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26/11/1998 | MONACO | N°26631

Monaco | Tribunal de première instance, 26 novembre 1998, N. c/ Aéro Club de Monaco


Abstract

Association

Radiation d'un membre

- Violation des droits de la défense

- Convocation devant le Conseil d'administration, organe disciplinaire sans informer l'intéressé des griefs formés contre lui

- Nullité de la convocation et partant nullité de la sanction prononcée

Résumé

Il est constant que N. a été convoqué le 27 novembre 1996 devant le Conseil d'administration de l'association dénommée Aéro Club de Monaco dont il était membre sans avoir été informé de l'objet de la réunion, ni mis en demeure de présenter ses e

xplications ; que par décision du 11 décembre 1996 ledit Conseil d'administration a prononcé par défaut sa rad...

Abstract

Association

Radiation d'un membre

- Violation des droits de la défense

- Convocation devant le Conseil d'administration, organe disciplinaire sans informer l'intéressé des griefs formés contre lui

- Nullité de la convocation et partant nullité de la sanction prononcée

Résumé

Il est constant que N. a été convoqué le 27 novembre 1996 devant le Conseil d'administration de l'association dénommée Aéro Club de Monaco dont il était membre sans avoir été informé de l'objet de la réunion, ni mis en demeure de présenter ses explications ; que par décision du 11 décembre 1996 ledit Conseil d'administration a prononcé par défaut sa radiation, en dépit de la notification que lui en avait faite l'intéressé le 5 décembre 1996 attirant l'attention de l'association défenderesse sur la nécessité de pouvoir se faire assister d'un conseil, d'être préalablement informé des griefs formés contre lui et d'avoir communication de toutes pièces soumises à l'appréciation de ses juges.

Or toute personne appelée à comparaître devant un organisme ayant pouvoir d'infliger une sanction est en droit de connaître exactement les faits qui lui sont reprochés et la sanction encourue.

À défaut d'avoir accompli ces formalités, le Conseil d'administration a violé les droits élémentaires de la défense ce qui rend effectivement nulle la sanction dont s'agit, la seule supposition que l'intéressé ait pu avoir de la menace qui pesait sur lui, étant inopérante à cet égard.

Il importe peu que les statuts n'aient rien prévu à ce sujet, ces formalités s'imposant en tout état de cause.

La nullité de la convocation ainsi prononcée entraîne par voie de conséquence la nullité de la décision d'exclusion du 10 décembre 1996.

Motifs

Le Tribunal

Attendu que selon arrêté ministériel en date du 17 novembre 1949, la société Monaco-Air Club a été autorisée en Principauté, et ses statuts approuvés, sous forme d'une association dénommée Aéro-Club de Monaco, ce, en conformité avec les dispositions de la loi n° 492 du 3 janvier 1949, réglementant les associations et leur accordant la personnalité civile ;

Que cette association a pour objet, dans le cadre de ses statuts, notamment de grouper les personnes de tout âge qui s'intéressent à la pratique des sports aériens et du tourisme aérien ;

Attendu qu'en 1991, N. N. s'est inscrit à l'Aéro-Club pour pratiquer le sport aérien, le pilotage des avions de tourisme et des hélicoptères de tourisme ;

Attendu qu'à la date du 27 novembre 1996, N. N. recevait une convocation d'avoir à se présenter le mardi 10 décembre 1996 devant le Conseil d'administration de l'Aéro-Club, en son siège sur l'héliport de Monaco ;

Attendu que par notification par voie d'huissier du 5 décembre 1996, N. N. informait cette association de l'irrégularité de forme et de fond de la convocation qui lui avait été adressée le 27 novembre 1996, dans la mesure où celle-ci ne précise pas la nature des faits reprochés, la nature des pièces soumises à l'appréciation des membres du conseil, la sanction encourue, et la possibilité de se faire assister d'un conseil ;

Attendu que par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 11 décembre 1996, le président de l'Aéro-Club indiquait à N. N. que le Conseil d'administration, réuni le 10 décembre 1996, avait constaté son absence, et, statuant par défaut, avait prononcé sa radiation de l'association ;

Attendu que selon exploit du 4 février 1997, N. N. a fait assigner l'association dénommée Aéro-Club de Monaco aux fins :

* de dire que la convocation et la décision prise le 10 décembre 1996 par l'Aéro-Club de Monaco se trouvent affectées de nullité ;

* de voir ordonner sa réintégration au sein de l'association, sous astreinte de 1 000 francs par jour ;

* de condamner l'Aéro-Club de Monaco à lui payer les sommes de 270 000 francs à titre de dommages-intérêts compte tenu du préjudice matériel subi et 250 000 francs au titre de son préjudice moral ;

* de voir ordonner la publication du présent jugement dans deux journaux aéronautiques « Pilote privé » ou « Infos pilotes » ou tout autre périodique à l'appréciation du Tribunal ;

* de condamner l'Aéro-Club de Monaco à lui payer une somme de 21 000 francs pour compenser les frais de procédure qu'il a été contraint d'engager, et notamment le coût de l'intervention d'un avocat spécialisé en droit aéronautique ;

Que s'agissant du fondement de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel, N. N. expose que pour les besoins de son entraînement, et pour conserver ses brevets et licences avec l'aptitude attachée à sa qualification, il s'est vu dans l'obligation, pour continuer à s'entraîner, de s'inscrire à l'héliclub de Bourg-en-Bresse afin d'effectuer ses heures de validation dans le délai imparti, car il n'existe pas d'autre centre dans les départements du Var ou des Alpes-Maritimes ;

Que pour ce qui est de son préjudice moral, N. N. fait valoir que dans le microcosme aéronautique, la plupart des pratiquants de l'aviation privée ont eu connaissance de cette mesure disciplinaire, la plus grave qui puisse être prononcée, alors d'autant que le demandeur indique vouloir faire carrière dans cette branche d'activité ;

Attendu que l'Aéro-Club de Monaco fait remarquer en préliminaire, que la loi n° 1072 du 7 juin 1984 qui régit actuellement les associations ne comporte aucune disposition relative aux exclusions et radiations de ses membres ; que les seul actes annulables en vertu de la loi sont ceux visés en son article 18, inapplicable au cas d'espèce, et que ce sont les statuts de l'association qui régissent les procédures disciplinaires ;

Que l'association précise à cet égard que l'article VIII de ses propres statuts relatif à la radiation et à l'exclusion de ses membres a été pleinement respecté à l'occasion de la procédure disciplinaire diligentée contre N. N. ;

Attendu qu'au surplus, elle prétend que la décision de radiation prise à l'encontre du demandeur le 10 décembre 1996 est parfaitement justifiée, au regard du comportement, des propos et écrits malveillants de ce dernier envers les autres membres de l'Aéro-Club de Monaco, et notamment son président ;

Qu'elle constate en outre que N. N. ne caractérise pas l'existence d'un préjudice dont il pourrait réclamer réparation ;

Attendu en conséquence que l'Aéro-Club de Monaco conclut au débouté de N. N. de ses demandes, et à sa condamnation au paiement de la somme de un franc à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'en réponse, N. N. rétorque que la demande de nullité est fondée sur les principes généraux du droit qui garantissent les droits de la défense, que les statuts de l'association ne peuvent écarter ;

Qu'il indique avoir fait pour sa part l'objet de constantes brimades de la part des dirigeants de l'association alors qu'il en était encore membre, et que ses chefs de préjudice sont parfaitement justifiés ;

Attendu qu'enfin, par d'ultimes écrits judiciaires du 15 octobre 1998, l'Aéro-Club de Monaco reprend le bénéfice de ses précédentes conclusions, en soulignant qu'aucune violation des règles statutaires, ni de la loi n° 1072 du 7 juin 1984 ne peut lui être reprochée ;

SUR CE,

Attendu, dans le domaine des faits, qu'il résulte des pièces du dossier que le président de l'Aéro-Club de Monaco adressait le 27 novembre 1996 à N. N. un courrier recommandé avec demande d'avis de réception ainsi rédigé :

« Monsieur,

» Conformément aux dispositions statutaires régissant le fonctionnement de notre association, et notamment celles fixées en son article VIII, je vous prie de vous présenter devant le Conseil d'administration de l'Aéro-Club, le mardi 10 décembre 1996, à 19h30, à notre siège sur l'héliport de Monaco.

« Veuillez croire, Monsieur, à l'expression de mes salutations distinguées. » ;

Attendu que ce même président adressait dans les mêmes formes le 11 décembre 1996 à N. N. un nouveau courrier, l'informant « que conformément aux dispositions de l'article VIII des statuts de notre association, le Conseil d'administration réuni le 10 décembre 1996 a constaté votre absence à cette séance malgré la convocation qui vous a été transmise avec accusé de réception le 28/11/1996, en conséquence, a statué par défaut, a prononcé votre radiation de notre association » ;

Attendu que N. N. conteste cette décision arguant, d'une part de la nullité de la convocation du 27 novembre 1996, d'autre part de la nullité de la décision elle-même ;

Attendu, s'agissant de la convocation, qu'il est constant que les statuts de l'association Aéro-Club de Monaco, et notamment l'article VIII intitulé « Radiation - Exclusion », prévoient uniquement que l'exclusion ne peut être prononcée qu'après que le membre, convoqué par courrier recommandé avec demande d'avis de réception expédié au moins huit jours à l'avance, ait été entendu ; Qu'en cas d'absence, le conseil statue par défaut ;

Mais attendu qu'il est légalement constant que N. N. a été convoqué devant le Conseil d'administration sans avoir été informé de l'objet de la réunion, ni mis en mesure de présenter ses explications ;

Qu'en effet, la seule référence dans le courrier du 27 novembre 1996 aux dispositions de l'article VIII des statuts, lequel vise toutes les sanctions disciplinaires pouvant être infligées, n'a pas pu suffire à donner connaissance à N. N. des faits qui lui étaient alors reprochés, de même que la sanction qui était proposée ;

Attendu que toute personne appelée à comparaître devant un organisme ayant pouvoir d'infliger une sanction est en droit de connaître exactement les faits qui lui sont reprochés, et la sanction encourue ;

Que tel est bien le sens de la notification faite par N. N. à l'association défenderesse le 5 décembre 1996, puisqu'il attirait l'attention de celle-ci sur la nécessité de pouvoir se faire assister d'un conseil, d'être préalablement informé des griefs formés contre lui, et d'avoir communication de toutes pièces, décisions ou délibérations soumises à l'appréciation de ses juges ;

Attendu que ces formalités ayant été omises, cette violation des droits élémentaires de la défense rend effectivement nulle la sanction dont s'agit, la seule supposition que l'intéressé ait pu avoir de la menace qui pesait sur lui étant inopérante à cet égard ;

Attendu qu'il importe peu que les statuts n'aient rien prévu à ce sujet, ces formalités s'imposant en tout état de cause ;

Attendu que la nullité de la convocation ainsi prononcée entraîne par voie de conséquence la nullité de la décision d'exclusion du 10 décembre 1996 ;

Attendu, au surplus, que le procès-verbal établi par le Conseil d'administration de l'association en date du 10 décembre 1996, produit par la défenderesse en cours de délibéré à la demande du Tribunal, et communiqué à N. N., fait mention de ce que le Président, « après avoir procédé à une relecture des statuts, propose de délibérer conformément aux dispositions réglementaires sur les suites à réserver à cette affaire. Après vote, l'exclusion de N. N. de l'aéro-club est approuvée à l'unanimité des membres présents » ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, et alors qu'il n'est nullement fait mention des fautes qui seraient reprochées à N. N. et qui justifieraient la sanction ainsi prononcée à son encontre, l'association Aéro-Club de Monaco n'a pas mis en mesure le Tribunal de contrôler que le pacte social librement accepté par les parties a été respecté ;

Qu'en effet, le Tribunal n'est pas à même de vérifier que l'exclusion du demandeur procédait d'un motif légitimant la procédure disciplinaire telle que prévue par l'article VIII des statuts ;

Qu'il suit que la décision elle-même est à ce titre également entachée de nullité ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la réintégration sollicitée par N. N., dans la mesure où du fait de l'annulation de la décision d'exclusion ainsi prononcée par le Tribunal, celui-ci demeure membre de l'association dont s'agit, puisque cette décision est désormais inexistante ;

Attendu, sur les dommages-intérêts réclamés par le demandeur, qu'il résulte des pièces versées aux débats que N. N. a été contraint de s'inscrire auprès d'un autre aéro-club afin d'effectuer les heures de vol nécessaires au renouvellement de sa licence dans le délai imparti ;

Que ce préjudice ne saurait toutefois être indemnisé à hauteur de la somme réclamée par N. N., dans la mesure où les frais inhérents au renouvellement de sa licence devaient être inévitablement supportés par le demandeur, même en l'absence d'exclusion de l'Aéro-Club de Monaco ;

Attendu par ailleurs que N. N. a dû également engager des frais pour faire valoir ses droits en justice ;

Attendu qu'au regard de ces circonstances, le Tribunal évalue à 40 000 francs le montant du préjudice matériel subi par N. N. ;

Attendu qu'en outre, la décision critiquée, de par le caractère brutal de sa survenance, sans qu'il ait été à même de se défendre, a inévitablement causé à N. N. un préjudice moral qui doit être indemnisé ;

Qu'il n'est pas justifié, toutefois, que la décision d'exclusion se soit accompagnée d'une publicité dont N. N. ait eu à souffrir ;

Attendu que le montant dudit préjudice moral doit être fixé à la somme de 10 000 francs eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de fixer à 50 000 francs le montant des dommages-intérêts qui devront être versés au demandeur par l'association Aéro-Club de Monaco ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication sollicitée par N. N., la lecture du présent jugement en audience publique et l'octroi de dommages-intérêts étant de nature à réparer complètement le préjudice occasionné ;

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Prononce la nullité de la convocation délivrée selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 novembre 1996 par l'association dénommée Aéro-Club de Monaco à N. N., et de la décision de cette association en date du 10 décembre 1996 prononçant la radiation de N. N. ;

Condamne l'association Aéro-Club de Monaco à payer à N. N. la somme de 40 000 francs à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel, et celle de 10 000 francs au titre de son préjudice moral ;

Déboute N. N. du surplus de ses demandes ;

Composition

M. Narmino près. ; Mme Le Lay prem. subst. Proc. Gén. ; Mes Pastor, Escaut av. déf. ; Bessan av. bar. de Paris ; Richard av. bar. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26631
Date de la décision : 26/11/1998

Analyses

Associations et fondations ; Pouvoir disciplinaire


Parties
Demandeurs : N.
Défendeurs : Aéro Club de Monaco

Références :

loi n° 1072 du 7 juin 1984
loi n° 492 du 3 janvier 1949
article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1998-11-26;26631 ?

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