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17/01/2002 | MONACO | N°26925

Monaco | Tribunal de première instance, 17 janvier 2002, M. c/ E.


Abstract

Attestations

Mentions devant y figurer : article 324 CPC - Nullité - Attestations dactylographiées, dépourvues de signature, émanant d'un ascendant en matière de divorce (art. 206-6 du Code civil)

Divorce

Effets relatifs aux enfants - Administration légale : en principe exercée par le parent ayant la garde - Résidence habituelle de l'enfant : en principe fixée au domicile du parent ayant la garde - Droit de garde et de visite : prise en considération pour sa détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant aux fins de maintien de tous les lien

s familiaux (convention de New York relative aux droits de l'enfant)

Résumé

Sur la ...

Abstract

Attestations

Mentions devant y figurer : article 324 CPC - Nullité - Attestations dactylographiées, dépourvues de signature, émanant d'un ascendant en matière de divorce (art. 206-6 du Code civil)

Divorce

Effets relatifs aux enfants - Administration légale : en principe exercée par le parent ayant la garde - Résidence habituelle de l'enfant : en principe fixée au domicile du parent ayant la garde - Droit de garde et de visite : prise en considération pour sa détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant aux fins de maintien de tous les liens familiaux (convention de New York relative aux droits de l'enfant)

Résumé

Sur la régularité des attestations produites

L'article 324 du Code de procédure civile exige à peine de nullité que l'attestation faite par un tiers soit écrite en entier de la main de son auteur et qu'elle soit accompagnée d'un document officiel justifiant de l'identité de ce dernier et comportant sa signature.

L'attestation des époux R. (pièce n° 74) est entièrement dactylographiée et ne revêt donc pas la forme manuscrite exigée par la loi, l'attestation de W. T. (pièce n° 75) n'est accompagnée que de la photocopie du recto d'une carte de séjour qui ne comporte aucune signature.

Ces deux pièces doivent être déclarées nulles.

L'article 206-6 du Code civil interdit l'audition des descendants à l'occasion d'une enquête sur les causes du divorce. Cette règle, qui n'est que l'expression d'un principe général de décence familiale doit être étendue aux attestations établies par les descendants et même à celles établies par des tiers lorsqu'elles font état des déclarations de descendants. Il n'y a donc pas lieu de prendre en considération les attestations émanant de l'école maternelle de Wedel.

Sur les conséquences du divorce pour l'enfant issu du mariage

L'article 206-20 du Code civil donne au tribunal le pouvoir de statuer sur la garde des enfants mineurs issus du mariage et de déterminer le droit de visite du parent auquel la garde n'a pas été confiée.

En cas de divorce, l'administration légale est exercée, sauf décision contraire spécialement prise par le tribunal, au parent à qui la garde a été attribuée. La résidence habituelle de l'enfant est donc en principe fixée au domicile du parent désigné comme gardien.

La convention des Nations unies relatives aux droits de l'enfant, conclue à New York le 26 janvier 1990 et déclarée exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 11.003 du 1er septembre 1993, impose notamment aux tribunaux de faire de l'intérêt supérieur de l'enfant une considération primordiale (article 3-1). Cette même convention institue également, lorsqu'un enfant est séparé d'un de ses deux parents, le droit pour lui d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec chacun de ses deux parents. Il ne peut être porté atteinte à ce droit que si son exercice est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant (article 3). Les deux parents ont en toute circonstance une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement (article 18-1).

Il ressort des éléments de la cause qu'il demeure des incertitudes sur l'équilibre psychologique de L. E. qui ne s'est pas expliquée sur l'évolution de son état de santé ; qu'il est établi que malgré l'obligation qui pèse sur elle en tant que parent gardien de l'enfant, elle n'a pas consenti tous les efforts nécessaires au respect de ses liens avec l'autre parent ; K. M. apparaît plus apte à la fois à assurer l'éducation de l'enfant et à garantir tous les liens familiaux.

En conséquence la garde de l'enfant doit être confiée à son père.

Il y a lieu d'attribuer à la mère un droit de visite de façon à lui permettre de participer régulièrement à l'éducation de sa fille et de conserver des relations avec les autres membres de la famille.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

K. R. M., ressortissant britannique, et L. E., ressortissante allemande, ont contracté mariage le 23 septembre 1994 devant l'officier de l'état civil de La Valette (République de Malte) ;

De cette union est issue l'enfant C. M. M., née le 21 février 1996 à Zabbar (République de Malte) ;

Suivant l'exploit susvisé du 11 avril 2000, K. M., faisait assigner son épouse en vue d'obtenir :

* le prononcé du divorce aux torts et griefs exclusifs de cette dernière ;

* la garde de C. sous réserve d'un droit de visite à sa mère ;

* la condamnation de L. E., par application de l'article 206-24, à lui payer la somme de 100 000 francs en réparation des préjudices causés par son comportement et par la dissolution du mariage ;

Par un jugement du 7 décembre 2000 le Tribunal se déclarant compétent pour statuer sur les mesures provisoires, a :

* prononcé la nullité de diverses attestations : celles produites par L. E., sous les n° 7, 9, 10, 11, 11 bis, 13, 27 et 33, et celles produites par K. M., sous les n° 45, 46 et 51 ;

* ordonné avant dire droit une mesure d'enquête sociale confiée à O. J., assistante sociale, et une mesure d'expertise psychologique confiée à Pascale Potdevin ;

* attribué provisoirement la garde de C. à sa mère ;

* accordé à K. M. un droit de visite devant s'exercer jusqu'au 13 janvier 2001 dans le cadre de l'unité de protection infantile de la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale et en présence de tiers, puis à compter de cette date un droit de visite et d'hébergement une fin de semaine sur deux du vendredi à 18 heures au dimanche à 18 heures, et durant une moitié des vacances scolaires ;

* condamné K. M., à payer à L. E. :

* à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant la somme de 5 000 francs par mois ;

* à titre de pension alimentaire pour elle-même la somme de 5 000 francs par mois ;

* sursis à statuer sur la demande de L. E. tendant à la condamnation de K. M. à payer des frais de souscription d'assurance maladie ;

O. J. déposait son rapport le 8 mars 2001 ; elle proposait de confier la garde de C. à son père tout en organisant une mesure de médiation et une expertise psychiatrique familiale ;

Gérard Renaudo, psychologue désigné en remplacement de Pascale Potdevin, déposait son rapport le 3 avril 2001 ; il notait l'angoisse des deux parents, estimait que K. M. paraissait le plus apte à obtenir la garde de C., mais estimait néanmoins que l'intérêt de l'enfant, eu égard à son jeune âge, empêchait de la retirer à sa mère ; il proposait de prendre une décision temporaire au sujet de sa garde et de réexaminer la situation d'ici un à deux ans en fonction de l'évolution des difficultés de L. E. ;

Par conclusions du 26 avril 2001, K. M. maintenait toutes ses demandes mais ne s'opposait pas à l'exercice par L. E. d'un droit de visite une fin de semaine sur trois, durant toutes les petites vacances scolaires et durant la moitié des grandes vacances ; pour les vacances de Noël, il demandait que l'enfant les passe en alternance chez chacun de ses parents ; il sollicitait en outre l'organisation d'une expertise psychiatrique concernant L. E. ; subsidiairement, pour le cas où la garde de l'enfant serait confiée à sa mère, il sollicitait le même droit de visite et offrait de verser chaque mois la somme de 2 000 francs à titre de part contributive à son entretien et à son éducation ;

Par ses conclusions du 5 juillet 2001, L. E. s'opposait à ces prétentions et formait une demande reconventionnelle en divorce aux torts et griefs exclusifs de son mari ; elle sollicitait l'annulation des pièces produites par ce dernier sous les n° 72, 73 et 74 ; elle ne s'opposait pas à l'attribution à K. M. de la jouissance de l'appartement sis à [adresse] qui constituait le domicile conjugal ;

Au sujet de l'enfant, elle sollicitait :

* sa garde ;

* l'organisation du droit de visite de son père une fin de semaine sur quatre en accord avec ses horaires scolaires ;

* la condamnation de K. M. à lui payer une somme de 10 000 francs par mois à titre de contribution à son entretien et à son éducation ;

En outre elle demandait au Tribunal de condamner K. M. à lui payer :

* une pension alimentaire de 10 000 francs par mois ;

* la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts, conformément à l'article 206-24 du Code civil, en réparation du préjudice subi du fait du comportement de son mari ;

Les arguments échangés entre les parties peuvent être ainsi résumés :

Sur les griefs invoqués par K. M. :

* il fait valoir que son épouse a « adopté une attitude radicalement incompatible avec le maintien du mariage » :

* en abandonnant brutalement, sans le prévenir, le domicile conjugal avec l'enfant ;

* en portant contre lui des accusations mensongères au sujet d'abus sexuels commis sur l'enfant, ce dans le seul but de faire échec aux procédures engagées par lui ;

* en lui adressant des courriers « tendancieux » ;

* L. E. justifie son départ de Monaco par l'attitude violente de son époux notamment durant l'été et en septembre de l'année 1999 ; elle soutient que le soupçon d'abus sexuel provient non pas d'elle, mais des médecins et des services sociaux allemands ayant examiné l'enfant, et qu'elle n'a donc commis aucune faute en déposant plainte auprès des autorités judiciaires allemandes d'Itzehoe ;

Sur les griefs invoqués par L. E. :

* elle prétend :

* que son mari s'est montré violent ou agressif tant durant le séjour des époux à Malte entre 1993 et 1997 qu'à Monaco ;

* qu'il abusait de l'alcool à Malte, passant de nombreuses nuits dans les bars ;

* qu'il a cherché à la placer sous sa dépendance, ne s'occupant pas de lui faire obtenir les pièces nécessaires à son séjour à Monaco ;

* qu'il a parlé d'elle de façon négative en août 1998, insistant sur de prétendus troubles psychiatriques et formant le projet de la faire interner dans un service hospitalier spécialisé ;

Sur la garde de C. :

* K. M., s'appuie sur le rapport d'O. J. pour soutenir que L. E. tente de l'exclure et de s'approprier l'enfant en faisant obstacle à ses droits de visite et même à des contacts téléphoniques après l'avoir illégalement déplacée de Monaco ; il insiste sur les troubles psychologiques de L. E. constatés par le psychologue Renaudo ; tout en se déclarant favorable à une médiation, il estime que l'intérêt de l'enfant commande de lui confier sa garde pour « rétablir l'équilibre... détruit par les voies de fait volontairement commises » par L. E. ;

* L. E. critique le rapport d'O. J., lui reprochant d'avoir adopté l'idée erronée de K. M. selon laquelle sa plainte pour abus sexuels n'aurait constitué qu'une manœuvre et d'avoir dénaturé le sens de son courrier du 31 janvier 2001 par lequel, loin de reconnaître avoir déposé une plainte mensongère, L. E. indiquait seulement que faute d'avoir été témoin des faits, elle ne pouvait pas en garantir la véracité ; elle refuse toute autorité à ce rapport fondé sur les fausses informations données par K. M. et transmises imprudemment par l'assistante sociale sans le recul et les vérifications nécessaires ; elle préfère s'appuyer sur le rapport du psychologue Renaudo pour soutenir qu'elle doit, dans l'intérêt de C., conserver sa garde ; elle affirme avoir respecté autant que possible le droit de visite accordé à son époux, seule la maladie de C. ayant parfois empêché son voyage à Monaco ;

Sur la contribution financière à l'entretien et à l'éducation de l'enfant :

pour le cas où la garde de C. serait maintenue à L. E., K. M. fait observer que la contribution fixée à titre provisoire doit être diminuée compte tenu des ressources de son épouse et du fait que la vie est certainement moins chère dans la commune allemande de Wedel, où elle demeure, qu'à Monaco ;

* L. E. met en avant l'importance des ressources de son époux et maintient sa demande tendant à ce qu'il prenne en charge les frais d'une assurance maladie pour C. ;

Sur le droit de visite du père :

* L. E. souligne que les voyages à Monaco sont une énorme contrainte pour C. et absorbent la quasi-totalité de la part contributive actuellement versée par K. M. ;

Sur l'expertise psychiatrique concernant L. E. :

* K. M. justifie sa nécessité par l'instabilité de son épouse, ses troubles pathologiques et évolutifs constatés par l'expert psychologue et la mauvaise influence de ses propres parents ; il l'estime indispensable à bref ou moyen terme à l'équilibre de C. ainsi qu'à sa bonne éducation ;

* L. E. voit là une nouvelle manifestation de l'intention de son mari de l'éliminer de sa vie et de lui enlever C. ; elle met en avant qu'elle ne présente aucune pathologie, ni aucun danger pour l'enfant et que la dépression qu'elle a subie dans le passé n'était due qu'à la vie infernale que lui imposait K. M. ;

Sur la pension alimentaire réclamée par L. E. :

* elle fonde sa demande sur le fait que son mari dispose de ressources « bien supérieures » aux siennes ; elle demande également qu'il prenne en charge les cotisations de son assurance maladie ;

* K. M. rappelle que le prononcé du divorce aux torts de son épouse exclura légalement toute pension alimentaire ;

Sur les dommages-intérêts :

* K. M. indique que son épouse est seule responsable de l'échec du couple et décrit son préjudice comme la conséquence des atteintes portées à son honorabilité par ses accusations mensongères ;

* L. E. invoque de son côté le préjudice subi « du fait du comportement de l'époux » qui l'a contrainte à le fuir ;

Sur quoi :

I. - Sur la régularité des attestations produits par K. M. sous les n° 72, 73 et 74 :

Attendu que l'article 324 du Code de procédure civile exige à peine de nullité que l'attestation faite par un tiers soit écrite en entier de la main de son auteur et qu'elle soit accompagnée d'un document officiel justifiant de l'identité de ce dernier et comportant sa signature ;

Attendu que l'attestation des époux R. (pièce n° 74) est entièrement dactylographiée et ne revêt donc pas la forme manuscrite exigée par la loi ; que l'attestation de W. T. (pièce n° 73) n'est accompagnée que de la photocopie du recto d'une carte de séjour qui ne comporte aucune signature ;

Que ces deux pièces doivent en conséquence être déclarées nulles ;

Attendu que la pièce n° 72 est constituée de la copie de deux messages télécopiés rédigés en langue anglaise ; que leur traduction en langue française, langue officielle de la Principauté de Monaco, n'est pas fournie ; qu'il y a lieu d'écarter cette pièce des débats ;

II. - Sur la demande en divorce présentée par K. M. :

A. - Sur les accusations d'abus sexuels portées par L. E. :

Attendu qu'il est constant que L. E. a déposé le 30 novembre 1999 auprès des autorités judiciaires allemandes une plainte fondée sur des suspicions d'abus sexuels commis par K. M. sur sa fille C. ; que cette plainte a été classée sans suite le 22 septembre 2000 par le Procureur d'Itzehoe ; que le recours formé par L. E. contre cette décision a été rejeté par le Procureur Général du Land de Schleswig-Holstein ;

Attendu que le classement sans suite est intervenu à l'issue d'une enquête au cours de laquelle le Procureur a notamment sollicité l'avis des docteurs Petra Wolf et Undeutsch, psychologues (pièces n° 38 et 39 du dossier du mari) ; que le docteur Wolf a émis l'avis que les irritations génitales constatées sur l'enfant n'étaient nullement spécifiques d'abus sexuels, que les déclarations de l'enfant n'avaient été ni détaillées ni spontanées et que « le cumul de plusieurs observations non spécifiques n'a en aucun cas valeur d'indice d'abus sexuels » ; que le docteur Undeutsch a de son côté soumis K. M. à une méthode de détection du mensonge par mesurage des réactions physiologiques périphériques involontaires et incontrôlables et en a déduit qu'il ne mentait pas en opposant des dénégations aux accusations portées contre lui ;

Attendu qu'il convient de se placer à l'époque où les accusations ont été portées pour apprécier la bonne ou la mauvaise foi de leur auteur ;

Attendu que les suspicions d'abus sexuels n'existaient manifestement pas à l'époque où L. E. a quitté Monaco avec C. ; qu'elle envoyait alors à son époux un message télécopié, daté du 28 octobre 1999, par lequel, tout en évoquant le partage de meubles, elle proposait de réfléchir sur les visites de C. à son père, compte tenu de leurs emplois du temps respectifs (pièce n° 26 du dossier du mari) ;

Attendu que L. E. produit deux certificats émanant du docteur Z., médecin à Wedel, datés des 9 et 30 novembre 1999, selon lesquels les constatations faites par ce praticien sur l'enfant, notamment une vulvite, avaient fait naître dans son esprit un soupçon d'abus sexuels qu'il a communiqué à la mère sans que celle-ci l'ait elle-même exprimé antérieurement ;

Attendu qu'il ne ressort pas de ces documents la preuve que L. E. aurait, avec la complaisance de ce médecin, forgé de toutes pièces une accusation grave contre son époux dans le seul but d'en tirer avantage dans une procédure de divorce ou de faire obstacle à tout lien entre lui et l'enfant ;

Attendu qu'il est certes troublant qu'elle n'ait déposé plainte qu'après que K. M. eût le 23 novembre 1999, soit une semaine plus tôt, saisi les autorités allemandes d'une requête par laquelle il demandait le retour de l'enfant à Monaco par la procédure prévue à la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 relative aux déplacements illicites d'enfant ;

Que cette circonstance n'est toutefois pas suffisante à établir la mauvaise foi de L. E. ; que même postérieurement, des travailleurs sociaux ont pu émettre des avis divergents sur le sérieux de sa plainte, le fonctionnaire Warte estimant le 6 juillet 2000 que L. E. ne paraissait pas manipuler sa fille (pièce n° 19 du dossier de l'épouse) tandis que le docteur W., déjà cité, évoque au contraire des questions « suggestives » de sa part ;

Attendu que le courrier adressé le 31 janvier 2001 à O. J. par L. E., annexé au rapport d'enquête sociale, n'est pas davantage probant ; qu'elle y écrit certes « Concernant la suspicion d'abus sexuels : je ne maintiens (sic) pas l'accusation. Ce n'est pas vrai » ; que le rapprochement avec d'autres passages de ce courrier montre cependant que L. E. n'a nullement reconnu que sa plainte était mensongère ; qu'elle écrit au contraire, tout en s'excusant de la mauvaise qualité de son français, qu'elle s'était fondée sur les propos de C. entendus par elle-même, la grand-mère de l'enfant ou des amies et ajoute : « je n'étais pas témoin ; je ne sais pas, ce qui se passait en été 1999. Je ne vais jamais savoir » ; qu'elle ne fait ainsi que tirer les conséquences pour l'avenir du classement sans suite de sa plainte décidé par la justice allemande ;

Attendu que l'incertitude ne permet pas ici de retenir les accusations comme constituant un grief susceptible de justifier le prononcé du divorce ;

B. - Sur l'abandon du domicile conjugal par L. E. :

Attendu que les époux ont vécu quelque temps à Malte après leur mariage ; qu'il ressort des constatations non remises en cause par les parties, faites par la Cour d'appel du Land de Schleswig-Holstein dans son arrêt du 26 juillet 2000 relatif à l'application de la Convention de La Haye précitée, qu'ils ont ensuite séjourné quelques mois à Wedel, auprès des parents de l'épouse avant de déménager à la fin de l'année 1996 en Thaïlande ; qu'après l'échec des projets professionnels de K. M. ils ont dû revenir à Wedel dès mars 1997 ; que K. M. a fini par trouver en juin 1998 un nouvel emploi auprès de la société Riviera Radio qui l'a amené à s'installer à Monaco ; que L. E. et C. l'y ont rejoint vers la fin de l'année 1998 puisque C. était scolarisée dès le 9 novembre 1998 à l'école internationale Waldorf de La Turbie et qu'un déménageur de Hambourg a établi une facture le 28 décembre 1998 (pièces n° 23, 28 et 29 du dossier du mari) ;

Attendu que l'entente entres les époux était déjà compromise avant leur arrivée à Monaco ; que L. E. avait présenté le 26 juin 1996 au Tribunal allemand de Pinneberg une demande tendant à obtenir la garde de C. ; que cette demande avait été retirée en octobre 1996 ; que L. E. était suivie depuis octobre 1997 à Wedel par le docteur O. en raison d'un syndrome dépressif avec états d'angoisse et panique, essentiellement lié selon ce médecin à des difficultés conjugales de plus en plus aiguës (pièce n° 4 du dossier de l'épouse) ; que dans un autre certificat, le même praticien faisait remonter l'apparition des troubles à la naissance de C. et proposait une thérapie comportementale, finalement confiée au cours de l'année 1998 à la psychologue Britta Beers (pièces n° 4 et 5 du dossier du mari) ;

Attendu que ces difficultés de santé se sont répétées à Monaco ; que le docteur Florent, installé à Nice, a été consulté le 9 février 1999 pour une crise de panique et des troubles de l'humeur, puis a reçu les deux époux qui ont évoqué une aggravation de la situation depuis leur arrivée à Monaco (pièces n° 6 et 9 du dossier du mari) ; qu'ils ont également consulté le docteur Sharara à Beausoleil qui, à côté d'un certificat d'aptitude au séjour peut-être destiné à l'obtention d'un titre de séjour à Monaco (pièce n° 1 du dossier de l'épouse), a préconisé une thérapie familiale et prescrit la prise du médicament « Prozac » en raison d'une pathologie névrotique et anxio-dépressive (pièces n° 8 du dossier de l'épouse et 15 du dossier du mari) ; que cette pathologie restait cependant limitée, L. E. ne présentant selon le docteur Zemori aucun délire extériorisé ni signe de psychose actuelle (pièce n° 3 du dossier de l'épouse) ;

Attendu que L. E. paraît dans ce contexte avoir subi plutôt que désiré son installation à Monaco ; que selon l'attestation de son amie E. L. (pièce n° 57), elle souhaitait rester à Wedel et n'a suivi son époux que pour un « nouvel essai » ;

Attendu que la crise ayant abouti à la séparation définitive du couple semble être apparue au cours du mois de septembre 1999 à l'issue d'un séjour de L. E. en Floride auprès d'une de ses amies ;

Attendu que L. E. a rédigé le 16 septembre 1999, à l'occasion de l'anniversaire de son époux, un long courrier dans lequel elle se livre à une sorte de bilan de leur vie commune et lui propose en conclusion de revivre et travailler ensemble dans l'avenir et pour leur fille, au besoin avec l'aide de conseils extérieurs ;

Qu'elle y évoque ses crises de panique depuis trois ans, qui la conduisent à crier et à se montrer agressive et espère s'en guérir à l'aide du « Prozac » ; qu'elle dit ne plus accepter que son mari joue un rôle de plus en plus important de partenaire puissant et fort alors qu'elle-même est réduite à un rôle de personne malade et faible ; qu'elle constate qu'ils ne partagent plus ni idées ni pensées, chacun ayant construit sa propre existence à Monaco, notamment dans le domaine professionnel ;

Qu'elle y affirme son amour pour son mari tout en expliquant qu'il l'a « mise à l'épreuve » en l'amenant à Monaco ;

Attendu que cet écrit est apparemment resté sans les effets espérés puisque L. E. a décidé à la fin du même mois de quitter le domicile commun des époux ; que son amie C. R. l'y a accompagnée pour y prendre des effets personnels (pièce n° 20 du dossier de l'épouse) ; que dès le 11 octobre 1999 elle s'installait avec sa fille au domicile de ses propres parents à Wedel (pièces n° 8 et 14 du dossier de l'épouse) ;

Attendu que ces faits manifestent clairement la volonté de L. E. de quitter le domicile conjugal et de mettre fin à la vie commune ; qu'une telle attitude est contraire à l'obligation faite à chaque époux par l'article 187 du Code civil d'habiter avec l'autre et est susceptible de constituer au sens de l'article 197 du Code civil une excès grave justifiant le prononcé du divorce ;

Attendu que l'abandon du domicile conjugal ne perd ce caractère que s'il a été judiciairement autorisé ou s'il a été rendu nécessaire par le comportement de l'autre époux ;

Attendu que L. E. n'a pas sollicité l'autorisation judiciaire préalable de résider séparément ;

Attendu qu'elle n'apporte pas la preuve que son départ a été causé par la violence de K. M. ;

Attendu que le comportement reproché à K. M. alors que les époux résidaient encore à Malte ou à Wedel, à le supposer établi, n'était pas de nature à mettre L. E. ou l'enfant en danger à l'époque de son départ alors que les faits en cause remontaient à plusieurs années ; que les termes du courrier rédigé le 16 septembre 1999 par L. E. montrent que les difficultés du couple étaient à cette date sans lien avec de tels faits et qu'il n'existait alors aucune raison de craindre des violences de la part du mari ;

Attendu que les seuls faits contemporains du départ sont tirés par L. E. des déclarations faites par C. à l'école (pièces n° 5 et 16) et de l'attestation de C. R. (pièce n° 20) ;

Mais attendu que l'article 206-6 du Code civil interdit l'audition des descendants à l'occasion d'une enquête sur les causes du divorce ; que cette règle, qui n'est que l'expression d'un principe général de décence familiale, doit être étendue aux attestations établies par les descendants et même à celles établies par des tiers lorsqu'elles font état des déclarations de descendants ; qu'il n'y a donc pas lieu de prendre en considération les attestations émanant de l'école maternelle de Wedel ;

Attendu que C. R. reproduit d'abord les propos de L. E. selon lesquels elle aurait été poussée contre une table par K. M. ; que cette affirmation n'a aucun caractère probant alors que le témoin n'a pas personnellement assisté aux faits décrits ;

Attendu qu'elle déclare ensuite qu'ayant accompagné L. E. au domicile commun pour y prendre ses effets personnels, elle a vu K. M. refuser de laisser partir son épouse, la pousser de la porte contre le mur et menacer d'appeler un médecin pour la faire déclarer folle ;

Attendu que cette attestation doit être examinée avec prudence puisque selon le propre mari du témoin, R. R., son épouse souffre d'une dépression nerveuse telle qu'elle peut conduire à l'autosuggestion et ne la met pas en mesure de savoir ce qu'elle a effectivement vu (pièce n° 50 du dossier du mari) ;

Attendu qu'en outre le comportement imputé à K. M. ne s'est traduit ni par des coups ni par des traumatismes médicalement constatés ; que sa gravité n'est donc pas caractérisée ; que surtout il n'est pas susceptible de justifier un départ prémédité par L. E. qu'elle était en train de mettre en œuvre ;

Attendu que l'abandon du domicile conjugal constitue bien à l'égard de L. E. un excès grave justifiant le prononcé du divorce ;

III. - Sur la demande en divorce formée par L. E. :

A. - Sur la volonté de K. M. de faire interner son épouse :

Attendu que ce grief est essentiellement fondé sur l'attestation de P. S. (pièce n° 7 du dossier de l'épouse) ;

Mais attendu que cette attestation a été déclarée nulle par le Tribunal dans son jugement du 7 décembre 2000 ;

Attendu que l'idée d'internement apparaît également dans l'attestation de C. R. déjà citée ; que pour les motifs déjà retenus plus haut, ce document ne peut avoir qu'une faible valeur probante ; que même si l'on pouvait y accorder foi, la réaction de K. M. face au départ soudain de son épouse ne pourrait pas être analysée comme le signe d'un projet déterminé d'étouffer la personnalité de cette dernière et de la faire hospitaliser ;

Qu'un tel grief ne peut donc être retenu contre lui ;

B. - Sur le grief de violence :

Attendu que le comportement de K. M., tel qu'il est décrit par C. R., alors qu'il cherchait à empêcher son épouse de quitter le domicile commun, a déjà été analysé plus haut ; qu'il résulte de cette analyse que dans le contexte dans lequel ils se placent, ces faits, qui n'ont eu aucune conséquence sur l'intégrité physique de L. E., ne peuvent être considérés comme des excès graves ;

Attendu que K. S., évoquant l'époque où les époux résidaient à Malte, se borne à faire état des dires de L. E. sur de prétendues violences dont elle n'a pas été le témoin direct (pièce n° 6) ; que son attestation est sans valeur probante sur ce point ;

C. - Sur les autres griefs :

Attendu que L. E. invoque également l'attestation de son père (pièce n° 14), celle de K. S. et celle de M. B. (pièce n° 9) au sujet de l'agressivité de K. M. et sa tendance à abuser des boissons alcoolisées ;

Attendu que le Tribunal a annulé l'attestation de M. B. dans son précédent jugement ;

Attendu que K. S. explique que K. M., à l'époque où les époux résidaient à Malte, passait des nuits dans des bars ou des night clubs, où il fallait parfois aller le chercher, et rentrait ivre et agressif ; qu'A. E. dit avoir constaté le même comportement durant les mois de mars et avril 1996 à Malte ; qu'il ajoute que lorsque les époux résidaient à Wedel, K. M. se montrait agressif avec ses beaux-parents ;

Mais attendu que ces faits sont anciens ; qu'ils sont pour la plupart d'entre eux antérieurs à l'action intentée par L. E. en 1996 devant le Tribunal de Pinneberg ; que le retrait de cette action montre que les faits reprochés à K. M. n'avaient pas empêché la reprise de la vie commune ; qu'il n'est pas allégué qu'il ait persisté ensuite dans ses excès de boissons alcoolisées ; que ces faits ne présentent plus un caractère de gravité suffisant pour justifier le prononcé du divorce ;

Attendu qu'A. E. n'apporte aucune précision sur l'agressivité qu'il invoque ; qu'il n'est donc pas suffisamment établi que ce comportement, dirigé uniquement contre les beaux-parents, a pu constituer à l'égard de l'épouse des excès ou injures graves ;

Attendu qu'il y a en conséquence lieu de rejeter la demande présentée par L. E. et de prononcer le divorce à ses torts et griefs exclusifs ;

IV. - Sur la pension alimentaire sollicité par L. E. :

Attendu que l'article 206-23 du Code civil réserve à l'époux au profit de qui le divorce a été prononcé le droit de solliciter une pension alimentaire s'il n'existe pas d'avantages matrimoniaux suffisant à assurer sa subsistance ;

Attendu que le divorce est prononcé aux torts et griefs de L. E. ; que la simple disparité entre les revenus respectifs des époux ne peut en outre justifier une demande de pension alimentaire ; qu'il y a donc lieu de rejeter cette demande ;

Attendu que la demande tendant à la prise en charge par K. M. des frais de souscription d'une assurance maladie au bénéfice de L. E. ne peut s'analyser en droit monégasque que comme une demande de complément de pension alimentaire ; qu'elle doit donc être également rejetée ;

V. - Sur les dommages-intérêts :

Attendu que l'article 206-4 du Code civil permet au tribunal d'accorder au conjoint qui obtient le divorce des dommages-intérêts pour réparer le préjudice matériel ou moral que lui cause la dissolution du mariage ;

Attendu que L. E. ne peut pas prétendre à ces dommages-intérêts puisque le divorce est prononcé à ses torts ;

Attendu que K. M. ne prétend pas avoir subi un préjudice matériel et n'invoque donc qu'un préjudice moral ;

Attendu qu'il n'est pas établi que L. E. ait agi fautivement lorsqu'elle a déposé plainte en Allemagne à la suite des suspicions signalées par le médecin ayant examiné C. ; que ce fait ne peut ouvrir droit à indemnisation ;

Attendu que K. M. invoque encore la responsabilité de L. E. dans l'échec conjugal ; que cependant, il résulte des faits précédemment analysés que le couple connaissait de longue date des difficultés qui se sont aggravées à Monaco ; que l'échec du couple résulte donc essentiellement de faits antérieurs à la dissolution du mariage et aurait pu être constaté en dehors même d'une procédure de divorce ; qu'il n'est pas établi que le préjudice moral invoqué résulte de la dissolution du mariage, de sorte qu'il y a lieu de rejeter également cette demande ;

VI. - Sur les conséquences du divorce pour l'enfant C. :

Attendu que l'article 206-20 du Code civil donne au Tribunal le pouvoir de statuer sur la garde des enfants mineurs issus du mariage et de déterminer le droit de visite du parent auquel la garde n'a pas été confiée ; qu'en cas de divorce, l'administration légale est exercée, sauf décision contraire spécialement prise par le Tribunal, par le parent à qui la garde a été attribuée ; que la résidence habituelle de l'enfant est donc en principe fixée au domicile du parent désigné comme gardien ;

Attendu que la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 septembre 1989 et déclarée exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 11-003 du 1er septembre 1993, impose notamment aux tribunaux de faire de l'intérêt supérieur de l'enfant une considération primordiale (article 3-1) ; que cette même convention institue également, lorsqu'un enfant est séparé d'un de ses deux parents, le droit pour lui d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec chacun de ses deux parents ; qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit que si son exercice est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) ; que les deux parents ont en toute circonstance une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement (article 18-1) ;

A. - Sur la garde et les droits de visite :

Attendu que le Tribunal dispose pour l'éclairer des pièces et attestations produites par les parties ainsi que des rapports déposés par O. J., assistante sociale, et Gérard Renaudo, psychologue ;

Attendu que L. E. produit plusieurs attestations de membres de sa famille et d'amies qui tendent à prouver qu'elle assure bien l'éducation de C. avec l'aide de ses propres parents (pièces n° 8, 12, 15, 26, 33 et 58) ;

Attendu que K. M. présente de son côté des attestations faisant état de ses qualités humaines, de son amour pour sa fille et du bonheur de l'enfant à l'occasion de ses visites à Monaco (pièces n° 38, 46, 49, 76, 77 et 78) ;

Que chacun des parents fournit des photographies montrant C. souriante à l'occasion de diverses activités ;

Attendu qu'aucune de ces pièces n'est déterminante ; qu'il est naturel que C. soit attachée à ses deux parents et soit heureuse de voir l'un et l'autre ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des accusations d'abus sexuels portées contre K. M. puisque leur réalité n'a pas été démontrée et qu'aucun élément ne permet de remettre en cause l'appréciation faite sur ce point par les autorités judiciaires allemandes ; que comme il l'a été démontré ci-dessus, le fait d'avoir soutenu ces accusations ne peut pas non plus être reproché à L. E. ;

Attendu que l'assistante sociale O. J. relève dans son rapport que selon l'enquête effectuée à Monaco auprès des voisins des époux, ils s'occupaient tous deux avec amour de leur fille ; qu'elle note que L. E. a manifesté un manque de coopération pour permettre au père d'exercer son droit de visite et a même refusé plusieurs fois de simples contacts téléphoniques ;

Que pour préconiser de confier à K. M. la garde de sa fille, elle développait trois arguments :

* K. M. semblait présenter à l'époque de l'enquête sociale de bonnes garanties éducatives, matérielles et psychologiques ;

* L. E. était au contraire atteinte de troubles psychiques dont il était nécessaire d'examiner la nature exacte et la possible évolution ;

* K. M. apparaissait comme le parent le plus respectueux du droit de visite de l'autre parent ;

Attendu que le psychologique Gérard Renaudo a examiné les deux parents et l'enfant ;

Qu'il décrit L. E. comme souffrant d'une angoisse corporelle morbide très vive contre laquelle elle se protège par la rigidité de sa pensée, la maîtrise des sentiments et une certaine distance affective ; que ce fait ne constitue cependant pas un trouble grave de la personnalité et ne la rend pas dangereuse pour sa fille ; qu'elle ne s'est pas posé de question devant le psychologue au sujet de son éventuelle responsabilité dans la séparation, ne se décrivant que comme une victime ;

Que K. M. apparaît de son côté comme marqué par un certain égocentrisme ; qu'il lui est difficile de comprendre et d'accepter l'imprévisible, l'irrationnel et l'illogique, ce qui expliquerait son incapacité à faire face aux difficultés psychologiques de son épouse ; qu'il lui est malaisé de comprendre et d'analyser la rupture de son couple ; qu'il ne présente aucun trouble grave de la personnalité mais seulement une angoisse contre laquelle il se défend par la banalité et la normalité ;

Que C. semble équilibrée, ressentant que l'affection de son père est plus manifeste tout en accordant une égale confiance à ses deux parents ; qu'elle ne serait « pas dupe des pressions que la mère exerce sur elle » et conserverait une position personnelle, répondant à une question embarrassante sur l'influence de sa mère que le plus important était pour elle de rester dans la même école ;

Attendu que l'expert note qu'aucun des deux parents ne peut vraiment comprendre ce qui s'est passé ni aider l'autre ; qu'il s'inquiète des difficultés de L. E. dont il ne peut prévoir l'évolution ; que K. M. lui apparaît comme le plus apte à obtenir la garde de C. parce qu'il semble plus proche d'elle et plus affectif ; qu'il considère cependant que l'intérêt de l'enfant, compte tenu de son âge, est de ne pas être séparée de sa mère dont les troubles ne sont pas suffisamment graves pour justifier une solution contraire ; qu'il propose prudemment de réexaminer la situation dans un ou deux ans en fonction de l'évolution de L. E. ;

Attendu que les difficultés de la mère sont évoquées de façon plus précise par G. N. qui a gardé l'enfant à l'époque de la vie commune à Monaco (pièce n° 48 du dossier du mari) ; qu'elle explique que L. E. a pu exercer une pression involontairement excessive sur C., parlant par exemple de la quitter pour retourner en Floride ; que faisant apparemment preuve de recul, elle voit L. E. comme « quelqu'un de très bien » qui aime son enfant, mais n'est pas capable de l'élever sans susciter chez elle des « anxiétés fondamentales » ;

Attendu qu'il est difficile de tirer des conclusions de ce comportement, manifesté à l'époque de la rupture entre les époux dans une période troublée ; que cependant L. E. ne s'explique ni sur ses troubles décrits par l'expert Renaudo ni sur leur évolution ; qu'elle ne produit qu'un certificat ancien du docteur O-verbeck daté du 24 août 2000 qui confirme l'existence de ces troubles et indique qu'elle « retrouvera une excellente santé psychique à l'issue du conflit de divorce » (pièce n° 4) ; qu'elle ne justifie pas avoir depuis poursuivi son traitement médical ;

Attendu que depuis l'enquête sociale et l'expertise, l'exercice du droit de visite accordé à K. M. a de nouveau été perturbé ; qu'après des discussions apparemment difficiles au sujet des vacances d'été, L. E. lui a fait connaître le 13 novembre 2001 que l'état de santé de C. empêchait son déplacement à Monaco ; que le docteur Nissen, installé à Wedel, contre-indiquait tout voyage pendant au moins huit semaines en raison d'une fragilité des bronches ; que plus radicalement son confrère de Hambourg le docteur Sextro a diagnostiqué un « asthme intrinsèque » de l'effort, accompagné d'éventuelles composantes allergiques, et a suspendu tout voyage en avion pour une durée indéterminée, n'envisageant la reprise d'un tel déplacement qu'en compagnie d'une personne familiarisée avec cette maladie et les médicaments appropriés en raison d'un risque de stress psychique ;

Attendu qu'il n'est pas démontré que les certificats de ces médecins aient été frauduleusement obtenus même si l'on peut s'interroger sur l'extrême prudence du docteur Sextro qui exclut ou limite les transports aériens tout en diagnostiquant un asthme d'effort qui lui paraît pourtant insuffisant pour contre-indiquer une activité sportive ;

Attendu toutefois que L. E. n'a à aucun moment envisagé de faciliter le transport de sa fille à Monaco, se bornant à proposer à K. M. de se déplacer lui-même et d'imputer ses frais d'avion sur le montant de la pension alimentaire due par lui ; qu'elle n'a proposé ni de faire accompagner l'enfant en avion comme préconisé par le docteur Sextro, ni de réaménager le droit de visite, par exemple sous forme de semaines complètes, pour permettre un transport par le train ; qu'elle a ainsi insuffisamment respecté le droit de sa fille à entretenir des relations équilibrées avec chacun de ses deux parents ;

Qu'elle apparaît de façon générale peu respectueuse du lien de C. avec son père ; que devant l'assistante sociale Jolivet, elle a ainsi prétendu que l'enfant n'était que de nationalité allemande, contrairement à K. M. qui soulignait la diversité de ses origines en lui attribuant les nationalités britannique, allemande et maltaise ;

Attendu que K. M. peut fournir à l'enfant des conditions matérielles équivalentes à celles dont elle dispose auprès de sa mère, désormais installée depuis mai 2001 dans un appartement de trois pièces à Wedel (pièce n° 49 du dossier de l'épouse) ; que les deux parents exercent une activité professionnelle susceptible de réduire leur disponibilité ;

Attendu qu'il demeure des incertitudes sur l'équilibre psychologique de L. E. qui ne s'est pas expliquée sur l'évolution de son état de santé ; qu'il est établi que malgré l'obligation qui pèse sur elle en tant que parent gardien de l'enfant, elle n'a pas consenti tous les efforts nécessaires au respect de ses liens avec l'autre parent ;

Attendu que K. M. apparaît ainsi plus apte à la fois à assurer l'éducation de C. et à garantir le maintien de tous les liens familiaux ;

Qu'il est certes vrai que K. M. n'est pas entouré à Monaco de membres de sa famille avec lesquels il semble ne plus avoir de relations, alors que L. E. vit à proximité du domicile de ses parents ; que cet inconvénient est toutefois insuffisant pour rendre contraire à l'intérêt de C. la fixation de sa résidence habituelle auprès de son père ;

Que le jeune âge de C. permet d'envisager sans inconvénient excessif un changement d'école ;

Attendu que la garde de C. doit en conséquence être confiée à son père, sans qu'il y ait lieu à nouvelles expertises ;

Attendu qu'il y a lieu d'attribuer à L. E. un droit de visite élargi de façon à lui permettre de participer régulièrement à l'éducation de sa fille et de conserver des relations avec les autres membres de la famille ;

Que ces nécessités doivent notamment conduire, compte tenu de l'éloignement géographique entre les parents, à étendre la période d'exercice de ce droit à la plus grande partie des vacances scolaires d'été et à la totalité des autres vacances, comme il sera précisé au dispositif de la présente décision ;

Qu'un droit de visite peut également être prévu lors des vacances scolaires et durant les fins de semaine ; que jusqu'à la fin de la présente année scolaire, la scolarisation de C. n'étant pas obligatoire, ce droit peut être temporairement élargi ;

Qu'il apparaît utile de rappeler que les périodes à prendre en considération seront celles applicables au lieu où l'enfant sera effectivement scolarisée ;

Attendu que L. E. bénéficiait en février 2001, après son embauche par la société Foires et Congrès de Hambourg, d'un salaire de 2 505,22 deutschemarks tandis que K. M. admettait lors de l'enquête sociale bénéficier de revenus moyens mensuels de 34 603 francs ;

Attendu que cette disparité justifie que les frais de transport de C. soient pris en charge par son père ;

B. - Sur la contribution financière à l'entretien et à l'éducation :

Attendu qu'aucune contribution n'a été réclamée à ce titre par K. M. ;

Que la décision prise au sujet de la garde prive d'objet la demande de L. E. tendant au paiement par K. M. d'une pension alimentaire et des frais d'assurance maladie de l'enfant ;

Et attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ; que les dépens doivent être mis à la charge de L. E. aux torts de laquelle le divorce est prononcé ; qu'il n'y a pas lieu de faire application des règles relatives à l'assistance judiciaire, L. E. ayant renoncé à son bénéfice ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Vu la décision ayant autorisé la résidence séparée des époux en date du 9 février 2000,

Prononce l'annulation des pièces produites par K. M. sous les n° 73 et 74 et écarte des débats la pièce produite par lui sous le n° 72 ;

Déboute L. E. de sa demande en divorce ;

Prononce aux torts exclusifs de l'épouse le divorce entre les époux K. R. M. et L. E. célébré le 23 septembre 1994 devant l'officier de l'état civil de La Valette (République de Malte) ;

Ordonne la liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre les époux ;

Commet Maître Henry Rey, notaire, pour procéder à cette liquidation et Mademoiselle Anne-Véronique Bitar-Ghanem, juge au siège, pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Dit qu'en cas d'empêchement du notaire ou du magistrat ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Constate que L. E. ne s'oppose pas à l'attribution à K. M. de la jouissance de l'appartement ayant constitué le domicile conjugal ;

Confie à K. M. la garde de l'enfant C. M. M., née le 21 février 1996 à Zabbar (République de Malte) ;

Accorde à L. E. un droit de visite qui s'exercera, sauf meilleur accord des parties :

1) Jusqu'au 30 juin 2002

* une fin de semaine sur deux, du mercredi en cours de journée en fonction des modalités de transport de l'enfant jusqu'au dimanche soir ;

* la totalité des vacances scolaires ;

2) À compter du 1er juillet 2002

* les première et troisième fins de semaine de chaque mois du vendredi après la fin des cours suivis par l'enfant jusqu'au dimanche soir ;

* les trois quarts des vacances scolaires d'été ;

* la moitié des vacances de Noël : la première partie les années impaires, la deuxième partie les années paires ;

* la totalité des autres périodes de vacances ;

Dit que les frais de transport nécessaires aux déplacements de C. entre Monaco et le domicile de sa mère devront être pris en charge par K. M. ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot et Escaut, av.-déf. ; Mullot et Sosso, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26925
Date de la décision : 17/01/2002

Analyses

Droit de la famille - Autorité parentale et droits de l'enfant ; Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : E.

Références :

article 206-4 du Code civil
Ordonnance Souveraine n° 11.003 du 1er septembre 1993
article 206-24 du Code civil
article 206-20 du Code civil
article 197 du Code civil
article 206-23 du Code civil
article 231 du Code de procédure civile
article 324 du Code de procédure civile
art. 206-6 du Code civil
CPC
article 187 du Code civil
ordonnance souveraine n° 11-003 du 1er septembre 1993


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2002-01-17;26925 ?

Source

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