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17/02/2000 | MONACO | N°26778

Monaco | Tribunal de première instance, 17 février 2000, Banca Commerciale Italiana (France) c/ S.


Abstract

Banques

Compte courant - Ouverture d'un compte à Monaco : loi monégasque applicable - Taux conventionnel : doit être fixé par un écrit (art. 1745, al. 3, C. civ.) à défaut : taux d'intérêt légal

Résumé

Il s'évince des dispositions combinées des articles 1 et 4 de l'ordonnance n° 3066 du 25 juillet 1945, promulguant la convention bilatérale franco-monégasque relative au contrôle des changes, que les textes en vigueur en France concernant la réglementation et l'organisation bancaire, la forme et la négociation des titres et le fonctionneme

nt du marché financier sont applicables de plein droit dans la Principauté de Monaco.

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Abstract

Banques

Compte courant - Ouverture d'un compte à Monaco : loi monégasque applicable - Taux conventionnel : doit être fixé par un écrit (art. 1745, al. 3, C. civ.) à défaut : taux d'intérêt légal

Résumé

Il s'évince des dispositions combinées des articles 1 et 4 de l'ordonnance n° 3066 du 25 juillet 1945, promulguant la convention bilatérale franco-monégasque relative au contrôle des changes, que les textes en vigueur en France concernant la réglementation et l'organisation bancaire, la forme et la négociation des titres et le fonctionnement du marché financier sont applicables de plein droit dans la Principauté de Monaco.

Mais il ne saurait être déduit de telles dispositions que les comptes bancaires ouverts sur le territoire de la Principauté sont soumis à la législation française en matière de crédit, l'énumération susvisée étant précise et limitative, il s'ensuit que la convention de compte courant liant F. S. à la Banca Commerciale Italiana, relève du droit monégasque.

La Banca Commerciale Italiana sollicite la condamnation de F. S. à lui payer le solde débiteur de son compte de dépôt, auquel elle applique un taux d'intérêt conventionnel de 17,95 %.

L'article 1745 alinéa 3 du Code civil monégasque prévoit que le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

En l'occurrence, la convention d'ouverture de compte qui est le seul document contractuel signé par F. S. ne porte aucune mention du taux d'intérêt conventionnel, la rubrique y apparaît ayant été laissée en blanc, par ailleurs la Banca Commerciale Italiana ne démontre nullement que le document intitulé « principales conditions appliquées aux opérations bancaires des particuliers » ait été communiqué au défendeur et accepté par ce dernier lors de la conclusion du contrat.

L'indication du taux d'intérêt conventionnel sur les relevés de compte ne suffit pas à pallier cette absence d'écrit préalable, et ce même si le client n'a émis aucune réserve après leur réception.

Sans qu'il y ait lieu de déterminer le caractère ou non usuraire dudit taux, il suffit de constater qu'il n'a pas été fixé par écrit, et ce, avant de produire ses effets, et ne peut dès lors recevoir application.

Il s'ensuit que seul le taux légal peut être appliqué au solde débiteur du compte de F. S. ouvert dans les livres de la Banca Commerciale Italiana.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que la société anonyme dénommée Banca Commerciale Italiana (France), en abrégé BCI, qui expose avoir ouvert le 8 février 1991 un compte à F. S., a, suivant l'exploit susvisé, fait assigner ce dernier devant le Tribunal à l'effet de le voir condamner à lui payer la somme de 379 339,38 francs en principal et intérêts arrêtés au 30 juin 1998 représentant le solde débiteur de son compte ouvert sous le n° 00000 2 77777, outre les intérêts conventionnels de 17,95 % conformément aux conditions générales de la banque du 1er juillet 1998 au jour du paiement, et la somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir, eu égard à l'ancienneté de la dette ;

Attendu que F. S. entend pour sa part voir :

• appliquer le droit français à la présente procédure,

• constater qu'il n'existe aucun accord entre lui et la BCI relatif au taux d'intérêt applicable au découvert du compte de dépôt,

• dire, à titre subsidiaire, que le taux d'intérêt conventionnel fixé à 17,95 % par la BCI est un taux usuraire,

• ordonner en conséquence à la BCI France de produire aux débats un décompte détaillé du solde débiteur du compte courant de F. S. en principal et intérêts depuis le jour d'ouverture du compte,

• débouter la BCI des fins de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu que la banque demanderesse réplique que la convention de compte courant souscrite à Monaco auprès d'une banque, soumise à autorisation délivrée par les autorités monégasques, et devant être exécutée en Principauté doit relever de la loi monégasque ;

Que le taux d'intérêt conventionnel de 17,95 % applicable pour les découverts en compte non convenus et non formalisés était spécifié dans les conditions générales et rappelé dans les relevés de comptes, en sorte que le défendeur ne saurait se soustraire au paiement de cet intérêt de 17,95 %, ni prétendre à l'application du Code de la consommation français ou de la loi française du 23 décembre 1966 sur l'usure ;

Que la BCI réitère dès lors les termes de sa demande introductive d'instance et sollicite la condamnation de F. S. à lui payer la somme de 379 339,38 francs en principal et intérêts arrêtés au 30 juin 1998, outre celle de 30 000 francs de dommages-intérêts, avec exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu que F. S. réplique quant à lui que l'article 4 de l'ordonnance n° 3066 du 25 juillet 1945 prévoit que la législation française s'applique sur le territoire de la Principauté de Monaco en matière de change, de banque et de crédit ; que dès lors, tant la loi française du 1er mars 1984 sur le règlement des difficultés des entreprises, que les dispositions sur le crédit contenues dans le cadre de la consommation ou la loi française sur l'usure du 23 décembre 1966 seraient applicables au contrat de compte le liant à la BCI ;

Que le défendeur indique par ailleurs n'avoir pas eu communication des conditions générales mentionnant le taux d'intérêt conventionnel lors de la signature de la convention de compte et qualifie d'usuraire ledit taux au regard des dispositions des articles L. 313-3 et L. 313-4 du Code de la consommation ;

Sur ce :

I. - Sur la loi applicable :

Attendu que conclue et devant être exécutée en Principauté de Monaco, la convention de compte liant F. S. à la BCI caractérise un contrat souscrit dans le secteur de la banque et du crédit ;

Attendu que le défendeur soutient que cette convention serait soumise à la loi française par application des textes sur le contrôle des changes ;

Attendu qu'il s'évince des dispositions combinées des articles 1 et 4 de l'ordonnance n° 3066 du 25 juillet 1945, promulguant la convention bilatérale relative au contrôle des changes, que les textes en vigueur en France concernant la réglementation et l'organisation bancaire, la forme et la négociation des titres et le fonctionnement du marché financier sont applicables de plein droit dans la Principauté de Monaco ;

Attendu qu'il ne saurait être déduit de telles dispositions que les comptes bancaires ouverts sur le territoire de la Principauté sont soumis à la législation française en matière de crédit, l'énumération susvisée étant précise et limitative ;

Qu'il y a donc lieu de dire que le présent contrat relève du droit monégasque ;

II - Sur le taux d'intérêt conventionnel :

Attendu que la BCI sollicite la condamnation de F. S. à lui payer le solde débiteur de son compte de dépôt auquel elle applique un taux d'intérêt conventionnel de 17,95 % ;

Attendu que l'article 1745 alinéa 3 du Code civil monégasque prévoit que le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ;

Attendu qu'en l'occurrence, la convention d'ouverture de compte qui est le seul document contractuel signé par F. S. ne porte aucune mention du taux d'intérêt conventionnel, la rubrique y afférent ayant été laissée en blanc ; que la BCI ne démontre par ailleurs nullement que le document intitulé « principales conditions appliquées aux opérations bancaires des particuliers » ait été communiqué au défendeur et accepté par ce dernier lors de la conclusion du contrat ;

Attendu que l'indication du taux d'intérêt conventionnel sur les relevés de compte ne suffit pas à pallier cette absence d'écrit préalable, et ce même si le client n'a émis aucune réserve après leur réception ;

Que sans qu'il y ait lieu de déterminer le caractère ou non usuraire dudit taux, il suffit de constater qu'il n'a pas été fixé par écrit, et ce, avant de produire ses effets, et ne peut dès lors recevoir application ;

Qu'il suit que seul le taux légal peut être appliqué au solde débiteur du compte de F. S. ouvert dans les livres de la BCI ;

Attendu que le décompte du 19 juin 1998 produit par la BCI ne permet pas au Tribunal de déterminer le montant du solde en principal, dès lors que la somme de 246 565,38 francs comprend déjà le montant des intérêts conventionnels arrêtés au 1er juillet 1995 ;

Qu'il s'ensuit que F. S. apparaît fondé à réclamer la production d'un décompte détaillé du solde débiteur en intérêts en principal depuis le jour de l'ouverture dudit compte ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer actuellement sur les demandes de condamnation formées par la BCI ; qu'il convient de la renvoyer à telle audience qu'il appartiendra pour production du décompte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de réserver les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

Dit et juge que la législation monégasque s'applique à la convention de compte liant F. S. à la société anonyme dénommée Banca Commerciale Italiana (France) ;

Constate que le taux de l'intérêt conventionnel n'est pas fixé par écrit ;

Dit et juge que seul le taux d'intérêt légal devra s'appliquer au solde débiteur du compte de F. S. ;

Avant-dire-droit sur les demandes de condamnation,

Enjoint à la Banca Commerciale Italiana de produire un décompte détaillé du solde débiteur du compte de F. S. en principal et intérêts depuis le jour de l'ouverture du compte ;

Renvoie à cette fin la cause et les parties à l'audience du Jeudi 13 avril 2000 à 9 heures ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Léandri, Karczag-Mencarelli, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26778
Date de la décision : 17/02/2000

Analyses

Traités bilatéraux avec la France ; Établissement bancaire et / ou financier ; Crédits


Parties
Demandeurs : Banca Commerciale Italiana (France)
Défendeurs : S.

Références :

article 1745 alinéa 3 du Code civil
articles 1 et 4 de l'ordonnance n° 3066 du 25 juillet 1945
C. civ.
article 4 de l'ordonnance n° 3066 du 25 juillet 1945


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2000-02-17;26778 ?

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