars 2000 que des rapports nés entre elles » ;

Par la clarté de ses termes, cette dernière clause n'est pas sujette à interprétation ; les parties, antérieurement liées par la promesse du 16 mars 2000, ont entendu se défaire de leurs obligations réciproques, hormis celle de conclure l'acte authentique de vente avant le 31 décembre 2001 ; elles ont donc nécessairement renoncé, en particulier, à la clause pénale due par l'acquéreur en cas de dédit de sa part ;

Le fait que cette clause ait été rappelée dans les mises en demeure de passer l'acte délivrées les 21 décembre 2001 et 7 janvier 2002 par la société Le Lys s'avère inopérant, faute pour les parties d'avoir à nouveau convenu d'une clause de cette nature après le 11 avril 2001 ; rien n'autorise en effet à affirmer que L. H. et R. G. auraient accepté d'être engagés par la mention unilatéralement portée dans les sommations et que les parties se seraient à nouveau liées à cet égard ; au contraire, L. H. et R. G. ont protesté le 2 janvier 2002 en dénonçant la volonté de la SCI Le Lys de « s'accaparer des 13 000 000 francs », même s'ils se sont déclarés toujours liés par leur promesse d'achat strictement entendue ;

En ce qui concerne les actions accessoires à la vente proprement dite, les parties, en concluant l'acte du 11 avril 2001, ont entendu prévenir toute contestation à naître ; ce faisant, elles apparaissent avoir transigé au sens des articles 1883 et suivants du Code civil ; ainsi, tout différend qui pourrait naître au sujet de la vente du fait de la clause pénale ou de dommages-intérêts se trouve réglé par la transaction qui s'impose aux parties ;

Il résulte de ces considérations, d'une part, que les demandeurs ne sauraient être accueillis en leur prétention visant à se faire concéder acte de demander réparation de leur préjudice de ce chef, d'autre part que la SCI Le Lys n'est pas fondée à obtenir le bénéfice de la clause pénale et la condamnation de L. H. et R. G. à lui payer l'équivalent en euros de la somme de 13 000 000 francs versée par eux à titre d'acompte auprès du notaire Maître Rey ;

En dernier lieu, la SCI Le Lys s'est engagée à vendre l'immeuble jusqu'à la date du 31 décembre 2001 tandis que les demandeurs ont contracté l'obligation de l'acquérir dès l'arrêt de la Cour de révision du 2 octobre 2001 et, au plus tard, à cette date du 31 décembre ; les parties ont ainsi convenu d'une obligation à terme, conformément aux articles 1040 et suivants du Code civil ;

Après avoir sommé les acquéreurs de respecter ce terme le 21 décembre 2001, la société SCI Le Lys a manifesté son intention, dans sa sommation du 7 janvier 2002, de le proroger jusqu'au 16 janvier suivant, sans pour autant obtenir de L. H. et R. G. l'exécution de leurs engagements dans ce délai ;

Depuis cette dernière date, la société Le Lys est ainsi déliée de son propre engagement de vendre, aucun élément, même de force majeure, n'autorisant à soutenir que le terme devrait être à nouveau prorogé ;

À ce propos la saisine de la Cour européenne des Droits de l'Homme par la société Ampco, laquelle avait été déboutée définitivement par la juridiction monégasque de sa prétention tendant à faire reconnaître sa qualité d'acquéreur selon lettre adressée le 27 novembre 2001 au greffier de cette Cour, ne saurait avoir aucun effet en l'espèce, dès lors :

- la Principauté de Monaco, bien que candidate, n'est pas membre du Conseil de l'Europe et n'a pas adhéré à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ou à ses protocoles dont est issue la Cour européenne des Droits de l'Homme ; elle n'est donc pas justiciable de cette juridiction ;

- à supposer même qu'elle le soit, le recours exercé par la société Ampco ne pourrait en aucune manière avoir une incidence sur le présent litige, seuls les États membres étant concernés par les décisions de la Cour ;

- en outre, la litispendance en matière internationale n'est pas admise à Monaco ;

Le moyen tiré de la saisine de la Cour apparaît donc manifestement dénué de sérieux dans la présente instance ; il ne saurait justifier un report, à une date indéterminée, de la vente.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Le Tribunal entend se reporter aux circonstances de droit et de faits contenues dans sa décision du 29 juin 2000, confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour d'appel en date du 19 décembre 2000 ayant fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de révision selon arrêt du 2 octobre 2001 ;

Il suffit de rappeler qu'après avoir mis en vente son immeuble, à Monaco, auprès de diverses agences immobilières contactées par courrier entre le 19 juin 1998 et le 21 février 2000, la société civile particulière dénommée SCI Le Lys, par acte sous seing privé du 16 mars 2000, s'est engagée à vendre cet immeuble à L. H. et R. G. moyennant le prix de 130 0000 000 francs sur lequel 13 000 000 ont été payés le jour même à Maître Henry Rey, notaire, le paiement du solde devant intervenir lors de la conclusion de l'acte authentique prévu pour être passé au plus tard le 23 mai 2000 ;

Prétendant avoir accepté l'offre de vente de l'immeuble le 6 avril 2000, la société à responsabilité de droit français dénommé Ampco International Construction (ci-après société Ampco) a saisi le Tribunal le 7 avril 2000 d'une demande visant, pour l'essentiel, à faire reconnaître sa qualité d'acquéreur et à obtenir un acte authentique à son profit ; malgré une appréciation divergente du courrier du 9 février 2000 informant la société Ampco de la mise en vente de l'immeuble - le tribunal l'ayant analysé comme une promesse unilatérale de vente tandis que la Cour d'appel n'y a vu qu'une invitation à des pourparlers -, les juridictions monégasques ont définitivement rejeté les prétentions de la société Ampco ;

Durant le cours de l'instance en révision, la SCI Le Lys a conclu avec L. H. et R. G. une convention sous seing privé datée du 11 avril 2001 ;

Par cet acte, qui se réfère en préambule à la promesse de vente précitée signée entre les parties le 16 mars 2000, celles-ci ont convenu de conclure la vente avant le 31 décembre 2001, cette date limite tenant compte de l'arrêt de la Cour de révision attendu courant octobre 2001 ; Il est prévu à ce propos : « Si une décision de la Cour de révision était obtenue auparavant, les acquéreurs s'engagent bien entendu à acheter au plus tôt » ;

Par ailleurs, l'article 2 mentionne : « Les parties renoncent à toutes actions respectives, nées tant de la promesse du 16 mars 2000 que des rapports nés entre elles, et entre elles et la société AMPCO... » ;

Enfin, instruction est donnée au notaire Maître Rey pour placer l'acompte de 13 000 000 francs versé lors de la signature de la promesse ;

Par acte de Maître Escaut-Marquet, huissier, en date du 21 décembre 2001, la SCI Le Lys a fait sommation à L. H. et R. G. « d'avoir à régulariser l'acquisition (...) par acte authentique devant le notaire de leur choix, et ce avant le lundi 31 décembre 2001 minuit », l'acte mentionnant qu'à défaut, il serait fait application de la clause pénale stipulée dans la promesse de vente du 16 mars 2000 ;

Par lettre recommandée avec accusé réception adressée à la SCI Le Lys sous la date du 2 janvier 2002, L. H. et R. G. déclarent avoir pris connaissance de cette sommation, expliquent qu'une signature au 31 décembre 2001 « n'était pas réalisable », s'indignent du procédé utilisé à leur encontre et révèlent qu'à nouveau, « la réalisation de l'acte paraît fortement compromise en raison d'une procédure que la SARL Ampco International Construction a décidé d'introduire en saisissant la Cour européenne des Droits de l'Homme pour lui déférer aux fins de censure l'arrêt de la Cour de révision de la Principauté de Monaco du 2 octobre 2001 » ;

Selon acte de Maître Escaut-Marquet, huissier, du 7 janvier 2002, la SCI Le Lys a une nouvelle fois sommé L. H. et R. G. de réitérer la promesse de vente du 16 mars 2000 en leur demandant de se présenter en l'étude de Maître Rey le 16 janvier 2002 à 15 heures ;

Le lendemain 8 janvier 2002, le conseil de L. H. et R. G. écrivait au notaire pour observer que la SCI Le Lys ne tenait pas compte, notamment, Du « problème de droit, suite au recours européen » et confirmer que ses « clients continuent impertubablement le bouclage du dossier du crédit accordé et se considèrent toujours comme étant dans les liens de la promesse », en annonçant enfin que l'affaire serait portée « sur le plan judiciaire afin de préserver leur droits » ;

Ont comparu le 16 janvier 2002 en l'étude du notaire les représentants de la société Le Lys tandis que les acquéreurs étaient absents, seul leur conseil étant présent ; le notaire a donc dressé un procès-verbal de carence ;

Par l'exploit susvisé du 9 janvier 2002, L. H. et R. G. ont fait assigner la SCI Le Lys ainsi que leur conseil l'avait annoncé ; ils expliquent que la procédure introduite par la société Ampco devant la Cour européenne des Droits de l'Homme, pour lui « déférer aux fins de censure » l'arrêt de la Cour de révision du 2 octobre 2001, paralyse une fois de plus la réalisation de la vente et retarde le projet immobilier pour lesquels ils affirment avoir engagé des dépenses très importantes ; à ce propos, ils font état d'un grave préjudice dont ils se réservent de réclamer réparation ; par cet exploit d'assignation, ils forment les demandes ci-après reproduites :

« Vu l'article 1426 du Code civil monégasque, voir dire et juger que la SCI Le Lys dont le siège social est à Monaco, devra dans les 2 mois d'une décision intervenue par la Cour européenne des Droits de l'Homme, se présenter à l'étude de Maître Rey, notaire à Monaco, afin de régulariser en la forme authentique la vente consentie, au prix de 19 818 382,24 euros (130 000 000 FF) de l'ensemble immobilier sis à Monaco ;

Voir dire et juger que faute par la SCI Le Lys de régulariser l'acte authentique de vente dans les conditions rappelées notamment dans le compromis signé entre les parties le 16 mars 2000, le présent jugement tiendra lieu d'acte de vente au profit des requérants ou de toute personne morale ou physique substituée à elle ;

Voir ordonner la publication du jugement à intervenir à la Conservation des Hypothèques de Monaco ;

Donner acte aux requérants qu'ils sont disposés à acquérir dans les conditions mentionnées dans le compromis du 16 mars 2000 le bien immobilier dont s'agit ;

Voir dire et juger que les requérants se réservent le droit de saisir toute juridiction compétente afin de solliciter des dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir » ;

La SCI Le Lys, par conclusions du 31 janvier 2002, s'oppose à ces prétentions ;

Elle rappelle que par application de la nouvelle convention du 11 avril 2001, aucun élément ne faisait obstacle à la réitération de la vente au 31 décembre 2001 et analyse la présente instance en une manœuvre purement dilatoire destinée, à la fois, à gagner du temps pour permettre aux acquéreurs de trouver le financement nécessaire et à leur éviter de subir l'application de la clause pénale qui lierait les parties ;

Elle estime en effet que la saisine de la Cour européenne des Droits de l'Homme ne fait nullement obstacle à la réitération de la vente, en relevant que la Principauté de Monaco n'est pas partie à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et n'appartient pas au Conseil de l'Europe, ce qui rend illusoire selon elle le recours de la société Ampco, d'autant que même s'il était admis, il n'aurait aucune conséquence pratique sur le présent litige et ne pourrait concerner que l'État monégasque ;

Elle mentionne par ailleurs avoir rappelé, dans ses sommations des 21 décembre 2001 et 7 janvier 2002, la clause pénale contenue dans l'acte de promesse de vente du 16 mars 2000 et considère être fondée à en demander l'application à son bénéfice, d'autant que L. H. et R. G. ont fait savoir qu'ils s'estimaient toujours liés par cette promesse ;

Elle conteste cependant les réserves exprimées par ses adversaires quant à la réparation du préjudice qu'ils déclarent subir en se prévalant de la renonciation à toute action contenue dans la convention du 11 avril 2001 ;

Elle fait état par ailleurs de l'urgence de la cause pour en déduire que l'exécution provisoire du présent jugement devrait être ordonnée ;

En définitive, elle demande au Tribunal de :

« - Constater que les requérants n'ont pas respecté leurs engagements contractuels prévus dans la convention du 11 avril 2001 qui tient lieu de loi entre les parties ;

* Constater que la saisine de la Cour européenne des Droits de l'Homme par la SARL Ampco suite à la décision du 2 octobre 2001 rendue par Cour de révision de Monaco n'a aucune incidence sur la réitération de l'acte de vente entre Messieurs G. et H. et la SCI Le Lys ;

En conséquence,

* Débouter les requérants de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Reconventionnellement,

* Dire et juger que la clause pénale prévue dans la promesse de vente du 16 mars 2000 trouve application en faveur de la SCI Le Lys ;

En conséquence,

* Condamner, en tant que de besoin, Messieurs H. et G. à payer à la SCI Le Lys la somme de 13 000 000 FF soit 1 981 837,20 euros en exécution de la clause pénale existante dans l'acte du 16 mars 2000 ;

* Autoriser la SCI Le Lys à se faire verser la somme de 13 000 000 FF soit 1 981 837,20 euros actuellement déposée entre les mains de Maître Rey, notaire à Monaco » ;

À l'audience des plaidoiries, la SCI Le Lys, par ses conseils, a confirmé sa demande d'exécution provisoire omise dans le dispositif de ses écrits judiciaires ;

Par conclusions en réplique datées du 14 mars 2002, L. H. et R. G. réitèrent leurs précédentes demandes et, y ajoutant, concluent au rejet des prétentions de la SCI Le Lys en ces termes :

* Constater que la saisine de la Cour européenne des Droits de l'Homme a une incidence sur la réitération de l'acte de vente rendant impossible la signature de cet acte tant que cette procédure n'a pas abouti ;

* Voir dire et juger que par convention en date du 11 avril 2001, les parties ont renoncé à toute action respective née de la promesse du 16 mars 2000 et notamment ont ainsi renoncé à l'application de la clause pénale contenue dans la promesse ;

* Débouter dès lors la SCI Le Lys de sa demande de condamnation à l'encontre de Messieurs H. et G. à hauteur de 1 981 837,20 € ;

* Voir dire et juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir « ;

Ces demandeurs font valoir qu'il ne leur appartient pas de se substituer à la Cour européenne des Droits de l'Homme pour apprécier le recours de la société Ampco et qu'un risque existe du fait même de cette procédure, notamment si la Principauté de Monaco décidait de ratifier la Convention européenne des Droits de l'Homme dont l'effet est, selon eux, rétroactif ;

Ils affirment avoir toujours eu l'intention de réitérer la vente mais mentionnent les obstacles liés au passage à l'euro pour expliquer que la signature ne pouvait intervenir avant le 31 décembre 2001 ; ils admettent que l'opération immobilière envisagée nécessite un financement, rendu plus difficile du fait des événements du 11 septembre 2001, qu'ils déclarent cependant avoir pu obtenir ;

Ils dénient l'existence de la clause pénale invoquée par la SCI Le Lys en rappelant que la convention du 11 avril 2001 en a annulé les effets ; ils se réfèrent à cet égard aux articles 1011, 1017, 1026, 1081 et 1084 du Code civil et expliquent que c'est en considération de leur préjudice imputable à la SCI Le Lys que cette société a renoncé à toute action née de la promesse du 16 mars 2000 ; Ils contestent enfin l'urgence de la cause ;

Sur quoi :

Attendu que par l'intermédiaire de son avocat-défenseur, la société Le Lys a confirmé à la barre qu'elle n'entend plus vendre son bien aux demandeurs et qu'elle sollicite au contraire l'application à son profit de la clause pénale, sanctionnant le dédit des acquéreurs, prévue par la promesse du 16 mars 2000 ;

Attendu que par cet acte, les parties se sont réciproquement engagées à vendre et acheter l'immeuble dont s'agit pour le prix de 130 000 000 francs dont un acompte de 13 000 000 francs a été versé par L. H. et R. G. dans les caisses du notaire le jour même de la signature ; qu'ainsi qu'exposé plus haut, l'acte authentique de réitération devait intervenir au plus tard le 23 mai 2000, les parties ayant convenu à ce propos :

» ... Conformément aux dispositions de l'article 1426 du Code civil monégasque, celle des parties qui se refuserait à exécuter les obligations résultant des présentes pourrait y être contrainte sous les formes de droit, à la diligence de l'autre ;

Le vendeur, dont l'engagement résultant des présentes, est formel et irrévocable, ne pourra, en aucun cas, se refuser à réaliser la vente en se prévalant des dispositions de l'article 1433 du Code civil, c'est-à-dire en offrant de restituer le double de la somme versée à titre d'acompte et quittancée aux présentes ;

En revanche, à titre de clause pénale forfaitairement convenue, pour le cas où l'acquéreur, de son seul chef, refuserait de régulariser son acquisition par acte authentique, et si mieux ne plaît au vendeur de l'y contraindre ainsi qu'il a été prévu ci-dessus, la somme versée à titre d'acompte et quittancée aux présentes demeurerait, de plein droit, acquise au vendeur à titre d'indemnité d'immobilisation (...) huit jours après une simple mise en demeure de signer l'acte authentique restée infructueuse. Dans ce dernier cas, le vendeur sera, de plein droit, délié de tout engagement vis-à-vis de l'acquéreur « ;

Attendu que par leur convention ultérieure du 11 avril 2001, les parties ont non seulement décidé de reporter au 31 décembre 2001 au plus tard la signature de l'acte authentique de vente, mais ont encore expressément renoncé l'une envers l'autre » à toutes actions respectives, nées tant de la promesse du 16 mars 2000 que des rapports nés entre elles « ;

Attendu que par la clarté de ses termes, cette dernière clause n'est pas sujette à interprétation ; que les parties, antérieurement liées par la promesse du 16 mars 2000, ont entendu se défaire de leurs obligations réciproques, hormis celle de conclure l'acte authentique de vente avant le 31 décembre 2001 ; qu'elles ont donc nécessairement renoncé, en particulier, à la clause pénale due par l'acquéreur en cas de dédit de sa part ;

Attendu que le fait que cette clause ait été rappelée dans les mises en demeure de passer l'acte délivrées les 21 décembre 2001 et 7 janvier 2002 par la société Le Lys s'avère inopérant, faute pour les parties d'avoir à nouveau convenu d'une clause de cette nature après le 11 avril 2001 ; que rien n'autorise en effet à affirmer que L. H. et R. G. auraient accepté d'être engagés par la mention unilatéralement portée dans les sommations et que les parties se seraient à nouveau liées à cet égard ; qu'au contraire, L. H. et R. G. ont protesté le 2 janvier 2002 en dénonçant la volonté de la SCI Le Lys de » s'accaparer des 13 000 000 francs ", même s'ils se sont déclarés toujours liés par leur promesse d'achat strictement entendue ;

Attendu qu'en ce qui concerne les actions accessoires à la vente proprement dite, les parties, en concluant l'acte du 11 avril 2001, ont entendu prévenir toute contestation à naître ; que ce faisant, elles apparaissent avoir transigé au sens des articles 1883 et suivants du Code civil ; qu'ainsi, tout différend qui pourrait naître au sujet de la vente du fait de la clause pénale ou de dommages-intérêts se trouve réglé par la transaction qui s'impose aux parties ;

Attendu qu'il résulte de ces considérations, d'une part, que les demandeurs ne sauraient être accueillis en leur prétention visant à se faire concéder acte de demander réparation de leur préjudice de ce chef, d'autre part que la SCI Le Lys n'est pas fondée à obtenir le bénéfice de la clause pénale et la condamnation de L. H. et R. G. à lui payer l'équivalent en euros de la somme de 13 000 000 francs versée par eux à titre d'acompte auprès du notaire Maître Rey ;

Attendu qu'en dernier lieu, la SCI Le Lys s'est engagée à vendre l'immeuble jusqu'à la date du 31 décembre 2001 tandis que les demandeurs ont contracté l'obligation de l'acquérir dès l'arrêt de la Cour de révision du 2 octobre 2001 et, au plus tard, à cette date du 31 décembre ; que les parties ont ainsi convenu d'une obligation à terme, conformément aux articles 1040 et suivants du Code civil ;

Attendu qu'après avoir sommé les acquéreurs de respecter ce terme le 21 décembre 2001, la société SCI Le Lys a manifesté son intention, dans sa sommation du 7 janvier 2002, de le proroger jusqu'au 16 janvier suivant, sans pour autant obtenir de L. H. et R. G. l'exécution de leurs engagements dans ce délai ;

Attendu que depuis cette dernière date, la société Le Lys est ainsi déliée de son propre engagement de vendre, aucun élément, même de force majeure, n'autorisant à soutenir que le terme devrait être à nouveau prorogé ;

Attendu à ce propos que la saisine de la Cour européenne des Droits de l'Homme par la société Ampco, laquelle avait été déboutée définitivement par la juridiction monégasque de sa prétention tendant à faire reconnaître sa qualité d'acquéreur, selon lettre adressée le 27 novembre 2001 au greffier de cette Cour, ne saurait avoir aucun effet en l'espèce, dès lors :

* que la Principauté de Monaco, bien que candidate, n'est pas membre du Conseil de l'Europe et n'a pas adhéré à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ou à ses protocoles dont sont issus la Cour européenne des Droits de l'Homme ; qu'elle n'est donc pas justiciable de cette juridiction ;

* qu'à supposer même qu'elle le soit, le recours exercé par la société Ampco ne pourrait en aucune manière avoir une incidence sur le présent litige, seuls les États membres étant concernés par les décisions de la Cour ;

* qu'en outre, la litispendance en matière internationale n'est pas admise à Monaco ;

Attendu que le moyen tiré de la saisine de la Cour apparaît donc manifestement dénué de sérieux dans la présente instance ; qu'il ne saurait justifier un report, à une date indéterminée, de la vente ;

Attendu, dans ces conditions, que L. H. et R. G. doivent être déboutés de l'ensemble de leurs demandes et tenus aux dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ; que la société Le Lys doit de même être déboutée de ses demandes reconventionnelles ; que par voie de conséquence, la somme de 13 000 000 francs versée par les demandeurs auprès du notaire, à titre d'acompte sur le prix d'une vente non réalisée, doit donc leur revenir ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute L. H. et R. G. de l'ensemble de leurs demandes ;

Constate qu'ils n'ont pas satisfait à leur engagement d'acquérir l'immeuble de la SCI Le Lys dans le délai imparti ;

Déclare en conséquence les parties déliées de leurs obligations réciproques quant à la vente projetée ;

Déboute la SCI Le Lys de ses demandes reconventionnelles ;

Dit que les demandeurs sont fondés à obtenir restitution de l'acompte versé par eux le 16 mars 2000 auprès de l'étude de Maître Rey, notaire, augmenté des intérêts qu'il a pu produire.

Composition

MM. Narmino, prés. ; Fougeras-Lavergnolle, juge suplt f.f. subst proc. gén. ; Mes Brugnetti, Pasquier-Ciulla, av. déf. ; Saber, av. bar. de Nice ; Beraud, av. bar. de Marseille.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27007
Date de la décision : 06/06/2002

Analyses

Contrat de vente ; Contrat - Effets


Parties
Demandeurs : H. et G.
Défendeurs : SCI particulière Le Lys

Références :

Code civil
article 1433 du Code civil
article 231 du Code de procédure civile
article 1426 du Code civil
articles 1011, 1017, 1026, 1081 et 1084 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2002-06-06;27007 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award