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01/02/2001 | MONACO | N°26834

Monaco | Tribunal de première instance, 1 février 2001, M. c/ Établissement public Centre Hospitalier Princesse Grâce


Abstract

Établissement public (CHPG)

Contrat de droit public liant le CHPG à un pharmacien - Licenciement fautif quant aux conditions de son exercice mais ne résultant pas d'une illégalité de la décision - Action indemnitaire de la victime - Compétence de droit commun du tribunal de première instance en matière administrative à l'exclusion du tribunal du travail - Absence de question préjudicielle : l'appréciation de la validité de la décision de rupture ne se posant pas

Résumé

Il est constant qu'A. M. a été engagée en qualité de pharmacien assis

tant, à temps partiel par le Centre Hospitalier Princesse Grace, établissement public, suiv...

Abstract

Établissement public (CHPG)

Contrat de droit public liant le CHPG à un pharmacien - Licenciement fautif quant aux conditions de son exercice mais ne résultant pas d'une illégalité de la décision - Action indemnitaire de la victime - Compétence de droit commun du tribunal de première instance en matière administrative à l'exclusion du tribunal du travail - Absence de question préjudicielle : l'appréciation de la validité de la décision de rupture ne se posant pas

Résumé

Il est constant qu'A. M. a été engagée en qualité de pharmacien assistant, à temps partiel par le Centre Hospitalier Princesse Grace, établissement public, suivant quatre contrats successifs à durée déterminée, suivis à l'expiration du quatrième, le 1er juin 1998, d'un contrat à durée indéterminée.

Bien qu'aucune faute grave, susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire ne lui ait été reprochée, elle a été licenciée par lettre du 16 septembre 1998, faisant référence erronément à un contrat à durée déterminée, sans invocation du motif de rupture.

Sur l'action indemnitaire engagée contre elle, par A. M. devant le tribunal de première instance, le Centre Hospitalier Princesse Grace a soulevé l'incompétence de cette juridiction, en soutenant que le licenciement avait le caractère d'une décision administrative de révocation et que seul le tribunal suprême avait compétence exclusive pour statuer sur les recours en appréciation de validité de cette décision émanant d'une autorité administrative, en vertu de l'article 90 B de la constitution, le statut du personnel hospitalier étant fixé par l'ordonnance souveraine n° 7464 du 28 juillet 1982.

Les relations du travail conclues par le CHPG établissement public créé par la loi n° 127 du 15 janvier 1930, avec A. M., agent de cet établissement régie de droit, par l'application de l'article 17 de la loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics, par un statut de droit public et entrant dans la catégorie du « personnel médical », ne sauraient être appréciées par le Tribunal du travail, dont la compétence est exclusivement limitée à la connaissance des différends s'élevant entre employeurs et salariés, à l'occasion de contrats de travail de droit privé.

Le Tribunal de première instance est compétent pour connaître de l'action indemnitaire engagée par A. M. contre le CHPG par application des articles 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 et 21-2 du Code de procédure civile qui lui reconnaissent une compétence de droit commun en matière administrative.

L'action indemnitaire de la demanderesse n'a point pour objet de faire annuler la décision de licenciement jugée fautive, mais seulement d'obtenir réparation du préjudice qu'elle lui cause ; la faute alléguée ne résulte pas d'une illégalité - au demeurant non invoquée - qui aurait été commise par le CHPG lors du licenciement ; il n'est pas soutenu que cette décision de rupture devait être appréciée du point de vue de sa validité ; seules sont critiquées, en définitive, les conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu, sans que le droit de rupture soit lui-même remis en cause.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu à question préjudicielle, le tribunal de première instance étant en mesure de statuer au fond, sans qu'il soit nécessaire de faire préalablement apprécier, par le tribunal suprême, la validité de la décision de rupture de l'engagement, dont bénéficiait la demanderesse.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

A. M. a été engagée en qualité de pharmacien-assistant à temps partiel par le Centre Hospitalier Princesse Grace (ci-après CHPG) à compter du 1er juin 1993 pour une période de douze mois ;

Son contrat d'engagement, signé par le directeur du CHPG, énonce que lui sont applicables « le statut du Personnel Médical et Assimilé et le règlement intérieur de l'établissement » ;

Il est constant qu'à l'issue de cette première période de travail, le contrat d'A. M. a fait l'objet de renouvellements successifs ; des contrats à durée déterminée ont été conclus pour les périodes :

• du 1er juin 1994 au 31 mai 1995

• du 1er juin 1995 au 31 mai 1996

• du 1er juin 1996 au 31 mai 1997

• du 1er juin 1997 au 31 mai 1998 ;

Après avoir annoncé à l'intéressé, par lettre du 25 février 1998, que son contrat ne serait pas renouvelé à son terme du 31 mai 1998, le directeur du CHPG lui a écrit le 16 septembre 1998 :

« Objet : Fin de contrat

Vous occupez des fonctions de pharmacienne au Centre Hospitalier Princesse Grace, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée.

J'ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de vous maintenir dans ces fonctions au-delà du 20 novembre 1998.

Vous serez donc rayée des listes du personnel à compter de cette date... » ;

En dernier lieu, par courrier du 16 décembre 1998, le CHPG a admis que depuis le 1er juin 1998, A. M. occupait ses fonctions de pharmacienne dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; ce point a encore été confirmé par le directeur du CHPG dans une lettre du 25 janvier 1999 ;

Les relations de travail ont effectivement cessé à la date du 20 novembre 1998 ;

Les deux premières demandes d'autorisation d'embauchage signées des deux parties et valant contrat mentionnent, sous la rubrique « embauchage » :

« Personnel médical exerçant ses fonctions dans le cadre réglementaire défini par le Titre IX de l'ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984. » ;

Par l'exploit susvisé du 2 février 2000, A. C. épouse M., qui expose avoir fait l'objet « d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » alors qu'elle bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er juin 1998, a fait assigner le CHPG en paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, d'une somme de 200 000 francs en réparation du préjudice qu'elle déclare subir du fait de la rupture de son contrat intervenue « sans aucun motif » ;

Par conclusions du 5 octobre 2000, le CHPG soulève l'incompétence de ce Tribunal au profit du Tribunal suprême ; à titre subsidiaire, si cette exception n'était pas retenue, il demande acte de ses réserves de conclure sur le fond du litige ;

À l'appui de ses prétentions, le CHPG affirme que le statut de son personnel est fixé par l'ordonnance souveraine n° 7464 du 28 juillet 1982 dont le titre VI précise les conditions dans lesquelles un agent peut être révoqué à titre de sanction disciplinaire ; il prétend que le licenciement dont se plaint la demanderesse est une « décision de révocation » présentant le caractère d'une décision administrative et en déduit que seul le Tribunal suprême peut en connaître, au titre de sa compétence exclusive pour statuer sur les recours en appréciation de validité des décisions des diverses autorités administratives (article 90 B de la constitution) ; il fait référence à une décision - qu'il produit - rendue par le Tribunal de première instance le 15 juin 2000 dans une instance comparable et ayant admis, comme elle devrait l'être dans la présente instance, la pertinence de la question préjudicielle soulevée ;

En réponse, A. M. conclut au rejet de cette exception et à la compétence du Tribunal de première instance pour statuer en la cause ; elle demande au Tribunal de fixer un bref délai au CHPG pour conclure au fond, de lui allouer le bénéfice de ses précédentes demandes et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Elle remarque que la situation de l'espèce se distingue de celle analysée dans le jugement du 15 juin 2000 en ce que le licenciement est intervenu, alors qu'elle bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée, à la suite d'une erreur manifeste contenue dans le courrier du 16 septembre 1998 faisant référence à un contrat à durée déterminée ; elle estime que la responsabilité du CHPG se trouve ainsi engagée sans qu'il y ait lieu à appréciation de la décision prise par l'autorité administrative ;

Sur quoi :

Attendu qu'il est constant que les relations de travail conclues par le CHPG, établissement public créé par la loi n° 127 du 15 janvier 1930, avec A. M., agent de cet établissement régie de droit, par l'application de l'article 17 de la loi n° 918 du 27 décembre 1971 sur les établissements publics, par un statut de droit public et entrant dans la catégorie du « personnel médical », ne sauraient être appréciées par le Tribunal du travail dont la compétence est exclusivement limitée à la connaissance des différends s'élevant entre employeurs et salariés, ou entre salariés, à l'occasion de contrats de travail de droit privé ;

Attendu que le Tribunal de première instance est compétent pour connaître de l'action indemnitaire engagée par A. M. contre le CHPG, par application des articles 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 et 21-2° du Code de procédure civile qui lui reconnaissent une compétence de droit commun en matière administrative ;

Qu'il convient toutefois de rechercher si l'examen de cette demande requiert nécessairement une appréciation préalable, au regard des règles de droit public, de la validité de la décision de mettre un terme au contrat de travail prise par le directeur du CHPG, autorité administrative ;

Attendu, dans le domaine des faits, que la situation de l'espèce se distingue de celle examinée par le Tribunal dans son jugement du 15 juin 2000 (confirmé en cause d'appel par arrêt du 9 janvier 2001) dans la mesure où, dans cette instance, une procédure disciplinaire pour abandon de poste avait été engagée pour aboutir à une décision de révocation, prise sur avis conforme du conseil de discipline, tandis qu'en la cause, la rupture du contrat n'est pas intervenue à la suite d'une procédure disciplinaire ; qu'il s'ensuit que la référence à la décision du 15 juin 2000 est inopérante, même si le CHPG s'emploie à qualifier de « révocation » une décision de rupture des relations de travail qui n'a manifestement pas ce caractère, étant relevé que, dans tous les cas, la sanction de la révocation ne peut intervenir qu'en cas de faute grave sur proposition du conseil de discipline alors qu'en l'espèce, aucune faute de cette nature n'est reprochée à A. M. qui n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire ;

Attendu que cette demanderesse entend faire juger que le CHPG a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en mettant fin à son contrat à durée indéterminée sans invoquer le moindre motif de rupture, sauf à faire erronément référence, dans la lettre du 16 septembre 1998, à un emploi à durée déterminée ;

Attendu que le CHPG ayant ultérieurement admis cette erreur dans ses courriers des 16 décembre 1998 et 25 janvier 1999, sans pour autant s'être expliqué sur les motifs l'ayant conduit à se séparer d'une pharmacienne en poste depuis près de 5 ans et demi, il y a lieu de considérer qu'A. M. a fait l'objet d'un licenciement, puisqu'il est établi que ce n'est pas l'arrivée d'un terme qui a mis fin à son engagement ;

Attendu que l'action indemnitaire d'A. M. n'a pas pour objet de faire annuler la décision de licenciement jugée fautive, mais seulement d'obtenir réparation du préjudice qu'elle lui cause ; que la faute alléguée ne résulte pas d'une illégalité - au demeurant non invoquée - qui aurait été commise par le CHPG lors du licenciement ; qu'il n'est pas soutenu que cette décision de rupture devrait être appréciée du point de vue de sa validité ; que seules sont critiquées en définitive les conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu sans que le droit de rupture soit lui-même en cause ;

Attendu, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu à question préjudicielle, le Tribunal de première instance étant en mesure de statuer au fond sans qu'il soit nécessaire de faire préalablement apprécier, par le Tribunal suprême, la validité de la décision de rupture de l'engagement dont bénéficiait la demanderesse ;

Attendu que le CHPG doit être en conséquence renvoyé à conclure au fond et tenu aux dépens du présent jugement, dès lors qu'il succombe sur son exception d'incompétence ; que faute d'être motivée, la demande d'exécution provisoire n'a pas lieu d'être accueillie ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant contradictoirement,

Se déclarant compétent,

* Dit n'y avoir lieu de faire apprécier par le Tribunal suprême la décision de rupture du contrat conclu entre A. M. et le Centre Hospitalier Princesse Grace ;

* Enjoint au Centre Hospitalier Princesse Grace de conclure au fond sur la demande d'A. M. à l'audience du jeudi 8 mars 2001 ;

Renvoie la cause et les parties à ladite audience.

Composition

M. Narmino prés. ; Mlle Lelay prem. subst. proc. gén. ; Mes Licati et Michel av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26834
Date de la décision : 01/02/2001

Analyses

Établissement de santé ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : Établissement public Centre Hospitalier Princesse Grâce

Références :

ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984
ordonnance souveraine n° 7464 du 28 juillet 1982
article 17 de la loi n° 918 du 27 décembre 1971
article 90 B de la constitution
loi n° 127 du 15 janvier 1930
Code de procédure civile
articles 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2001-02-01;26834 ?

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