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06/06/2002 | MONACO | N°27006

Monaco | Tribunal de première instance, 6 juin 2002, Société Pfizer c/ Sam Laboratoires Sanigène


Abstract

Marques de fabrique

Contrefaçon - Marque non contraire à l'ordre public : convention de Paris du 20 mars 1883 et loi monégasque du 10 juin 1983 - Annulation demandée non fondée : marque non déceptive

Résumé

La société de droit américain Pfizer Inc., qui expose être titulaire de deux enregistrements en Principauté de Monaco de la marque Viagra déposés le 23 avril 1999 sous les numéros 99/20525 et 99/20526, a fait assigner la société anonyme monégasque Laboratoires Sanigène à l'effet de voir :

« - dire que la marque Viaglif n° 9

9/20960 déposée par les laboratoires Sanigène constitue l'imitation illicite des marques Viagra n° 99...

Abstract

Marques de fabrique

Contrefaçon - Marque non contraire à l'ordre public : convention de Paris du 20 mars 1883 et loi monégasque du 10 juin 1983 - Annulation demandée non fondée : marque non déceptive

Résumé

La société de droit américain Pfizer Inc., qui expose être titulaire de deux enregistrements en Principauté de Monaco de la marque Viagra déposés le 23 avril 1999 sous les numéros 99/20525 et 99/20526, a fait assigner la société anonyme monégasque Laboratoires Sanigène à l'effet de voir :

« - dire que la marque Viaglif n° 99/20960 déposée par les laboratoires Sanigène constitue l'imitation illicite des marques Viagra n° 99/20252 et 99/20526 de Pfizer Inc. pour des produits identiques et similaires à ceux pour lesquels la marque Viagra de Pfizer est protégée ;

- interdire à Laboratoires Sanigène tout usage sous quelque forme que ce soit, et en particulier à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial et/ou d'enseigne du terme Viaglif, seul ou en quelque combinaison que ce soit, ainsi que de tout nom commercial pouvant prêter à confusion avec les marques Viagra de Pfizer Inc, et ce sous astreinte de 10 000 francs HT par usage constaté passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- prononcer la nullité de la marque Viaglif n° 99/20960 » ;

La société Laboratoires Sanigène invoque la nullité de la marque Viagra au motif qu'en déposant cette marque pour une multitude de produits aussi divers que variés, et compte tenu de sa notoriété, elle s'expose à la prohibition des signes déceptifs prévus aux articles 6 quinquies B-3 de la convention de Paris du 20 mars 1883 et 2-2° de la loi monégasque du 10 juin 1983 ;

Il résulte de l'ordonnance souveraine n° 5687 du 29 octobre 1975 rendant exécutoire en Principauté de Monaco la convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, et notamment de son article 6 quinquies B-3 que :

« les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants :

(...) lorsqu'elles sont contraires à la morale ou à l'ordre public et notamment de nature à tromper le public. Il est entendu qu'une marque ne pourra être considérée comme contraire à l'ordre public pour la seule raison qu'elle n'est pas conforme à quelque disposition de la législation sur les marques, sauf le cas où cette disposition elle-même concerne l'ordre public ;

La loi interne n° 1058 du 10 juin 1983 précise en son article 2-2° que » ne peuvent (en outre) être considérées comme marques (...) celles qui comportent des énonciations propres à tromper le public « ;

La marque dite déceptive est celle de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ;

Mais tel n'est pas le cas de la marque Viagra, dès lors que le terme Viagra n'a en lui-même aucune signification et ne figure dans aucun dictionnaire ; que ce mot est forgé par un assemblage arbitraire de syllabes, qui n'est ni nécessaire ni descriptif, et présente à l'évidence le caractère distinctif exigé par la loi ; que la marque ne comporte pas en elle-même, telle qu'elle figure au dépôt, le ferment de la tromperie ;

Rien n'interdit au titulaire d'une marque, même notoire pour un produit particulier, d'étendre sa protection en déposant celle-ci dans diverses autres catégories de produits ;

En outre, la loi monégasque n'impose nullement au déposant d'exploiter sa marque, le simple dépôt valant premier usage, alors qu'aucune déchéance pour non-exploitation de ladite marque n'est encourue en droit interne ; la référence à l'article L. 714-6 du Code de la propriété industrielle français invoquée par la société défenderesse s'avère dès lors inopérante, étant observé qu'il n'est nullement démontré que le mot Viagra était devenu, antérieurement à sa date d'appréciation par la société Pfizer, d'un usage suffisamment généralisé pour désigner le produit en cause ;

En conséquence c'est à tort que la société Laboratoires Sanigène soutient que la marque Viagra constituerait une marque déceptive susceptible d'être annulée ; il y a lieu de débouter la défenderesse de sa demande de ce chef ;

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que la société de droit américain Pfizer Inc., qui expose être titulaire de deux enregistrements en Principauté de Monaco de la marque Viagra déposés le 23 avril 1999 sous les numéros 99/20525 et 99/20526, a fait assigner la société anonyme monégasque Laboratoires Sanigène à l'effet de voir :

* dire que la marque Viaglif n° 99/20960 déposée par les laboratoires Sanigène constitue l'imitation illicite des marques Viagra n° 99/20525 et 99/20526 de Pfizer Inc pour des produits identiques et similaires à ceux pour lesquels la marque Viagra de Pfizer est protégée ;

* interdire à Laboratoires Sanigène tout usage sous quelque forme que ce soit, et en particulier à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial et/ou d'enseigne du terme Viaglif, seul ou en quelque combinaison que ce soit, ainsi que de tout nom commercial pouvant prêter à confusion avec les marques Viagra de Pfizer Inc, et ce sous astreinte de 10 000 francs HT par usage constaté passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

* prononcer la nullité de la marque Viaglif n° 99/20960 ;

* dire que Laboratoires Sanigène devra, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, procéder à la radiation du dépôt de la marque Viaglif enregistrée sous le n° 99/20960 ;

* dire qu'à défaut de radiation dans ce délai, Pfizer Inc sera autorisée à procéder à cette radiation sur simple production d'une expédition du jugement à intervenir passé en force de chose jugée, et ce aux dépens de Laboratoires Sanigène ;

* dire que cette décision, passée en force de chose jugée, sera inscrite au registre national des marques sur simple réquisition du greffier ;

* ordonner la destruction, sous le contrôle d'un huissier choisi par Pfizer Inc des stocks de produits et d'emballages contrefaisants détenus par ou pour Laboratoires Sanigène, ainsi que de tout papier à lettre, cartes de visite, tarifs, brochures, imprimés et plus généralement de tous documents portant la dénomination Viaglif, et ce aux frais de Laboratoires Sanigène ;

* nommer tel expert qu'il plaira au Tribunal de désigner, avec pour mission de rechercher et de rassembler tous les éléments, notamment d'ordre comptable, de nature à permettre au Tribunal de déterminer l'importance du préjudice causé par Laboratoires Sanigène à Pfizer Inc ;

* condamner dès maintenant Laboratoires Sanigène à payer à Pfizer Inc la somme de 200 000 francs HT à titre de dommages-intérêts provisionnels ;

* autoriser Pfizer Inc à faire publier le dispositif du jugement à intervenir dans dix journaux et périodiques choisis par Pfizer Inc, et ce aux frais avancés de Laboratoires Sanigène ;

* ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution ;

* condamner Laboratoires Sanigène à payer à Pfizer Inc la somme de 50 000 francs au titre des frais non répétibles du procès ;

Attendu qu'au soutien de ses demandes, la société Pfizer fait valoir :

* que la société Laboratoires Sanigène a déposé à Monaco le 19 octobre 1999 la marque Viaglif pour désigner des produits des classes 1, 5 et 31 ;

* que les produits sont dès lors identiques à ceux figurant sur la liste des produits pour lesquels est enregistrée la marque Viagra ;

* que les deux marques sont de surcroît constituées par le même nombre de syllabes et ont la même architecture, en sorte que la marque Viaglif constituerait l'imitation frauduleuse de la marque Viagra, au sens des dispositions de l'article 24 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 ;

Attendu qu'en réponse, la société Laboratoires Sanigène a, en premier lieu, soulevé la nullité de la marque Viagra, sur le fondement des articles 2-2 de la loi du 10 juin 1983 et 6 quinquies B-3° de la convention de Paris du 20 mars 1883 ; qu'elle estime en effet qu'en déposant la marque Viagra pour une multitude de produits divers et variés, la demanderesse s'expose à la prohibition des signes déceptifs prévus aux articles précités, compte tenu de la notoriété considérable de cette marque ;

Qu'en deuxième lieu, la société Laboratoires Sanigène conteste l'existence de l'imitation frauduleuse de marque qui lui est reprochée, faute de similitudes tant visuelles que phonétiques et intellectuelles ; qu'elle fait observer que la syllabe Via, commune aux deux marques, s'explique s'agissant de Viaglif par la fonction systémique du glyphostate, nom du désherbant exploité sous cette marque, alors que la préposition Via n'est pas un terme distinctif ; que le terme Viaglif a donc été créé eu égard au mode d'action spécifique du désherbant et de son principal composant ;

Que la société Laboratoires Sanigène expose encore qu'elle n'a jamais exploité la marque Viaglif sur le territoire de la Principauté, en sorte qu'aucun préjudice ne peut être allégué par la société Pfizer ; qu'au surplus, il n'existe aucun risque de confusion pour la clientèle des deux produits, s'agissant de médicaments vendus exclusivement en pharmacie et sur ordonnance médicale pour le Viagra, et de désherbants réservés aux professionnels se trouvant chez des grossistes pour le Viaglif ;

Qu'enfin, elle remarque que la législation monégasque sur laquelle se fonde la société Pfizer exige la preuve de la mauvaise foi du contrefacteur, alors que la demanderesse n'offre nullement de démontrer que la société Laboratoires Sanigène avait l'intention de tromper ses acheteurs en utilisant la marque Viaglif ;

Que reconventionnellement, la défenderesse conclut à la condamnation de la société Pfizer au paiement d'une somme de 50 000 francs de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que la société Pfizer rétorque, sur la nullité invoquée de la marque Viagra, que les prescriptions de l'article 2-2 de la loi du 10 juin 1983 ne s'appliquent que pour la marque elle-même, indépendamment de l'usage qui peut en être fait ; que le terme Viagra n'a aucune signification en lui-même et ne comporte donc aucune énonciation de nature à tromper le public ;

Que rien n'interdit au titulaire d'une marque, même d'un produit particulier, d'étendre sa protection en visant d'autres produits, de même que la loi monégasque n'impose nullement au déposant d'exploiter sa marque, le simple dépôt constituant un usage au sens de ladite loi, qui ne prévoit, au demeurant, aucune déchéance des marques non exploitées ;

Qu'enfin, reprenant sa précédente argumentation, la société Pfizer insiste sur le fait que lorsqu'une marque telle que Viagra est apposée sur un seul produit, cette marque et le produit qu'elle désigne jouissent d'une notoriété exceptionnelle et sont irrémédiablement associés dans l'esprit du public, l'apposition de cette marque sur un autre produit étant alors susceptible de tromper le public ;

Sur ce :

Attendu que l'analyse des écrits judiciaires de la société Pfizer permet d'observer que l'instance dont le Tribunal se trouve présentement saisi procède tant de l'action en contrefaçon par imitation de la marque appartenant à cette société, que de l'action en annulation du dépôt de la marque nominative Viaglif effectué en Principauté de Monaco par la société Laboratoires Sanigène ;

Attendu qu'il résulte des faits constants de l'espèce que la société Pfizer Inc., ayant découvert courant 1996 une nouvelle molécule » le Sildénafil « dont les propriétés permettent de lutter contre l'impuissance masculine, a lancé puis commercialisé aux États-Unis un produit appelé Viagra qui obtint très vite une réputation mondiale ;

Attendu que pour justifier de son droit de propriété exclusif sur la marque Viagra, dont elle sollicite la protection et allègue la contrefaçon, la société Pfizer démontre avoir procédé à l'enregistrement à Monaco de ladite marque, sous le numéro 99/20525 pour les produits appartenant aux classes 3, 5 et 10, et sous le numéro 99/20526 pour les produits des classes 9, 25, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35 et 42 ;

I - Sur la nullité invoquée de la marque Viagra :

Attendu que la société Laboratoires Sanigène invoque la nullité de la marque Viagra au motif qu'en déposant cette marque pour une multitude de produits aussi divers que variés, et compte tenu de sa notoriété, elle s'expose à la prohibition des signes déceptifs prévue aux articles 6 quinquies B-3 de la Convention de Paris du 20 mars 1883 et 2-2° de la loi monégasque du 10 juin 1983 ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance souveraine n° 5687 du 29 octobre 1975 rendant exécutoire en Principauté de Monaco la convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, et notamment de son article 6 quinquies B-3 que :

» Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants :

(...) lorsqu'elles sont contraires à la morale ou à l'ordre public et notamment de nature à tromper le public. Il est entendu qu'une marque ne pourra être considérée comme contraire à l'ordre public pour la seule raison qu'elle n'est pas conforme à quelque disposition de la législation sur les marques, sauf le cas où cette disposition elle-même concerne l'ordre public « ;

Attendu que la loi interne n° 1058 du 10 juin 1983 précise en son article 2-2° que » ne peuvent (en outre) être considérées comme marques (...) celles qui comportent des énonciations propres à tromper le public " ;

Attendu que la marque dite déceptive est celle de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ;

Mais attendu que tel n'est pas le cas de la marque Viagra, dès lors que le terme Viagra n'a en lui-même aucune signification et ne figure dans aucun dictionnaire ; que ce mot est forgé par un assemblage arbitraire de syllabes, qui n'est ni nécessaire ni descriptif, et présente à l'évidence le caractère distinctif exigé par la loi ; que la marque ne comporte pas en elle-même, telle qu'elle figure au dépôt, le ferment de la tromperie ;

Que rien n'interdit au titulaire d'une marque, même notoire pour un produit particulier, d'étendre sa protection en déposant celle-ci dans diverses autres catégories de produits ;

Qu'en outre, la loi monégasque n'impose nullement au déposant d'exploiter sa marque, le simple dépôt valant premier usage, alors qu'aucune déchéance pour non-exploitation de ladite marque n'est encourue en droit interne ; que la référence à l'article L. 714-6 du Code de la propriété industrielle français invoquée par la société défenderesse s'avère dès lors inopérante, étant observé qu'il n'est nullement démontré que le mot Viagra était devenu, antérieurement à sa date d'appropriation par la société Pfizer, d'un usage suffisamment généralisé pour désigner le produit en cause ;

Attendu en conséquence que c'est à tort que la société Laboratoires Sanigène soutient que la marque Viagra constituerait une marque déceptive susceptible d'être annulée ; qu'il y a lieu de débouter la défenderesse de sa demande de ce chef ;

II - Sur l'action en contrefaçon par imitation et interdiction d'usage formée par la société Pfizer :

Attendu, s'agissant de l'action en annulation du dépôt, qu'il résulte des dispositions de l'article 5 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983 que seul le titulaire d'une marque notoirement connue peut demander l'annulation du dépôt ou l'interdiction de l'usage d'une marque susceptible de créer une confusion avec la sienne ; que cette demande doit être intentée dans les cinq années suivant la date du dépôt lorsque la bonne foi du déposant est établie, condition en l'occurrence remplie dès lors que la société Laboratoires Sanigène a effectué le dépôt de la marque Viaglif le 19 octobre 1999 et que la présente demande d'annulation a été formée suivant exploit du 19 juillet 2000 ;

Attendu, s'agissant de la condition inhérente à la notoriété, qu'il est indéniable et au demeurant non contesté que la marque Viagra jouit désormais d'une réputation quasi mondiale et s'impose hors de son pays d'origine et d'un cercle d'usagers limités, touchant ainsi une clientèle aussi internationale que diversifiée ;

Attendu, s'agissant des actions en contrefaçon et en annulation de dépôt dont le Tribunal est saisi, que celles-ci supposent, pour être accueillies au fond, que la marque Viaglif puisse être considérée comme la reproduction ou l'imitation de la marque dont la société Pfizer requiert la protection, et comme étant susceptible de créer un danger de confusion avec elle ;

Qu'il est en effet constant que les faits de contrefaçon impliquent seulement un élément objectif consistant à reproduire à l'identique ou au quasi-identique les éléments de la marque d'autrui, de façon à s'en rapprocher au point de créer un danger de confusion avec la marque imitée, dans l'esprit d'un client courant, et eu égard à l'impression d'ensemble et à l'image simplifiée conservée dans la mémoire d'un tel consommateur d'attention moyenne ;

Qu'à cet égard, la bonne foi de l'imitateur est inopérante en matière civile, puisque le droit sur la marque est un droit de propriété, et que toute atteinte portée à ce droit par imitation constitue une faute, même si l'atteinte émane d'une personne de bonne foi ;

Attendu qu'en l'espèce, même s'il doit être rappelé que l'imitation s'apprécie d'après les ressemblances et non d'après les différences, il existe entre les deux dénominations Viagra et Viaglif à la fois des points communs et des différences qui ne sont pas de détails ; qu'ainsi, il ne peut être affirmé que les deux dénominations dégagent une impression d'identité visuelle et sonore globale très forte ;

Attendu que sur le plan phonétique, si les deux marques sont chacune composées de deux syllabes et possèdent la même syllabe d'attaque Via suivi d'un G, le son Ra, plus ouvert et agressif, diffère du son Lif, plus fermé et doux ;

Que la présence de la même syllabe Via est particulièrement fréquente dans la langue française et ne présente pas en elle-même un élément essentiel caractéristique de la marque Viagra, laquelle ne doit son caractère distinctif qu'à la combinaison des deux syllabes qui la composent ;

Que la simple prononciation des deux mots fait apparaître que d'une part les syllabes finales ne sont pas identiques, d'autre part que chacune d'elles présente une sonorité très différente ;

Qu'en outre, si la marque Viagra n'évoque aucune signification précise, la marque Viaglif peut caractériser l'action de circulation dans la plante du désherbant Glyphosate, utilisé dans la composition du produit ainsi dénommé ;

Attendu qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la demanderesse, les différences visuelles et phonétiques s'ajoutant aux différences intellectuelles - compte tenu de l'absence avérée de similitude des produits effectivement exploités -, l'emportent sur les ressemblances, de telle sorte qu'il n'existe pas de risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne qui n'a pas simultanément les deux marques sous les yeux, ni à l'oreille dans des temps rapprochés ;

Attendu en définitive que la contrefaçon par imitation alléguée par la société Pfizer n'apparaît pas suffisamment démontrée, en sorte qu'il y a lieu de débouter cette société de l'intégralité de ses demandes ;

Attendu que chacune des parties ayant succombé partiellement en ses prétentions, le Tribunal estime, d'une part, ne pas devoir faire droit aux demandes respectives tendant au paiement de dommages-intérêts, et d'autre part, leur faire supporter par moitié les dépens de la présente instance, par application des dispositions de l'article 235 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Dit que la marque Viaglif ne constitue pas la contrefaçon par imitation de la marque Viagra ;

Déboute la société de droit américain Pfizer Inc de ses demandes en contrefaçon et interdiction d'usage ;

Déboute la société anonyme monégasque Laboratoires Sanigène de sa demande en nullité de la marque Viagra ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Composition

M. Narmino, prés. ; M. Fougeras-Lavergnolle, juge suppl. f.f. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Pastor, av. déf. ; Daniloff, av. bar. de Nanterre ; Zenati, av. bar. de Lyon.

Note

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2003, n° 5, p. 236 à 239.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27006
Date de la décision : 06/06/2002

Analyses

Propriété intellectuelle - Général ; Marques et brevets


Parties
Demandeurs : Société Pfizer
Défendeurs : Sam Laboratoires Sanigène

Références :

article 24 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983
article 5 de la loi n° 1058 du 10 juin 1983
article 235 du Code de procédure civile
articles 2-2 de la loi du 10 juin 1983
ordonnance souveraine n° 5687 du 29 octobre 1975


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2002-06-06;27006 ?

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