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26/11/1998 | MONACO | N°26630

Monaco | Tribunal de première instance, 26 novembre 1998, Banque Nagelmackers c/ Résidence Monte Carlo Sun


Abstract

Copropriété

Règlement publié à la Conservation des hypothèques

- Obligations s'imposant à tous les copropriétaires successifs

- Opposabilité du règlement à l'adjudicataire ayant cause à titre particulier du saisi

Saisie immobilière

Cahier des charges, compatible avec règlement de copropriété

- Adjudicataire tenu de régler les charges de toute nature grevant son lot

Résumé

Aux termes de l'article 4 de l'Ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, le règlement de copropriété « oblige les différents propri

étaires et tous leurs ayants causes », le 3e alinéa précisant qu'à l'égard des ayants cause particuliers des parties au règleme...

Abstract

Copropriété

Règlement publié à la Conservation des hypothèques

- Obligations s'imposant à tous les copropriétaires successifs

- Opposabilité du règlement à l'adjudicataire ayant cause à titre particulier du saisi

Saisie immobilière

Cahier des charges, compatible avec règlement de copropriété

- Adjudicataire tenu de régler les charges de toute nature grevant son lot

Résumé

Aux termes de l'article 4 de l'Ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, le règlement de copropriété « oblige les différents propriétaires et tous leurs ayants causes », le 3e alinéa précisant qu'à l'égard des ayants cause particuliers des parties au règlement, celui-ci n'est obligatoire qu'après avoir été transcrit sur les registres du conservateur des hypothèques (ce qui a été le cas en l'espèce).

L'article 95 du règlement qui le déclare opposable à tous les copropriétaires successifs a vocation à s'appliquer à tout copropriétaire qui viendrait à acquérir cette qualité à la suite d'une vente publique.

Si l'article 96 dudit règlement envisage les cas de mutation entre vifs, à titre onéreux ou gratuit, sans préciser la forme que peuvent revêtir ces mutations, il n'écarte pas pour autant l'hypothèse d'une mutation d'un lot de copropriété consécutive à une vente aux enchères publiques, l'emploi du terme « cédant » au 2e alinéa de cet article n'autorisant pas à distinguer entre les situations de cession volontaire ou forcée.

En conséquence cet article 96 apparaît opposable à un adjudicataire dès que les droits de propriété qu'il tire de l'adjudication lui sont reconnus par la délivrance du titre prévu à l'article 630 du Code de procédure civile.

Par suite, les dispositions par lesquelles est instituée une solidarité entre le cédant - en l'occurrence la partie saisie et le nouveau copropriétaire - l'adjudicataire pour le paiement des sommes afférentes au lot cédé dues à quelque titre que ce soit, obligent cet adjudicataire en l'état de sa qualité d'ayant cause à titre particulier du copropriétaire saisi.

Par ailleurs le cahier des charges établi lors de la vente aux enchères sur saisie immobilière fait état du règlement de copropriété et prévoit que l'adjudication devra payer, à compter du jour de l'entrée en jouissance, les charges de toute nature qui peuvent et pourront, à l'avenir, grever les portions d'immeuble vendues, de manière à ce que le vendeur ne soit pas recherché à ce sujet ; ainsi il n'apparaît pas d'incompatibilité entre ce cahier des charges et le règlement de copropriété.

Motifs

Le Tribunal

Considérant les faits suivants :

Alors que la Cour d'appel de Monaco, par arrêt du 25 mars 1997, avait fixé au 14 mai 1997 l'audience d'adjudication des parties d'immeuble dont la société Vernal Establishment est propriétaire dans l'ensemble immobilier dénommé Résidence Monte Carlo Sun, le Tribunal de première instance, par jugement du 13 mai 1997 rendu sur l'assignation de la société Mercedes Benz AG, a ordonné le sursis à cette adjudication jusqu'à l'intervention d'une décision exécutoire dans l'instance, introduite par cette société, visant à l'annulation du titre en vertu duquel la saisie immobilière a été pratiquée ;

La copropriété de l'immeuble ayant, à l'occasion de cette poursuite immobilière, manifesté l'exigence que soit porté à la connaissance des enchérisseurs et de l'adjudicataire éventuels l'article 96 du règlement de la copropriété, selon lequel les arriérés de charges dus par la société Vernal Establishment pourraient être réclamés à l'adjudicataire, la banque Nagelmackers, créancière poursuivante, a saisi le Tribunal, par l'assignation susvisée, de ce qu'elle estime être une exigence de nature à porter entrave à la libre expression des enchères et au bon déroulement de l'audience d'adjudication ;

Aux termes de cet exploit, elle demande au Tribunal de l'accueillir en sa demande, qualifiée d'incident de la procédure de saisie immobilière sur le fondement de l'article 642 du Code de procédure civile, et, après avoir constaté l'urgence de la cause, de dire et juger que la copropriété n'a aucun droit à prétendre à un traitement plus favorable que les autres créanciers et « qu'elle ne peut donc exiger qu'une précision d'existence de créance au titre des arriérés de charges soit donnée avant l'ouverture des enchères et encore moins à faire annoncer que cette créance devra être supportée par l'adjudicataire » ;

Elle sollicite du Tribunal, en tant que de besoin, qu'il juge que l'article 96 du règlement de copropriété est inopposable à l'adjudicataire dans le cadre de la procédure de saisie immobilière et qu'il renvoie la copropriété à produire sa créance dans le cadre de la procédure d'ordre qui sera ouverte consécutivement à la vente et au paiement du prix ;

Au soutien de ces demandes, la banque Nagelmackers fait valoir :

* que le règlement de copropriété s'applique aux seules parties qui ont accepté d'y souscrire et ne peut être opposé à des tiers, l'adjudicataire devant être considéré comme un tiers jusqu'à la prise de possession du bien, après expiration du délai de surenchère, et n'étant tenu que par les dispositions du cahier des charges déposé pour parvenir à la vente aux enchères publiques,

* que la copropriété, en qualité de créancière, voit son rang déterminé par la date d'inscription de son privilège et ne peut se réserver un sort plus favorable en cherchant à faire supporter par l'adjudicataire les sommes dues par le copropriétaire saisi,

* que la créance de la copropriété sera prise en compte lors de la procédure d'ordre selon les règles applicables lors de la collocation ;

La banque Nagelmackers invoque à cet égard une décision rendue par ce Tribunal le 24 février 1994 (affaire B. / C.), ayant écarté un dire tendant, comme en l'espèce, à opposer à l'adjudicataire un article du règlement de copropriété prévoyant une solidarité dans le paiement des charges entre le précédent et le nouveau copropriétaire ;

En réponse à cette assignation, la copropriété, qui expose que sa créance à l'encontre de la société Vernal Establishment s'établissait à 1 235 888,46 francs à la date du 8 avril 1997, soutient que le règlement de copropriété présente un caractère contractuel auquel tout acquéreur adhère en se portant acquéreur d'un lot ;

Elle estime que dès qu'un lot fait l'objet d'une mutation, volontaire ou forcée, l'acheteur ou l'adjudicataire se trouve de plein droit soumis au règlement de copropriété, en toutes les clauses qu'il prévoit ; elle considère donc que l'article 96 de ce règlement, qui prévoit que le nouveau copropriétaire est solidairement responsable avec le cédant, vis-à-vis du syndicat des copropriétaires, de toutes sommes afférentes au lot cédé, dues à quelque titre que ce soit au jour de la mutation, doit s'appliquer à l'adjudicataire ;

Elle conclut donc au rejet des demandes de la banque et se porte reconventionnellement demanderesse de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dans sa réplique, la banque Nagelmackers, tout en maintenant ses prétentions, précise qu'elle n'entend remettre en cause que la portée de l'article 96 du règlement, lequel ne prévoit pas l'hypothèse d'une vente aux enchères mais n'envisage que les cas de mutation entre vifs à titre gratuit ou onéreux, ou encore les cas de mutation par décès ; elle observe qu'en cas de vente aux enchères publiques, la copropriété aurait une situation plus favorable que celle des créanciers inscrits, lesquels exercent leur recours sur le produit de la vente, alors que la copropriété, également créancière hypothécaire inscrite, disposerait en outre d'un recours contre le nouveau propriétaire dans le cas où le produit de la vente se révélerait insuffisant ;

Elle conclut au rejet des prétentions de la copropriété, notamment celle visant à l'obtention de dommages-intérêts, dès lors que tant la faute que le préjudice allégués ne sont pas démontrés ;

À l'audience des plaidoiries du 29 octobre 1998, le conseil de la copropriété a complété sa demande et requis du Tribunal qu'il juge opposable à l'adjudicataire l'article 96 du règlement de l'immeuble ;

Sur quoi,

Attendu que la recevabilité de la demande de la banque poursuivante n'a pas été contestée ; que cette demande constitue un incident de la saisie immobilière actuellement en cours ; qu'il y a donc lieu de l'examiner, de l'accord des parties ;

Attendu qu'il est constant que l'immeuble fait l'objet d'un règlement de copropriété déposé au rang des minutes de Me Rey, notaire, le 22 novembre 1982 et régulièrement transcrit à la Conservation des hypothèques le 12 janvier 1983, volume 684, n° 6 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 4 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, le règlement de copropriété « oblige les différents propriétaires et tous leurs ayants cause », le 3e alinéa précisant qu'à l'égard des ayants cause particuliers des parties au règlement, celui-ci n'est obligatoire qu'après avoir été transcrit sur les registres du conservateur des hypothèques ;

Attendu que l'article 95 du règlement le déclare opposable à tous les copropriétaires successifs ; qu'il n'est pas douteux que ce règlement a vocation à s'appliquer à tout copropriétaire qui viendrait à acquérir cette qualité à la suite d'une vente publique ;

Attendu que si l'article 96 dudit règlement envisage les cas de mutation entre vifs, à titre onéreux ou gratuit, sans préciser la forme que peuvent revêtir ces mutations, il n'écarte pas pour autant l'hypothèse d'une mutation d'un lot de copropriété consécutive à une vente aux enchères publiques ; que l'emploi du terme « cédant » au deuxième alinéa de cet article n'autorise pas à distinguer entre les situations de cessions volontaire ou forcée ;

Attendu en conséquence que cet article 96 apparaît opposable à un adjudicataire dès que les droits de propriété qu'il tire de l'adjudication lui sont reconnus par la délivrance du titre prévu à l'article 630 du Code de procédure civile ;

Que par suite, les dispositions par lesquelles est instituée une solidarité entre le cédant - en l'occurrence la partie saisie - et le nouveau copropriétaire - l'adjudicataire - pour le paiement des sommes afférentes au lot cédé dues à quelque titre que ce soit, obligent cet adjudicataire en l'état de sa qualité d'ayant cause à titre particulier du copropriétaire saisi ;

Attendu que l'argumentation selon laquelle serait ainsi réservé à la copropriété un sort favorable apparaît inopérante, dès lors qu'un tel sort résulte du règlement auquel les copropriétaires choisissent librement de se soumettre dans un cadre contractuel ;

Qu'en outre, l'ordonnance-loi n° 662 précitée fait bénéficier la collectivité des copropriétaires, dans les conditions prévues à l'article 7, d'un privilège immobilier ayant vocation, comme tout privilège, à primer les hypothèques ; qu'il s'agit donc d'une préférence octroyée par la loi par rapport aux autres créanciers, ce qui ôte toute portée à la demande de la banque selon laquelle la copropriété ne pourrait prétendre à un traitement plus favorable ;

Attendu, par ailleurs, que la production du seul jugement précité du 24 février 1994 par la banque ne met pas le Tribunal en mesure d'apprécier, faute de disposer du règlement de copropriété de l'immeuble considéré dans cette espèce, si la situation présente est comparable à celle jugée le 24 février 1994, étant relevé que ce jugement, à la fois, valide un dire précisant que l'adjudicataire devra se conformer au règlement de copropriété de l'immeuble en l'incluant dans le cahier des charges et rejette ce même dire en ce qu'il semble reproduire l'un des articles de ce règlement, relatif à la solidarité entre adjudicataire et copropriétaire saisi ;

Attendu que le cahier des charges établi pour parvenir à la présente vente aux enchères sur saisie immobilière, contient au chapitre II relatif à la désignation des biens à vendre, une référence expresse au règlement de copropriété déposé chez Me Rey, notaire, le 22 novembre 1982 ; qu'au chapitre III, article 4, ledit cahier des charges prévoit que l'adjudicataire devra payer, à compter du jour de l'entrée en jouissance, les charges de toute nature qui peuvent et pourront, à l'avenir, grever les portions d'immeuble vendues, de manière à ce que le vendeur ne soit pas recherché à ce sujet ;

Attendu que cet article 4 n'apparaît donc pas compatible avec l'article 96 du règlement de copropriété, compte tenu de la solidarité prescrite par cet article pour le paiement des sommes dues à la date de la cession ;

Attendu toutefois que le Tribunal ayant jugé que l'article 96 est opposable à l'adjudicataire, puisque la demande formée par la défenderesse à l'audience est admise tandis que sont rejetées les prétentions de la banque Nagelmackers, il n'y a pas lieu de statuer plus avant ;

Qu'en effet, le présent jugement ne saurait modifier de ce chef le cahier des charges, dès lors que les parties ne le sollicitent pas expressément et que les conditions de l'article 600 du Code de procédure civile ne sont pas réunies ;

Attendu, sur la demande de la banque visant à enjoindre à la copropriété de soumettre à la procédure d'ordre pour faire valoir sa créance, qu'il n'y a pas lieu d'y faire droit en l'état des dispositions des articles 685 et suivants du Code de procédure civile, lesquelles trouveront à s'appliquer le cas échéant ;

Attendu, sur la demande de la copropriété en paiement de dommages-intérêts, que cette partie ne justifie - ni même n'allègue, à défaut de toute motivation sur ce point - d'aucune faute ou d'aucun préjudice qui pourraient être de nature à mettre en jeu la responsabilité civile de la banque Nagelmackers ;

Qu'il s'ensuit qu'elle doit être déboutée de sa demande de ce chef ;

Attendu que la banque, qui succombe pour l'essentiel, doit être tenue des dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal

Statuant contradictoirement,

Déboute la société dénommée banque Nagelmackers 1747 Luxembourg SA de ses demandes ;

Dit et juge opposable à l'adjudicataire des biens immobiliers objet de la vente aux enchères publiques ordonnée par arrêt du 25 mars 1997, confirmatif du jugement de ce Tribunal en date du 5 octobre 1995, l'article 96 du règlement de copropriété de l'immeuble, déposé au rang des minutes de Me Rey, notaire, le 22 novembre 1982 et transcrit le 12 janvier 1983 ;

Déboute la copropriété de l'immeuble de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Composition

M. Narmino prés. ; Mme Le Lay prem. subst. Proc. Gén. ; Mes Sbarrato, Escaut av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26630
Date de la décision : 26/11/1998

Analyses

Copropriété


Parties
Demandeurs : Banque Nagelmackers
Défendeurs : Résidence Monte Carlo Sun

Références :

article 600 du Code de procédure civile
article 231 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 642 du Code de procédure civile
article 4 de l'Ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959
article 630 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1998-11-26;26630 ?

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