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23/10/1997 | MONACO | N°26560

Monaco | Tribunal de première instance, 23 octobre 1997, Mutuelle de Marseille assurance c/ Société Prodifac


Abstract

Compétence civile et commerciale

Compétence du juge de paix en dernier ressort - Détermination du taux par rapport au quantum des demandes

Résumé

Il résulte tant des dispositions combinées des articles 6 et 110 du Code de procédure civile, que des principes généraux en matière d'appel, qu'il convient de se référer à la valeur et aux éléments de la demande pour déterminer si une affaire excède ou non le taux de compétence en dernier ressort du juge de paix, en l'occurrence fixé à 12 000 francs ; en effet l'évaluation du litige, dont s'e

nsuit la possibilité de faire appel, ne saurait dépendre du quantum de la condamnation, et do...

Abstract

Compétence civile et commerciale

Compétence du juge de paix en dernier ressort - Détermination du taux par rapport au quantum des demandes

Résumé

Il résulte tant des dispositions combinées des articles 6 et 110 du Code de procédure civile, que des principes généraux en matière d'appel, qu'il convient de se référer à la valeur et aux éléments de la demande pour déterminer si une affaire excède ou non le taux de compétence en dernier ressort du juge de paix, en l'occurrence fixé à 12 000 francs ; en effet l'évaluation du litige, dont s'ensuit la possibilité de faire appel, ne saurait dépendre du quantum de la condamnation, et donc de la seule volonté du juge, mais doit être effectuée par rapport au montant des demandes principales et reconventionnelles.

En l'occurrence, en dépit de la qualification erronée « en dernier ressort » donnée par le juge de paix à sa décision, il apparaît que la valeur des demandes du demandeur et du défendeur excédait la somme susvisée de 12 000 francs.

Motifs

Le Tribunal

Attendu que, suivant jugement en date du 21 février 1996, le juge de paix a, dans l'instance inhérente à un contredit sur injonction de payer opposant la société anonyme monégasque Prodifac à la Mutuelle de Marseille assurance :

« Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

• déclaré le contredit formé par la société Prodifac à l'encontre de la société Mutuelle de Marseille assurance recevable et fondé ;

• constaté que la société Prodifac dispose d'une créance de 20 331,88 francs et d'une dette de 11 249 francs en principal ;

• ordonné la compensation entre ces deux sommes et condamné la société Mutuelle de Marseille assurance à payer à la société Prodifac la somme principale de 8 158,16 francs, conformément à ce qui est réclamé, avec intérêts de droit à compter de la signification de la présente décision ;

• condamné la société Mutuelle de Marseille assurance à l'ensemble des dépens ; »

Attendu que, suivant exploit du 22 avril 1996, la Mutuelle de Marseille assurance a interjeté appel du jugement rendu le 21 février 1996 par le juge de paix et signifié le 26 mars 1996, aux fins de voir mettre à néant ladite décision et condamner la société Prodifac aux dépens ;

Qu'au soutien de son appel, la Mutuelle de Marseille assurance expose que la société Europa assurance, qui est un courtier non salarié de sa compagnie, n'ayant pas le même statut qu'un agent général et travaillant pour plusieurs compagnies, ne pouvait aucunement l'engager sans qu'elle ait accepté les termes du courrier par elle adressé le 30 avril 1993 à la société Prodifac ;

Qu'en outre, la société Europa assurance ne pouvait se prévaloir d'une compensation sur sinistre le 30 avril 1993, alors que la déclaration de sinistre ne lui a été adressée à elle-même, compagnie de la Mutuelle de Marseille assurance, que le 29 juin 1993 ; qu'en fait, l'appelante précise avoir avisé le 18 octobre 1993 le Courtier Europa Assurance de ce que, la cause dudit sinistre n'ayant pu être déterminée, aucune garantie de police ne pouvait jouer ;

Que l'appelante estime en conséquence que la théorie du mandat apparent retenue par le juge de paix ne pouvait être admise et qu'il y a lieu de réformer en toutes ses dispositions le jugement du 21 février 1996 ;

Attendu que la société Prodifac entend pour sa part en réponse :

1° voir, à titre principal déclarer l'appel formé par la compagnie Mutuelle de Marseille assurance irrecevable en application des articles 6 et 110 du Code de procédure civile ;

2° subsidiairement, voir confirmer en tous points la décision entreprise ;

3° en tout état de cause, condamner la Mutuelle de Marseille assurance à payer la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et injustifié ;

4° la condamner, enfin, aux dépens ;

Qu'au soutien de telles prétentions, la société Prodifac fait valoir que l'article 6 du Code de procédure civile édicte que le juge de paix connaît en dernier ressort de toutes les actions personnelles ou mobilières, jusqu'à la valeur de 12 000 francs, et, qu'aux termes de l'article 110 du Code de procédure civile, ne sont sujets à appel que les jugements rendus en premier ressort ;

Que de la sorte, le juge de paix ayant en l'espèce statué en dernier ressort, l'appel interjeté serait selon la société Prodifac irrecevable ;

Attendu que la société Prodifac fait quant au fond valoir que l'appelante ne produit aucune pièce aux débats de nature à justifier ses allégations ; qu'en outre, le juge de paix a expressément visé la référence jurisprudentielle à l'appui de sa décision, lui ayant permis de retenir la théorie du mandat apparent en matière d'assurance ; qu'elle précise que dès lors que la société Prodifac a eu la croyance légitime que le courtier Europa assurance engageait et représentait valablement l'assureur, ce dernier, soit la compagnie Mutuelle de Marseille assurance, ne pouvait qu'être tenu envers ses assurés, et ce, en dépit des dénégations intervenues quinze mois plus tard ;

Attendu que la compagnie Mutuelle de Marseille assurance réplique aux divers moyens soulevés par la société Prodifac, en exposant :

1° Sur l'exception d'irrecevabilité, qu'à l'effet de déterminer si une affaire excède ou non le taux du dernier ressort, il faut se référer à la valeur et aux éléments de la demande, tant principale que reconventionnelle, et non au montant de la condamnation ;

2° Quant au fond, que sa compagnie ne pouvait être engagée en l'état du seul courrier du 30 avril 1993, et ce, dès lors que la déclaration de sinistre n'a été régularisée auprès d'elle que le 23 juin 1993 ;

Attendu que la compagnie Mutuelle de Marseille assurance entend en conséquence :

* Sur l'exception d'irrecevabilité

Voir débouter de son moyen la société Prodifac du jugement rendu par Madame le Juge de paix étant en premier ressort et à charge d'appel ;

* Et sur le fond

Tenant ici pour répétés ses moyens développés tant en première instance qu'en cause d'appel, voir recevoir en son appel la compagnie Mutuelle de Marseille assurance et la déclarer fondée ;

Voir débouter de son contredit, la société Prodifac et débouter celle-ci de sa demande de condamnation dirigée à l'encontre de la société Mutuelle de Marseille assurance pour un montant de 20 331,88 francs ;

Et voir, en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance d'injonction de payer querellée du 13 février 1995 en ce qu'elle a condamné la société Prodifac au paiement de la somme de 11 249 francs en principal avec intérêts de droit à compter du 27 décembre 1994 ;

Voir également condamner la société Prodifac au paiement de la somme de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

La voir condamner également aux entiers frais et dépens tant de première instance que ceux d'appel ; «

Attendu que, par d'ultimes écrits en réponse, l'intimée rappelle qu'il est faux de prétendre que la déclaration de sinistre n'aurait été effectuée que le 23 juin 1993, et ce, dès lors qu'elle verse elle-même aux débats une lettre du 30 mars 1993 précédant donc le courrier du 30 avril 1993 émanant d'Europa assurance ;

Qu'en réponse, l'appelante estime que ledit courrier caractérise une démarche de l'assuré auprès du courtier, mais nullement une déclaration de sinistre équivalente à ce que prescrit l'article L. 113-2 (4e) du Code des assurances ;

Sur ce,

Attendu, sur la recevabilité de l'appel interjeté par la Mutuelle de Marseille assurance à l'encontre de la décision rendue le 21 février 1996 par le juge de paix, qu'il résulte tant des dispositions combinées des articles 6 et 110 du Code de procédure civile, que des principes généraux en matière d'appel, qu'il convient de se référer à la valeur et aux éléments de la demande pour déterminer si une affaire excède ou non le taux du dernier ressort, en l'occurrence fixé à 12 000 francs ; qu'en effet, l'évaluation du litige, dont s'induit la possibilité de faire appel, ne saurait dépendre du quantum de la condamnation, et donc de la seule volonté du juge, mais doit être effectuée par rapport aux montants des demandes principales et reconventionnelles ; qu'en l'occurrence, en dépit de la qualification erronée » en dernier ressort « donnée par le juge de paix à sa décision, il apparaît que la valeur des demandes de Prodifac et de la société Mutuelle de Marseille assurance excédait la somme susvisée de 12 000 francs ;

Qu'il suit que l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'intimée doit être rejetée et l'appel déclaré recevable en la forme ;

Attendu quant au fond, qu'il convient en premier lieu de confirmer le chef de la décision entreprise, aux termes duquel la société Prodifac reste devoir à la compagnie Mutuelle de Marseille assurance la somme de 11 249 francs, correspondant à la cotisation de l'assurance responsabilité civile demeurée impayée du 26 avril 1993 au 26 avril 1994 ;

Attendu, s'agissant de la créance invoquée par la société Prodifac et retenue par le juge de paix en application de la théorie du mandat apparent, qu'il convient de rappeler que ladite société recevait un courrier du 30 avril 1993 émanant de son courtier, la société Europa assurance, dont les termes étaient les suivants :

» Nous vous confirmons que notre compagnie à titre commercial et de façon purement exceptionnelle accepte de prendre en charge 30 % des deux sommes suivantes : 7 478,60 francs représentant la facture n° 93/02/006 de santé et beauté et 60 294,36 francs au titre des 20 000 unités devant être remplacées « ;

Attendu qu'après avoir de la sorte avisé sa cliente Prodifac de sa décision de prendre en charge ledit sinistre, le courtier Europa assurance revenait sur cette initiative quinze mois plus tard en lui adressant le 1er juillet 1994 un courrier par lequel elle lui signifiait que la compagnie Mutuelle de Marseille assurance refusait toute prise en charge d'un sinistre faisant selon elle partie des exclusions du contrat ;

Attendu qu'il s'évince cependant des pièces versées à la procédure et notamment des appels de cotisation émanant d'Europa assurance, que si le courtier qu'est cette société est juridiquement indépendant de l'entreprise d'assurance contractant avec son client, celui-ci n'a pu en l'occurrence qu'être légitimement persuadé qu'Europa assurance, chargé de la gestion des appels de primes et des encaissements, était le mandataire de l'entreprise d'assurance qu'est la Mutuelle de Marseille assurance ; qu'une telle conviction n'a pu qu'être renforcée par le courrier du 30 avril 1993 émanant du courtier, lequel, prenant acte d'une déclaration de sinistre effectuée auprès de lui le 30 mars 1993, informait son client Prodifac du mode et du montant de l'indemnisation subséquente ; qu'ainsi que l'a à bon droit relevé le premier juge, les courriers de dénégation adressés quinze mois plus tard par le courtier, puis la défenderesse, ne sauraient remettre en cause le principe d'une créance déjà créée par l'apparence d'un mandat et entrée dans le patrimoine de la société Prodifac ;

Attendu qu'il y a lieu dès lors de confirmer la décision du juge de paix, en ce qu'elle a déclaré recevable et pertinent le contredit opposé par la société Prodifac à l'ordonnance d'injonction de payer prononcée le 13 février 1995 et après avoir constaté la dette de la demanderesse de 11 249 francs en principal, a ordonné la compensation et condamné la Mutuelle de Marseille assurance à payer à la société Prodifac la somme de 8 158,16 francs avec intérêts de droit à compter de la signification de la décision et condamné la société Mutuelle de Marseille assurance à l'ensemble des dépens ;

Attendu que la Mutuelle de Marseille assurance doit en outre être condamnée à payer la somme de 3 000 francs de dommages-intérêts pour appel abusif, ainsi que la demande en a été faite par l'intimée, et devra également supporter l'intégralité des dépens d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du juge de paix,

Déclare recevable l'appel interjeté par la Mutuelle de Marseille assurance ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 février 1996 par le Juge de Paix ;

Condamne la Mutuelle de Marseille assurance à payer à la société anonyme monégasque dénommée Prodifac la somme de 3 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Composition

MM. Landwerlin. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. Mes Escaut, Pasquier-Ciulla, av. déf.

Note

Ce jugement déclare recevable l'appel formé contre un jugement du juge de paix rendu le 21 février 1996, dans une instance inhérente à un contredit sur injonction de payer, qualifié » en dernier ressort ", et le confirme.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26560
Date de la décision : 23/10/1997

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : Mutuelle de Marseille assurance
Défendeurs : Société Prodifac

Références :

article 6 du Code de procédure civile
articles 6 et 110 du Code de procédure civile
article 110 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1997-10-23;26560 ?

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