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21/10/1999 | MONACO | N°26749

Monaco | Tribunal de première instance, 21 octobre 1999, V. c/ État de Monaco, Banque Générale du Commerce


Abstract

Fiscalité - Convention fiscale franco-monégasque

Droit de communication de l'administration française portant sur des documents bancaires - Litige relatif à l'assujettissement de l'impôt en France où se situe le domicile fiscal - Compétence exclusive de l'administration française sous le contrôle du juge français de l'impôt - Consultation des comptes bancaires autorisée par le droit interne monégasque - Saisie de la commission mixte : par les parties à la Convention et non par les particuliers

Résumé

Le 21 février 1997, la direction génér

ale des impôts à Paris (sous direction du contrôle fiscal) formulait auprès du directeur d...

Abstract

Fiscalité - Convention fiscale franco-monégasque

Droit de communication de l'administration française portant sur des documents bancaires - Litige relatif à l'assujettissement de l'impôt en France où se situe le domicile fiscal - Compétence exclusive de l'administration française sous le contrôle du juge français de l'impôt - Consultation des comptes bancaires autorisée par le droit interne monégasque - Saisie de la commission mixte : par les parties à la Convention et non par les particuliers

Résumé

Le 21 février 1997, la direction générale des impôts à Paris (sous direction du contrôle fiscal) formulait auprès du directeur des services fiscaux de Monaco une demande de renseignements, fondée sur l'article 20 de la Convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 (assistance administrative), visant à obtenir les relevés d'un compte bancaire ouvert par J. V. auprès de la Banque Générale du Commerce à Monaco.

Cet article dispose : « En vue d'assurer l'exacte application des impôts français sur le revenu des personnes physiques... les États contractants conviennent que leurs administrations fiscales échangeront tous les renseignements qu'elles détiennent ou pourront se procurer conformément à leur législation respective et dont la communication réciproque leur paraîtra nécessaire aux fins sus-indiquées... ».

Par lettre du 5 mars 1997, le directeur des services fiscaux répercutait cette demande au responsable de la Banque Générale du Commerce, en sollicitant « conformément à l'Ordonnance n° 3085 du 25 septembre 1945 relative aux droits et devoirs des agents des services fiscaux, les relevés de comptes, dont J. V., présenté dans cette lettre comme » fiscalement domicilié en France en application de l'article 4B du Code Général des impôts (foyer d'habitation - activité professionnelle) « pourrait être titulaire.

S'opposant à cette communication de pièces, J. V. a fait assigner l'État de Monaco et la Banque Générale du Commerce devant le Tribunal de première instance pour qu'il soit jugé qu'il réside effectivement à Monaco, que les services fiscaux monégasques sont infondés à solliciter cette production de documents, que la Banque Générale du Commerce n'a point l'obligation de produire.

Il est certain que J. V. justifie d'un intérêt à demander dans la présente instance que cette requête soit déclarée non fondée et que la banque soit affranchie de l'obligation de communiquer les renseignements sollicités.

En revanche la demande visant à faire juger que le demandeur a sa résidence à Monaco s'avère inopérante, d'une part parce que ce point n'est pas contesté par l'État et résulte au demeurant des pièces produites, d'autre part parce que le droit fiscal français opposé à ce demandeur (article 4B du Code Général des Impôts) envisage diverses situations d'imposition compatibles avec une résidence à l'étranger, en considérant comme ayant leur domicile fiscal en France, quelle que soit leur nationalité, notamment les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, celles qui exercent en France une activité professionnelle ou encore les personnes qui y ont le centre de leurs intérêts économiques, de sorte que J. V. pourrait être imposable en France tout en ayant sa résidence à Monaco.

L'invocation d'éventuelles difficultés d'interprétation ou d'application de la Convention franco-monégasque susvisée, ne saurait en aucune manière commander en la cause un sursis à statuer en vue de la saisine de la commission mixte instituée par l'article 25 ; en effet cette commission ne se réunit, aux termes de cet article, qu'à la demande de l'une ou l'autre des parties à la Convention en vue de proposer une solution aux difficultés qui n'auraient pas été réglées par la voie diplomatique, circonstances qui excluent que sa saisine puisse être imposée par le Tribunal pour parvenir au règlement d'un litige d'ordre privé.

Quant à l'article 20 de la Convention placé sous le titre V, intitulé » assistance administrative «, il a en particulier pour objet » d'assurer l'exacte application des impôts français sur le revenu des personnes physiques « ; ainsi seul le critère de l'assujettissement à l'impôt est pris en compte à ce stade, sans égard pour la nationalité ou la résidence de la personne débitrice de l'impôt ; il s'ensuit que dans la mesure où J. V., ressortissant italien résidant à Monaco, serait redevable de l'impôt français sur le revenu au regard des textes fiscaux en vigueur, l'article 20 pourrait s'appliquer à sa situation.

Les juridictions monégasques n'ont pas qualité pour apprécier si J. V. doit ou non être assujetti à l'impôt français sur le revenu, les juridictions françaises - qui n'apparaissent pas avoir été saisies à ce jour - étant exclusivement compétentes en la matière.

Si, comme en l'espèce, le juge de l'impôt n'est pas appelé à exercer son contrôle, c'est l'administration fiscale française qui est compétente pour se prononcer sur la question de la domiciliation fiscale en France.

En l'occurrence, il résulte d'une lettre du 21 mars 1997 du directeur des services fiscaux confirmant celle du 5 mars 1997 susvisée, que cette administration déclare avoir recueilli les éléments permettant d'établir le domicile fiscal de J. V. en France, sans que celui-ci - en dépit de sa contestation - ait encore soumis le litige aux juridictions compétentes ; aussi le demandeur ne saurait exiger en la cause la production d'une décision de justice qu'il s'abstient de provoquer, d'autant qu'aucun texte n'impose l'existence d'une telle décision pour la mise en œuvre de l'article 20 de la Convention fiscale.

Il suffit en effet à ce stade que la partie française, qui affirme sous sa responsabilité que J. V. est fiscalement domicilié en France au regard des critères relatifs à son foyer d'habitation et à son activité professionnelle en faisant état d'éléments vérifiés par les services fiscaux monégasques, demande l'assistance prévue par l'article 20 de la Convention pour que l'échange de renseignements organisé par le 2e alinéa de cet article soit mis en œuvre par la partie monégasque, sans que le juge judiciaire puisse faire obstacle, en la cause, à l'exécution des obligations convenues entre les parties contractantes.

Il y a lieu de souligner que l'Ordonnance Souveraine n° 3085 du 25 septembre 1945 relative aux droits et devoirs des agents des services fiscaux a été prise au visa, notamment, d'une Convention franco-monégasque du 14 avril 1945 concernant la répression des fraudes fiscales et le renforcement de l'assistance administrative mutuelle entre les deux Gouvernements, ultérieurement réunie avec d'autres conventions dans le document unique constitué par la Convention franco-monégasque de voisinage et d'assistance administrative mutuelle du 23 décembre 1951 dont l'article 24 comporte des dispositions analogues à celles de l'article 20 précité de la Convention fiscale du 18 mai 1963.

Il en découle que l'ordonnance n° 3085 susvisée peut être invoquée pour l'exécution de cette convention fiscale ; que l'article 3 alinéa 1 de cette ordonnance édicte sous peine de poursuites correctionnelles :

» les banquiers... sont tenus de communiquer, à toute réquisition aux agents de la direction des services fiscaux ayant au moins le grade d'inspecteur, leurs livres, polices, titres, registres... et tous documents généralement quelconques, afin que ces agents s'assurent de l'exécution des lois dont l'application incombe à la direction «.

En conséquence la demande de relevés de comptes transmise à la Banque Générale du Commerce le 5 mars 1997 par le directeur des services fiscaux sur le fondement de l'ordonnance n° 3085 apparaît avoir été régulièrement formulée, la banque étant dès lors tenue d'y déférer.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

J. V., de nationalité italienne, titulaire d'une carte de résident délivrée par les autorités monégasques, a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale, entrepris à compter de 1996 par les autorités françaises ;

Le 21 février 1997, la Direction Générale des Impôts (sous direction du contrôle fiscal) à Paris formulait auprès du directeur des services fiscaux de Monaco une demande de renseignements, fondée sur l'article 20 (assistance administrative) de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, visant à obtenir les relevés d'un compte bancaire ouvert par J. V. auprès de la Banque Générale du Commerce à Monaco ;

Par lettre du 5 mars 1997, le directeur des services fiscaux répercutait cette demande au responsable de la Banque Générale du Commerce, en sollicitant » conformément à l'ordonnance n° 3085 du 25 septembre 1945 «, les relevés des comptes dont J. V., présenté dans cette lettre comme » fiscalement domicilié en France en application de l'article 4 B du Code général des impôts (foyer d'habitation - activité professionnelle) «, pourrait être titulaire ;

La banque, antérieurement mise en garde par J. V. contre toute divulgation faite en vertu de la convention fiscale précitée qu'il considère inapplicable à sa situation, compte tenu de sa nationalité étrangère et de sa domiciliation à Monaco, s'adressait alors en ces termes à la direction monégasque des services fiscaux :

» Sans pour autant vouloir faire obstacle à votre demande, nous souhaiterions que vous nous fassiez connaître que vous vous êtes assurés d'avoir en votre possession tous les éléments nécessaires vous permettant de formuler un jugement sur le bien-fondé de la réquisition des services fiscaux français... « ;

Le directeur des services fiscaux, par lettre du 21 mars 1997, répondait à la Banque Générale du Commerce que » tous les éléments recueillis par l'Administration fiscale française permettent d'établir le domicile fiscal de l'intéressé en France, sur le fondement de l'article 4 B du Code général des impôts, tant en ce qui concerne le critère du foyer d'habitation que celui de son activité professionnelle en France «, en précisant :

» ... l'appréciation des critères de domiciliation retenus pour l'intéressé relève de la seule compétence des autorités fiscales françaises et s'exerce uniquement sous le contrôle du juge de l'impôt français.

En conséquence, je réitère ma demande du 5 courant... « ;

Par acte extrajudiciaire du 7 avril 1997, J. V. a fait notifier à la Banque Générale du Commerce et à l'État de Monaco son opposition à la communication de ses relevés bancaires auprès des services fiscaux monégasques ;

Par la suite, selon exploit du 17 juin 1997, J. V. a fait assigner l'État de Monaco et la Banque Générale du Commerce devant le Tribunal pour qu'il soit jugé

* qu'il réside effectivement à Monaco,

* que les services fiscaux monégasques sont infondés à solliciter la production de ses relevés de comptes, à défaut pour les services fiscaux français de disposer d'une décision de justice exécutoire à Monaco statuant sur sa résidence fiscale en France, en sorte qu'ils ne sauraient recourir à l'assistance administrative prévue par l'article 20 de la convention du 18 mai 1963,

* que la Banque Générale du Commerce n'a pas à produire ces documents ;

Au soutien de ses demandes, J. V. affirme être résident monégasque depuis 1991 ;

Il prétend que l'article 20 de la convention, visant à assurer » l'exacte application des impôts français sur les revenus des personnes physiques «, ne peut donner lieu à assistance administrative que dans l'hypothèse où la personne visée est imposable en France, à raison de son domicile fiscal tel que défini par l'article 4 B du Code général des impôts français ;

Au regard de sa résidence effective à Monaco, qui résulterait de divers éléments qu'il expose, J. V. estime que l'application de l'article 20 constituerait une anticipation hasardeuse de l'issue du contentieux qui ne manquera pas de l'opposer au fisc français sur la question de sa domiciliation fiscale ; il avance que sa situation doit être préalablement appréciée par les autorités fiscales monégasques sous le contrôle de l'autorité judiciaire avant de donner une suite favorable à la demande d'assistance des autorités françaises ; il observe que l'application » automatique « de l'article 20 précité permettrait la communication à l'administration française des relevés bancaires de tous les résidents monégasques non français sous la seule affirmation unilatérale de leur soumission à l'article 4 B du Code général des impôts, ce qui violerait la souveraineté de la Principauté ;

Dans ses conclusions du 12 février 1998, J. V. réitère son argumentation en faisant valoir, pour répondre aux écrits de l'État :

* que son intérêt à agir est établi par les pièces du dossier ;

* que le juge français de l'impôt n'est pas saisi du litige qui pourrait résulter de l'examen de situation dont il fait objet, en sorte que l'exception d'incompétence soulevée en défense devrait être rejetée ;

* qu'ayant saisi le Tribunal de Monaco pour faire juger qu'il y a sa résidence, l'assistance administrative prévue par l'article 20 n'a pas lieu d'être mise en œuvre tant qu'une décision de justice française établissant sa résidence fiscale en France n'est pas intervenue ;

L'État conclut, à titre principal, au rejet des demandes de J. V., faute pour celui-ci de faire la preuve d'un intérêt à agir ;

À titre subsidiaire, l'État décline la compétence de ce Tribunal pour statuer sur une question fiscale relevant de la compétence du juge français, dénie par ailleurs au Tribunal le pouvoir de délivrer une injonction quelconque à l'Administration en l'état de la séparation des pouvoirs instaurée par la Constitution et demande qu'il soit jugé que les dispositions combinées de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 et de l'ordonnance n° 3085 du 25 septembre 1945 obligent réciproquement les parties contractantes à se communiquer les renseignements nécessaires en matière d'imposition ;

L'État rappelle les termes de l'article 3 de l'ordonnance n° 3085 relative aux droits et devoirs des agents des services fiscaux et estime que l'obligation de communication qui en résulte revêt un caractère d'ordre public et contraint l'administration monégasque sans qu'une juridiction puisse l'en délier ;

Il constate par ailleurs que l'article 20 de la convention du 18 mai 1963 ne subordonne pas l'obtention de renseignements à l'existence d'une décision de justice exécutoire, en sorte que l'exigence du demandeur à cet égard serait sans objet ;

Enfin, l'État précise que l'examen de la situation fiscale de J. V. par les autorités administratives fiscales françaises relève exclusivement de la compétence du juge administratif français ;

La Banque Générale du Commerce déclare pour sa part s'en rapporter à justice, après avoir observé que J. V., ressortissant italien résidant à Monaco, » semble exclu « du champ d'application de la convention franco-monégasque et qu'il conviendrait de démontrer en tout état de cause que son domicile fiscal est situé en France, ce qui ne serait pas le cas en l'absence de décision de justice en ce sens ;

La banque en déduit qu'en cet état, elle n'avait pas à communiquer les renseignements demandés, puisque, selon elle, la convention du 18 mai 1963 » ne semble pas applicable au cas d'espèce « ;

Après les plaidoiries des parties à l'audience du 4 mars 1999, le Tribunal, considérant qu'il y avait lieu de connaître la position du Parquet Général, a réouvert les débats à l'audience du 25 mars suivant ;

Le 17 juin 1999, le représentant du Ministère public a pris des conclusions orales, au contradictoire des parties, pour soutenir :

* que la banque avait l'obligation de déférer aux réquisitions de l'administration fiscale au regard de l'article 3 de l'ordonnance n° 3085,

* que le statut de résident monégasque de J. V. n'est pas contesté, en sorte qu'il n'y a pas d'intérêt à faire constater ce statut de résident, tandis qu'il en irait autrement en matière de domicile ;

* que si la question de l'application de la convention franco-monégasque à un ressortissant italien devait faire difficulté et donner lieu à interprétation du texte conventionnel, il conviendrait de mettre en œuvre l'article 25 et de saisir la commission consultative mixte instituée par cet article ;

À l'issue de ces conclusions, les parties ont été autorisées à joindre à leur dossier, avant le 15 juillet 1999, les notes prévues par l'article 187 du Code de procédure civile ;

Si l'État n'a pas usé de cette faculté, J. V. et la Banque générale du commerce ont régulièrement déposé les 14 et 15 juillet 1999 des notes en délibéré, après quoi les débats ont été clôturés ;

Dans sa note, J. V. insiste sur la légitimité de sa démarche visant à faire défense à sa banque de divulguer les renseignements qu'elle détient pour son compte ; il souligne que la notion de domicile ne se pose que pour les ressortissants français ; il affirme enfin que la convention franco-monégasque ne peut recevoir application en la cause puisqu'il n'est pas domicilié en France, au sens de l'article 21 de la convention ;

Pour sa part, la Banque générale du commerce déclare avoir réagi conformément aux recommandations établies le 26 octobre 1995 par l'Association Monégasque des Banques et estime ne pas avoir commis de faute en n'exécutant pas la demande » dès lors que celle-ci ne semble pas formulée sur une base légale «, compte tenu du secret professionnel auquel elle est tenue ;

Elle affirme par ailleurs que les titres I et II de la convention ne visent que les entreprises monégasques et les personnes physiques ou morales françaises et délimitent ainsi son champ d'application dont l'article 20 ne peut constituer une exception ; Elle confirme enfin s'en rapporter à Justice, en laissant le soin à la juridiction de surseoir à statuer, si un problème d'interprétation devait se poser, jusqu'à la saisine de la commission consultative mixte de l'article 25 ;

Sur quoi :

Attendu qu'au regard des pièces versées aux débats par J. V. postérieurement aux conclusions prises par l'État le 20 octobre 1997, l'intérêt à agir de ce demandeur n'apparaît pas contestable et résulte de ce qu'il est désormais établi que, sur demande de l'administration fiscale française, la direction monégasque des services fiscaux entend obtenir la communication, par la Banque générale du commerce, d'informations relatives aux comptes ouverts par J. V. dans cet établissement ;

Qu'ainsi J. V. justifie d'un intérêt à demander, dans la présente instance, que cette requête soit déclarée non fondée et que la banque soit affranchie de l'obligation de communiquer les renseignements sollicités ;

Attendu en revanche que la demande de J. V. visant à faire juger qu'il a sa résidence à Monaco s'avère inopérante, d'une part parce que ce point n'est pas contesté par l'État et résulte au demeurant des pièces produites, d'autre part parce que le droit fiscal français opposé à ce demandeur (article 4B du Code général des impôts) envisage diverses situations d'imposition compatibles avec une résidence à l'étranger, en considérant comme ayant leur domicile fiscal en France, quelle que soit leur nationalité, notamment les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, celles qui exercent en France une activité professionnelle ou encore les personnes qui y ont le centre de leurs intérêts économiques ;

Que de la sorte, J. V. pourrait donc être imposable en France tout en ayant sa résidence à Monaco ;

Attendu que les éventuelles difficultés d'interprétation ou d'application de la convention franco-monégasque ne sauraient en aucune manière commander en la cause un sursis à statuer en vue de la saisine de la commission mixte instituée par l'article 25 ;

Qu'en effet, cette commission ne se réunit, aux termes de cet article, qu'à la demande de l'une ou l'autre des Parties à la convention en vue de proposer une solution aux difficultés qui n'auraient pas été réglées par la voie diplomatique, circonstances qui excluent que sa saisine puisse être imposée par le Tribunal pour parvenir au règlement d'un litige d'ordre privé ;

Attendu, quant à la portée de l'article 20 de la convention, que force est de constater que ce texte s'emplace dans le titre V, intitulé » Assistance administrative «, indépendant des titres qui le précèdent et qui disposent de leur autonomie dans chacun des domaines traités ;

Attendu que cet article a en particulier pour objet » d'assurer l'exacte application des impôts français sur le revenu des personnes physiques « ; qu'ainsi, seul le critère de l'assujettissement à l'impôt est pris en compte à ce stade, sans égard pour la nationalité ou la résidence de la personne débitrice de l'impôt ; qu'il s'ensuit que dans la mesure où J. V., ressortissant italien résidant à Monaco, serait redevable de l'impôt français sur le revenu au regard des textes fiscaux en vigueur, l'article 20 litigieux pourrait s'appliquer à sa situation ;

Attendu que les juridictions monégasques n'ont pas qualité pour apprécier si J. V. doit ou non être assujetti à l'impôt français sur le revenu, les juridictions françaises - qui n'apparaissent pas avoir été saisies à ce jour - étant exclusivement compétentes en la matière ;

Attendu que si, comme en l'espèce, le juge de l'impôt n'est pas appelé à exercer son contrôle, c'est l'administration fiscale française qui est compétente pour se prononcer sur la question de la domiciliation fiscale en France ;

Attendu qu'en l'occurrence, il résulte de la lettre précitée du 21 mars 1997, confirmant celle du 5 mars précédent, que cette administration déclare avoir recueilli les éléments permettant d'établir le domicile fiscal de J. V. en France, sans que celui-ci - en dépit de sa contestation - ait encore soumis le litige aux juridictions compétentes ;

Attendu qu'il s'ensuit que le demandeur ne saurait exiger en la cause la production d'une décision de justice qu'il s'abstient de provoquer, d'autant qu'aucun texte n'impose l'existence d'une telle décision pour la mise en œuvre de l'article 20 de la convention fiscale ;

Qu'il suffit en effet à ce stade que la Partie française, qui affirme sous sa responsabilité que J. V. est fiscalement domicilié en France au regard des critères relatifs à son foyer d'habitation et à son activité professionnelle en faisant état d'éléments vérifiés par les services fiscaux monégasques, demande l'assistance prévue par l'article 20 de la convention pour que l'échange de renseignements organisé par le 2e alinéa de cet article soit mis en œuvre par la Partie monégasque, sans que le juge judiciaire puisse faire obstacle, en la cause, à l'exécution des obligations convenues entre les Parties contractantes ;

Attendu que l'article 20 sur lequel est fondée la demande de renseignements formulée par l'administration fiscale dispose :

» En vue d'assurer l'exacte application des impôts français sur le revenu des personnes physiques (...) les États contractants conviennent que leurs administrations fiscales échangeront tous les renseignements qu'elles détiennent ou pourront se procurer conformément à leur législation respective et dont la communication réciproque leur paraîtra nécessaire aux fins sus-indiquées... « ;

Attendu que l'ordonnance souveraine n° 3085 du 25 septembre 1945 relative aux droits et devoirs des agents des services fiscaux a été prise au visa, notamment, d'une convention franco-monégasque du 14 avril 1945 concernant la répression des fraudes fiscales et le renforcement de l'assistance administrative mutuelle entre les deux gouvernements, ultérieurement réunie avec d'autres conventions dans le document unique constitué par la convention franco-monégasque de voisinage et d'assistance administrative mutuelle du 23 décembre 1951 dont l'article 24 comporte des dispositions analogues à celles de l'article 20 précité de la convention fiscale du 18 mai 1963 ;

Qu'il en découle que l'ordonnance n° 3085 susvisée peut être invoquée pour l'exécution de cette convention fiscale ;

Attendu que l'article 3 alinéa 1 de cette ordonnance édicte, sous peine de poursuites correctionnelles :

» les ... banquiers... sont tenus de communiquer, à toute réquisition, aux agents de la direction des services fiscaux ayant au moins le grade d'inspecteur, leurs livres, polices, titres, registres... et tous documents généralement quelconques, afin que ces agents s'assurent de l'exécution des lois dont l'application incombe à la direction " ;

Attendu en conséquence que la demande de relevés de comptes transmise à la Banque Générale du Commerce le 5 mars 1997 par le directeur des services fiscaux sur le fondement de l'ordonnance n° 3085 apparaît avoir été régulièrement formulée, la banque étant dès lors tenue d'y déférer ;

Attendu, en définitive, que J. V. doit être débouté de l'ensemble de ses demandes et tenu aux dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant contradictoirement,

Déboute J. V. de l'ensemble de ses demandes ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pastor, Sbarrato, Pasquier-Ciulla, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26749
Date de la décision : 21/10/1999

Analyses

Fiscal - Général ; Impôts et taxes divers ; Traités bilatéraux avec la France


Parties
Demandeurs : V.
Défendeurs : État de Monaco, Banque Générale du Commerce

Références :

article 187 du Code de procédure civile
article 231 du Code de procédure civile
Ordonnance n° 3085 du 25 septembre 1945


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1999-10-21;26749 ?

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