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20/01/2000 | MONACO | N°26773

Monaco | Tribunal de première instance, 20 janvier 2000, Société Soletanche c/ Société PFA Assurances Groupe Athena


Abstract

Assurances

Clause indirecte d'exclusion - Garantie limitée aux dommages survenus de façon fortuite et soudaine - Charge de la preuve : incombe à l'assureur - invoquant l'exclusion de garantie - Clause faisant référence à l'article 113-1 du Code français des assurances - Absence de faute intentionnelle ou dolosive

Résumé

Lors de l'exécution de travaux de fondations entrepris par la Société Soletanche sur le terre-plein du Larvotto, un sinistre s'étant produit, caractérisé par la survenance d'une arrivée d'eau sur la paroi d'un ouvrage aménag

é sous la mer, cette société s'est prévalue en vain de la police d'assurance contractée ...

Abstract

Assurances

Clause indirecte d'exclusion - Garantie limitée aux dommages survenus de façon fortuite et soudaine - Charge de la preuve : incombe à l'assureur - invoquant l'exclusion de garantie - Clause faisant référence à l'article 113-1 du Code français des assurances - Absence de faute intentionnelle ou dolosive

Résumé

Lors de l'exécution de travaux de fondations entrepris par la Société Soletanche sur le terre-plein du Larvotto, un sinistre s'étant produit, caractérisé par la survenance d'une arrivée d'eau sur la paroi d'un ouvrage aménagé sous la mer, cette société s'est prévalue en vain de la police d'assurance contractée auprès de la Compagnie PFA, la garantissant pour « les seules tâches d'exécution sur le site, de toutes pertes ou dommages survenant de façon fortuite et soudaine subis par l'ouvrage, objet du marché, les ouvrages provisoires prévus à ce marché ou nécessaires à son exécution ».

La clause contractuelle sus-énoncée s'analyse en une clause indirecte d'exclusion de garantie, dans la mesure où elle tend à priver l'assuré du bénéfice de la garantie des pertes ou dommages en considération de circonstances particulières de réalisation du risque.

Dès lors, s'il appartient à l'assuré qui réclame l'exécution du contrat, d'établir l'existence du sinistre, il incombe à l'assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer que les conditions de fait de cette exclusion sont réunies.

Or, il ressort de l'ensemble des éléments de la cause que la Compagnie PFA ne démontre nullement que la fuite d'eau revêtait un caractère prévisible pour la Société Soletanche.

Par ailleurs, seule l'existence d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances français auquel la police souscrite fait expressément référence, applicable dans les rapports entre les parties en cause, demeure susceptible d'exonérer la Cie PFA de sa garantie.

Cependant, aucune pièce versée aux débats ne permet de caractériser une telle faute.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

À l'occasion de l'opération de construction du centre culturel et des expositions sur le terre-plein du Larvotto à Monaco, la société Soletanche a été chargée par le maître de l'ouvrage, le Service des Travaux Publics de Monaco, de l'exécution des travaux de terrassement et de fondations constituant le lot n° 1, la conception de l'ouvrage étant dévolue au groupement d'architectes N. G. ;

Une police tous risques chantier était souscrite, à effet du 2 novembre 1992 auprès de la compagnie PFA, par l'administrateur des domaines de la Principauté, au bénéfice notamment de « toutes entreprises, sous-traitants et fournisseurs, pour les seules tâches d'exécution sur le site » et garantissant « toutes pertes ou dommages survenant de façon fortuite et soudaine subis par l'ouvrage, objet du marché, les ouvrages provisoires prévus à ce marché ou nécessaires à son exécution » ;

Le 10 janvier 1997, la société Soletanche déclarait à la compagnie PFA l'existence d'un sinistre survenu la veille, le 9 janvier, dans les circonstances suivantes :

« à l'occasion des travaux de terrassement, à l'intérieur de l'enceinte délimitée par la paroi moulée réalisée le 9 janvier 1997 en zone Sud, un phénomène de renard a été constaté. Il s'est produit vers 11 heures 30 une petite arrivée d'eau à proximité de la paroi moulée de l'ordre de quelques m3/h. Au cours de l'après-midi, l'arrivée d'eau s'est amplifiée, le débit passant tout d'abord à 120 m3/h à 13 heures 30. Puis, aux alentours de 18 heures 30, le débit s'est fortement amplifié à plus de 1 000 m3/h. À cette heure-là, l'entreprise Soletanche a engagé des travaux à titre conservatoire ».

L'assureur a alors délégué son expert, en la personne de M. B., lequel a considéré que le sinistre ne revêtait pas le caractère accidentel exigé pour la mise en œuvre des garanties de la police, position qui était officiellement notifiée à l'entreprise par la compagnie PFA le 22 juillet 1997, puis confirmée le 7 juillet 1998 ;

Selon exploit en date du 8 mars 1999, la société Soletanche a fait assigner la société PFA groupe Athena aux fins de voir le Tribunal :

* constater, pour l'application de la police tous risques chantier liant les parties en cause, que la preuve n'est pas rapportée par l'assureur de ce que le sinistre déclaré le 10 janvier 1997 aurait un caractère intentionnel ou dolosif ;

* dire par suite couvert, par la police délivrée, le sinistre ainsi déclaré ;

* condamner la compagnie PFA à en supporter les conséquences, telles qu'arbitrées par son expert mandataire à la somme de 1 091 530,68 francs HT, TVA en sus, outre paiement des intérêts compensatoires, décomptés à la date des dépens, avec capitalisation pour les intérêts dus pour plus d'une année entière ;

* ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

* condamner la compagnie PFA à lui payer la somme de 300 000 francs à titre de dommages-intérêts et aux dépens.

Lors de l'audience des plaidoiries, le conseil de la société Soletanche a subsidiairement sollicité une expertise judiciaire pour déterminer le montant exact du coût du sinistre, en poursuivant la condamnation à titre provisionnel de la compagnie PFA au paiement de la somme de 452 225 francs HT, telle qu'arrêtée par l'expert B. dans son rapport du 30 mars 1998, avec le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Au soutien de ses demandes, et pour l'essentiel, la société Soletanche fait valoir que la police tous risques chantier litigieuse doit être examinée à la lumière du Code des assurances français applicable en l'espèce, et notamment son article L. 113-1, aux termes duquel seule la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré prive ce dernier de sa garantie ;

Elle indique que la clause subordonnant la garantie au caractère fortuit et soudain du dommage constitue une exclusion de garantie, dont il appartient à l'assureur de prouver qu'elle est susceptible de s'appliquer, ce qu'il n'a pas été en mesure de démontrer ;

En réponse, la société PFA conclut en principal au débouté de la société Soletanche de l'ensemble de ses demandes, aux motifs qu'un premier incident s'est produit en avril 1994 à l'occasion duquel la demanderesse a dû mettre en place un joint transversal dans le cadre de la reprise de bétonnage du panneau n° 16, joint qui s'est avéré par la suite non étanche et qui serait à l'origine du second sinistre de janvier 1997 ;

Elle soutient, dès lors, que la société Soletanche n'ayant pas pris toutes les dispositions pour assurer l'étanchéité de ce joint, l'incident du 9 janvier 1997 était pour elle prévisible et ne revêt pas de ce fait les caractères soudain et fortuit exigés par la police « tous risques chantier » ;

Subsidiairement, la compagnie PFA sollicite l'instauration d'une mesure d'expertise, de nature notamment à déterminer la responsabilité de la demanderesse dans la survenance du sinistre et à chiffrer le coût des travaux et frais avancés nécessaires à mettre un terme au seul incident déclaré ;

Sur ce :

I - Sur l'étendue de la garantie :

Attendu que les termes du présent litige commandent de se prononcer en premier lieu sur l'étendue de la garantie de la police d'assurances tous risques chantier n° 31 501 464 X conclue par l'Administrateur des domaines auprès de la compagnie PFA à effet du 2 novembre 1992, dont il n'est pas contesté qu'elle s'applique au profit de la société Soletanche, titulaire du lot terrassement-fondations ;

Que plus précisément, il convient de déterminer si le sinistre survenu le 9 janvier 1997 sur le chantier du centre culturel et des expositions revêt le caractère soudain et fortuit exigé par ladite police en son article 2, intitulé « garanties », de l'annexe 1 ;

Attendu en effet qu'il résulte de cet article que sont garantis « toutes pertes ou dommages survenant de façon fortuite et soudaine (...) subis par les biens suivants : l'ouvrage objet du marché spécifié aux conditions particulières, les ouvrages provisoires prévus à ce marché ou nécessaires à son exécution » ;

Attendu, sur le terrain de la preuve, que la clause susénoncée prévue en l'article 2 de l'annexe 1 doit s'analyser en une clause indirecte d'exclusion de garantie, dans la mesure où elle tend à priver l'assuré du bénéfice de la garantie des pertes ou dommages en considération de circonstances particulières de réalisation du risque ;

Que dès lors, s'il appartient à l'assuré qui réclame l'exécution du contrat, d'établir l'existence du sinistre, il incombe à l'assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer que les conditions de fait de cette exclusion sont réunies ;

Attendu que la compagnie PFA refuse devoir sa garantie, aux motifs qu'avertie par l'expérience d'une fuite précédente, la société Soletanche aurait dû prendre des précautions particulières pour éviter la survenance d'un nouveau dommage, lequel n'aurait plus de ce fait, de caractère accidentel ;

Attendu cependant que le fait, pour la société Soletanche, de préconiser un traitement par une injection depuis l'extérieur de la paroi, identique à celui déjà effectué en zone Nord en 1994, ne permet pas ipso facto d'exclure le caractère accidentel des fuites qui se sont produites le 9 janvier 1997 ;

Qu'en effet, l'expert de la compagnie d'assurances lui-même ne peut qu'émettre des hypothèses quant à l'origine du sinistre ainsi déclaré, qui pourrait selon lui être rattachable à un tir de mine effectué le 26 novembre 1996 ayant entraîné une augmentation de la venue d'eau au sud, côté parking CCE ; qu'il fait également référence au contexte particulier du panneau 16 - présence de la digue, déviation, création d'un nouveau joint non étanche et incident du 26 novembre 1996 - en soutenant alors que l'accumulation de ces événements aurait dû inciter la société Soletanche à traiter préventivement l'arrière du panneau ;

Attendu qu'il y a lieu à cet égard de remarquer que préalablement à la survenance du sinistre du 9 janvier 1997, le joint entre les panneaux 16 et 17 ne révélait aucun problème particulier, et que l'arrivée brutale d'eau à partir de la paroi moulée longeant la digue du front de mer, qui ne correspond pas à un phénomène de suintement, ne pouvait raisonnablement être envisagée par la société demanderesse avant cette date ;

Que les intervenants à l'opération de construction dont s'agit, ainsi que le relève l'expert dans son rapport du 17 janvier 1999, s'accordent pour reconnaître la particularité du chantier et les difficultés inhérentes aux caractéristiques hétéroclites de la géologie, lesquelles ont nécessité des adaptations spécifiques ;

Attendu que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la compagnie PFA ne démontre nullement que la fuite survenue le 9 janvier 1997 revêtait un caractère prévisible pour la société Soletanche ;

Qu'en outre, et à supposer que la compagnie défenderesse ait pu rapporter la preuve du manque de diligence reproché à la société Soletanche, il n'en demeure pas moins qu'aux termes des conditions particulières de la police dont s'agit, et en complément des dispositions de l'annexe 1, il est expressément prévu en l'article 1.1 que sont également compris dans la garantie les dommages dus à des erreurs dans la conception ou la surveillance des travaux, de même d'ailleurs que ceux résultant de vices de construction, de matériaux ou de plans ;

Que seule l'existence d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances français auquel la police souscrite fait expressément référence, applicable dans les rapports entre les parties en cause, demeure susceptible d'exonérer la compagnie PFA de sa garantie ;

Attendu cependant qu'aucune pièce versée aux débats ne permet de caractériser une telle faute de la société Soletanche directement à l'origine de la réalisation du dommage qui s'est produit ;

Que le défaut d'étanchéité du joint litigieux et l'absence de précaution prise lors de l'opération de rattrapage de 1994 reprochés à la demanderesse ne constituent nullement une faute intentionnelle ou dolosive exonératoire de toute garantie ;

Attendu, en définitive que le sinistre survenu le 9 janvier 1997 dut être couvert par la police n° 31.501.464 X souscrite auprès de la compagnie PFA ;

II - Sur le montant du sinistre soumis à garantie :

Attendu que contrairement à ce que soutient la société Soletanche, l'expert B. ne s'est pas accordé sur le montant de 1.091.530,68 francs HT invoqué par la demanderesse, mais en a simplement fait mention dans le chapitre « évaluation des coûts » de son rapport du 30 mars 1998 comme étant la somme réclamée par cette partie de ce chef ;

Que cet expert ne retient pour sa part, dans la mesure où le caractère accidentel du sinistre serait reconnu, qu'une somme de 452 225,90 francs HT ;

Attendu qu'au vu de cette divergence sur l'étendue du préjudice subi par la société Soletanche, il y a lieu de recourir à une mesure d'expertise, le tribunal ne disposant pas d'éléments suffisants pour chiffrer le coût des travaux de remise en état et des frais qui ont été nécessaires pour mettre un terme au sinistre du 9 janvier 1997 ;

Que les frais de cette expertise seront avancés par moitié par la société Soletanche et la société PFA, compte tenu des éléments de la cause ;

Attendu que la compagnie PFA n'ayant pas admis, dans ses écritures judiciaires, devoir la somme arrêtée par son expert, ce montant ne saurait, même à titre provisionnel, être d'ores et déjà alloué à la société Soletanche, pas plus que ne saurait être admise la demande d'exécution provisoire formée de ce chef, dont les conditions prévues par l'article 202 n'apparaissent pas remplies en l'espèce ;

Et attendu que les dépens seront réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant contradictoirement,

Dit et juge que le sinistre survenu sur le chantier du Centre culturel et des expositions le 9 janvier 1997 est couvert par la police tous risques chantier n° 31.501.464 X souscrite auprès de la compagnie PFA ;

Dit et juge en conséquence que la compagnie PFA devra sa garantie du fait de ce sinistre à la société Soletanche, sous déduction de la franchise contractuelle ;

Avant-dire-droit sur le montant des sommes réclamées par la société Soletanche, ordonne une mesure d'expertise et commet en qualité d'expert Marcel Aguera, lequel serment préalablement prêté par écrit aux formes de droit, aura pour mission :

* de convoquer les parties ;

* de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et éventuellement se rendre sur place ;

* de chiffrer avec précision le coût des travaux et des frais avancés par la société Soletanche, nécessaires pour mettre un terme au sinistre survenu le 9 janvier 1997 ;

Impartit à l'expert ainsi commis un délai de huit jours pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le Greffe général ;

Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, le même expert déposera au Greffe Général un rapport écrit de ses opérations dans les trois mois du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de tenter dans toute la mesure du possible ;

Charge Madame Muriel Dorato-Chicouras, Juge au siège, du contrôle de l'expertise ;

Dit que la présente mission sera effectuée aux frais avancés par moitié par les parties ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Pastor, av. déf. ; Caston, av. bar. de Paris ; Marchessaux, av. bar. d'Aix-en-Provence.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26773
Date de la décision : 20/01/2000

Analyses

Contrat - Général ; Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle


Parties
Demandeurs : Société Soletanche
Défendeurs : Société PFA Assurances Groupe Athena

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;2000-01-20;26773 ?

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