La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2000 | MONACO | N°26814

Monaco | Tribunal de première instance, 13 avril 2000, S. c/ Yacht Club de Monaco


Abstract

Contrat de travail

Licenciement - Motif valable - Inaptitude à remplir les obligations inhérentes au contrat de travail

Résumé

Il ressort des éléments de la cause que l'état de santé de M. P. S., moniteur de voile, victime d'un accident du travail le 1er juillet 1995 (traumatisme crânien avec fractures et diverses séquelles), ne lui permettait plus à la date du 16 octobre 1996 de poursuivre son travail sans risque pour lui-même ou pour autrui ; que les activités, se rapportant au transport de personnes par mer (bateau) ou par terre (auto-minibu

s) et à l'utilisation d'outils manipulés dangereux (meules disqueuses), considérées ...

Abstract

Contrat de travail

Licenciement - Motif valable - Inaptitude à remplir les obligations inhérentes au contrat de travail

Résumé

Il ressort des éléments de la cause que l'état de santé de M. P. S., moniteur de voile, victime d'un accident du travail le 1er juillet 1995 (traumatisme crânien avec fractures et diverses séquelles), ne lui permettait plus à la date du 16 octobre 1996 de poursuivre son travail sans risque pour lui-même ou pour autrui ; que les activités, se rapportant au transport de personnes par mer (bateau) ou par terre (auto-minibus) et à l'utilisation d'outils manipulés dangereux (meules disqueuses), considérées comme incluses dans le travail qu'il devait assurer en sa qualité de moniteur de voile, lui ayant été interdites, c'est à juste titre que le YCM a exercé son droit de rupture des relations contractuelles, en constatant que P. S. se trouvait « dorénavant dans l'impossibilité de remplir les obligations qui découlent du contrat de travail ».

Les premiers juges doivent donc être approuvés en ce qu'ils ont considéré qu'il s'agissait d'un motif valable de licenciement et que la rupture a été mise en œuvre sans abus, étant relevé qu'est inopérant l'argument selon lequel P. S. a pu être déclaré apte au travail en France ultérieurement.

Il s'en suit que par application, a contrario, de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 et de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, P. S. n'est pas fondé à prétendre à des indemnités de licenciement ou à des dommages-intérêts.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Saisi par P. S., moniteur de voile licencié le 4 décembre 1996 par son ancien employeur pour inaptitude physique, de diverses demandes dirigées contre le Yacht Club de Monaco (YCM), tendant au paiement

* d'indemnités de congédiement (16 000 francs),

* d'indemnités de licenciement (22 909,20 francs),

* d'indemnité de préavis (16 000 francs),

* de dommages-intérêts (150 000 francs),

* d'heures supplémentaires (20 000 francs),

* d'un treizième mois (8 000 francs),

* de salaire pour « jours non récupérés » (4 727 francs),

* et d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code français de procédure civile (10 000 francs),

le Tribunal du travail, par jugement du 26 mars 1998 auquel il y a lieu de se reporter pour plus ample exposé des faits de la cause, a jugé que la rupture du contrat de travail liant les parties était fondée sur un motif valable et a débouté P. S. de l'ensemble de ses demandes, en le condamnant aux dépens ;

Pour statuer ainsi, le Tribunal du travail a estimé que l'inaptitude au travail de P. S. prononcée par l'Office de la médecine du travail, comportant des restrictions empêchant le plein exercice de la profession de moniteur de voile, constituait un motif valable de rupture insusceptible de critique ; il a noté que la mise en œuvre de ce droit de rupture par l'employeur était exempt de faute, en relevant que celui-ci aurait pu se prévaloir de son droit de mettre fin au contrat de travail que la loi organise à partir d'une absence de 6 mois, alors que P. S. a été repris après un arrêt de travail de 14 mois ;

Le Tribunal du travail a par ailleurs considéré :

* sur l'indemnité de congédiement, que cette demande n'était pas justifiée, P. S. ayant perçu à ce titre la somme de 4 598,75 francs l'ayant rempli de ses droits ;

* que le YCM ne pouvait être débiteur du paiement d'une indemnité de préavis dès lors que l'inaptitude au travail interdisait l'exécution d'un tel préavis, P. S. n'étant pas en mesure de l'effectuer,

* sur les autres demandes (heures supplémentaires, congés non payés, treizième mois), qu'elles ne pouvaient être accueillies, faute pour P. S. de produire les éléments de preuve utiles,

* que l'indemnité réclamé sur le fondement d'un texte français n'avait pas lieu d'être admise ;

Par l'exploit susvisé du 5 juin 1998, P. S. a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été signifié le 26 mai 1998 ; il en poursuit l'infirmation et demande au Tribunal d'appel de condamner le YCM à lui payer les sommes déjà réclamées devant le Tribunal du travail, à l'exception de celle fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile français ; que par suite d'une omission matérielle, le dispositif de cet exploit ne reprend pas la demande, formulée dans les motifs, tenant au paiement du treizième mois ;

Au soutien de son appel, P. S. fait valoir que le motif d'inaptitude invoqué pour la résiliation de son contrat n'est pas justifié puisqu'il avait été embauché en qualité de moniteur de voile, soit dans des fonctions ne nécessitant pas le transport de personnes pour lequel des restrictions ont été émises ;

Il déclare avoir fourni un certificat médical l'autorisant à reprendre ses activités professionnelles d'initiation à la voile, en sorte que le YCM se serait à tort opposé à la reprise du travail sur la base d'une inaptitude ponctuelle et accessoire à sa fonction, relative à l'inaptitude au transport de personnes ;

Quant au malaise dont il a été pris le 14 octobre 1996, date à partir de laquelle il a cessé ses activités jusqu'au licenciement, il explique qu'il est dû à l'inhalation de vapeurs d'acétone dans un local fermé où il était occupé à remettre une coque en état ;

Il assure n'avoir pas fait d'autres malaises depuis et indique d'ailleurs avoir été déclaré apte au travail, d'abord en décembre 1997 puis en février 1999, à l'occasion d'embauches à Cagnes-sur-mer (Alpes-maritimes) en qualité de moniteur de voile ;

En ce qui concerne ses demandes, il affirme avoir été régulièrement bénéficiaire d'un treizième mois avant son accident et indique ne pas avoir perçu ses congés payés ;

En réponse, le YCM conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet de l'ensemble des prétentions de P. S., en poursuivant sa condamnation au paiement de la somme de 7 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Après un rappel des faits de la cause, le YCM estime que l'inaptitude d'un salarié à l'exercice de son activité professionnelle constitue, au vœu de la loi, un motif légitime de résiliation du contrat de travail, dès lors qu'il ne pouvait être offert à P. S. aucun poste de remplacement dans l'entreprise ;

Il insiste sur la sécurité devant être assurée en toutes circonstances aux personnes - des enfants le plus souvent - placées sous la responsabilité du moniteur de voile, et sur les conséquences pouvant être entraînées par un nouveau malaise ;

Sur les demandes accessoires de l'appelant, le YCM se réfère à ses écrits judiciaires de première instance qui démontreraient que P. S. a été payé de l'intégralité des heures ou jours de travail effectués ; il affirme que le treizième mois n'est pas versé aux salariés du YCM et observe que l'indemnité de préavis ne peut être due en l'espèce, puisque P. S. se trouvait dans l'incapacité médicale d'effectuer son travail pendant le préavis ;

Sur quoi :

Attendu que l'appel, formé dans les délais de la loi, doit être déclaré recevable ;

Attendu, dans le domaine des faits, qu'il résulte des pièces produites, que :

* embauché en septembre 1991, P. S. a fait l'objet d'un accident du travail le 1er juillet 1995 (traumatisme crânien avec fractures et diverses séquelles) ;

* il n'a été autorisé à reprendre son activité que le 2 septembre 1996, soit après 14 mois d'arrêt ;

* le travail a été exécuté dans des conditions normales jusqu'au 14 octobre 1996, date à laquelle P. S. a été victime d'un malaise (crise d'épilepsie) ayant donné lieu à un arrêt de travail jusqu'au 15 novembre 1996 ; examiné à l'Office de la médecine du travail le 15 octobre 1996 de 16 heures à 17 heures 30, il a fait l'objet d'une « fiche d'aptitude au travail » comportant, au regard de la rubrique « Résultats », l'appréciation médicale suivante :

« inapte à tous travails (sic) comportant le transport de personnes (véhicule auto ou bateaux)

(ou) nécessitant l'utilisation d'outils manuportés dangereux » ;

* par lettre du 16 octobre 1996, le médecin du travail confirmait à l'employeur :

« ... j'ai examiné Monsieur P. S...

Il apparaît clairement que son état de santé ne lui permet plus de poursuivre tel quel son travail sans risquer de nuire gravement à sa santé ou à celle de tiers. Il lui est dorénavant strictement interdit d'assurer le transport de personnes par mer (bateaux) ou par terre (auto, minibus...) ainsi que d'utiliser des outils manuportés dangereux (meules, disqueuses...) ou de travailler en hauteur (échelle...) » ;

* après avoir pris l'attache de l'Inspection du travail, le YCM recevait le 28 novembre 1996 de l'inspecteur du travail l'avis suivant :

« ... dans la mesure où son état de santé, médicalement constaté par l'Office de la Médecine du travail, ne lui permet plus d'occuper un poste dans votre société, vous avez la possibilité de le licencier... » ;

* le licenciement est intervenu par lettre du 4 décembre 1996 ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments, en particulier de la lettre du médecin du travail du 16 octobre 1996, qu'à cette date l'état de santé de P. S. ne lui permettait plus de poursuivre son travail sans risque pour lui-même ou pour autrui ;

Qu'en outre, il lui a alors été fait interdiction formelle de transporter des personnes, soit à bord d'un bateau, soit au moyen d'un véhicule automobile ;

Attendu que les pièces produites, notamment celles versées aux débats par P. S., montrent que celui-ci assurait fréquemment, dans le cadre de son travail, le transport par camionnette d'enfants participant à des régates à l'extérieur de la Principauté ; qu'il n'est pas contestable par ailleurs qu'en sa qualité de moniteur de voile, il pouvait avoir à accueillir, sur le bateau de surveillance ou tout autre navire piloté par ses soins, des personnes en butte avec les éléments marins ;

Attendu que de telles activités, effectivement exercées par P. S. lorsqu'il se trouvait au service du YCM, doivent dès lors être considérées comme incluses dans le travail qu'il devait assurer en sa qualité de moniteur de voile ;

Attendu que ces activités lui ayant été formellement interdites, c'est à juste titre que le YCM a exercé son droit de rupture des relations contractuelles en constatant que P. S. se trouvait « dorénavant dans l'impossibilité de remplir les obligations qui découlent (du) contrat de travail » ;

Que les premiers juges doivent donc être approuvés en ce qu'ils ont considéré qu'il s'agissait d'un motif valable de licenciement et que la rupture a été mise en œuvre sans abus, étant relevé qu'est inopérant l'argument selon lequel P. S. a pu être déclaré apte au travail en France ultérieurement ;

Attendu qu'il s'ensuit que par application, a contrario, de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 et de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, P. S. n'est pas fondé à prétendre à des indemnités de licenciement ou à des dommages-intérêts.

Attendu, s'agissant de l'indemnité de congédiement, que P. S. qui a perçu 4 598,75 francs à ce titre, n'établit pas avoir droit à un montant supérieur ; qu'il s'abstient d'ailleurs en cause d'appel, malgré les énonciations du Tribunal du travail, de produire toute pièce justificative de ce chef ou même d'expliciter sa demande, en sorte que celle-ci ne saurait être accueillie ;

Attendu qu'il en va de même en ce qui concerne le paiement de congés qu'il réclame, étant observé que le YCM établit lui avoir réglé à son départ la somme de 15 442,55 francs correspondant à 42,5 jours de congés payés ; qu'il ne s'explique pas davantage sur les heures supplémentaires réclamées ou sur l'indemnité de préavis, en sorte que la décision des premiers juges de ce chef ne peut qu'être confirmée par adoption des motifs ;

Attendu, en ce qui concerne le treizième mois dont le YCM affirme qu'il n'est pas versé, que P. S. produit désormais aux débats à ce titre trois bulletins de salaire signés par l'employeur établissant le paiement, les 23 décembre 1991, 24 décembre 1992 et 20 décembre 1994 d'une « treizième mensualité » s'étant respectivement élevée à 1 750 francs, 7 500 francs et 7 873 francs ;

Attendu qu'est ainsi démontrée la réalité de la perception par P. S. d'un treizième mois, alloué avec suffisamment de constance pour caractériser une obligation de paiement à la charge du YCM ;

Qu'au regard des circonstances de l'espèce tenant au montant du salaire perçu en dernier lieu par le salarié et à la date de rupture du contrat de travail, le Tribunal d'appel - saisi de ce chef de demande régulièrement débattu malgré l'omission matérielle ci-dessus mentionnée - estime devoir allouer à P. S. le montant qu'il réclame de ce chef, dès lors que ce montant apparaît correctement évalué ;

Attendu que l'appel s'avérant partiellement fondé, aucune faute ne saurait être retenue à la charge de P. S. dans la mise en œuvre de cette voie de recours, en sorte que le YCM doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu, sur les dépens, que l'appelant, qui succombe pour l'essentiel, doit en supporter la charge, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

Le Tribunal statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

* Déclare l'appel recevable en la forme ;

Au fond,

* Confirme le jugement entrepris du 26 mars 1998 sauf en ce qu'il a débouté P. S. de sa demande en paiement d'un treizième mois ;

Le réformant de ce chef,

* Condamne le Yacht Club de Monaco à payer à P. S. la somme de 8 000 francs à ce titre.

Composition

M. Narmino prés. ; Mlle Lelay prem. subst proc. gén. ; Mes Lorenzi et Michel av. déf., Bensa av. Bar. de Nice.

Note

Cette décision confirme le jugement du Tribunal du travail du 26 mars 1998, pour la plupart de ses dispositions.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26814
Date de la décision : 13/04/2000

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : Yacht Club de Monaco

Références :

article 231 du Code de procédure civile
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2000-04-13;26814 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award