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15/04/1999 | MONACO | N°26672

Monaco | Tribunal de première instance, 15 avril 1999, P. V. c/ E. V.


Abstract

Mariage

Action en nullité (non)

- Erreur sur l'identité civile

- Lors de la célébration du mariage : absence d'erreur sur l'état civil

Résumé

L'erreur sur l'identité civile ne peut entraîner la nullité du mariage, en vertu des articles 116, 147 et 148 du Code civil, que si elle a été déterminante, c'est-à-dire si elle a été telle que sans erreur, le futur époux n'eût pas donné son consentement.

Il convient en l'espèce de déterminer, avant tout, s'il y a eu erreur de la part de l'époux sur l'âge de son épouse au m

oment de la célébration du mariage, c'est-à-dire s'il pouvait en toute bonne foi croire que celle-ci était ce jou...

Abstract

Mariage

Action en nullité (non)

- Erreur sur l'identité civile

- Lors de la célébration du mariage : absence d'erreur sur l'état civil

Résumé

L'erreur sur l'identité civile ne peut entraîner la nullité du mariage, en vertu des articles 116, 147 et 148 du Code civil, que si elle a été déterminante, c'est-à-dire si elle a été telle que sans erreur, le futur époux n'eût pas donné son consentement.

Il convient en l'espèce de déterminer, avant tout, s'il y a eu erreur de la part de l'époux sur l'âge de son épouse au moment de la célébration du mariage, c'est-à-dire s'il pouvait en toute bonne foi croire que celle-ci était ce jour là âgée de 49 ans au lieu de 55 ans comme étant née en 1946 et non point en 1940.

S'il n'est point contesté que la date de naissance de l'épouse figurant sur divers actes apparaît erronée, il n'en demeure pas moins que les originaux de l'acte de mariage qui ont été signés par le demandeur le jour de la célébration, de même que les actes de naissance et de non opposition paraphés par les parties, lesquels sont seuls à prendre en considération, révèlent bien que l'épouse est née en 1940 et non en 1946.

Il en est de même du certificat de publication et du certificat de contrat de mariage produits par l'époux.

Par ailleurs, l'officier d'état civil a donné lecture conformément à la loi de ces divers actes avant de recueillir le consentement au mariage des parties et leur a remis le livret de famille indiquant que la défenderesse est née en 1940.

Il est donc clairement établi que P. V. savait au moment où il a accepté de prendre pour épouse E. V. que celle-ci était née en 1940 et non en 1946.

Il s'en suit que le consentement de P. V. était parfaitement éclairé lorsqu'il a répondu de façon affirmative à l'officier d'état civil ; dès lors P. V. n'est pas fondé à soutenir qu'il y a eu de sa part erreur sur l'identité de son épouse.

Il importe dès lors peu de savoir si l'erreur alléguée a été ou non déterminante, puisqu'il est acquis à la conviction du Tribunal qu'il n'y a pas eu erreur dans la personne du conjoint.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Le 26 janvier 1996, P. V., né à Altopascio (Lucca-Italie) le 1er octobre 1942, de nationalité italienne, a épousé E. V., née à Trieste (Italie) le 23 octobre 1940, de nationalité italienne, par-devant l'officier de l'état civil de Monaco, après avoir conclu un contrat de mariage passé par-devant Maître Paul Louis Aureglia, notaire, le 16 janvier 1996 ;

Aucun enfant n'est issu de cette union ;

Par acte d'huissier en date du 1er décembre 1997, P. V. a fait assigner E. V. en nullité de son mariage, pour vice du consentement motif pris d'une erreur sur la personne de son épouse lors de ce mariage, et ce par application des articles 116, 147 et 148 du Code civil ;

P. V. expose en effet :

* qu'il a sollicité de la commune de Trieste la délivrance d'un acte de naissance de son épouse,

* que par un document daté du 6 septembre 1997, posté le 12 août 1997, et parvenu à sa connaissance quelques jours après, il découvrait avec surprise que son épouse était née le 23 octobre 1940 et non en 1946 comme elle le lui avait indiqué, le trompant ainsi sur son identité,

* que le consentement donné par l'époux doit être exempt de vice c'est-à-dire libre, éclairé, intègre,

* que l'erreur sur la personne porte soit sur l'identité physique, soit sur l'identité civile,

* que cette erreur sur l'état civil de son épouse a été déterminante de son consentement au mariage, car il aurait pu espérer avoir une descendance, ce qui s'avère désormais totalement impossible,

* qu'il lui aurait été particulièrement désagréable de se voir reprocher d'avoir épousé une femme de deux ans plus âgée que lui et pour une situation de fortune qui est plus importante que la sienne,

* que s'il avait eu connaissance de la véritable année de naissance de son épouse, il n'aurait pas contracté mariage avec celle-ci,

* que l'acte notarié du 16 janvier 1996 qui est en sa possession fait état de ce que son épouse serait née en 1946,

* que dans la procédure de divorce, il aurait reçu en communication la photocopie du contrat de mariage portant le cachet de son avocat-défenseur, vierge de toute rectification en ce qui concerne la date de naissance de son épouse,

* que la copie de l'acte de mariage certifiée conforme, qui lui a été délivrée, indiquerait que son épouse serait née en 1946 et qu'un examen attentif dudit acte permettrait de constater que le chiffre 6 aurait été rajouté à l'année de naissance de son épouse,

* que la fiche familiale d'état civil porterait mention de ce que E. V. serait née en 1946,

* que la carte de séjour de E. V., valable du 3 avril 1996 au 7 mars 1999, indiquerait que celle-ci serait née en 1946,

* qu'il apparaît que l'état civil de E. V. aurait subi des modifications ;

Par jugement en date du 2 juillet 1998 à rencontre duquel appel a été interjeté, le Tribunal a notamment dit n'y avoir lieu d'ordonner en l'état la jonction des instances enrôlées sous les n° 222 et 418 de l'année judiciaire 1997-1998, a rejeté l'exception de sursis à statuer soulevée par P. V. et a réservé les dépens en fin de cause ;

Suite audit jugement, E. V., par conclusions du 14 octobre 1998, demande au Tribunal :

* de dire et juger que P. V. ne peut sérieusement prétendre ignorer son état civil,

* de dire et juger que le consentement de P. V. (« voulez-vous prendre pour légitime épouse... ») a été donné dans la connaissance parfaite de son état civil,

* de dire et juger comme tardive, irrecevable et de mauvaise foi l'action en annulation du mariage,

* de condamner P. V. à des dommages-intérêts qui seront chiffrés par le Tribunal à la hauteur du préjudice moral qu'il lui a causé ;

E. V., qui déclare se référer au courrier de Mme le Maire de Monaco, affirme que P. V. ne saurait prétendre avoir été abusé sur sa date de naissance dès lors qu'entre le 15 janvier 1996 et le 26 janvier 1996, il aurait signé sept documents exempts d'erreur, à savoir l'acte de naissance de l'épouse et sa traduction, l'acte de mariage, un second acte de mariage destiné au greffe, le certificat relatif à cet acte de mariage, le certificat de non-opposition et le livret de famille ;

Par conclusions du 17 janvier 1999, P. V. reprend le bénéfice de ses précédentes conclusions fondées également sur l'article 146 du Code civil et demande en outre au Tribunal de constater qu'appel a été régularisé du jugement rendu par le Tribunal de Première Instance du 2 juillet 1998, instance actuellement pendante devant la Cour, de surseoir à statuer jusqu'à l'arrêt de la Cour d'Appel et de débouter E. V. de l'ensemble de ses demandes ;

P. V. indique que le juge d'instruction de la Principauté de Monaco aurait inculpé E. V. le 4 novembre 1998 de « déclarations mensongères faites devant un officier public (notaire Aureglia) ayant provoqué l'inscription dans un acte authentique (contrat de mariage du 16 janvier 1996), d'énonciations fausses ayant un effet de droit », s'agissant du contrat de mariage du 16 janvier 1996, ce qui attesterait la réalité des faits dénoncés par lui d'une part et révélerait d'autre part que E. V. avait parfaitement conscience que son âge était un élément déterminant dans sa volonté à contracter mariage puisqu'elle a sciemment indiqué une date erronée dans un acte antérieur au mariage ;

SUR CE :

a) Sur le sursis à statuer :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'arrêt rendu par la Cour d'appel dès lors qu'aucun moyen de droit n'est invoqué par P. V. au soutien de sa demande de sursis à statuer, le demandeur se bornant à faire état de la saisine de la Cour d'appel ;

Que cette circonstance n'est pas de nature à justifier la demande de sursis, le Tribunal n'estimant pas, au regard de ces seuls éléments, devoir différer sa décision ;

b) Sur le fond :

Sur la demande principale :

Attendu que l'article 116 du Code civil dispose : « il n'y a point de mariage sans consentement » ;

Attendu que les dispositions de l'article 147 du même code prévoient la nullité du mariage célébré en violation de l'article 116 du Code civil ;

Attendu que l'article 148 du Code civil indique : « La nullité pour défaut de consentement ne peut être invoquée que par les époux.

Lorsque le consentement a été vicié par la crainte ou par une erreur dans la personne du conjoint, l'action ne peut être exercée que par l'époux victime du vice du consentement.

Dans les situations visées aux deux alinéas précédents, l'action n'est plus recevable lorsqu'il y a eu cohabitation continue pendant six mois depuis que les époux ou l'époux ont recouvré leur pleine liberté ou que le vice a cessé » ;

Attendu que l'erreur sur l'identité civile ne peut entraîner la nullité du mariage que si elle a été déterminante c'est-à-dire si elle a été telle que, sans cette erreur, le futur époux n'eût pas donné son consentement ;

Attendu qu'il convient, en l'espèce, de déterminer dans un premier temps s'il y a eu erreur de la part de P. V. sur l'âge de son épouse au moment de la célébration du mariage, c'est-à-dire s'il pouvait en toute bonne foi croire que son épouse était ce jour-là âgée de 49 ans au lieu de 55 ans comme étant née en 1946 et non point en 1940 ;

Attendu qu'il ne saurait être contesté que la date erronée de naissance de E. V. comme étant née le 23 octobre 1946 est mentionnée sur certaines photocopies de certains documents tels que : l'acte de mariage du 26 janvier 1996, la carte de séjour renouvelable du 3 avril 1996 au 7 mars 1999, le passeport délivré le 11 septembre 1986, la fiche familiale d'état civil, le contrat de bail du 9 septembre 1992, le contrat de mariage passé par-devant Maître Aureglia le 16 janvier 1996 rectifié dès le 17 janvier 1996 selon les déclarations de Maître Aureglia, le certificat de la célébration du mariage établi le 26 janvier 1996, les certificats d'hébergement à titre gratuit des 8 mars 1993, les demandes de renouvellement de carte de séjour du 8 février 1995 et du 3 avril 1996 ;

Mais attendu cependant qu'à aucun moment P. V. n'affirme que les originaux de l'acte de mariage dont les exemplaires sont déposés à la mairie de Monaco et au greffe du Tribunal indiquent comme date de naissance de son épouse 1946, alors que ces actes sont seuls à prendre en considération ;

Attendu qu'il convient donc de tenir compte du fait que P. V. a signé les originaux susvisés le jour de la célébration du mariage ;

Attendu, par ailleurs, que P. V. ne conteste pas avoir également apposé sa signature sur l'acte de naissance de E. V. sur lequel est mentionné l'année 1940, tant en sa version italienne qu'en sa version française ;

Attendu en effet que l'on peut lire sur les deux versions dudit acte de naissance « paraphé par les parties et par Nous, officier de l'État Civil » ;

Attendu, en outre, que le certificat de non-opposition sur lequel est mentionné que E. V. est née en 1940 a été également « paraphé par les parties et par Nous, officier de l'État Civil » ;

Attendu qu'il ressort de l'acte de mariage établi le 26 janvier 1996, dont les originaux ne sont pas contestés par le demandeur, que celui-ci a produit à l'officier de l'état civil le jour de la célébration du mariage « le certificat de publication de mariage et de non-opposition de cette mairie » et « le certificat du contrat de mariage » ;

Attendu que le certificat du contrat de mariage établi par Maître Paul-Louis Aureglia dûment « paraphé par les parties et par Nous, officier de l'État Civil » indique comme date de naissance de E. V. l'année 1940 ;

Attendu que l'officier d'état civil, lors de la célébration du mariage, a donné lecture conformément à la loi de l'acte de naissance des époux, du certificat de non-opposition, du certificat du contrat de mariage puisqu'il est effectivement indiqué « desquels actes, en due forme, il a été donné lecture... », puis « Faisant droit à la réquisition des comparants, Nous leur avons demandé s'ils voulaient se prendre pour époux » ;

Attendu enfin que le livret de famille remis ce jour-là aux parties indique que la défenderesse est née en 1940 ;

Attendu qu'il est donc clairement établi que P. V. savait au moment où il a accepté de prendre pour épouse E. V., que celle-ci est née en 1940 et non point en 1946 ;

Qu'il s'ensuit que le consentement de P. V. était parfaitement éclairé lorsqu'il a répondu de façon affirmative à l'officier d'état civil ;

Attendu dès lors, que P. V. n'est pas fondé à soutenir qu'il y a eu de sa part erreur sur l'identité de son épouse ;

Qu'il importe dès lors peu de savoir si l'erreur alléguée a été ou non déterminante, puisqu'il est acquis à la conviction du Tribunal qu'il n'y a pas eu erreur dans la personne du conjoint ;

Attendu qu'il convient par conséquent de débouter P. V. de sa demande en nullité du mariage ;

Sur la demande en dommages-intérêts :

Attendu qu'il y a lieu de relever que dans ses dernières conclusions, E. V., qui n'a pas sollicité le bénéfice de ses précédentes écritures, n'a pas chiffré sa demande en dommages-intérêts et n'a pas repris le montant de 100 000 francs réclamé dans ses premières conclusions ;

Qu'elle apparaît ainsi avoir modifié volontairement sa demande en laissant au Tribunal le soin d'arbitrer le montant en dommages-intérêts devant lui revenir ;

Attendu qu'une telle demande ne saurait être admise faute d'être déterminée dans son montant ;

Qu'il y a donc lieu pour les raisons sus-indiquées de la débouter de sa demande en dommages-intérêts ;

Attendu que les dépens, y compris ceux réservés par le jugement du 2 juillet 1998, doivent être supportés par la partie qui succombe, conformément aux dispositions de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute P. V. de sa demande de sursis à statuer ;

Le déboute de sa demande de nullité du mariage ;

Déboute E. V. de sa demande en dommages-intérêts ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Leandri, Pastor et Blot, av. déf. ; Baudoux et Albertin Roby, av. bar. de Nice

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26672
Date de la décision : 15/04/1999

Analyses

Droit de la famille - Mariage ; Droit des personnes - Etat civil (identité, domicile, ...)


Parties
Demandeurs : P. V.
Défendeurs : E. V.

Références :

article 116 du Code civil
article 148 du Code civil
article 231 du Code de procédure civile
articles 116, 147 et 148 du Code civil
article 146 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1999-04-15;26672 ?

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