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04/03/1999 | MONACO | N°26659

Monaco | Tribunal de première instance, 4 mars 1999, C. c/ M.


Abstract

Procédure civile

Principe du contradictoire : devant être respecté dès l'assignation introductive d'instance

- Sommation interpellative opérée sans que le conseil de l'interpellé ait été avisé

- Non-respect du principe

- Sommation écartée des débats

Production de pièces écrites en langue étrangère

- Nécessité d'une traduction en langue française faite par un traducteur officiel

- Pièces écartées des débats à défaut d'une telle traduction

Résumé

Pour s'opposer à la demande en divorce fond

ée sur les relations adultères de son épouse, celle-ci fait état de la réconciliation du couple qui serait intervenue postérieurement et...

Abstract

Procédure civile

Principe du contradictoire : devant être respecté dès l'assignation introductive d'instance

- Sommation interpellative opérée sans que le conseil de l'interpellé ait été avisé

- Non-respect du principe

- Sommation écartée des débats

Production de pièces écrites en langue étrangère

- Nécessité d'une traduction en langue française faite par un traducteur officiel

- Pièces écartées des débats à défaut d'une telle traduction

Résumé

Pour s'opposer à la demande en divorce fondée sur les relations adultères de son épouse, celle-ci fait état de la réconciliation du couple qui serait intervenue postérieurement et résulterait des déclarations mêmes du mari contenues dans une sommation interpellative.

Mais il n'a pas été contesté par le conseil de l'épouse que cette sommation a été délivrée sans que l'avocat du mari ait été informé de cette initiative.

Ce faisant, et même en l'absence de dispositions légales de ce chef, il est de principe, afin de préserver l'équilibre de chacun dans son droit de se défendre et d'assurer ainsi le respect du contradictoire, que le conseil d'une partie ne saurait, en cours d'instance, prendre directement contact avec la partie adverse, à l'insu de son confrère pourtant constitué pour elle.

En conséquence, la sommation interpellative dont s'agit, en exécution de laquelle le mari a répondu sans avoir pu, au préalable, recueillir les conseils de son avocat, doit être écartée des débats, ainsi que le sollicite le demandeur, comme contraire au principe de la contradiction qui devait être respecté dès l'assignation introductive d'instance.

Les traductions libres de pièces rédigées en langue étrangère sont admises par le tribunal, pour autant que la partie adverse ne s'y oppose pas et ne conteste pas leur fiabilité.

Tel n'étant pas le cas en l'espèce, il appartenait donc à la défenderesse ainsi que le requerrait son époux de faire précéder à la traduction en langue française, par un traducteur officiel, des pièces concernées.

En l'absence de pièces régulièrement traduites, le tribunal ne peut que les écarter des débats, conformément à la demande dont il est saisi de ce chef.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que C. ......, né le 17 septembre 1959 à Milan, de nationalité italienne, a, par l'exploit susvisé, fait assigner en divorce M. ....., née le 26 septembre 1963 à Milan, de nationalité italienne, qu'il a épousée le 23 juin 1995 par devant l'officier de l'État civil de Monaco, sans contrat de mariage préalable ;

Qu'aucun enfant n'est issu de cette union ;

Que C. ...... reproche à son épouse d'avoir abandonné fréquemment le domicile conjugal, et entretenu une relation adultère, faits qui constituent des injures graves justifiant le prononcé du divorce aux torts et griefs exclusifs de celle-ci ;

Attendu qu'il sollicite par ailleurs la jouissance du domicile conjugal ;

Attendu que M. ...... conteste les griefs qui lui sont reprochés, et fait à son tour état de la relation adultère qu'aurait eu son époux durant le mariage ;

Que cependant, elle expose qu'une réconciliation des époux a effectivement eu lieu postérieurement à l'ordonnance du magistrat conciliateur du 22 janvier 1997, confirmée par C. ...... lui-même lors de la sommation interpellative délivrée à la requête de l'épouse le 23 juin 1997 ; Qu'en outre, M. ...... indique demeurer toujours au domicile conjugal avec son mari ;

Attendu en conséquence, que M. ...... demande au Tribunal, faute de voir C. ...... déclarer officiellement sa décision de se désister d'action et d'instance, ce qui entraînerait un acquiescement de la part de la défenderesse, de constater l'existence incontestable d'une réconciliation avec toutes conséquences de droit, et de ce fait, de débouter C. ...... de toutes ses demandes ;

Attendu que C. ...... conteste les conditions dans lesquelles a été établie la sommation interpellative du 23 juin 1997, dont il sollicite qu'elle soit écartée des débats, dans la mesure où ce document caractérise une violation grave des obligations déontologiques du conseil de la défenderesse ;

Qu'il réfute également toute réconciliation qui serait intervenue entre les époux, expliquant que la présence de M. ...... au domicile conjugal est justifiée par le fait qu'au regard de ses déplacements professionnels fréquents, il l'a autorisée à y résider dans l'attente qu'elle trouve une nouvelle résidence ;

Attendu en conséquence que C. ...... maintient sa demande en divorce, et entend voir condamner M. ...... à lui payer une somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qu'il déclare subir ;

Attendu que M. ...... rétorque d'une part, que la sommation interpellative du 23 juin 1997 contient l'aveu judiciaire de son époux de la réconciliation intervenue au sein du couple, et constate que le demandeur n'a par la suite invoqué aucun motif nouveau pour étayer sa demande en divorce ;

Qu'à titre subsidiaire, elle forme une demande reconventionnelle tendant à voir prononcer le divorce aux torts exclusifs de son époux, sur le fondement du comportement injurieux de celui-ci, compte tenu des relations adultères qu'il entretient avec une dame à Milan ;

Attendu que, par conclusions du 14 octobre 1998, C. ...... demande au Tribunal de constater que la communication des pièces par l'épouse, refusée et accomplie ultérieurement au Greffe Général, n'est pas accompagnée de traductions légales certifiées et que cette communication doit donc être rejetée ; Que subsidiairement, il entend voir ordonner la traduction desdites pièces ;

Qu'il conclut également à la condamnation de M. ...... à lui payer la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu qu'en réponse, M. ...... saisit le Tribunal d'une demande tendant à constater, par la production du bordereau de communication de pièces et la mention manuscrite qui a été apposée par l'avocat-défenseur de C. ......, que ce dernier a refusé d'entrer en possession des cinq pièces litigieuses, et que ce refus n'est justifié par aucune disposition légale ; que c'est donc à ses risques et périls que C. ...... a refusé ces pièces ; qu'il entend voir joindre l'incident au fond pour être statué par un seul et même jugement ;

Sur ce :

I - Sur la demande principale en divorce :

Attendu que C. ...... fonde sa demande en divorce sur les relations adultères de son épouse, et verse aux débats deux rapports de détective établis à Milan les 11 et 14 décembre 1996 ;

Attendu que pour s'opposer à cette demande M. ...... fait état de la réconciliation du couple qui serait intervenue postérieurement et résulterait des déclarations mêmes de son mari contenues dans la sommation interpellative qu'elle lui a fait délivrer le 23 juin 1997 ;

Attendu que la lecture de cet acte produit par la défenderessse, laisse apparaître que celle-ci, qui a élu domicile en l'étude de son conseil, a interrogé par l'intermédiaire d'un huissier son époux sur la réalité de la reprise de la vie commune, du pardon des fautes accordé à M....... sur son intention de se désister de l'action et de l'instance en divorce et les instructions qu'il aurait données à son avocat en ce sens ;

Mais attendu qu'il n'a pas été contesté par le conseil de M. ...... que cette sommation a été délivrée sans que l'avocat de C. ...... ait été informé de cette initiative ;

Que ce faisant, et même en l'absence de dispositions légales de ce chef, il est de principe, afin de préserver l'équilibre de chacun dans son droit de se défendre et d'assurer ainsi le respect du contradictoire, que le conseil d'une partie ne saurait, en cours d'instance, prendre directement contact avec la partie adverse, à l'insu de son confrère pourtant constitué pour elle ;

Attendu en conséquence que la sommation interpellative du 23 juin 1997, en exécution de laquelle C. a répondu sans avoir pu, au préalable, recueillir les conseils de son avocat, doit être écartée des débats, ainsi que le sollicite le demandeur, comme contraire au principe de la contradiction qui devait être respecté dès l'assignation introductive d'instance ;

Qu'il suit que les réponses données par C. ...... dans cet acte ne peuvent être prises en compte par le Tribunal pour établir la réconciliation invoquée par M. ...... Qu'à cet égard, la seule attestation en langue française versée par l'épouse et établie par une dame B. ...... ne suffit pas à démontrer la réalité de cette réconciliation alléguée ;

Attendu, au fond, que les rapports précités du détective italien mentionnent qu'entre les mois de novembre et décembre 1996, M. ...... a, à plusieurs reprises, passé la nuit au domicile d'un autre homme à Milan, alors que son mari était en déplacement professionnel ;

Que la défenderesse n'a pas contesté cet état de fait, sans tenter de justifier sa présence nocturne dans ce domicile étranger, ni même apporter de quelconques dénégations aux affirmations de son conjoint selon lesquelles elle entretiendrait une relation adultère avec l'homme décrit dans les rapports susvisés ;

Attendu dès lors, qu'à défaut de caractériser de façon certaine l'adultère de M. ...... un tel comportement démontre à tout le moins le désintérêt de l'épouse à l'égard de son mari, et caractérise l'injure grave requise par l'article 197 du Code civil, justifiant la demande en divorce formée par C.

II - Sur la demande reconventionnelle en divorce de l'épouse :

Attendu que l'épouse, et dès lors que la réconciliation du couple n'a pu être constatée par le Tribunal, a formé subsidiairement une demande reconventionnelle en divorce fondée également sur l'adultère de son mari ;

Attendu qu'elle verse à cet effet aux débats cinq pièces, dont la communication a été refusée par le conseil de C....... « pour défaut de traduction par traducteur assermenté » ;

Attendu, en la forme, que la communication des pièces apparaît être régulièrement intervenue avant l'audience des plaidoiries et dans un délai suffisant pour permettre à la partie adverse de conclure au vu de celles-ci ;

Attendu que le conseil de C. ...... ne pouvait valablement refuser cette communication, l'argument invoqué pour s'y opposer étant relatif à la validité des pièces versées et n'étant pas susceptible de faire obstacle à l'échange de celles-ci par les parties ;

Attendu que les pièces n° 1, 2, 3 et 5 sont rédigées en langue italienne et accompagnées d'une traduction libre ;

Attendu que par conclusions du 14 octobre 1998, C. ...... a contesté le contenu des traductions et sollicité la production de traductions certifiées, sans toutefois que M. ...... ait déféré à cette demande ;

Attendu que les traductions libres de pièces rédigées en langue étrangère sont admises par le tribunal, pour autant que la partie adverse ne s'y oppose pas et ne conteste pas leur fiabilité ;

Attendu que tel n'étant pas le cas en l'espèce, il appartenait donc à M. ...... ainsi que le requerrait son époux le 14 octobre 1998, de faire procéder à la traduction en langue française, par un traducteur officiel, des pièces cotées 1, 2, 3 et 5 ;

Attendu, dès lors, qu'en l'absence de pièces régulièrement traduites, le tribunal ne peut que les écarter des débats, conformément à la demande dont il est saisi de ce chef ;

Attendu que la pièce n° 4 établie en langue française par B.......ne démontre aucunement la réalité des relations adultères reprochées par M. ...... à son mari ;

Qu'à défaut de tout autre document de nature à étayer ses allégations, il y a lieu de débouter M. ...... de sa demande en divorce, et de prononcer en conséquence le divorce des époux C. ...... c/ M. ...... aux torts exclusifs de M. ......, avec toutes conséquences de droit ;

Attendu que C. ...... s'est d'ores et déjà vu attribuer la jouissance du domicile conjugal par le magistrat conciliateur le 22 janvier 1997 ; que dès lors cette mesure perdurera jusqu'à la liquidation des intérêts communs ayant existé entre les époux ordonnée par le présent jugement ;

Attendu par ailleurs, que le tribunal estime, compte tenu des éléments d'appréciation dont il dispose, ne pas devoir faire droit à la demande de dommages-intérêts formée par C. ...... pour résistance abusive, son épouse ayant pu se méprendre sur l'étendue et la portée de ses droits ;

Et attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant contradictoirement,

Écarte des débats la sommation interpellative délivrée le 23 juin 1997 à la requête de M. ...... ainsi que les pièces n° 1,2, 3 et 5 régulièrement communiquées par cette dernière à C. ...... ;

Prononce le divorce des époux C. ...... c/ M. ...... aux torts exclusifs de M. ...... ;

Fixe au 22 janvier 1997 les effets de la résidence séparée des époux ;

Déboute C. ...... de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Ordonne la liquidation des intérêts communs ayant pu exister entre les époux ;

Commet Maître Louis-Constant Crovetto, Notaire, pour procéder à cette liquidation et Madame Isabelle Berro-Lefevre, juge au siège, pour suivre ces opérations et faire rapport en cas de difficultés ;

Dit qu'en cas d'empêchement du Notaire ou du Magistrat ainsi commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Composition

M. Narmino, prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti et Sbarrato, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26659
Date de la décision : 04/03/1999

Analyses

Procédure civile ; Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : M.

Références :

article 197 du Code civil
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1999-03-04;26659 ?

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