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15/06/2000 | MONACO | N°26817

Monaco | Tribunal de première instance, 15 juin 2000, C. c/ Centre Hospitalier Princesse Grâce


Abstract

Établissement public (CHPG)

Contrat de droit public liant le CHPG à un employé affecté au service d'entretien - Révocation de l'employé à la suite d'une procédure disciplinaire - Action indemnitaire en réparation devant le tribunal de 1re instance juge de droit commun en matière administrative fondée sur une révocation abusive, sans demande d'annulation de celle-ci - Indissociabilité de cette action par rapport à l'abus invoqué et la validité de la révocation - Sursis à statuer du tribunal de première instance : question préjudicielle de la compétenc

e du tribunal suprême, art. 90 B 3

Résumé

La demande de C. visant à mettre en ...

Abstract

Établissement public (CHPG)

Contrat de droit public liant le CHPG à un employé affecté au service d'entretien - Révocation de l'employé à la suite d'une procédure disciplinaire - Action indemnitaire en réparation devant le tribunal de 1re instance juge de droit commun en matière administrative fondée sur une révocation abusive, sans demande d'annulation de celle-ci - Indissociabilité de cette action par rapport à l'abus invoqué et la validité de la révocation - Sursis à statuer du tribunal de première instance : question préjudicielle de la compétence du tribunal suprême, art. 90 B 3

Résumé

La demande de C. visant à mettre en jeu la responsabilité du CHPG établissement public créé par la loi n° 127 du 15 janvier 1930 suppose que soit en premier lieu appréciée la nature fautive ou non, de la révocation prononcée à son encontre.

La compétence du tribunal de première instance pour connaître de ce contentieux s'évince des dispositions des articles 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 et 21-2 du Code de procédure civile.

Toutefois au soutien de son action, le demandeur invoque à la fois le caractère tardif de cette révocation, eu égard au délai prescrit par l'article 58 de l'ordonnance n° 7464 du 28 juillet 1982 portant statut du personnel de service du CHPG, et l'irrégularité de la procédure devant le Conseil de discipline, tenant au fait que le principe du contradictoire édicté par les articles 59 et 60 dudit statut n'a pas été respecté.

Ainsi C. critique-t-il les conditions dans lesquelles est intervenue la révocation, qu'il qualifie d'abusive, eu égard aux irrégularités soulevées ci-dessus.

Il s'ensuit que l'examen de sa demande requiert nécessairement une appréciation préalable, au regard des règles de droit public, de la validité de la révocation dont l'article 90 B 3 de la Constitution réserve la connaissance exclusive au tribunal suprême, étant relevé comme constant que la mesure de révocation prononcée par le directeur du CHPG constitue une décision émanant d'une autorité administrative.

Si C. ne poursuit pas l'annulation de la décision de révocation, il demande cependant qu'elle soit jugée abusive pour les motifs sus énoncés, imposant par là même au tribunal de statuer sur un point qui ne peut être dissocié des conditions, arguées d'irrégularité, dans lesquelles cette décision a été mise en œuvre.

En conséquence, le tribunal doit surseoir à statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts formulée par C. jusqu'à ce que le tribunal suprême, saisi par lui sur le fondement des articles 90 B 3 de la constitution et 16 de l'ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963, se soit prononcé sur la validité de la décision de révocation du 8 septembre 1998.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Il n'est pas contesté que A. C. a été embauché par l'établissement public dénommé Centre hospitalier Princesse Grâce (ci-après CHPG) en 1991 en qualité d'agent d'entretien spécialisé ;

À l'occasion de ses congés annuels, alors qu'il se trouvait dans son pays d'origine au Maroc, C. s'est vu prescrire par un médecin de Casablanca un premier arrêt de travail, du 28 novembre au 7 décembre 1997 ; cet arrêt de travail a été successivement reconduit jusqu'à l'été 1998 ; les 29 et 30 juillet 1998, C. s'est présenté au CHPG en vue de reprendre ses fonctions ;

Par lettre du 7 août 1998, le directeur du CHPG lui a fait connaître qu'il était considéré comme « en situation d'abandon de poste depuis le 24 novembre 1997 » et que les documents médicaux produits par cet agent « auraient pu justifier un arrêt de travail jusqu'au 2 janvier 1998 » mais qu'au regard du refus de prise en charge par les caisses sociales notifié les 14 et 22 janvier 1998, il a perdu « statutairement les avantages liés à la personne malade » ; estimant que le fait d'avoir voulu reprendre ses activités professionnelles plus de huit mois après la fin de son congé administratif et plus de six mois après une interruption de travail non validée par les organismes sociaux constituait une faute grave, le directeur du CHPG, au visa de l'article 58 de l'ordonnance n° 7464 du 28 juillet 1982 portant statut du personnel de service du CHPG, a prononcé la suspension des fonctions et du traitement de C. à compter du 24 novembre 1997, « dans l'attente de (sa) comparution devant le conseil de discipline » ;

Par décision du 8 septembre 1998, prise notamment au vu de l'avis conforme émis le 3 septembre 1998 par le conseil de discipline, le directeur du CHPG a prononcé la révocation de C. à compter du 24 novembre 1997 sans suspension de ses droits à pension ;

Selon l'exploit susvisé du 19 mai 1999, C. a fait assigner le CHPG devant ce tribunal en paiement de la somme de 300 000 francs à titre de dommages-intérêts après que sa révocation a été jugée abusive ;

C. fait valoir que sa révocation a été décidée un mois et un jour après la décision de suspension de ses fonctions, alors que l'article 58 précité dispose : «... la notification de la sanction définitive doit intervenir un mois au plus tard après celui (sic) de la décision de suspension » ;

Il se prévaut également du fait qu'il n'a pas été convoqué devant le conseil de discipline, bien que l'article 59 du statut du personnel organise devant ce conseil une procédure contradictoire, en l'entourant d'une série de garanties au bénéfice de l'agent sanctionné ; il en déduit qu'il n'a pas été mis à même de faire valoir ses droits ;

Considérant que « l'attitude irrégulière du CHPG lui a causé un très grave préjudice financier », il en réclame réparation ;

Par conclusions du 4 janvier 2000, le CHPG demande à titre principal au tribunal de se déclarer incompétent pour connaître de la demande de C. ; à titre subsidiaire, si le tribunal devait retenir sa compétence, il demande acte de ses réserves de conclure au fond ;

Au soutien de son exception d'incompétence, le CHPG prétend que la révocation attaquée est un acte qui présente le caractère d'une décision administrative échappant au contrôle du Tribunal de première instance, par application des articles 90 B 3° de la constitution et 12 de la loi n° 483 du 15 juillet 1965 ; il soutient que la demande de C. tend en réalité à remettre en question la validité de la révocation dont il a fait l'objet, en l'état du non-respect allégué des règles édictées par l'ordonnance n° 7464 précitée, et constitue un préalable à l'indemnisation sollicitée ;

Par conclusions en réponse du 16 février 2000, C. précise que son action est exercée dans le cadre d'un recours de plein contentieux et non dans celui d'un recours en annulation pour excès de pouvoir ; il rappelle qu'il ne poursuit pas l'annulation de sa révocation mais sollicite une indemnisation pour le préjudice qu'elle lui cause ; il conclut en conséquence au rejet de l'exception d'incompétence soulevée ;

Sur quoi :

Attendu que la demande de C., visant à mettre en jeu la responsabilité du CHPG, établissement public créé par la loi n° 127 du 15 janvier 1930, suppose que soit en premier lieu appréciée la nature, fautive ou non, de la révocation prononcée à son encontre ;

Que la compétence du Tribunal de première instance pour connaître de ce contentieux s'évince des dispositions des articles 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965 et 21-2° du Code de procédure civile ;

Attendu toutefois qu'au soutien de son action, le demandeur invoque à la fois le caractère tardif de cette révocation, eu égard au délai prescrit par l'article 58 du statut, et l'irrégularité de la procédure devant le conseil de discipline, tenant au fait que le principe du contradictoire édicté par les articles 59 et 60 n'a pas été respecté ;

Qu'ainsi, C. critique les conditions dans lesquelles est intervenue la révocation, qu'il qualifie d'abusive eu égard aux irrégularités ci-dessus mentionnées ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'examen de sa demande requiert nécessairement une appréciation préalable, au regard des règles de droit public, de la validité de la révocation dont l'article 90 B 3° de la constitution réserve la connaissance exclusive au Tribunal Suprême, étant relevé comme constant que la mesure de révocation prononcée par le directeur du CHPG constitue une décision émanant d'une autorité administrative ;

Qu'en effet, si C. ne poursuit pas l'annulation de la décision de révocation, il demande cependant qu'elle soit jugée abusive pour les motifs sus-énoncés, imposant par là même au tribunal de statuer sur un point qui ne peut être dissocié des conditions, arguées d'irrégularité, dans lesquelles cette décision a été mise en œuvre ;

Attendu en conséquence que le tribunal doit surseoir à statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts formulée par C. jusqu'à ce que le Tribunal Suprême, saisi par lui sur le fondement des articles 90 B 3° de la constitution et 16 de l'ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963, se soit prononcé sur la validité de la décision de révocation du 8 septembre 1998 :

Attendu que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant contradictoirement, en matière administrative,

* Sursoit à statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts formée par A. C. ;

* Renvoie cette partie à saisir le Tribunal Suprême d'un recours en appréciation de validité de la décision de révocation prise à son encontre par le directeur du CHPG le 8 septembre 1998 ;

* Ordonne le maintien de la cause au rôle général et dit qu'elle pourra être rappelée à la première audience utile sur simples conclusions déposées à cet effet par la partie la plus diligente.

Composition

M. Narmino prés. ; Mlle Lelay prem. subst. proc. gén. ; Mes Licari et Michel av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26817
Date de la décision : 15/06/2000

Analyses

Pouvoir disciplinaire ; Établissement de santé


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : Centre Hospitalier Princesse Grâce

Références :

articles 12 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965
ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
Code de procédure civile
loi n° 127 du 15 janvier 1930
article 58 de l'ordonnance n° 7464 du 28 juillet 1982
articles 90 B 3° de la constitution
loi n° 483 du 15 juillet 1965
article 90 B 3 de la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2000-06-15;26817 ?

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