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03/02/2000 | MONACO | N°26811

Monaco | Tribunal de première instance, 3 février 2000, Monaco Télématique dénommée MC-TEL c/ B.


Abstract

Contrat de travail

Modification de la situation juridique de l'employeur - Maintien des contrats de travail en cours - Ancienneté du salarié remontant à l'époque antérieure à la modification

Résumé

Aux termes de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entrepr

ise ».

Les circonstances de l'espèce démontrent que si P. B. a été embauché en 1988...

Abstract

Contrat de travail

Modification de la situation juridique de l'employeur - Maintien des contrats de travail en cours - Ancienneté du salarié remontant à l'époque antérieure à la modification

Résumé

Aux termes de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise ».

Les circonstances de l'espèce démontrent que si P. B. a été embauché en 1988 par M.-P. O. exploitant sous l'enseigne MC-TEL, puis le 14 septembre 1992 au sein de la Société MC-TEL nouvellement créée, cette dernière entité avait par rapport à l'exploitation personnelle de M.-P. O., une dénomination similaire à l'enseigne commerciale, le même objet social, le même siège social, les mêmes salariés et une clientèle identique, étant enfin dirigée par les mêmes personnes (Mme O. et M. M.).

Si la radiation de la commerçante en nom propre n'est intervenue au répertoire du Commerce que postérieurement à la création de la société anonyme monégasque, aucune pièce ne permet d'établir que l'exploitation en nom personnel ait été effective et poursuivie durant cette période, ni que les contrats de travail des salariés aient été rompus par la commerçante personne physique.

Il s'en suit que le caractère effectif de la juxtaposition de deux entités juridiques distinctes, à savoir la commerçante en nom propre et la Société, n'apparaît pas démontré en l'état.

S'il n'est pas davantage établi que le fonds ait été mis en société, au sens de l'article 15 de la loi n° 729, il n'en demeure pas moins que le maintien de l'exploitation en nom propre apparaît fictif et que les salariés embauchés par la société MC-TEL, sans que leur précédent contrat ne soit rompu, ont bien subi une mutation consécutive à la modification juridique intervenue dans la situation de l'employeur ; l'article 15 de la loi n° 729 apparaît dès lors applicable, en sorte que l'ancienneté de P. B. doit remonter au 1er juin 1988 et non au 1er septembre 1992.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que suivant jugement du 29 janvier 1998 - auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause - le Tribunal du travail, statuant dans l'instance opposant P. B. à son ancien employeur, la société anonyme monégasque dénommée Monaco Télématique, dénommée MC-TEL, après avoir refusé d'appliquer l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, a :

• « jugé que le licenciement de P. B. n'était pas justifié par une faute grave ou un motif valable et déclaré que ledit licenciement était abusif ;

condamné la SAM MC-TEL à lui payer :

* la somme de FRF 22 263,70 (vingt deux mille deux cent soixante-trois francs et soixante-dix centimes) à titre d'indemnité de préavis ;

* la somme de FRF 2 226,37 (deux mille deux cent vingt-six francs et trente-sept centimes) à titre de congés payés sur préavis ;

* la somme de FRF 2 226,37 (deux mille deux cent vingt-six francs et trente-sept centimes) à titre d'indemnité de congédiement ;

* la somme de FRF 11 131,85 (onze mille cent trente et un francs et quatre-vingt-cinq centimes) à titre d'indemnité de licenciement ;

* la somme de FRF 100 000 (cent mille francs) à titre de dommages-intérêts,

• débouté P. B. du surplus de ses demandes,

• condamné la SAM MC-TEL aux dépens » ;

Attendu que suivant exploit du 20 mars 1998, la société MC-TEL a relevé appel dudit jugement signifié le 11 mars 1998 à l'effet de voir réformer cette décision et voir :

• « dire que le licenciement dont a fait l'objet M. P. B. par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 janvier 1995 est justifié par un motif valable,

• qu'en outre, le licenciement dont s'agit est justifié par une faute grave qui peut être mise à la charge de P. B., avec toutes conséquences de droit,

• dire et juger que le licenciement dont s'agit est dépourvu de caractère abusif et ne peut donner lieu à l'attribution de dommages-intérêts,

• condamner P. B. aux entiers dépens de première instance et d'appel » ;

Qu'au soutien de son appel, la société MC-TEL fait valoir pour l'essentiel :

• que la réitération des courriers d'avertissement adressés par MC-TEL à P. B. et l'augmentation de salaire qui lui a été accordée ne peuvent nullement affaiblir la portée des griefs qui lui sont reprochés,

• que P. B. n'a jamais respecté ses horaires de travail, ayant été absent de manière injustifiée durant 70 heures sur une période de neuf mois,

• que la société MC-TEL n'a nullement érigé en faute une situation qu'elle aurait tolérée auparavant,

• que P. B. a contrefait la signature de Mme O. et porté des mentions erronées sur les certificats de présence,

• que ce salarié s'est abstenu d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées par son employeur,

• qu'il a fait preuve d'indélicatesse envers son employeur en effectuant des communications téléphoniques abusives réglées par la société,

• qu'il a enfin passé de longs moments au téléphone sur son propre appareil portable durant les heures de travail ;

Attendu que P. B. entend pour sa part voir débouter la société MC-TEL des fins de son appel et sollicite la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qui concerne l'ancienneté prise en considération, du chef de laquelle il relève appel incident ;

Que P. B. expose qu'il effectuait en réalité de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées en tant que telles, dès lors qu'il existait un consensus avec la société de ce point de vue ;

Que le fait qu'il ait été augmenté à deux reprises entre 1992 et son licenciement prouverait selon l'intimé la satisfaction de l'employeur et son absence de grief, outre le fait qu'il ne faisait que préparer un futur dossier de licenciement par l'envoi de courriers divers ;

Attendu qu'au soutien de son appel incident, P. B. fait valoir :

• que l'article 15 de la loi n° 729 prévoit que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur « notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société », les contrats de travail en cours subsistent,

• que par ce texte, le législateur a manifestement souhaité établir une protection en faveur du salarié qui a le droit de voir son ancienneté maintenue et reconnue quelle que soit la modification qui survient concernant l'employeur,

• que l'employeur n'a nullement démontré que Mme M.-P. O. avait effectivement continué à exploiter le fonds de commerce en cause mais s'est contenté de verser aux débats un extrait du répertoire de l'expansion économique, établissant qu'elle avait été radiée postérieurement à la création de la société anonyme monégasque,

• qu'en réalité, l'ensemble de l'activité de Monaco Télématique a été transféré sur la société MC-TEL, ainsi d'ailleurs que le constatent les premiers juges lorsqu'ils retiennent que les deux entités juridiques ont le même objet social, la même enseigne (à quelques lettres près), les mêmes dirigeants et un personnel identique,

• que dès lors, la juridiction paritaire aurait dû rechercher si les deux entités juridiques avaient réellement été juxtaposées ou si cette juxtaposition présentait un caractère de fictivité ;

Attendu que P. B. en déduit que la décision du Tribunal du travail devra être réformée en ce qu'elle a, à tort et en violation de l'article 15 de la loi n° 729, estimé que l'ancienneté de B. devrait être prise en considération à partir du 1er septembre 1992, soit sa date d'embauché au sein de la société et non à compter du 1er juin 1988 ;

Qu'à titre tout à fait subsidiaire, dans le cas où par impossible la juridiction d'appel estimerait que l'article 15 précité ne doit pas s'appliquer au cas d'espèce, il conviendrait alors de considérer que B., en intégrant la société MC-TEL, sans qu'il y ait eu rupture de son contrat de travail, a fait l'objet d'une mutation entre deux entités  « unies par des intérêts juridiques et économiques qui impliquerait le maintien d'un certain lien avec la société d'origine » ;

Que P. B. entend en définitive voir débouter l'employeur des fins de son appel et voir :

• « confirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a refusé d'appliquer l'article 15 de la loi n° 729 et pris en considération l'ancienneté du salarié à compter du 1er septembre 1992,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

• dire et juger que l'ancienneté de M. B. doit être prise en considération à compter du 1er juin 1988,

• condamner, en conséquence, la SAM MC-TEL au paiement de la somme de 36 067,20 francs au titre des indemnités de congédiement et de licenciement,

• confirmer tous les autres chefs de condamnation prononcés par les premiers juges,

• condamner la SAM MC-TEL aux dépens de première instance et d'appel » ;

Attendu que la société Monaco Télématique observe en réponse qu'il n'existe aucune disposition légale limitant à deux le nombre d'avertissements adressés à un salarié, avant qu'il soit procédé à son licenciement ; que s'agissant en outre des heures supplémentaires, il n'existait aucun consensus au sein de la société, dès lors que lesdites heures ne constituaient en réalité qu'un rattrapage des heures d'absence injustifiées de P. B. ;

Qu'à cet égard, la société relève que « le sieur B. a, de façon injustifiée et sans y être autorisé :

en 1993 :

• manqué 124 heures 31 minutes,

• n'a rattrapé que 77 heures 51 minutes

• soit 46 heures 40 minutes qui n'ont jamais été rattrapées, en 1994 :

• manqué 70 heures 58 minutes,

• n'a rattrapé que 13 heures 32 minutes

soit 57 heures 26 minutes qui n'ont jamais été rattrapées, et ce malgré les prétendues » heures supplémentaires « de M. B. » ;

Que le fait que treize courriers aient été adressés à P. B. démontre à suffisance l'importance que la société attachait à ces mises en garde, alors que les premiers juges, à tort, y auraient vu la preuve d'une générosité abusive qui ne pouvait plus être suivie d'un licenciement ;

Que s'agissant enfin des augmentations de salaire dont a bénéficié P. B., la convention collective française applicable, à savoir celle du  « personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils » du 15 décembre 1987 les aurait rendues obligatoires ;

Qu'il n'existe dès lors aucune espèce de contradiction entre lesdites augmentations de salaires et les griefs formulés au sujet des retards répétés ;

Qu'en ce qui concerne l'ancienneté de ce salarié, la société MC-TEL estime inapplicable l'article 15 de la loi n° 729, dès lors que l'entreprise exploitée en nom personnel par Mme O. a continué de coexister avec la société Monaco Télématique jusqu'au 25 octobre 1993, date de sa radiation du répertoire du commerce, alors que ladite société avait été immatriculée le 7 août 1992 ;

Attendu que P. B. fait valoir par d'ultimes écrits en réponse que la convention collective dont se prévaut la société MC-TEL ne lui est pas applicable et que, si elle l'était, l'augmentation perçue en 1994 ne relève nullement des avenants n° 13 et 14 de cette convention, dès lors que le salaire perçu en 1992 par P. B. était déjà supérieur au minima révisé par l'avenant n° 14 du 13 octobre 1994 ;

Que P. B. s'estime dès lors fondé à solliciter une somme supplémentaire de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

Sur ce,

Attendu qu'il est constant que P. B. a été embauché à compter du 1er juin 1988 par M.-P. O., exerçant le commerce sous l'enseigne Monaco Télématique, et à compter du 1er septembre 1992 par la société MC-TEL, immatriculée le 7 août 1992 et dirigée par la même personne M.-P. O., ès-qualités de président administrateur délégué ;

Qu'à compter du mois de juillet 1994, ce salarié recevait de nombreux courriers de reproche de son employeur, suivis le 16 janvier 1995 d'une lettre de licenciement pour faute grave, ainsi libellée :

« Monsieur,

Votre courrier RAR du 6/1/1995 contient de nombreuses déclarations fausses :

• tout d'abord, vous faites une confusion en déclarant » lors de mon embauche dans votre société en juin 1988... «, en confondant notre Société Anonyme Monégasque, fondée en 1992 et dont je suis Président Délégué, et l'entreprise personnelle fondée en 1986 par Mme O. et qui a cessé son activité en 1993. Nous avons d'ailleurs découvert que vous faites état de façon incorrecte dans vos certificats de présence d'une date d'embauché datant de 1988 dans notre SAM alors que vous y avez été embauché en septembre 1992. Puisque vous remplissiez et signiez vous-même vos propres certificats de présence en imitant la signature de Mme O., vous étiez en mesure d'y porter n'importe quelles informations.

• vous prétendez encore que vous avez dû signer vos feuilles de maladie car Mme O. était trop longue à les signer. Cela n'a pas de sens, puisqu'étant administrateur délégué de notre SAM, j'étais parfaitement en mesure de les signer moi-même. De même, votre affirmation selon laquelle nous aurions égaré ou retardé des feuilles de maladie est aberrante pour la même raison (votre amie a amené en décembre 1994 pour apposition d'un tampon une feuille de maladie datant de 1993, il semble que ce soit plutôt vous qui égariez ou retardiez les feuilles de maladie...).

• votre affirmation selon laquelle » Mme O. m'a répondu qu'elle ne voulait pas s'embarrasser de ce genre de formalités et que je n'avais qu'à faire signer mes feuilles de soins par la secrétaire ou les signer moi-même « est mensongère et ce mensonge maladroit est facile à démonter :

* si vous aviez signé au nom de Mme O. ces documents avec son accord comme vous le prétendez, vous l'auriez mise en copie,

* étant moi-même administrateur avec les mêmes pouvoirs que Mme O., vous auriez parfaitement pu me faire signer ces documents,

* compte tenu de votre comportement laissant à désirer depuis des années, notamment en ce qui concerne les horaires, les retards, ou les absences injustifiées, il est facile d'imaginer que nous ne vous aurions jamais laissé signer vos propres certificats de présence ! Vous êtes par contre celui qui a tout intérêt à signer lui-même des certificats avec des informations erronées.

Nous avons reçu de la CCSS les copies de vos certificats, et avons constaté que la plupart des informations que vous avez vous-même écrites dans les certificats que vous avez signés sont inexactes.

• enfin, en ce qui concerne votre salaire, il vous a été envoyé dans notre courrier recommandé du 9 courant, suite à l'appel de votre mère nous le réclamant. Puisque vous étiez censé revenir le 11 au bureau et que nous étions dans l'incapacité de vous joindre par téléphone, nous ne savions pas si vous souhaitiez le recevoir par courrier ou le prendre lors de votre venue au bureau.

Je souligne par ailleurs que les congés payés n'ont pas été inclus dans le chèque, puisque nous faisons le point avec les employés pour savoir s'ils souhaitent les liquider ou les prendre.

Enfin, vous réclamez un 13e mois qui n'est pas prévu par votre contrat. L'année précédente, nous avions décidé compte tenu des bons résultats de la société de donner une prime exceptionnelle à la plupart des employés. Cette opération ne sera pas renouvelée cette année.

Nous ne pouvons pas tolérer les mensonges de votre dernier courrier, ni l'accumulation des fautes lourdes ayant fait l'objet d'innombrables lettres recommandées restées sans effet depuis 1993, et notamment des retards considérables tout au long de l'année (nous pouvons compter sur les doigts de la main les jours où vous avez été à l'heure).

Nous vous signifions donc par la présente votre licenciement pour fautes graves, et vous demandons de ne plus revenir au bureau. Votre chèque de solde de tout compte vous sera transmis par courrier séparé.

Nous nous réservons d'autre part le droit d'intenter les poursuites pénales que nous jugerions nécessaires.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées » ;

Attendu que la décision des premiers juges ayant retenu le caractère abusif du licenciement est critiquée tant par la société MC-TEL qui l'estime valable et fondé sur une faute grave, que par P. B., qui revendique une ancienneté remontant à 1988 ;

Attendu quant à l'ancienneté du salarié concerné, qu'il suffit de rappeler les dispositions de l'article 15 de la loi n° 729 du 19 mars 1963 ainsi rédigées :

« S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise » ;

Attendu que les circonstances constantes de l'espèce démontrent que si P. B. a été embauché en 1988 par M.-P. O. exploitant sous l'enseigne MC-TEL, puis le 1er septembre 1992 au sein de la société MC-TEL nouvellement créée, cette dernière entité avait, par rapport à l'exploitation personnelle de M.-P. O., une dénomination similaire à l'enseigne commerciale, le même objet social, le même siège social, les mêmes salariés et une clientèle identique, étant enfin dirigée par les mêmes personnes (Mme O. et M. M.) ;

Que si la radiation de la commerçante en nom propre n'est intervenue au répertoire du commerce que postérieurement à la création de la société anonyme monégasque, aucune pièce ne permet d'établir que l'exploitation en nom personnel ait été effective et poursuivie durant cette période, ni que les contrats de travail des salariés aient été rompus par la commerçante personne physique ;

Qu'il s'ensuit que le caractère effectif de la juxtaposition de deux entités juridiques distinctes, à savoir la commerçante en nom propre et la société, n'apparaît pas démontré en l'état ;

Attendu que s'il n'est pas davantage établi que le fonds ait été mis en société, au sens de l'article 15 de la loi n° 729, il n'en demeure pas moins que le maintien de l'exploitation en nom propre apparaît fictif et que les salariés embauchés par la société MC-TEL, sans que leur précédent contrat ne soit rompu, ont bien subi une mutation consécutive à la modification juridique intervenue dans la situation de l'employeur ; que l'article 15 de la loi n° 729 apparaît dès lors applicable, en sorte que l'ancienneté de P. B. doit remonter au 1er juin 1988, et non au 1er septembre 1992 ;

Attendu quant au caractère abusif du licenciement, qu'il est constant et au demeurant nullement contesté par P. B., que celui-ci a reçu de multiples lettres d'avertissement au cours de ses années au service de la société MC-TEL ;

Qu'en ce qui concerne les retards et absences visés essentiellement dans lesdits courriers, il s'évince de l'attitude de l'employeur que celui-ci n'a jamais mis à exécution les sanctions évoquées, notamment dans la lettre du 25 avril 1994, et s'est contenté de réitérer ses mises en garde à un rythme accru ;

Que cependant, s'agissant des griefs énoncés, il est incontestable que P. B. travaillait le soir au-delà des horaires normaux et parfois même les week-ends, sans que ses feuilles de paie ne portent mention d'heures supplémentaires ; que dès l'année 1992, les feuilles de pointage attestent en revanche des modalités flexibles de travail au sein de la société ;

Qu'il doit en être déduit, nonobstant les lettres d'avertissement, l'existence d'un réel consensus entre l'employeur et P. B. quant à l'organisation souple de son travail ;

Attendu que le fait que ce salarié ait vu porter sa rémunération de la somme de 6 000 francs mensuels en 1988 à celle de 11 000 francs en 1994 - avec deux augmentations intervenues entre 1992 date de la création de la société et son licenciement - démontre également que l'employeur était satisfait du travail effectué ;

Que le caractère prétendument obligatoire desdites augmentations n'est nullement établi par la société appelante, dès lors en effet que la convention collective invoquée, à savoir celle applicable au personnel des bureaux d'études techniques cabinets d'ingénieurs conseils et sociétés de conseils, ne ressort pas de la branche principale d'activité de MC-TEL d'une part, et n'est pas mentionnée d'autre part sur le contrat de travail ou les feuilles de salaire de P. B. ;

Que l'applicabilité de ladite convention collective aux employés n'est donc pas démontrée et ne permettrait pas - en tout état de cause - d'en tirer les conséquences voulues par la société MC-TEL, dès lors que le salaire perçu en 1992 par celui-ci était déjà supérieur au minima ressortant de l'avenant n° 14 de la convention collective ;

Qu'il s'ensuit que les augmentations de salaire appliquées à P. B. sont la conséquence de l'efficacité de son travail au sein de la société et qu'il peut dès lors en être raisonnablement déduit que les lettres d'avertissement adressées par l'employeur n'avaient pas la portée qu'il leur attribue aujourd'hui ;

Attendu, en ce qui concerne les autres griefs formulés, que force est de rappeler que la société MC-TEL s'appuie dans la lettre de rupture sur d'anciens reproches remontant à plus d'une année, à propos desquels il n'est pas prouvé qu'il y ait eu réitération ; que s'agissant en particulier du reproche tiré de la signature de certificats et documents de la société, les premiers juges ont à bon droit évoqué l'usage qui s'était instauré consistant en une délégation de ces tâches subalternes ;

Attendu qu'il s'évince en revanche de multiples témoignages versés aux débats que P. B. avait un comportement digne d'éloges et une grande aptitude professionnelle ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer en définitive la décision des premiers juges en ce qu'elle a déclaré non fondé sur un motif valable le licenciement et qualifié d'abusive la rupture du contrat de travail ; que les condamnations relatives aux indemnités de préavis et congés payés sur préavis, comme celle à 100 000 francs de dommages-intérêts doivent être confirmées dans leurs montants, les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des faits de la cause ;

Qu'il n'y a donc lieu de procéder qu'à une réformation partielle relative au montant des indemnités dont le calcul tient compte de l'ancienneté actuellement retenue ;

Qu'il y a à cet égard lieu d'allouer les sommes ci-après :

à titre d'indemnité de congédiement : 6 679,11 francs

à titre d'indemnité de licenciement : 36 067,20 francs

dont l'indemnité de congédiement doit être déduite, soit 36 067,20 - 6 679,11 = 29 388,09 francs

et au total 36 067,20 francs ;

Attendu que P. B. a limité à ces sommes son appel incident et sollicite l'octroi d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ; que compte tenu de l'analyse qui précède, le caractère abusif de l'appel n'est pas établi, en sorte que B. doit être débouté des fins de sa demande de ce chef ;

Et attendu que les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par la société MC-TEL ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Confirme le jugement rendu le 29 janvier 1998 par le Tribunal du travail en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a refusé d'appliquer l'article 15 de la loi n° 729 ;

Le réformant de ce seul chef,

* Dit et juge que l'ancienneté de P. B. doit être prise en considération à compter du 1er juin 1988 ;

* Condamne la société anonyme monégasque MC-TEL au paiement de la somme de 36 067,20 francs au titre des indemnités de congédiement et licenciement ;

* Déboute P. B. des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

* Confirme tous les autres chefs de condamnation.

Composition

M. Narmino prés. ; Mlle Lelay prem. subst. proc. gén. ; Mes Gardetto, Pasquier-Ciulla av. déf.

Note

Cette décision confirme le jugement du tribunal du travail du 29 janvier 1998 en toutes ses dispositions sauf qu'il a refusé d'appliquer l'article 15 de la loi n° 729.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26811
Date de la décision : 03/02/2000

Analyses

Social - Général ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : Monaco Télématique dénommée MC-TEL
Défendeurs : B.

Références :

article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 15 de la loi n° 729 du 19 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2000-02-03;26811 ?

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