La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2002 | MONACO | N°26924

Monaco | Tribunal de première instance, 17 janvier 2002, K. M. c/ L. E.


Abstract

Mariages

Résidence habituelle de l'enfant issu du mariage, située à Monaco conformément à l'article 187 du Code civil - Déplacement illicite de cette résidence à l'étranger : Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Décision définitive d'une juridiction allemande faisant application de ladite Convention et prononçant le caractère illicite du déplacement de résidence - Action introduite à Monaco aux fins de détermination de la résidence habituelle de l'enfant devenue sans objet en l'état de la décision judiciaire allemande

Résumé

La C

our d'appel de Land de Schlewig-Holstein, saisie par K. M., a par sa décision du 26 juillet 2...

Abstract

Mariages

Résidence habituelle de l'enfant issu du mariage, située à Monaco conformément à l'article 187 du Code civil - Déplacement illicite de cette résidence à l'étranger : Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Décision définitive d'une juridiction allemande faisant application de ladite Convention et prononçant le caractère illicite du déplacement de résidence - Action introduite à Monaco aux fins de détermination de la résidence habituelle de l'enfant devenue sans objet en l'état de la décision judiciaire allemande

Résumé

La Cour d'appel de Land de Schlewig-Holstein, saisie par K. M., a par sa décision du 26 juillet 2000 dont L. E. reconnaît le caractère définitif, ordonné le « rapatriement » de l'enfant - issu du mariage des deux parties susnommées - sur le territoire de Monaco avant l'expiration d'un délai courant jusqu'au 3 septembre 2000 inclus. La Cour a fondé cette décision sur les dispositions de l'article 12 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et a notamment retenu :

- que la résidence habituelle de l'enfant se trouvait bien fixée, à la date du déplacement du 11 octobre 1999, sur le territoire de la Principauté de Monaco (ce qui était conforme à l'article 187 du Code civil monégasque selon lequel le choix de la résidence du ménage appartient au mari) ;

- que le transfert de C. par sa mère, de Monaco à Wedel, était illégal, puisqu'elle avait été emmenée en Allemagne contre la volonté de son père dont les droits d'autorité parentale même communs avec la mère, avaient été violés ;

- qu'aucun des empêchements au retour de l'enfant prévus à l'article 13 de la Convention n'était constitué alors que le soupçon d'abus sexuel opposé à K. M. se trouvait « invalidé » par les éléments du dossier ;

- que le laps de temps écoulé entre le déplacement illicite et la décision judiciaire ne constituait pas un empêchement ;

- que le but premier du « rapatriement » est de restaurer la situation juridique initiale et de renvoyer les parties vers la juridiction compétente du lieu de résidence habituel de l'enfant pour régler les questions touchant à la garde et au mode des relations entre les parents et l'enfant.

La demande initialement formée par K. M. dans le cadre de la présente instance est expressément fondée sur les articles 15 et 3 de la Convention précitée.

L'article 15 dispose que les autorités judiciaires ou administratives de l'État requis pour l'application de la Convention ont la faculté, avant d'ordonner le retour de l'enfant déplacé, de demander la production par le demandeur d'une décision ou d'une attestation émanant des autorités de l'État de la résidence habituelle de l'enfant et constatant que le déplacement ou le non-retour était illicite au sens de l'article 3 de la Convention ; cet article 3 définit les cas dans lesquels le déplacement ou le non-retour est considéré comme illicite.

K. M. s'est adressé dès le 23 novembre 1999 aux autorités allemandes en vue d'obtenir le retour de l'enfant à Monaco. Il est clair qu'il n'a ensuite introduit à Monaco la présente instance que dans le but d'obtenir une décision dont la production aurait pu être exigée par les autorités allemandes ou de conforter auprès d'elles ses prétentions.

Les juridictions allemandes se sont prononcées sans exiger cette production. La demande de K. M. relative à la détermination de la résidence habituelle de l'enfant et au caractère illicite du déplacement ou du non-retour est donc bien devenue sans objet et doit être rejetée.

L'existence de la procédure de divorce pendante à Monaco est sans influence alors qu'il appartient au juge compétent pour en connaître d'examiner de façon distincte si les circonstances du déplacement ou du non-retour de l'enfant sont susceptibles de constituer des causes de divorce.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

K. R. M., ressortissant britannique, et L. E., ressortissante allemande, ont contracté mariage le 23 septembre 1994 devant l'officier de l'état civil de La Valette (République de Malte) ;

De cette union est issue l'enfant C. M. M., née le 21 février 1996 à Zabbar (République de Malte) ;

Par l'exploit susvisé du 31 mars 2000, K. M. faisait assigner L. E. et demandait au Tribunal, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

* constater que la résidence habituelle des époux était au mois d'octobre 1999 à Monaco, [adresse] ;

* constater qu'à la date du 10 octobre 1999, date de son déplacement par sa mère, la résidence habituelle de l'enfant était située au même endroit ;

* constater que par application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le déplacement de l'enfant hors de son domicile, effectué à l'insu de son père vers l'Allemagne, et son non-retour à Monaco, étaient illicites ;

L. E. concluait alors au sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure en divorce engagée par son époux ;

Suivant jugement rendu le 6 juillet 2000, le Tribunal rejetait ce moyen de défense et invitait L. E. à conclure sur le fond de l'affaire ;

Le 14 septembre 2000, elle exposait que la Cour d'appel du Land de Schleswig-Holstein (République d'Allemagne) avait ordonné le 26 juillet 2000 le « rapatriement » de l'enfant et qu'elle avait déféré à cette décision ; elle demandait au Tribunal de constater que la demande de K. M. n'avait plus d'objet ;

Cependant, après avoir changé de conseil, elle sollicitait dans ses conclusions des 21 mars et 6 juillet 2001 :

* que le Tribunal constate que l'instance ne présentait plus un caractère urgent ;

* qu'il déboute K. M. de sa demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire et de sa demande de dommages-intérêts ;

* qu'il constate que le déplacement et le non-retour de l'enfant n'étaient pas illicites en vertu de l'article 13 de la Convention précitée ;

K. M. concluait le 30 mai 2001 pour maintenir ses prétentions et demander en outre la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'enlèvement de l'enfant et l'attitude dolosive reprochés à L. E. ;

Le débat entre les parties peut être ainsi résumé :

Sur l'influence de la décision rendue en Allemagne :

* K. M. estime que la reconnaissance de l'enlèvement illicite de l'enfant et son rapatriement conservent toute leur importance en raison de l'existence de la procédure de divorce en cours à l'occasion de laquelle il sollicite la garde de C. ;

* L. E. indique que la décision allemande est devenue définitive et qu'elle y a déféré ;

Sur la résidence habituelle de l'enfant :

* K. M. invoque la prérogative reconnue au mari par l'article 187 du Code civil monégasque de choisir la résidence du ménage pour soutenir que la résidence habituelle de la famille avait été fixée à Monaco depuis décembre 1998 ;

* L. E. fait observer que ni elle-même ni l'enfant n'ont été titulaires à Monaco d'un titre de séjour, qu'elles ont toujours été inscrites au registre des habitants de la ville allemande de Wedel et que la famille n'a séjourné que quelque temps à Monaco pour une durée bien inférieure à celle de ses séjours dans d'autres pays ;

Sur le caractère licite ou illicite du transfert de l'enfant hors de Monaco :

* K. M. fonde sa demande sur les articles 3 et 15 de la Convention de La Haye ; il expose que son épouse a quitté la Principauté sans le prévenir, l'empêchant de voir sa fille en limitant ou en désorganisant depuis lors l'exercice de son droit de visite, et note qu'elle s'est même soustraite à l'exécution de la décision allemande en s'installant temporairement non à Monaco mais dans la commune française limitrophe de Cap d'Ail ; il exprime son inquiétude au sujet de la santé, de la sécurité, de la moralité et de l'éducation de l'enfant, eu égard à la santé fragile de son épouse et des importants troubles dépressifs déjà manifestés par elle ; il ajoute que l'illicéité doit être appréciée à la date de l'enlèvement ;

* L. E. ne s'exprime pas sur le déplacement de l'enfant, mais indique « indépendamment de la question d'un déplacement licite ou illicite de l'enfant » que le retour d'un enfant n'est pas obligatoire dans les cas prévus par l'article 13 de la Convention, notamment s'il existe un risque grave que le retour expose l'enfant à un danger ou le place dans une situation intolérable ; elle explique que sur la base des soupçons exprimés en novembre 1999 par le médecin allemand consulté en raison des douleurs ressenties par l'enfant aux parties génitales, puis des déclarations de tiers et de rapports sociaux relatifs aux réactions de crainte de C. au sujet de son père, elle avait pu envisager la possibilité d'un abus sexuel commis par K. M. sur sa fille durant l'été 1999 ; elle en déduit que même si aucune poursuite pénale n'a finalement été engagée par les autorités judiciaires allemandes, elle était en droit de craindre qu'un retour de l'enfant l'exposerait à un danger ou la placerait dans une situation intolérable et, en conséquence, de s'opposer à ce retour ; elle insiste sur le fait qu'elle ne s'est livrée là à aucune manœuvre alors que les soupçons sont venus d'éléments extérieurs ; elle précise qu'elle a exécuté la décision allemande en s'installant temporairement à Cap-d'Ail, faute de moyens suffisants pour loger à Monaco, et que le Tribunal de Monaco lui a depuis confié à titre provisoire la garde de l'enfant en accordant au père un droit de visite qu'elle veille à bien exécuter ;

* K. M. réplique que les procédures judiciaires allemandes l'ont « totalement lavé... de tout soupçon » et reproche à son épouse de se comporter calomnieusement et de mauvaise foi en rappelant ces accusations, ce d'autant plus qu'elle avait « avoué » dans un écrit transmis à O. J., chargée d'une enquête sociale, que ces accusations étaient infondées et destinées à éloigner le père de son enfant ;

* L. E. conteste cette interprétation de son écrit alors qu'elle entendait seulement y rappeler, après la décision des juridictions allemandes, qu'elle n'avait personnellement été témoin d'aucun fait ;

Sur quoi :

I. - Sur la demande relative à la résidence habituelle de l'enfant et au caractère illicite de son déplacement ou de son non-retour :

Attendu que la Cour d'appel du Land de Schleswig-Holstein, saisie par K. M., a par sa décision du 26 juillet 2000 dont L. E. reconnaît le caractère définitif, ordonné le « rapatriement » de l'enfant sur le territoire de Monaco avant l'expiration d'un délai courant jusqu'au 3 septembre 2000 inclus ;

Que la Cour a fondé cette décision sur les dispositions de l'article 12 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et a notamment retenu :

* que la résidence habituelle de l'enfant se trouvait bien fixée, à la date du déplacement du 11 octobre 1999, sur le territoire de la Principauté de Monaco ;

* que le transfert de C. par sa mère, de Monaco à Wedel, était illégal puisqu'elle avait été emmenée en Allemagne contre la volonté de son père dont les droits d'autorité parentale, même communs avec la mère, avaient été violés ;

* qu'aucun des empêchements au retour de l'enfant prévus à l'article 13 de la Convention n'était constitué alors que le soupçon d'abus sexuel opposé à K. M. se trouvait « invalidité » par les éléments du dossier ;

* que le laps de temps écoulé entre le déplacement illicite et la décision judiciaire ne constituait pas un empêchement ;

* que le but premier du « rapatriement » est de restaurer la situation juridique initiale et de renvoyer les parties vers la juridiction compétente du lieu de résidence habituel de l'enfant pour régler les questions touchant à la garde et au mode des relations entre les parents et l'enfant ;

Attendu que la demande initialement formée par K. M. dans le cadre de la présente instance est expressément fondée sur les articles 15 et 3 de la Convention précitée ;

Attendu que l'article 15 dispose que les autorités judiciaires ou administratives de l'État requis pour l'application de la Convention ont la faculté, avant d'ordonner le retour de l'enfant déplacé, de demander la production par le demandeur d'une décision ou d'une attestation émanant des autorités de l'État de la résidence habituelle de l'enfant et constatant que le déplacement ou le non-retour était illicite au sens de l'article 3 de la Convention ; que cet article 3 définit les cas dans lesquels le déplacement ou le non-retour est considéré comme illicite ;

Attendu que K. M. s'est adressé dès le 23 novembre 1999 aux autorités allemandes en vue d'obtenir le retour de C. à Monaco ; qu'il est clair qu'il n'a ensuite introduit à Monaco la présente instance que dans le but d'obtenir une décision dont la production aurait pu être exigée par les autorités allemandes ou de conforter auprès d'elles ses prétentions ;

Attendu que les juridictions allemandes se sont prononcées sans exiger cette production ; que la demande de K.M. relative à la détermination de la résidence habituelle de l'enfant et au caractère illicite du déplacement ou du non-retour est donc bien devenue sans objet et doit être rejetée ;

Que la même solution doit être réservée à la demande tendant au prononcé de l'exécution provisoire ;

Attendu que l'existence de la procédure de divorce pendante à Monaco est sans influence alors qu'il appartient au juge compétent pour en connaître d'examiner de façon distincte si les circonstances du déplacement ou du non-retour de l'enfant sont susceptibles de constituer des causes de divorce ;

II. - Sur la demande de dommages-intérêts :

Attendu que cette demande a le caractère d'une demande incidente à la demande principale qui vient d'être examinée ;

Attendu que la demande incidente est régie par les articles 379, 380 et 381 du Code de procédure civile ; que l'article 381 de ce code laisse au Tribunal la faculté de joindre une telle demande au fond, de la juger au préalable ou de différer son examen jusqu'après le jugement de la demande principale ;

Attendu qu'il était ici nécessaire de statuer préalablement sur la demande principale ; que comme cette demande, la demande incidente ne peut plus être examinée et doit en suivre le sort ;

III. - Sur les dépens :

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance par application de l'article 231 du Code de procédure civile ; que cependant il doit être fait exception à ce principe lorsque l'introduction de l'instance a été rendue nécessaire par la faute d'une autre partie ;

Attendu que K.M. a introduit la présente instance dans le but de vaincre la résistance de L.E. à sa demande formée devant les juridictions allemandes ; que la Cour d'appel du Land de Schleswig-Holstein a reconnu l'illicéité du déplacement de l'enfant et le bien-fondé de sa demande ; que L.E. ne discute d'ailleurs pas l'illicéité du déplacement, se bornant à faire état de circonstances postérieures à ce déplacement pour tenter de justifier le non-retour de l'enfant ;

Qu'ainsi c'est en raison de sa résistance fautive que la présente instance a dû être engagée ; que les dépens doivent en conséquence être mis à sa charge ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare sans objet et rejette la demande principale de K.M. relative au lieu de la résidence habituelle de l'enfant et au caractère illicite de son déplacement ou de son non-retour ;

Rejette de même sa demande incidente en dommages-intérêts.

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot et Escaut, av. déf. ; Mullot et Sosso, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26924
Date de la décision : 17/01/2002

Analyses

Civil - Général ; Droit de la famille - Autorité parentale et droits de l'enfant


Parties
Demandeurs : K. M.
Défendeurs : L. E.

Références :

article 187 du Code civil
articles 379, 380 et 381 du Code de procédure civile
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2002-01-17;26924 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award