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16/03/2000 | MONACO | N°26790

Monaco | Tribunal de première instance, 16 mars 2000, SAM Richelmi c/ S.


Abstract

Contrat de travail

Salaires - Prime de 5 % monégasque - Application à chacun des éléments composant la rémunération (oui)

Tribunal du travail

Appel du jugement - Demande d'augmentation (salaire) en cause d'appel non soumise à la tentative de conciliation - Irrecevabilité de cette demande nouvelle

Résumé

Le législateur a posé un principe lors des travaux préparatoires de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur les salaires, que la qualification de salaire était applicable à toute somme, quelle que soit sa dénomination, remise en éch

ange du travail, en sorte qu'elle comprend les multiples formes prises aujourd'hui par la rémunératio...

Abstract

Contrat de travail

Salaires - Prime de 5 % monégasque - Application à chacun des éléments composant la rémunération (oui)

Tribunal du travail

Appel du jugement - Demande d'augmentation (salaire) en cause d'appel non soumise à la tentative de conciliation - Irrecevabilité de cette demande nouvelle

Résumé

Le législateur a posé un principe lors des travaux préparatoires de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur les salaires, que la qualification de salaire était applicable à toute somme, quelle que soit sa dénomination, remise en échange du travail, en sorte qu'elle comprend les multiples formes prises aujourd'hui par la rémunération du travail à savoir primes, indemnités, gratifications ou majoration de toute nature.

Il a conservé cette notion incluant les différentes composantes de cette rémunération, dans l'article 11 de la loi n° 739 susvisée, en retenant « des montants minimaux des salaires, primes et indemnités de toute nature » et non un montant minimal global de la rémunération prise dans un ensemble.

Il en résulte, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que chaque élément du revenu doit indivisément se voir appliquer une indemnité de 5 % s'il est inférieur à celui pratiqué à Nice, ou à défaut dans le département des Alpes Maritimes, indemnité instituée par l'arrêté ministériel n° 63-631 du 21 mai 1463 modifié par l'arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984.

L'appelante doit être déboutée de son appel de ce chef, étant observé que l'augmentation sollicitée par l'intimé, constituant un ajout mis en première instance - ne peut valablement être reçue par application de l'article 42 de la loi n° 446 du 15 mai 1946 portant création du Tribunal du Travail, modifiée le 15 mars 1963 - dont les dispositions sont d'ordre public - puisque cette demande qui n'a pas été soumise à la tentative de conciliation préalable imposée par la loi, revêt le caractère d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que statuant dans l'instance opposant N. S. à la société anonyme monégasque R.J. Richelmi, le Tribunal du Travail, par jugement du 25 février 1999 auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause, a :

* Dit et jugé que N. S. était fondé à percevoir en sus de son salaire de base, une indemnité de 5 % telle que fixée par l'arrêté ministériel n° 63-131 du 23 mai 1963 ;

* L'a déclaré irrecevable en sa demande de ce chef afférente à l'année 1992 ;

* Constaté qu'il a limité sa demande à ce titre à la somme de 15 000 francs et condamné la société R.J. Richelmi à lui verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1997 ;

* Ordonné l'exécution provisoire nonobstant appel et avec dispense de caution à hauteur de la somme de 10 000 francs ;

* Dit et jugé par ailleurs que le licenciement de N. S. n'était pas fondé sur un motif valable et qu'il revêtait un caractère abusif ;

* Condamné en conséquence la société R.J. Richelmi à verser à N. S. la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la société R.J. Richelmi a, suivant exploit du 21 avril 1999, interjeté appel dudit jugement signifié le 29 avril 1999, en sollicitant la réformation de ladite décision, tant sur le principe du rappel de salaires, que sur le caractère abusif du licenciement économique et la restitution des sommes versées, le cas échéant, au titre de l'exécution provisoire, majorées des intérêts de droit ;

Qu'au soutien de son appel, la société R.J. Richelmi fait valoir d'une part, que le Tribunal du Travail aurait mal apprécié la situation et particulièrement les éléments composant le salaire de l'employé en introduisant une notion de cumul d'avantages, faisant ainsi une interprétation erronée de la loi n° 739 sur le salaire et de l'arrêté ministériel n° 63-631 modifié et qu'il aurait ignoré une jurisprudence établie sur ces mêmes textes par la Cour Supérieure d'Arbitrage des Conflits du Travail en 1979 ; qu'elle observe que l'indemnité de 5 % instituée par l'arrêté ministériel susvisé n'était pas due dès lors que le salaire versé à Monaco, avec toutes ses composantes qui n'existent pas en France, se trouvait être supérieur au minimum en vigueur dans la région économique voisine ;

Que d'autre part, elle reproche aux premiers juges d'avoir estimé que le licenciement de N. S. était fondé sur un motif non valable, revêtant un caractère abusif, alors qu'il aurait été évident qu'elle n'avait plus de chantier de marbrerie en cours, ni de perspective à court terme en vue de l'ouverture de nouveaux chantiers dans ce domaine ; qu'elle indique à ce titre communiquer au soutien de ses affirmations des informations sur la réalité de la baisse d'activité en 1996 et pendant l'année de priorité de réembauche ;

Attendu que N. S., s'opposant pour sa part formellement à ces demandes, conclut au débouté de la société R.J. Richelmi des fins de son appel et à la confirmation du jugement entrepris du 25 février 1999, sauf en ce qui concerne le montant des condamnations pour lequel il forme appel incident et demande la condamnation de son ancien employeur à lui verser la somme de 17 228,23 francs au titre de rappel de salaires avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1997 et celle de 120 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'abus dans le cadre du licenciement ; qu'il sollicite enfin l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

Qu'il rappelle réclamer l'application de l'article 2 de l'arrêté ministériel n° 63-631 du 21 mai 1963 qui prévoit l'affectation de 5 % monégasque pour les salaires dont le taux horaire est inférieur au taux minimum et assure que les accessoires du salaire ne doivent pas être comptabilisés car ils ne correspondent aucunement à un salaire minimal mais à des avantages acquis venant augmenter le salaire perçu eu égard au mérite et à l'ancienneté des parties ; qu'il réclame de ce chef le paiement de la somme de 17 228,23 francs correspondant au rappel de salaires pour la période du 1er juin 1995 jusqu'à son licenciement, sur la base d'un coefficient 270 et de 169 heures de travail mensuel ;

Qu'il ajoute par ailleurs, que le licenciement dont il a fait l'objet par courrier du 13 mars 1997 se trouverait être dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il ne serait point justifié par la société R.J. Richelmi des difficultés économiques invoquées, et indique que les éléments de la cause justifierait la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 120 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu, enfin, que dans le dernier jeu de ses écrits judiciaires, la société R.J. Richelmi a repris l'ensemble de ses demandes et les moyens qu'elle avait développés au soutien de celles-ci, rappelant en outre la règle selon laquelle il ne peut être statué que sur les réclamations exprimées devant le Bureau de conciliation du Tribunal du Travail et qui conduirait en conséquence à écarter la demande augmentée à 17 228,23 francs au titre du rappel de salaires, sans toutefois formuler de prétentions à ce sujet dans le dispositif de ses conclusions ;

Sur quoi :

1 -En la forme :

Attendu que l'appel principal, régulier en la forme et qui apparaît avoir été formé dans les délais de la loi, doit être déclaré recevable, comme doit l'être aussi l'appel incident formé par N. S. ;

2 -Au fond :

Attendu que la demanderesse reproche aux premiers juges d'avoir admis tant le rappel de salaires sollicité par N. S., que le caractère abusif du licenciement pour un motif jugé non valable dont il a fait l'objet le 13 mars 1997 avec effet au 14 mai suivant ;

A - Sur le rappel des salaires :

Attendu que les juges du fond, pour accueillir N. S. en sa demande, ont relevé que l'analyse des articles 1 et 2 de l'arrêté ministériel n° 63-631 du 21 mai 1963 fixant les taux minima des salaires, modifié par l'arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984, démontrait qu'il fallait chiffrer chaque élément de rémunération à un montant équivalent à celui pratiqué à Nice et auquel doit s'ajouter la prime de 5 % monégasque dont ils ont observé, en outre, que le fondement était totalement différent de celui de la prime d'ancienneté versée par la société R.J. Richelmi puisque celle-ci n'est pas soumise aux prélèvements sociaux ;

Attendu que ce faisant, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des principes juridiques applicables en l'espèce par une motivation que le Tribunal fait sienne ;

Attendu, en effet, que le législateur a posé en principe lors des travaux préparatoires de la loi sur les salaires, que la qualification de salaire était applicable à toute somme, quelle que soit sa dénomination, remise en échange du travail, en sorte qu'elle comprend les multiples formes prises aujourd'hui par la rémunération du travail à savoir primes, indemnités, gratifications ou majorations de toute nature ;

Qu'il a conservé cette notion incluant les différentes composantes de cette rémunération en retenant, dans l'article 11 de la loi n° 729 sur les salaires, « des montants minimaux des salaires, primes et indemnités de toute nature » et non un montant minimal global de la rémunération prise dans son ensemble ;

Qu'il en résulte, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que chaque élément du revenu doit indivisément se voir appliquer la prime de 5 % s'il est inférieur à celui pratiqué à Nice, ou à défaut, dans le département des Alpes-Maritimes ; que l'appelante doit dès lors être déboutée de son appel de ce chef et le montant de la condamnation confirmé, dès lors que l'augmentation sollicitée par N. S., à savoir un ajout - omis en première instance - de 2 228,23 francs, ne peut valablement être reçue par application de l'article 42 (dont les dispositions sont d'ordre public) de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création du Tribunal du Travail, modifiée le 16 mars 1963, puisque non soumise la tentative de conciliation préalable imposée par la loi ; qu'elle constitue donc une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel ;

B - Sur le bien fondé du licenciement et le caractère abusif de la requête :

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause que N. S. est entré au service de la société R.J. Richelmi le 15 avril 1985, en qualité de maître marbrier (MO2) et s'est vu notifier par lettre du 13 mars 1997, son licenciement faisant état d'un motif économique, en l'état de la baisse d'activité subie depuis plus d'un an ;

Attendu que N. S. prétend que le licenciement dont il a fait l'objet, d'une part serait dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il ne serait point justifié des difficultés économiques invoquées, en l'état de son réembauchage sur le même chantier, dans les mêmes fonctions et attributions, du 2 juin au 2 juillet 1997, d'autre part revêtirait un caractère abusif ; qu'il sollicite en conséquence la somme de 120 000 francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;

Attendu à cet égard qu'il y a lieu de déterminer si le salarié peut prétendre ou non à l'allocation de dommages-intérêts prévue par l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 en cas de rupture abusive de leur contrat ;

Qu'il appartient en ce cas à la partie qui se prétend lésée de prouver contre son employeur, outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par celui-ci dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un faux motif ;

Attendu, en l'occurrence, que la motivation économique du licenciement invoquée apparaît correspondre à une situation économique réelle, eu égard aux circonstances de l'espèce qui montrent que R.J. Richelmi subissait depuis 1996 une baisse d'activité sensible ; qu'en effet l'historique du chiffre d'affaires de cette société pour les années 1995, 1996 et 1997 (pièces 5 et 9) montre une diminution dudit chiffre passant de 66 678 KF en 1995, à 45 579 KF en 1996 et finalement à 30 860 KF en 1997, de même qu'il caractérise une diminution du nombre de chantiers en cours (12 au 31 mars 1995, contre seulement 7 au 31 septembre 1996) ; que la société R.J. Richelmi a d'ailleurs dû dans le même temps se séparer pour les mêmes motifs économiques de plusieurs autres salariés (lettres de licenciement L. B., P., M., pièces n° 2, 3 et 4) ;

Qu'enfin, il est établi qu'un chantier de reprise postérieur au licenciement de N. S. a conduit la société R.J. Richelmi à s'attacher, pour quelques semaines, les services de marbriers supplémentaires, les travaux de marbrerie commandés devant être impérativement terminés pour le 30 juillet 1997, ainsi que cela résulte de la lettre de l'architecte du chantier produite aux débats (pièce n° 11) ; que cette circonstance isolée et conjoncturelle rend inopérant l'argument soulevé de ce chef ;

Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces considérations, le motif invoqué doit en conséquence être regardé comme valable ; qu'au demeurant, N. S., qui n'indique pas en quoi le licenciement dont il a fait l'objet dissimulerait un autre motif que celui invoqué, n'établit pas la fausseté de ce motif de rupture, en sorte que l'invocation d'une rupture abusive du contrat de travail ne saurait être fondée ; que la décision du Tribunal du Travail doit donc être infirmée sur ce point ;

Attendu, enfin, que la demande d'exécution provisoire s'avère sans objet dès lors que la présente décision est exécutoire dès son prononcé, le pourvoi en révision n'étant pas suspensif de son exécution ;

Et attendu que la société R.J. Richelmi, qui n'avait pas en première instance apporté les éléments de preuve concernant le bien fondé du licenciement et qui succombe pour l'essentiel, doit supporter les dépens du présent jugement ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

Le Tribunal, statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du Travail,

Déclare réguliers les appels principal et incident ;

Confirme le jugement entrepris du 25 février 1999 en ce qu'il a jugé que N. S. était fondé à percevoir en sus de son salaire de base une indemnité de 5 % telle que fixée par l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963 et condamné la société anonyme monégasque R.J. Richelmi à lui verser la somme de 15 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1997 ;

Réformant pour le surplus ledit jugement dit et juge que le licenciement de N. S. était fondé sur un motif valable et qu'il ne revêtait pas un caractère abusif, et déboute N. S. de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande d'exécution provisoire ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, subst. proc. gén. ; Mes Blot, Pastor, Mullot, av. déf. ; Le Donne, av. bar de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26790
Date de la décision : 16/03/2000

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : SAM Richelmi
Défendeurs : S.

Références :

arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984
arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963
arrêté ministériel n° 63-131 du 23 mai 1963
article 42 (dont les dispositions sont d'ordre public) de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 2 de l'arrêté ministériel n° 63-631 du 21 mai 1963
article 42 de la loi n° 446 du 15 mai 1946
loi n° 739 du 16 mars 1963
arrêté ministériel n° 63-631 du 21 mai 1463
articles 1 et 2 de l'arrêté ministériel n° 63-631 du 21 mai 1963
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2000-03-16;26790 ?

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