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04/05/2000 | MONACO | N°26795

Monaco | Tribunal de première instance, 4 mai 2000, Crédit lyonnais c/ Société Générale de Parfumerie, Sté Cryptone, Banque Nationale de Paris, Sté Cosmétic Laboratoires, Société générale, État de Monaco


Abstract

Saisie Arrêt

Tiers saisi - Indisponibilité des sommes au crédit du compte au jour de la saisie - Non indisponibilité des sommes virées au crédit du compte postérieurement à la saisie - Faute et responsabilité du tiers saisi

Banques

Virement - Droit sur la provision seulement à partir de l'écriture au débit du compte

Résumé

Aux termes de l'article 487 du Code de procédure civile, tout créancier peut déposer au greffe général une requête tendant à frapper temporairement d'indisponibilité entre les mains d'un tiers et dans l

a limite qu'il fixe, les sommes dues à son débiteur et les rentes, valeurs ou autres biens mobiliers à lu...

Abstract

Saisie Arrêt

Tiers saisi - Indisponibilité des sommes au crédit du compte au jour de la saisie - Non indisponibilité des sommes virées au crédit du compte postérieurement à la saisie - Faute et responsabilité du tiers saisi

Banques

Virement - Droit sur la provision seulement à partir de l'écriture au débit du compte

Résumé

Aux termes de l'article 487 du Code de procédure civile, tout créancier peut déposer au greffe général une requête tendant à frapper temporairement d'indisponibilité entre les mains d'un tiers et dans la limite qu'il fixe, les sommes dues à son débiteur et les rentes, valeurs ou autres biens mobiliers à lui appartenant ; l'article 500-1 de ce même code dispose : « lorsque la saisie n'est pas faite en vertu d'un titre exécutoire, l'exploit prévu à l'article 494 contient en outre, à peine de nullité, assignation du débiteur saisi en validité de la saisie et injonction au tiers saisi de déclarer, sur-le-champ, s'il doit au débiteur ou détient pour son compte une somme d'argent qui suffit au paiement de la créance du saisissant et à défaut, il en communique le montant... Le tiers saisi complètera cette déclaration dans les formes et conditions prévues aux articles 500-3 et 500-4 ».

Il est constant en l'espèce que par exploit du 29 octobre 1996, la Société Cryptone, démunie de titre exécutoire mais dûment autorisée, a fait pratiquer une saisie-arrêt au préjudice de la Société Générale de Parfumerie pour garantir une créance provisoirement évaluée à 2 000 000 de francs auprès de divers établissements bancaires dont la BNP et dans le même temps, assigné sa débitrice en validité de la saisie à l'audience du 7 novembre 1996.

Sur-le-champ, la BNP, satisfaisant à l'injonction au tiers saisi prévue par l'article 500-1 du CPC, a déclaré que les comptes ouverts dans ses livres par la Société Générale de parfumerie présentaient des positions débitrices.

Par ailleurs le 6 novembre 1996, elle effectuait une déclaration complémentaire par laquelle elle déclarait détenir désormais pour le compte de la Société Générale de Parfumerie la somme de 1 609 632,94 francs, en application de l'article 500-3 du CPC, disposant que le tiers saisi fait la déclaration complémentaire prévue au 2e alinéa de l'article 500-1 soit à l'audience en personne ou par fondé de pouvoir, soit par lettre à déposer au greffe général le dernier jour ouvrable précédant la date de l'audience.

Aux termes de l'article 500-4 du CPC, la déclaration complémentaire du tiers saisi énonce, lorsqu'elle porte sur des sommes d'argent, les rectifications et modification à apporter à la déclaration initiale.

Or il est de principe que la saisie arrêt ne frappe d'indisponibilité que les sommes disponibles au jour de l'opposition.

De même il est de principe également qu'un virement bancaire ne produit aucun effet juridique, avant son exécution, en sorte que le créancier bénéficiaire de l'ordre de virement n'acquiert un droit sur la provision, c'est-à-dire sur les fonds qui lui sont destinés, qu'à partir de l'écriture au débit du compte du débiteur donneur d'ordre. En sa qualité d'établissement bancaire, la BNP ne pouvait ignorer ces principes.

En l'espèce, il est constant que le compte de la Société Générale de Parfumerie a été crédité le 6 novembre 1996 d'un virement de 1 802 483, 27 francs sur ordre de la Société Waked international. Il ne peut donc être soutenu par la BNP, que l'opération de virement était en cours de réalisation au jour de la saisie-arrêt et qu'elle existait en germe au Crédit de la Société Générale de Parfumerie.

La BNP a pris en compte ce virement lors de sa déclaration affirmative complémentaire du 6 novembre 1996 en déclarant le compte de la Société Générale de Parfumerie, initialement débiteur de 192 850,33 francs, créditeur de la somme de 1 609 632,94 francs (après l'avoir crédité de 1 802 483,27 francs) sans préciser que ce nouveau solde résultait d'un virement exécuté le jour même ; le faisant elle a commis une faute.

Par ordonnance de référé en date du 11 décembre 1996, le président du tribunal, statuant sur assignation en mainlevée de saisie arrêt de la Société Générale de Parfumerie et sur intervention volontaire du Crédit lyonnais, ordonnait la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par la Société Cryptone, donnait acte à la BNP de ce qu'elle contestait l'affirmation du Crédit Lyonnais contenue dans ses écrits judiciaires selon laquelle le Crédit Lyonnais s'affirmait seul propriétaire des fonds totalisant 1 802 483,27 francs montant d'un effet qu'elle avait escompté et précisait « de l'accord des parties, les effets de la mainlevée ordonnée ne s'étendront pas aux sommes que la BNP a reçues postérieurement à la saisie, lesquelles demeureront consignées auprès de cet établissement bancaire ».

Il résulte de la double lecture de l'assignation en intervention volontaire du Crédit lyonnais et de ladite ordonnance que ce dernier sollicitait à titre principal et sous réserve de l'accord des autres parties, le transfèrement immédiat des fonds dont il se disait propriétaire et que la BNP a été la seule à contester son droit de propriété sur ces fonds.

Rien ne justifiait une telle position de la BNP, laquelle a reconnu avoir été informée le 8 novembre 1996, de ce que le virement de 1 802 483,27 francs par la Société Waked international était parvenu sur le compte de la Société Générale de Parfumerie à la suite d'une erreur, alors qu'il aurait dû être effectué au profit du Crédit Lyonnais.

Ainsi et surabondamment, la BNP a concouru à cet égard au retard apporté dans le transfèrement des fonds revenant au Crédit lyonnais.

En conséquence il apparaît que la BNP a engagé sa responsabilité vis-à-vis du Crédit lyonnais au double motif que d'une part, elle a méconnu le principe selon lequel la saisie arrêt ne frappe d'indisponibilité que les sommes disponibles au jour de l'opposition et que d'autre part, elle a indûment contesté le droit de propriété du Crédit lyonnais devant le juge des référés statuant sur la mainlevée de la saisie arrêt pratiquée par la Société Cryptone.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Par ordonnance en date du 2 décembre 1996, le Président de ce Tribunal a autorisé l'établissement bancaire Crédit lyonnais à assigner à bref délai la société à responsabilité limitée de droit français Cryptone ;

Suivant exploit d'huissier en date du 4 décembre 1996, le Crédit lyonnais a fait assigner la société anonyme monégasque Société générale de parfumerie, la Sarl Cryptone, l'établissement bancaire Banque nationale de Paris, l'établissement bancaire Société générale, l'État de Monaco et la société anonyme monégasque Cosmetic Laboratoires à effet d'entendre ordonner la jonction de la présente instance avec celle initiée par la société Cryptone par exploit de saisie-arrêt et assignation en date du 29 octobre 1996, compte tenu de leur connexité ; dire et juger que le Crédit lyonnais a acquis un droit de propriété sur la provision de l'effet de mobilisation de la créance née sur l'étranger qu'il a escompté à la date de sa création du 31 mai 1996 ; dire et juger qu'il est bien fondé en son action en revendication de la somme de 1 802 483,27 francs que la société Waked International SA a transféré par erreur au compte de la Société générale de Parfumerie ouvert à la BNP et que par là même la société Cryptone ou tout autre créancier serait sans droit à l'appréhender ; dire et juger que la saisie-arrêt pratiquée par la société Cryptone ne pouvait avoir d'effet qu'à sa date ; condamner la BNP à transférer immédiatement et sans délai la somme de 1 802 483,27 francs qu'elle détient indûment et sur laquelle elle ne pouvait pratiquer une opération de compensation tel que cela résulte de sa déclaration affirmative effectuée par lettre du 6 novembre 1996 au Président du Tribunal de première instance ;

Ces demandes sont formulées sous astreinte de 5 000 francs par jour de retard et il est en outre réclamé paiement de la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

À l'appui de ses prétentions, le Crédit lyonnais expose :

Que la Société générale de parfumerie était détentrice d'une créance née sur l'étranger à l'encontre d'une société Waked international SA ayant son siège à Panama, d'un montant de 1 802 483,27 francs ;

Que le Crédit lyonnais a escompté un effet de mobilisation de ladite créance à échéance au 15 septembre 1996, prorogée au 15 novembre 1996, d'un montant de 1 812 652,76 francs ;

Que la société Waked international SA a honoré par anticipation cette créance née sur l'étranger mais a commis une erreur en transmettant la somme de 1 802 483,27 francs non point au Crédit lyonnais mais au compte ouvert par la Société générale de parfumerie à l'agence de la BNP de Monaco ;

Qu'informée de cette erreur par les parties concernées et malgré sommation interpellative du Crédit lyonnais du 12 novembre 1996, la BNP a déclaré qu'elle ne pouvait y déférer en raison d'une saisie-arrêt pratiquée par la société Cryptone suivant exploit du 29 octobre 1996, en l'état d'une créance revendiquée à l'encontre de la Société générale de parfumerie ;

Que la BNP, lors d'une seconde déclaration affirmative en date du 6 novembre 1996, a reconnu avoir reçu la somme de 1 802 483,27 francs puisqu'elle a indiqué que le virement reçu de l'étranger avait modifié le solde du compte courant initialement débiteur de 192 850,33 francs pour le porter à 1 609 632,94 francs ;

Qu'ainsi la BNP, qui a indûment procédé à compensation, doit transférer la somme de 1 802 483,27 francs au Crédit lyonnais, étant justifié du droit de propriété de ce dernier sur ladite somme depuis la date de la création de l'effet du 31 mai 1996, antérieure à la délivrance de l'exploit de saisie-arrêt de la société Cryptone du 29 octobre 1996 et étant précisé que ladite saisie-arrêt n'a pu avoir d'effet qu'à la date du 29 octobre 1996 et, sur le solde existant, au jour de la saisie ;

Par conclusions en date du 16 octobre 1997, tenant pour répétés les moyens de droit et de fait développés en son exploit du 4 décembre 1996, le Crédit lyonnais précise :

Que suivant exploit d'huissier en date du 27 novembre 1996, il pratiquait une saisie-arrêt pour la somme de 1 802 483,27 francs ;

Que ladite saisie-arrêt était maintenue en ses effets par ordonnance de référé du 11 décembre 1996 ;

Que la BNP émettait finalement à son profit, le 28 février 1997, un chèque de la somme en principal de 1 802 483,27 francs en sorte que suivant exploit du 3 mars 1997, mainlevée de la saisie pratiquée le 27 novembre 1996 était donnée à la BNP sous réserve de faire statuer en justice le montant des intérêts et le remboursement des frais de procédure ;

Il demande en conséquence au Tribunal de lui donner acte de ce que la BNP ne lui a restitué la somme de 1 802 483,27 francs qu'il revendiquait que par chèque du 28 février 1997 remis à lui le 4 mars 1997 contre mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 27 novembre 1996 ; dire et juger la BNP responsable du retard apporté sans motif à la restitution alors qu'elle savait pertinemment que le Crédit lyonnais en était propriétaire ; condamner la BNP au paiement des intérêts de retard du 15 novembre 1996 au 6 mars 1997 calculés au taux bancaire de 7,85 % soit une somme de 43 029,90 francs, outre la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour sanctionner le retard abusivement apporté à la restitution des fonds ;

Par conclusions en date du 12 mars 1998, la BNP demande au Tribunal de dire et juger qu'il ne saurait lui être reproché aucun retard fautif et encore moins abusif dans le paiement effectué au profit du Crédit Lyonnais le 4 mars 1997 et dont celui-ci lui a donné acte par conclusions du 16 octobre 1997 ; dire et juger que l'établissement demandeur est infondé en ses demandes à son encontre, lesquelles ne sont justifiées ni en leur principe ni en leur calcul ; le débouter de ses demandes, fins et conclusions et, accueillant la BNP en sa demande reconventionnelle, le condamner au paiement de la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Elle fait valoir :

Que le 29 octobre 1996, la société Waked International SA a donné ordre à la BNP (Panama) de transférer au compte de la Société Générale de Parfumerie, dans les livres de la BNP (Monaco), la somme de 1 802 483,27 francs ;

Que cette opération suivant les circuits internes devait être comptabilisée le 6 novembre 1996, par inscription au compte susmentionné, valeur à cette date ;

Que par exploit du 29 octobre 1996, la société Cryptone, dûment autorisée, a fait pratiquer une saisie-arrêt au préjudice de la Société Générale de Parfumerie pour garantir une créance évaluée provisoirement à 2 000 000 francs auprès de la BNP, du Crédit Lyonnais, de la Société Générale, de l'État de Monaco et de la société Cosmetics Laboratoires ;

Que la BNP répondait sur-le-champ à l'huissier que les comptes ouverts dans ses livres présentaient des positions débitrices ;

Que le 6 novembre 1996, ensuite de l'inscription en compte du virement de 1 802 483,27 francs, la BNP effectuait la déclaration complémentaire prévue à l'article 500-1 second alinéa du Code de procédure civile, faisant état de cette opération qui avait été initiée le jour même de la saisie-arrêt ;

Qu'en date du 8 novembre 1996, elle recevait un courrier du Crédit Lyonnais daté du 6 novembre 1996 l'avisant de ce que le règlement de « mobilisation export » tiré sur Waked International SA lui aurait été adressé par erreur et lui demandant d'en transférer le montant dans ses livres ;

Que malgré sommation interpellative du 12 novembre 1996, la BNP estimait ne pouvoir se dessaisir de ces montants que sur décision de justice ;

Que par ordonnance de référé du 11 décembre 1996, le Président du Tribunal de Première Instance ordonnait la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par la société Cryptone le 29 octobre 1996 sur la constatation de la fourniture par la Société Générale de Parfumerie d'une caution personnelle solidaire à hauteur de 2 000 000 francs au profit de la société Cryptone tout en précisant : « de l'accord des parties, les effets de la mainlevée ainsi ordonnée ne s'étendront pas aux sommes que la BNP a reçues postérieurement à la saisie, lesquelles demeureront consignées auprès de cet établissement bancaire » ;

Que ladite mainlevée intervenait le 29 janvier 1997 ;

Qu'un chèque de 1 802 483,27 francs était émis par la BNP le 28 février 1997 mais ne pouvait être remis au Crédit Lyonnais que le 4 mars 1997, date à laquelle cet établissement procédait à la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée à sa requête le 27 novembre 1996 ;

Qu'ainsi aucune faute ne peut être reprochée à la BNP qui ne pouvait se dessaisir de fonds frappés d'indisponibilité par l'effet des saisies précitées ;

Par conclusions en réponse du 27 mai 1998, le Crédit Lyonnais demande qu'il lui soit alloué le bénéfice intégral de son exploit introductif d'instance et de ses conclusions subséquentes ; qu'il soit dit et jugé que la BNP a engagé sa responsabilité envers le Crédit Lyonnais au double motif que d'une part elle a délibérément méconnu le principe que la saisie-arrêt ne frappe d'indisponibilité que les sommes disponibles au jour de l'opposition, et non point celles qui seraient versées au compte postérieurement à l'exploit d'huissier et que d'autre part, la saisie ne peut avoir d'effet que sur des sommes appartenant au débiteur ou dont celui-ci est créancier ; dit et jugé également que la BNP a décidé unilatéralement d'effectuer une compensation entre les fonds qu'elle avait indûment reçus pour le compte de sa cliente, la Société Générale de Parfumerie, avec le compte débiteur de cette dernière et d'autre part, indûment contesté le droit de propriété du Crédit Lyonnais sur la somme de 1 802 483,27 francs ; que soit condamnée en conséquence la BNP à payer au Crédit Lyonnais les intérêts de droit par lui réclamés pour la période du 6 novembre 1996, date de réception effective des fonds, au 6 mars 1997 date de valeur du chèque de règlement de ladite somme, soit celle de 46 906,54 francs calculée au taux de référence de 7,85 % (soit au taux bancaire de 6,30 % + 1,55 %) ainsi que la somme de 100 000 francs pour sanctionner son attitude dolosive ;

Par conclusions du 12 novembre 1998, la BNP sollicite l'entier bénéfice de ses précédents écrits et observe :

Que le Crédit Lyonnais ne pouvait maintenir ses demandes initiales, ayant été réglé entre-temps de la somme de 1 802 483,27 francs ;

Qu'il s'abstient dans ses conclusions de faire état de la procédure diligentée par exploit d'huissier du 27 novembre 1996 par laquelle il a frappé d'indisponibilité immédiate les fonds détenus par la BNP sur le compte ouvert au nom de la Société Générale de Parfumerie ;

Qu'elle a parfaitement respecté les dispositions des articles 500-1, 500-3 et 500-4 du Code de procédure civile monégasque prévoyant les obligations du tiers saisi ;

Qu'en l'espèce, après avoir eu connaissance d'un ordre de paiement qui avait été donné le jour même de la signification de l'acte de saisie mais n'avait pu être effectivement inscrit que le 6 novembre suivant, elle a, estimant en toute bonne foi qu'il s'agissait d'une opération en cours de réalisation au jour de la saisie et qu'elle existait en germe au crédit de la Société Générale de Parfumerie, adressé au Tribunal de Première Instance une déclaration complémentaire ;

Que seule ladite société pouvait contester l'étendue de la saisie-arrêt ;

Que si les fonds litigieux étaient arrivés par erreur sur le compte de la Société Générale de Parfumerie, l'ordre de paiement était régulier et le bénéficiaire parfaitement identifié en sorte que la BNP ne pouvait qu'exécuter l'opération en question ;

Qu'elle n'était pas informée à l'instant où le paiement est arrivé sur le compte dont il s'agit, de l'existence d'une mobilisation de créance au profit du Crédit Lyonnais ni de la prétendue erreur de la société Waked International SA ;

Que la lettre de la Société Générale de Parfumerie, produite par communication de pièces du demandeur en date du 20 novembre 1997, comporte nécessairement une erreur de date, ne pouvant s'agir du 4 octobre 1996 ;

Par conclusions en date du 17 mars 1999, le Crédit Lyonnais demande au Tribunal de lui accorder le bénéfice de sa demande en paiement d'intérêts et de dommages-intérêts, telle qu'explicitée dans ses écrits des 16 octobre 1997 et 27 mai 1998 et de lui donner acte de ce qu'il renonce à la mise en cause des parties à l'instance autres que la BNP, lesquelles n'ont pas conclu aux débats et y sont désormais étrangères ;

Il ajoute que la BNP a engagé sa responsabilité en déclarant à l'audience de référé : « Le Crédit Lyonnais ne saurait être suivi en ce qu'il se déclare seul propriétaire de cette somme (1 802 483,27 francs) », obligeant ainsi le juge des référés à ordonner que la somme de 1 802 483,27 francs reste consignée jusqu'à ce que le Tribunal ait statué sur sa propriété par suite de la contestation formée ;

La BNP ayant maintenu les termes de ses précédentes conclusions par un écrit du 19 mai 1999, le Crédit Lyonnais, par conclusions du 8 juillet 1999, soutient qu'il est de principe que commet une faute, le banquier qui, bien que convaincu d'une erreur du donneur d'ordre qui l'en a avisé, ne prend aucune mesure appropriée pour éviter la perception des sommes indues par son client dès lors que cela n'est pas incompatible avec l'obligation générale d'exécuter de bonne foi les contrats ; il maintient le dernier état de ses demandes et sollicite en outre qu'il soit dit et jugé que la BNP a engagé sa responsabilité pour n'avoir pris aucune mesure immédiate et appropriée afin de rétablir l'erreur affectant le transfert des fonds qui lui avaient été adressés aux lieu et place du Crédit Lyonnais, ainsi que les parties lui avaient enjoint de le faire, et alors que par sa déclaration affirmative complémentaire du 6 novembre 1996, elle n'a nullement informé le juge de la réalité de la situation ainsi portée à sa connaissance ;

Enfin par conclusions en date du 13 octobre 1999, la BNP fait valoir, sans modifier ses demandes, qu'elle n'a eu connaissance de l'erreur affectant le virement de la somme de 1 802 483,27 francs que le 8 novembre 1996 à 14 heures 23 (pièce adverse n° 3) soit postérieurement à la mise en œuvre de la saisie-arrêt du 29 octobre 1996 et de la déclaration complémentaire du 6 novembre 1996, en sorte qu'elle n'a pu informer le juge à l'audience du 7 novembre 1996 ;

Les autres parties à l'instance n'ont pas conclu ;

Sur ce :

Attendu qu'il convient de prendre acte de ce que le Crédit Lyonnais renonce à la mise en cause des parties à l'instance autres que la BNP et aux demandes formées contre ces parties ;

Qu'il doit également lui être donné acte de ce que la BNP ne lui a restitué la somme revendiquée de 1 802 483,27 francs que par chèque du 28 février 1997 remis le 4 mars 1997 contre mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 27 novembre 1996, les parties s'accordant sur ce point ;

Attendu que dans ses derniers écrits, le Crédit Lyonnais n'a pas réitéré sa demande de jonction entre la présente instance et celle initiée par la société Cryptone selon exploit de saisie-arrêt et assignation en date du 29 octobre 1996 ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence de statuer de ce chef ;

Sur l'existence d'une faute commise par la BNP :

Attendu qu'aux termes de l'article 487 du Code de procédure civile, tout créancier peut déposer au greffe général une requête tendant à frapper temporairement d'indisponibilité entre les mains d'un tiers et dans la limite qu'il fixe, les sommes dues à son débiteur et les rentes, valeurs ou autres biens mobiliers à lui appartenant ;

Attendu que l'article 500-1 de ce même code dispose : « Lorsque la saisie n'est pas faite en vertu d'un titre exécutoire, l'exploit prévu à l'article 494 contient en outre, à peine de nullité, assignation du débiteur saisi en validité de la saisie et injonction au tiers saisi de déclarer, sur-le-champ, s'il doit au débiteur ou détient pour son compte une somme d'argent qui suffit au paiement de la créance du saisissant et à défaut, il en communique le montant...

Le tiers-saisi complétera cette déclaration dans les formes et conditions prévues aux articles 500-3 et 500-4 » ;

Attendu qu'il est constant en l'espèce que par exploit du 29 octobre 1996, la société Cryptone, démunie de titre exécutoire mais dûment autorisée, a fait pratiquer une saisie-arrêt au préjudice de la Société Générale de Parfumerie pour garantir une créance provisoirement évaluée à 2 000 000 francs auprès de divers établissements bancaires dont la BNP et dans le même temps, assigné sa débitrice en validité de la saisie à l'audience du 7 novembre 1996 ;

Attendu que sur-le-champ, la BNP satisfaisant à l'injonction au tiers-saisi prévue par l'article 500-1 du Code de procédure civile, a déclaré que les comptes ouverts dans ses livres par la Société Générale de Parfumerie présentaient des positions débitrices ;

Attendu par ailleurs, que le 6 novembre 1996, elle effectuait une déclaration complémentaire par laquelle elle déclarait détenir désormais pour le compte de la Société Générale de Parfumerie la somme de 1 609 632,94 francs ;

Attendu qu'aux termes de l'article 500-3 du Code de procédure civile, le tiers-saisi fait la déclaration complémentaire prévue au deuxième alinéa de l'article 500-1 soit à l'audience en personne ou par un fondé de pouvoir, soit par lettre à déposer au greffe général le dernier jour ouvrable précédant la date de l'audience ;

Qu'en conséquence, la BNP en effectuant sa déclaration complémentaire la veille de l'audience soit le 6 novembre 1996, a fait une juste application de ces dispositions ;

Attendu qu'aux termes de l'article 500-4 du Code de procédure civile, la déclaration complémentaire du tiers-saisi énonce, lorsqu'elle porte sur des sommes d'argent, les rectifications et modifications à apporter à la déclaration initiale ;

Attendu qu'il est de principe que la saisie-arrêt ne frappe d'indisponibilité que les sommes disponibles au jour de l'opposition ;

Qu'il est de principe également qu'un virement bancaire ne produit aucun effet juridique avant son exécution, en sorte que le créancier bénéficiaire de l'ordre de virement n'acquiert un droit sur la provision, c'est-à-dire sur les fonds qui lui sont destinés, qu'à partir de l'écriture au débit du compte du débiteur donneur d'ordre ;

Attendu qu'en sa qualité d'établissement bancaire, la BNP ne pouvait ignorer ces principes ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que le compte de la Société Générale de parfumerie a été crédité le 6 novembre 1996 d'un virement de 1 802 483,27 francs sur ordre de la société Waked International ;

Attendu qu'il ne peut être soutenu pour les motifs qui viennent d'être énoncés que l'opération de virement était en cours de réalisation au jour de la saisie-arrêt et qu'elle existait en germe au crédit de la Société Générale de parfumerie ;

Attendu que la BNP a pris en compte ce virement lors de sa déclaration affirmative complémentaire du 6 novembre 1996 en déclarant le compte de la Société Générale de parfumerie, initialement débiteur de 192 850,33 francs, créditeur de la somme de 1 609 632,94 francs, sans préciser que ce nouveau solde résultait d'un virement exécuté le jour même ; que ce faisant elle a commis une faute ;

Attendu que par ordonnance de référé en date du 11 décembre 1996, le Président du Tribunal, statuant sur assignation en mainlevée de saisie-arrêt de la Société Générale de parfumerie et sur intervention volontaire du Crédit Lyonnais, ordonnait la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par la société Cryptone, donnait acte à la BNP de ce qu'elle contestait l'affirmation du Crédit Lyonnais contenue dans ses écrits judiciaires selon laquelle le Crédit Lyonnais s'affirmait seul propriétaire des fonds totalisant 1 802 483,27 francs et précisait « de l'accord des parties, les effets de la mainlevée ainsi ordonnée ne s'étendront pas aux sommes que la BNP a reçues postérieurement à la saisie, lesquelles demeureront consignées auprès de cet établissement bancaire » ;

Attendu qu'il résulte de la double lecture de l'assignation en intervention volontaire du Crédit Lyonnais et de ladite ordonnance que le Crédit Lyonnais sollicitait à titre principal et sous réserve de l'accord des autres parties, le transfèrement immédiat des fonds dont il se disait propriétaire et que la BNP a été la seule à contester son droit de propriété sur ces fonds ;

Attendu que rien ne justifiait une telle position de la BNP, laquelle a reconnu avoir été informée le 8 novembre 1996 de ce que le virement de 1 802 483,27 francs par la société Waked International était parvenu sur le compte de la Société Générale de parfumerie à la suite d'une erreur alors qu'il aurait dû être effectué au profit du Crédit Lyonnais ;

Qu'ainsi et surabondamment, la BNP a concouru à cet égard au retard apporté dans le transfèrement des fonds revenant au Crédit Lyonnais ;

Attendu en conséquence, qu'il apparaît que la BNP a engagé sa responsabilité vis-à-vis du Crédit Lyonnais au double motif que d'une part, elle a méconnu le principe selon lequel la saisie-arrêt ne frappe d'indisponibilité que les sommes disponibles au jour de l'opposition et que d'autre part, elle a indûment contesté le droit de propriété du Crédit Lyonnais devant le juge des référés statuant sur la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par la société Cryptone ;

Sur la demande en paiement d'intérêts de retard :

Attendu que la BNP était tenue vis-à-vis du Crédit Lyonnais de délivrer les fonds virés par la société Waked International le 6 novembre 1996 sur le compte (BNP) de la société Générale de parfumerie, du reste par erreur ;

Attendu que pour autant, elle n'était pas personnellement débitrice desdits fonds ;

Que dès lors, le retard apporté dans l'exécution de son obligation de délivrer les fonds peut être sanctionné par l'octroi de dommages-intérêts mais non par l'octroi d'intérêts de retard ;

Qu'en conséquence, le Crédit Lyonnais sera débouté de sa demande en paiement d'intérêts de retard ;

Sur les dommages-intérêts :

Attendu que le Crédit Lyonnais, comme il lui en a été donné acte plus haut, n'a perçu la somme de 1 802 483,27 francs que le 4 mars 1997 contre mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par ses soins le 27 novembre 1996 ;

Attendu que ladite saisie-arrêt n'était qu'une réponse apportée au comportement de la BNP ;

Que sans l'erreur fautive commise par cette dernière à l'occasion de sa déclaration affirmative complémentaire, le Crédit Lyonnais aurait pu percevoir la somme précitée dès le 6 novembre 1996 sans attendre la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par la société Cryptone ;

Attendu par suite que la BNP est totalement responsable du retard au transfèrement des fonds ;

Attendu que ce retard a entraîné pour le Crédit Lyonnais un préjudice incontestable, dès lors qu'il a été privé pendant plusieurs mois de sommes qui lui revenaient incontestablement ;

Qu'il convient en conséquence, au regard dudit préjudice et de l'attitude abusive de la BNP aux divers stades de la procédure, de condamner cette dernière au paiement de la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts, compte tenu des éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose pour l'évaluation du préjudice subi ;

Attendu que les parties seront déboutées du surplus de leurs prétentions ;

Attendu que la partie qui succombe doit supporter la charge des dépens, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

Donne acte au Crédit Lyonnais de ce qu'il renonce à la mise en cause des parties à l'instance autres que la BNP et aux demandes initialement formées contre ces parties ;

Constate que la BNP ne lui a restitué la somme de 1 802 483,27 francs que par chèque du 28 février 1997 remis à lui le 4 mars 1997 contre mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 27 novembre 1996 ;

Dit et juge que la BNP a engagé sa responsabilité vis-à-vis du Crédit Lyonnais ;

Condamne la BNP à payer au Crédit Lyonnais la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Léandri, Brugnetti, Pastor, Sbarrato, Karczag-Mencarelli, av. déf. ; Marquet, av. stage ; Gorra, av. bar. de Nice.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 26795
Date de la décision : 04/05/2000

Analyses

Banque, finance - Général ; Opérations bancaires et boursières


Parties
Demandeurs : Crédit lyonnais
Défendeurs : Société Générale de Parfumerie, Sté Cryptone, Banque Nationale de Paris, Sté Cosmétic Laboratoires, Société générale, État de Monaco

Références :

article 500-1 du CPC
article 487 du Code de procédure civile
articles 500-1, 500-3 et 500-4 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 500-4 du CPC
article 231 du Code de procédure civile
article 500-3 du CPC


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2000-05-04;26795 ?

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