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16/10/1997 | MONACO | N°26559

Monaco | Tribunal de première instance, 16 octobre 1997, P. c/ Compagnie d'assurances Winterthur


Abstract

Contrat d'assurance

Loi française applicable en vertu du contrat - Déclaration inexacte - Sanction : réduction des indemnités dues

Résumé

La souscription d'un contrat d'assurances désignant le père, bénéficiaire d'un « bonus » comme conducteur habituel du véhicule assuré, au lieu de son fils, novice et inexpérimenté, au nom duquel ce véhicule a été acquis, révèle une déclaration inexacte, rendant applicable l'article L. 113-9 du Code français des assurances, auquel les parties se sont expressément soumises lors de la signature des

conditions particulières, et fonde l'assureur à procéder à une réduction des indemnités dues à la...

Abstract

Contrat d'assurance

Loi française applicable en vertu du contrat - Déclaration inexacte - Sanction : réduction des indemnités dues

Résumé

La souscription d'un contrat d'assurances désignant le père, bénéficiaire d'un « bonus » comme conducteur habituel du véhicule assuré, au lieu de son fils, novice et inexpérimenté, au nom duquel ce véhicule a été acquis, révèle une déclaration inexacte, rendant applicable l'article L. 113-9 du Code français des assurances, auquel les parties se sont expressément soumises lors de la signature des conditions particulières, et fonde l'assureur à procéder à une réduction des indemnités dues à la suite des sinistres.

Motifs

Le Tribunal

Considérant les faits suivants :

É. P. conduisait l'automobile Ford Escort Cosworth appartenant à sa mère É. P. lorsqu'il a occasionné un accident le 18 décembre 1994 ; selon l'expert de la compagnie Winterthur assurant le véhicule, le montant de la réparation des dommages consécutifs à cet accident s'élevait à 100 000 francs environ ;

Toutefois, É. P. a préféré opter pour la vente du véhicule en l'état, sur les conseils de son assureur, et l'a cédé pour le prix de 73 000 francs alors que sa valeur « argus » se situait à 170 000 francs.

La compagnie d'assurances Winterthur a refusé de régler à son assurée l'indemnité qui devait normalement lui revenir en prétendant, par lettre du 21 août 1995, que le contrat reflète une déclaration inexacte en ce que É. P. n'était pas en réalité la conductrice habituelle du véhicule ; Appliquant la règle proportionnelle prévue par l'article L. 113-9, alinéa 2, du Code français des assurances, cette compagnie lui a fait parvenir la somme de 17 004,49 francs calculée en fonction des primes qui auraient été dues si É. P., jeune conducteur, avait été déclaré comme le conducteur habituel du véhicule ;

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 août 1995, É. P. a mis en demeure son assureur de lui verser un complément d'indemnité de 78 045,57 francs dans les dix jours suivant la réception de la lettre ;

Cette demande n'ayant pas été suivie d'effet, É. P. a fait assigner, par l'exploit susvisé, la compagnie Winterthur en paiement d'une somme réduite à 77 200,68 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 1995, outre 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ladite somme étant calculée en fonction d'une valeur nette d'expertise du véhicule s'établissant à 94 205,17 francs dont est déduit le versement de 17 004,49 francs ;

Au soutien de son action, É. P. prétend que la compagnie d'assurances oppose de faux motifs pour se soustraire à ses obligations ; elle mentionne à cet égard que le contrat souscrit le 28 avril 1994 comporte l'option « prêt de volant », que son époux V. P. apparaît comme étant le conducteur habituel du véhicule, que son fils É. est mentionné comme susceptible de conduire l'automobile puisque les caractéristiques de son permis de conduire sont reproduites sur le contrat ; elle se défend donc d'avoir fait des déclarations inexactes ou de fausses déclarations, tout en remarquant que le contrat est émaillé d'erreurs matérielles imputables à l'assureur dès lors que, de nationalité russe, elle ne parle ni ne lit le français ;

Elle explique que les coïncidences que la compagnie Winterthur veut exploiter ne signifient pas pour autant que É. P., qui n'est pas le propriétaire du véhicule, en ait été le conducteur habituel ;

La compagnie d'assurances Winterthur s'oppose aux prétentions dont elle fait l'objet et se porte reconventionnellement demanderesse de la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Elle admet que É. P. pouvait piloter le véhicule en cause mais observe qu'il aurait dû demeurer un conducteur occasionnel, alors que l'accident du 18 décembre 1994 constitue le troisième sinistre dans lequel il est impliqué comme pilote, ce qui démontre, selon elle, qu'il a toujours été, en fait, le conducteur habituel du véhicule ;

Elle explique que dans ces conditions, le bonus de 50 % appliqué à V. P. son père, désigné dans le contrat comme conducteur habituel, ne pouvait être maintenu, compte tenu du peu d'expérience dans la conduite des véhicules dont É. P. pouvait se prévaloir ; elle remarque à cet égard que la date de souscription du contrat correspond exactement à celle d'obtention du permis par É. P. ;

Elle estime, après enquête, que celui-ci est le véritable propriétaire de l'automobile accidentée, la facture d'achat étant libellée à son nom, de même que le certificat d'immatriculation provisoire ;

Elle en déduit que É. P. a fait une déclaration inexacte au sens de l'article L. 113-9 du Code des assurances et considère avoir à bon droit réduit les sommes devant revenir à l'assurée ;

Elle soutient par ailleurs faire l'objet d'une procédure engagée avec légèreté blâmable puisque É. P. n'aurait jamais contesté avant le présent litige que son fils était bien le conducteur habituel ;

Sur quoi,

Attendu qu'il ressort des pièces produites que le véhicule accidenté a été acquis à l'état neuf le 20 avril 1994, soit le jour où É. P. a atteint l'âge de 18 ans ; que la facture du concessionnaire Ford a été établie au nom de É. P., de même que le certificat d'immatriculation provisoire du véhicule, valable à compter du 20 avril 1994, étant relevé que ce conducteur a obtenu son permis B le 22 avril 1994 et que le contrat d'assurance a été souscrit à effet de cette dernière date ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que É. P. conduisait le véhicule en cause lors d'un premier sinistre, survenu dès le 3 mai 1994, puis d'un deuxième accident s'étant produit le 28 mai suivant, tandis que l'accident litigieux a eu lieu le 18 décembre 1994 ;

Attendu que ces circonstances constituent des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes qui permettent d'affirmer que É. P. était bien le conducteur habituel du véhicule concerné, d'autant qu'il ressort d'une correspondance émanant de É. P. en date du 29 août 1995 que la famille P. disposait déjà de nombreux véhicules avant l'acquisition de la voiture Ford Escort Cosworth (soit une BMW, un Land Rover, une Maserati, une Toyota, trois Mercédès, une Renault 11), en sorte qu'il peut être avancé sans risque d'erreur que cette voiture a été spécialement affectée à l'usage du jeune É. P. aussitôt que celui-ci a obtenu son permis de conduire ;

Attendu que lors de la souscription du contrat, V. P. a été désigné comme le conducteur habituel, même si en vertu de la clause « prêt de volant » son fils É. pouvait à l'occasion conduire le véhicule assuré ;

Qu'au regard de cette déclaration, il a été appliqué à V. P. un « bonus » tenant compte de 90 mois d'assurance antérieure, justifiant une réduction de prime de 50 % ;

Attendu qu'il est constant qu'une telle réduction n'aurait pas été appliquée si É. P., conducteur novice et inexpérimenté, avait été mentionné comme le conducteur habituel ;

Attendu en conséquence que la déclaration inexacte effectuée lors de la souscription du contrat d'assurances rend applicable l'article L. 113-9 du Code français des assurances auquel les parties se sont expressément soumises lors de la signature des conditions particulières du contrat (rubrique « Déclarations » alinéa 3) ;

Qu'il s'ensuit que la compagnie Winterthur était fondée à procéder comme elle l'a fait à une réduction des indemnités dues, étant relevé que le calcul auquel elle est parvenue, après application de la règle proportionnelle, dans son courrier du 21 août 1995, n'a pas suscité de critique de la part de É. P. ;

Attendu que cette demanderesse doit donc être déboutée de ses prétentions ; qu'elle ne saurait toutefois être condamnée au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive dès lors qu'elle a pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de ses droits, compte tenu de l'option « prêt de volant » souscrite ;

Et attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute É. P. de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la compagnie d'assurances dénommée Winterthur ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti, Pastor, av. déf. ; Boisbouvier, Rey, av.

Note

Ce jugement déclare recevable l'appel formé contre un jugement du juge de paix rendu le 21 février 1996, dans une instance inhérente à un contredit sur injonction de payer, qualifié « en dernier ressort » et le confirme.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26559
Date de la décision : 16/10/1997

Analyses

Contrats d'assurance


Parties
Demandeurs : P.
Défendeurs : Compagnie d'assurances Winterthur

Références :

article 231 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1997-10-16;26559 ?

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