La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2002 | MONACO | N°26926

Monaco | Tribunal de première instance, 24 janvier 2002, SA Gilsim c/ Trademark Management


Abstract

Exequatur

Demande d'exécution d'un jugement belge - Conditions d'exécution prévues par les articles 472 à 475 du Code de procédure civile satisfaites - Examen du fond, en l'état de la loi belge excluant la réciprocité : révision du jugement non justifiée - Signification du jugement : conforme à la loi belge - Autres conditions : également remplies - Exécution provisoire ordonnée : l'admission de la demande d'exequatur conférant à Monaco un titre authentique art. 202 al. 1 du Code de procédure civile

Résumé

La matière est régie par les d

ispositions des articles 472 à 475 inclus du Code de procédure civile.

Aux termes de l'arti...

Abstract

Exequatur

Demande d'exécution d'un jugement belge - Conditions d'exécution prévues par les articles 472 à 475 du Code de procédure civile satisfaites - Examen du fond, en l'état de la loi belge excluant la réciprocité : révision du jugement non justifiée - Signification du jugement : conforme à la loi belge - Autres conditions : également remplies - Exécution provisoire ordonnée : l'admission de la demande d'exequatur conférant à Monaco un titre authentique art. 202 al. 1 du Code de procédure civile

Résumé

La matière est régie par les dispositions des articles 472 à 475 inclus du Code de procédure civile.

Aux termes de l'article 473, alinéa 1, l'exécution des jugements étrangers est autorisée sans examen du fond de l'affaire si la réciprocité est admise par la loi du pays où le jugement a été rendu.

Il est constant, en l'occurrence, que le droit belge de l'exequatur postule une révision au fond des jugements étrangers (cf. Juris-Classeur Droit comparé, Belgique n° 50) ; qu'il s'ensuit que la condition de réciprocité n'est pas remplie en l'espèce et qu'il y a lieu d'examiner d'office le fond de la décision soumise à exequatur.

À l'issue d'un examen détaillé des éléments de preuve soumis à son appréciation et après une argumentation juridique solidairement motivée quant aux fautes commises, le jugement fait une application classique de la responsabilité contractuelle qui permet à juste titre de déduire que la société monégasque a résilié le contrat à tort et doit réparer le préjudice causé à la société belge de ce fait.

Cette décision de justice n'a en conséquence pas lieu d'être révisée, d'autant qu'elle se borne à appliquer des concepts juridiques en vigueur en droit monégasque et qu'elle ne contient rien de contraire à l'ordre public, que cette décision, au demeurant, n'a pas été critiquée par la société monégasque qui s'est abstenue d'en faire appel.

L'article 475 dispose que « le demandeur à fin d'exécution devra produire :

1° Une expédition authentique du jugement,

2° L'original de l'exploit de signification ou de tout autre acte en tenant lieu dans le pays où le jugement aura été rendu (...) ».

Il est constant que le Code judiciaire de Belgique (Première partie, chapitre VII) prévoit à l'article 40 :

« A ceux qui n'ont en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, la copie de l'acte est adressée par l'huissier de justice sous pli recommandé à la poste à leur domicile ou à leur résidence à l'étranger et en outre par avion si le point de destination n'est pas dans un État limitrophe, sans préjudice des autres modes de transmission convenus entre la Belgique et le pays de leur domicile ou de leur résidence. La signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux services de la poste contre le récépissé de l'envoi dans les formes prévues au présent article... ».

Il résulte des pièces produites en original, dûment traduites, que par acte du 7 août 2000 dénommé « Signification commandement », un huissier de justice belge a signifié et laissé une copie de l'expédition exécutoire du jugement du 21 juin 2000 dans le respect de l'article 40 précité, soit en envoyant deux copies de l'acte de signification « sous pli recommandé à la poste, avec accusé de réception, l'une par avion, l'autre par la voie ordinaire » à l'adresse monégasque de la société Trademark Management, telle que mentionnée dans le jugement. Sont joints à l'exploit de signification les bulletins de recommandation de ces envois. Ces bulletins, produits en originaux par la demanderesse (pièces n° 2-3 et 2-4), font apparaître que les envois ont été dûment remis à la société Trademark Management, le 16 août 2000 comme en attestent la signature du destinataire et le cachet de la poste monégasque.

Il résulte de ces circonstances que la société Gilsim a satisfait aux prescriptions de la loi belge en matière de signification, laquelle est de droit réputée accomplie par la remise de l'acte à la poste contre le récépissé de l'envoi, sans qu'une traduction de l'acte signifié soit exigée. Il s'ensuit que se trouvent respectées les dispositions précitées de l'article 475-2 du Code de procédure civile, l'acte du 7 août 2000 et les bulletins joints constituant les originaux de l'acte tenant lieu de signification en Belgique.

En conséquence le moyen tiré de l'inobservation de cet article, seul fondement invoqué en défense par la société Trademark Management, ne peut qu'être rejeté. Par voie de conséquence, l'attestation établie à Bruxelles le 27 novembre 2000 par le greffier du tribunal de commerce de Bruxelles, selon laquelle aucun appel du jugement, dont l'exequatur est poursuivi, n'avait été enregistré au greffe à cette date, établit que ce jugement, exécutoire en Belgique, est devenu définitif.

Par ailleurs, le Tribunal constate que les conditions énoncées par les articles 473 et 475 du Code de procédure civile sont remplies en l'espèce.

En effet, l'expédition du jugement versée aux débats présente tous caractères propres à établir son authenticité ; le jugement apparaît régulier en la forme, la défenderesse ayant fait valoir ses moyens de défense ; il ne contient rien de contraire à l'ordre public, dès lors qu'il tranche un litige entre deux sociétés commerciales liées par un contrat de franchise en retenant la responsabilité contractuelle de la société monégasque, par suite de fautes dûment caractérisées dans la décision du Tribunal belge ; il n'est pas prétendu que le Tribunal de commerce était incompétent, au regard de la loi belge, pour connaître de ce litige.

Les conditions d'admission de la demande n'étant pas contestées par la société Trademark Management, à l'exception du moyen tiré du défaut de signification régulière auquel il a été répondu, il y a lieu d'octroyer l'exequatur sollicité.

L'admission de la demande de la société Gilsim a pour effet de lui conférer à Monaco un titre authentique au sens de l'article 202 alinéa 1er du Code de procédure civile ; il s'ensuit qu'en application de ce texte, l'exécution provisoire, requise par la demanderesse, doit être ordonnée par le Tribunal.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Par l'exploit susvisé du 20 février 2001, la société de droit belge dénommée SA Gilsim, qui expose avoir obtenu le 21 juin 2000 du Tribunal de commerce de Bruxelles un jugement de condamnation à l'encontre de la société anonyme monégasque Trademark Management, a fait assigner cette société pour que soit déclaré exécutoire à Monaco, sous le bénéfice de l'exécution provisoire de la décision à intervenir, le jugement belge dont le dispositif est ainsi conçu :

« Par ces motifs, le tribunal, statuant contradictoirement,

Déclare la demande de la demanderesse recevable et fondée en partie ;

Déclare la demande reconventionnelle recevable mais non fondée ;

Déclare le » contrat de coopération « conclu le 4 juin 1998 1998 dissous de plein droit à charge de la défenderesse au principal ;

Condamne la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 2 500 000 BEF + 185 261 BEF, à majorer des intérêts judiciaires à compter de la date de la citation, et les frais de l'instance, liquidés dans le chef de la demanderesse à 23 579 BEF et dans celui de la défenderesse à 12 600 BEF ;

Déclare le présent jugement exécutoire par provision ;

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de la 24e chambre du tribunal de commerce, séant à Bruxelles, le 21 juin 2000... » ;

La société Trademark Management s'est opposée à la demande par conclusions du 30 mai 2001 au motif que le jugement belge n'a pas été signifié mais notifié par voie postale, en sorte que les prescriptions de l'article 475, alinéa 2 du Code de procédure civile ne seraient pas respectées en la cause faute d'une signification effectuée par l'huissier en langue française ; elle en déduit que le délai d'appel de ce jugement n'a pas couru à son égard et en conteste le caractère définitif ;

Par conclusions en réponse du 17 octobre 2001, la société Gilsim, qui rappelle qu'aucun traité relatif à la signification des jugements ne lie la Belgique et la Principauté de Monaco, affirme que l'acte de signification, établi en application de l'article 40 du Code judiciaire belge, est conforme à la loi belge ; elle réitère en conséquence sa demande ;

Le Procureur général n'a pas conclu et le représentant du Ministère public a déclaré à l'audience ne pas avoir d'observation à formuler ;

Sur quoi :

Attendu que la matière est régie par les dispositions des articles 472 à 475 inclus du Code de procédure civile ;

Attendu d'une part, qu'aux termes de l'article 473 alinéa 1, l'exécution des jugements étrangers est autorisée sans examen du fond de l'affaire si la réciprocité est admise par la loi du pays où le jugement a été rendu ;

Qu'il est constant, en l'occurrence, que le droit belge de l'exequatur postule une révision au fond des jugements étrangers (cf. Juris-Classeur Droit comparé, Belgique n° 50) ; qu'il s'ensuit que la condition de réciprocité n'est pas remplie en l'espèce et qu'il y a lieu d'examiner d'office le fond de la décision soumise à exequatur ;

Attendu que le jugement belge tranche une question de responsabilité contractuelle entre les parties, unies par une convention de franchise dénommée « contrat de coopération » ; qu'après avoir examiné dans le détail les obligations auxquelles franchiseur et franchisé étaient soumis, le jugement retient que la société Trademark Management a commis divers manquements, tant dans la phase précontractuelle qu'au cours de l'exécution du contrat ; qu'il est en particulier reproché à cette société de ne pas avoir rempli ses obligations d'information à l'égard de la société belge, notamment à l'occasion de la constitution du réseau de sous-franchisés qu'elle ne lui a pas permis de mettre sur pied ; qu'il lui est fait grief par ailleurs de ne pas avoir mis à la disposition de la société Gilsim tout son savoir-faire, méconnaissant ainsi ses obligations essentielles de franchiseur ;

Qu'en outre, le jugement mentionne que la société monégasque a enfreint, pendant l'exécution du contrat, l'exclusivité territoriale consentie à la société belge, manquant ainsi à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi ;

Attendu qu'à l'issue d'un examen détaillé des éléments de preuve soumis à son appréciation et après une argumentation juridique solidement motivée quant aux fautes commises, le jugement fait une application classique de la responsabilité contractuelle qui permet à juste titre de déduire que la société monégasque a résilié le contrat à tort et doit réparer le préjudice causé à la société belge de ce fait ;

Que cette décision de justice n'a en conséquence pas lieu d'être révisée, d'autant qu'elle se borne à appliquer des concepts juridiques en vigueur en droit monégasque et qu'elle ne contient rien de contraire à l'ordre public ; que cette décision, au demeurant, n'a pas été critiquée par la société monégasque qui s'est abstenue d'en faire appel ;

Attendu d'autre part que l'article 475 dispose que « le demandeur à fin d'exécution devra produire :

1° Une expédition authentique du jugement ;

2° L'original de l'exploit de signification ou de tout autre acte en tenant lieu dans le pays où le jugement aura été rendu (...) » ;

Attendu qu'il est constant que le Code judiciaire de Belgique (Première partie, chapitre VII) prévoit à l'article 40 :

« À ceux qui n'ont en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, la copie de l'acte est adressée par l'huissier de justice sous pli recommandé à la poste à leur domicile ou à leur résidence à l'étranger et en outre par avion si le point de destination n'est pas dans un État limitrophe, sans préjudice des autres modes de transmission convenus entre la Belgique et le pays de leur domicile ou de leur résidence. La signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux services de la poste contre le récépissé de l'envoi dans les formes prévues au présent article... » ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites en original, dûment traduites, que par acte du 7 août 2000 dénommé « Signification-commandement », un huissier de justice belge a signifié et laissé une copie de l'expédition exécutoire du jugement du 21 juin 2000 dans le respect de l'article 40 précité, soit en envoyant deux copies de l'acte de signification « sous pli recommandé à la poste, avec accusé de réception, l'une par avion, l'autre par la voie ordinaire » à l'adresse monégasque de la société Trademark Management, telle que mentionnée dans le jugement ; que sont joints à l'exploit de signification les bulletins de recommandation de ces envois ; que ces bulletins, produits en originaux par la demanderesse (pièces n° 2-3 et 2-4), font apparaître que les envois ont été dûment remis à la société Trademark Management, le 16 août 2000 comme en attestent la signature du destinataire et le cachet de la poste monégasque ;

Attendu qu'il résulte de ces circonstances que la société Gilsim a satisfait aux prescriptions de la loi belge en matière de signification, laquelle est de droit réputée accomplie par la remise de l'acte à la poste contre le récépissé de l'envoi, sans qu'une traduction de l'acte signifié soit exigée ; qu'il s'ensuit que se trouvent respectées les dispositions précitées de l'article 475-2° du Code de procédure civile, l'acte du 7 août 2000 et les bulletins joints constituant les originaux de l'acte tenant lieu de signification en Belgique ;

Attendu en conséquence que le moyen tiré de l'inobservation de cet article, seul fondement invoqué en défense par la société Trademark Management, ne peut qu'être rejeté ; que par voie de conséquence, l'attestation établie à Bruxelles le 27 novembre 2000 par le greffier du Tribunal de commerce de Bruxelles, selon laquelle aucun appel du jugement dont l'exequatur est poursuivi n'avait été enregistré au greffe à cette date, établit que ce jugement, exécutoire en Belgique, est devenu définitif ;

Attendu par ailleurs que le tribunal constate que les conditions énoncées par les articles 473 et 475 du Code de procédure civile sont remplies en l'espèce ;

Attendu, en effet, que l'expédition du jugement versée aux débats présente tous caractères propres à établir son authenticité ; que le jugement apparaît régulier en la forme, la défenderesse ayant fait valoir ses moyens de défense ; qu'il ne contient rien de contraire à l'ordre public, dès lors qu'il tranche un litige entre deux sociétés commerciales liées par un contrat de franchise en retenant la responsabilité contractuelle de la société monégasque, par suite de fautes dûment caractérisées dans la décision du Tribunal belge ; qu'il n'est pas prétendu que le Tribunal de commerce était incompétent, au regard de la loi belge, pour connaître de ce litige ;

Attendu, en définitive, que les conditions d'admission de la demande n'étant pas contestées par la société Trademark Management, à l'exception du moyen tiré du défaut de signification régulière auquel il a été répondu, il y a lieu d'octroyer l'exequatur sollicité ;

Attendu que l'admission de la demande de la société Gilsim a pour effet de lui conférer à Monaco un titre authentique au sens de l'article 202 alinéa 1 du Code de procédure civile ; qu'il s'ensuit qu'en application de ce texte, l'exécution provisoire, requise par la demanderesse, doit être ordonnée par le Tribunal ;

Attendu que la société Trademark Management, dont les prétentions sont rejetées, devra supporter les dépens de l'instance par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

Par ces motifs :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare exécutoire en Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit, le jugement rendu le 21 juin 2000 par la 24e chambre du Tribunal de commerce de Bruxelles (Belgique) dont le dispositif est ci-dessus retranscrit ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Lelay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut et Sbarrato, av. déf. ; Sosso, av. ; d'Ortoli, av. bar de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26926
Date de la décision : 24/01/2002

Analyses

Arbitrage - Général ; Exequatur


Parties
Demandeurs : SA Gilsim
Défendeurs : Trademark Management

Références :

articles 472 à 475 du Code de procédure civile
article 475, alinéa 2 du Code de procédure civile
article 475-2° du Code de procédure civile
article 475-2 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
articles 473 et 475 du Code de procédure civile
art. 202 al. 1 du Code de procédure civile
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2002-01-24;26926 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award