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11/11/1999 | MONACO | N°26751

Monaco | Tribunal de première instance, 11 novembre 1999, B. c/ État de Monaco


Abstract

Responsabilité de la puissance publique

Chute de l'usager d'un parking géré par l'État - Convention de service public liant cet usager à l'État - Obligation de sécurité, de diligence - Manquement à cette obligation (non) - Incertitude quant à l'imputabilité de la chute à l'existence d'une tache d'huile localisée - Caractère prévisible

Résumé

Lors de sa chute sur le sol du parking des Boulingrins, L. B. avait manifestement la qualité d'usager du service public de stationnement géré par la puissance publique dans cet ouvrage ; il était dÃ

¨s lors lié à l'État de Monaco par un contrat ayant pris effet à l'entrée de son véhicule dan...

Abstract

Responsabilité de la puissance publique

Chute de l'usager d'un parking géré par l'État - Convention de service public liant cet usager à l'État - Obligation de sécurité, de diligence - Manquement à cette obligation (non) - Incertitude quant à l'imputabilité de la chute à l'existence d'une tache d'huile localisée - Caractère prévisible

Résumé

Lors de sa chute sur le sol du parking des Boulingrins, L. B. avait manifestement la qualité d'usager du service public de stationnement géré par la puissance publique dans cet ouvrage ; il était dès lors lié à l'État de Monaco par un contrat ayant pris effet à l'entrée de son véhicule dans le parking, matérialisé par la remise d'un ticket et produisant ses effets jusqu'à la sortie de l'usager dudit parking, à pied ou en voiture.

Les conséquences de la chute survenue à l'intérieur du parking des Boulingrins se rattachent en conséquence à l'exécution de la convention liant l'usager du service public de stationnement à l'État qui en assure la gestion. L. B. ne peut dès lors rechercher la responsabilité de l'État que dans le cadre de l'exécution dudit contrat, étant rappelé que la responsabilité contractuelle est exclusive de tout autre régime de responsabilité, telle que délictuelle ou quasi délictuelle invoquée à titre principal par le demandeur ; en l'état du fondement contractuel subsidiairement invoqué par L. B., sa demande apparaît recevable.

Il convient quant au fond de rechercher si l'État a pu manquer aux obligations lui incombant pour assurer la sécurité des usagers du parking des Boulingrins ; eu égard à la nature des prestations que sont en droit d'attendre les utilisateurs d'un service public de parcage, la responsabilité de l'État ne peut être recherchée que sur la base d'une obligation générale de diligence.

Il doit en effet être tenu compte de la présence simultanée à l'intérieur de ce type de parking de véhicules et de piétons et du degré d'autonomie devant nécessairement être conféré à chaque utilisateur de ce service public ; si l'Administration doit entretenir les voies et boxes des parkings qu'elle exploite à l'effet d'assurer au public un usage conforme à leur objet et exempt de risques anormaux, il ne saurait toutefois lui être tacitement imposé par voie contractuelle de faire enlever à tout instant les obstacles minimes pouvant s'y trouver en dehors de son fait, même s'ils sont de nature à gêner l'usager ou à réduire sa sécurité.

En l'espèce, outre l'incertitude existant quant à la localisation de la tache d'huile incriminée sur laquelle aurait glissé le demandeur, force est de constater que le gardien de parking a simplement relevé la présence d'une « tache sèche », sans pouvoir en déterminer la nature, tandis que les témoignages produits par la victime confirmeraient qu'il s'agissait d'huile sèche. Une telle substance ne peut cependant pas être considérée comme anormale, ni imprévisible pour L. B., compte tenu de sa présence dans un espace ouvert au passage et au stationnement de véhicules à moteur, dans lequel tout usager doit raisonnablement s'attendre à rencontrer quelques traces d'huile ou d'essence, pour autant qu'elles ne soient ni trop importantes, ni trop nombreuses.

La preuve d'aucun défaut d'entretien ou de signalisation n'est en l'état rapportée par L. B. qui devait veiller à sa propre sécurité et apparaît avoir commis une faute d'inattention à l'origine de sa chute, en n'apercevant pas la tâche d'huile sur le sol du parking.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que L. B. - qui expose avoir eu le 20 novembre 1995 un grave accident dans un parking faisant partie du domaine de l'État - a, suivant exploit du 28 janvier 1998, fait assigner l'État de Monaco à l'effet de le voir :

« Par application des dispositions des articles 1229, 1230 et 1231 du Code civil, déclarer responsable du défaut d'entretien normal du parking des Boulingrins, ayant entraîné la réalisation de l'accident survenu au préjudice du sieur L. B. et condamner à en réparer les conséquences dommageables.

Condamner en conséquence à lui verser la somme forfaitaire de 120 000 francs au titre de ses préjudices personnels, pretium doloris, préjudice d'agrément, opérations médicales et dommage moral.

Condamner également à lui payer les sommes suivantes au titre des frais :

• 8 déplacements Isola Del Cantone-Turin :

Aller-retour- frais d'autoroute -Aller-retour

11 500 Lires x 5 x 2 =................................... 115 000 Lires

• autoroute :................................................... 19 900 Lires

• prestations assistance infirmière................. 598 050 Lires

• une nuit Hôtel Plaza 21/11/95..................... 150 000 Lires

• une nuit Hôtel Plaza 23/11/95..................... 150 000 Lires

• une nuit Hôtel Sméraldo 26/11/95................ 90 000 Lires

• une nuit Hôtel Sméraldo 29/11/95................ 90 000 Lires

• Location fauteuil roulant............................. 735 000 Lires

Facture en francs :

facture transport ambulance........................ 4 843,05 francs

soins externes Hôpital de Monaco............... 1 004,49 francs

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, compte tenu de l'ancienneté de l'accident et de la résistance manifestée par l'État de Monaco et par la compagnie d'assurances de reconnaître la matérialité des faits,

Condamner- aux entiers dépens de l'instance » ;

Qu'au soutien de ses prétentions, L. B. expose qu'il descendait de son véhicule stationné dans le parking des Boulingrins, place du Casino, lorsqu'il chuta après avoir glissé sur une tache d'huile ; qu'il devait présenter une fracture du fémur avec nécessité d'opérer par ostéosynthèse, ainsi qu'une fracture à la base des cervicales avec immobilisation de 60 jours ;

Attendu qu'en réponse, l'État de Monaco conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir que L. B. était usager du service public de stationnement géré par la puissance publique ; que par voie de conséquence, ce cocontractant de l'État ne serait pas recevable à invoquer les règles de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ;

Qu'à titre subsidiaire, l'État fait valoir que la victime avait voulu quitter l'hôpital de Monaco et rentrer en Italie par des moyens personnels, hors tout rapatriement sanitaire ; qu'il ne fut en fait opéré que trois jours après l'accident, en sorte que l'État entend se voir donner acte de ses réserves quant aux conséquences corporelles de cette chute chiffrées à la somme globale de 120 000 francs ;

Qu'en ce qui concerne les faits proprement dits, l'État relève également qu'il existe une confusion quant au lieu précis où s'est produit l'accident, s'agissant pour certains témoins du boxe Q 22 et pour d'autres du boxe R 22, un des deux emplacements ne présentant aucune tache d'huile ;

Attendu que L. B. estime au contraire que les divers témoignages recueillis sur les lieux de l'accident apparaissent concordants, en ce qu'ils relèvent tous la présence d'une tache d'huile à proximité du lieu de la chute ;

Qu'en ce qui concerne le régime de responsabilité applicable, L. B. entend subsidiairement voir retenir la responsabilité de l'État au niveau contractuel sur le fondement de l'article 1002 du Code civil et obtenir réparation des conséquences dommageables de cet accident, telles que chiffrées dans son assignation ;

Attendu que l'État réplique à cet égard que L. B. est lié par sa demande fondée sur les dispositions des articles 1229, 1230 et 1231 du Code civil et ne peut invoquer subsidiairement un autre fondement juridique, en sorte que la présente action serait irrecevable ; qu'en tout état de cause, l'État ne serait tenu que d'une obligation générale de diligence dans la mise en œuvre des mesures de sécurité, et chaque usager d'un ouvrage public demeure tenu de veiller à sa propre sécurité ;

Qu'en l'espèce, l'État estime que L. B. aurait commis une faute d'inattention à l'origine de son accident ;

Sur ce :

Attendu que, lors de sa chute sur le sol du parking des Boulingrins, L. B. avait manifestement la qualité d'usager du service public de stationnement géré par la puissance publique dans cet ouvrage ; qu'il était dès lors lié à l'État de Monaco par un contrat ayant pris effet à l'entrée de son véhicule dans le parking, matérialisé par la remise d'un ticket et produisant ses effets jusqu'à la sortie de l'usager dudit parking, à pied ou en voiture ;

Attendu que les conséquences de la chute survenue à l'intérieur du parking des Boulingrins se rattachent en conséquence à l'exécution de la convention liant l'usager du service public de stationnement à l'État qui en assure la gestion ;

Que L. B. ne peut dès lors rechercher la responsabilité de l'État que dans le cadre de l'exécution dudit contrat, étant rappelé que la responsabilité contractuelle est exclusive de tout autre régime de responsabilité, telle que délictuelle ou quasi délictuelle invoquée à titre principal par le demandeur ;

Attendu qu'en l'état du fondement contractuel subsidiairement invoqué par L. B., sa demande apparaît recevable ;

Attendu qu'il convient quant au fond de rechercher si l'État a pu manquer aux obligations lui incombant pour assurer la sécurité des usagers du parking des Boulingrins ; qu'eu égard à la nature des prestations que sont en droit d'attendre les utilisateurs d'un service public de parcage, la responsabilité de l'État ne peut être recherchée que sur la base d'une obligation générale de diligence ;

Attendu qu'il doit en effet être tenu compte de la présence simultanée à l'intérieur de ce type de parking de véhicules et de piétons et du degré d'autonomie devant nécessairement être conféré à chaque utilisateur de ce service public ; que si l'Administration doit entretenir les voies et boxes des parkings qu'elle exploite à l'effet d'assurer au public un usage conforme à leur objet et exempt de risques anormaux, il ne saurait toutefois lui être tacitement imposé par voie contractuelle de faire enlever à tout instant les obstacles minimes pouvant s'y trouver en dehors de son fait, même s'ils sont de nature à gêner l'usager ou à réduire sa sécurité ;

Qu'en l'espèce, outre l'incertitude existant quant à la localisation de la tache incriminée, force est de constater que le gardien de parking S. R. a simple relevé la présence d'une « tache sèche », sans pouvoir en déterminer la nature, tandis que les témoignages produits par la victime confirmeraient qu'il s'agissait d'huile sèche ;

Attendu qu'une telle substance ne peut cependant pas être considérée comme anormale, ni imprévisible pour L. B., compte tenu de sa présence dans un espace ouvert au passage et au stationnement de véhicules à moteur, dans lequel tout usager doit raisonnablement s'attendre à rencontrer quelques traces d'huile ou d'essence, pour autant qu'elles ne soient ni trop importantes, ni trop nombreuses ;

Attendu que la preuve d'aucun défaut d'entretien ou de signalisation n'est en l'état rapportée par L. B. qui devait veiller à sa propre sécurité et apparaît avoir commis une faute d'inattention à l'origine de sa chute en n'apercevant pas la tache d'huile sur le sol du parking ;

Qu'il y a en conséquence lieu de débouter ce dernier de l'ensemble de ses prétentions ;

Qu'il y a lieu de le condamner aux dépens de l'instance dès lors qu'il succombe ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

Déclare recevable la demande de L. B. en ce qu'elle est fondée sur la responsabilité contractuelle de l'État de Monaco ;

Au fond, déboute L. B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti et Escaut, av. déf.

Note

Ce jugement est devenu définitif.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26751
Date de la décision : 11/11/1999

Analyses

Transport - Général ; Immatriculation, circulation, stationnement ; Responsabilité (Public)


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 1002 du Code civil
articles 1229, 1230 et 1231 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1999-11-11;26751 ?

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