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28/03/1996 | MONACO | N°26441

Monaco | Tribunal de première instance, 28 mars 1996, J. c/ Société des Bains de Mer et du Cercle des étrangers et État de Monaco


Abstract

Responsabilité civile

Responsabilité du fait des choses - Chute dans un escalier - Défaut de fermeture de l'accès et d'éclairage - Absence de fait de la victime

Résumé

La société propriétaire des lieux où l'accident s'est produit, chargée tant de leur entretien et fonctionnement que de la sécurité des personnes appelées à s'y déplacer librement, a commis une faute en n'assurant pas une fermeture correcte, ni un éclairage efficace de l'escalier des jardins du Casino, double négligence ayant incontestablement provoqué la chute fatale de la

victime, qui ne connaissait pas les lieux et n'a, pour sa part, commis aucune faute, en l'...

Abstract

Responsabilité civile

Responsabilité du fait des choses - Chute dans un escalier - Défaut de fermeture de l'accès et d'éclairage - Absence de fait de la victime

Résumé

La société propriétaire des lieux où l'accident s'est produit, chargée tant de leur entretien et fonctionnement que de la sécurité des personnes appelées à s'y déplacer librement, a commis une faute en n'assurant pas une fermeture correcte, ni un éclairage efficace de l'escalier des jardins du Casino, double négligence ayant incontestablement provoqué la chute fatale de la victime, qui ne connaissait pas les lieux et n'a, pour sa part, commis aucune faute, en l'état des circonstances de la cause.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Les époux J., de nationalité anglaise, mais résidents australiens, ayant décidé de passer l'été 1991 en Europe, s'installèrent à cette fin dès le mois de mai en Angleterre (à Scarborough), d'où ils partirent en août avec le Tour Opérateur « Trafalgar Coach Tours » pour un voyage de 26 jours ; alors qu'ils se trouvaient le 14 août 1991 en Principauté de Monaco, les époux J. accompagnés de deux autres touristes du groupe, les sieurs P. et M., sortirent du Casino aux environs de 21 heures 30 et se mirent en quête d'une boîte aux lettres pour poster quelques cartes postales ;

Après s'être renseignés auprès d'un agent de police en service à l'intérieur du poste situé dans les jardins du Casino, le petit groupe précédé par J. J. emprunta à tort le passage menant à l'arrière du poste de police, dans une zone assez sombre, où J. J. fit une chute fatale du haut d'un escalier permettant d'accéder à des toilettes, J. J. fut aussitôt transporté au Centre Hospitalier Princesse Grace où il décéda le 15 août 1991 à 10 heures 45 des suites d'un traumatisme crânien ;

C'est à la suite de telles circonstances, que l'épouse du défunt, M. J., a suivant exploit du 6 janvier 1994, fait assigner la Société des Bains de Mer et l'État de Monaco ;

Elle demande qu'il plaise au Tribunal :

« - Dire et juger qu'il appartenait à la Principauté de Monaco et à la Société des Bains de Mer de veiller à la sécurité des bâtiments et de la voie publique où Monsieur J. a été victime de son accident,

* Dire et juger que la panne d'éclairage, le défaut de fermeture de la grille et l'ouverture de cette grille vers la pente de l'escalier constituent une triple faute commune à la Principauté de Monaco et à la Société des Bains de Mer,

* Déclarer la Principauté de Monaco et la Société des Bains de Mer responsables in solidum, du fait de ces fautes, du décès de Monsieur J.,

et, en conséquence,

Condamner in solidum la Principauté de Monaco et la Société des Bains de Mer à indemniser Madame J. de son entier préjudice, soit :

* Le remboursement de la contre valeur en francs français au cours du jour du jugement des frais exposés tels qu'énumérés dans la présente assignation,

* Le paiement d'une somme de 800 000 francs en réparation de la perte du soutien financier que lui assurait son mari,

* Le paiement d'une somme de 200 000 francs au titre de son préjudice moral,

Les condamner in solidum au paiement de la somme forfaitaire de 50 000 francs au titre des frais irrépétibles que Madame J. a dû exposer et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge » ;

Au soutien de sa demande, M. J. fait pour l'essentiel valoir que son époux était en bonne santé et n'avait pas consommé d'alcool avant sa chute, laquelle fut selon elle la conséquence tant de l'ouverture de la grille d'accès à l'escalier des toilettes, que de l'absence d'éclairage dudit escalier ; elle observe encore que la hauteur de l'escalier, comprenant dix-sept marches, comme son caractère abrupt auraient dû justifier un système de protection efficace, avec un portail fermant à double tour et ouvert vers l'extérieur et non vers la pente ; qu'elle estime dès lors engagée solidairement la responsabilité de l'État de Monaco et de la Société des Bains de Mer propriétaire du bâtiment où son époux a trouvé la mort ;

Elle demande d'une part, le remboursement des dépenses exposées du fait du décès brutal de son époux dans un pays étranger, à savoir :

frais d'hospitalisation à Monaco............................... 2 823,00 FF

frais d'obsèques en France (cercueil, embaumement, démarches) ............................................................. 2 149,78 £

frais de transport du corps de Nice à Heathrow........ 611,53 £

frais de voyage de Madame J. de Nice à Scarborough avion................................................. 250,00 £

Taxi Heathrow-Scarborough......................................150,00 £

frais d'obsèques en Grande-Bretagne (Transport du corps de Heathrow à Scarborough, achat de l'urne, crémation).................................................. 1 026,00 £

frais d'obsèques en Australie (inhumation des cendres, place dans la crypte, plaque)......................... 760,00 $ australiens

frais de voyage du fils de Monsieur et Madame J. d'Australie en Grande-Bretagne................ 2 199,00 $ australiens

frais de voyage de la nièce de Madame J. de Grande-Bretagne à Nice et frais d'hôtel................ 450,00 £

frais de Madame J. à Monaco (taxi, téléphone, frais d'hôtel de Madame J. et de sa nièce à Monaco)................................................................. 2 998,20 FF

M. J. demande, d'autre part, la réparation de la perte du soutien financier que lui apportait son mari ; à cet égard, elle précise avoir perdu le bénéfice des revenus de son mari retraité du Sidney Water Board et de la Merchant Navy Pension, et qui subvenait de son vivant à tous ses besoins ; compte tenu des seules aides et pensions de veuve qu'elle perçoit actuellement, M. J. se référant aux tables de mortalité publiées par l'INSEE pour l'année 1989-1991 chiffrant l'espérance de vie de son époux à 14,87 ans, évalue à 800 000 francs le dommage subi au titre de la perte du soutien financier, à 200 000 francs la réparation due au titre de sa détresse morale et chiffre à 50 000 francs le montant forfaitaire de ses frais irrépétibles ;

La Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers estime, pour sa part, fautif le comportement de J. J., en ce que celui-ci a cru devoir procéder à l'ouverture du portail conduisant aux toilettes, alors selon elle que la panne d'éclairage dans cette partie des jardins de la Petite Afrique n'aurait joué aucun rôle causal dans l'accident litigieux, dès lors que le quartier des Spélugues disposait d'un éclairage très dense ; qu'en ce qui concerne les demandes d'indemnisation, la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers observe que certains frais ont été inconsidérément engagés, notamment pour ce qui est des transports divers du corps puis des cendres du défunt, et enfin des membres de la famille venus d'Australie ; que la perte de soutien financier ne lui apparaît pas étayée par des pièces suffisantes, la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers offrant seulement, une réparation de principe pour le préjudice moral ;

La Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers demande au Tribunal de :

« - Dire et juger le sieur J. J. exclusivement responsable de l'accident mortel dont il a été victime le 14 août 1991 ;

* Débouter en conséquence Madame M. J. de ses demandes tendant à la faire déclarer responsable in solidum avec l'État de Monaco de l'accident mortel dont son époux a été victime ;

* Subsidiairement, au cas où par impossible elle serait déclarée responsable de l'accident litigieux ;

* Débouter Madame M. J. de sa demande en paiement de la somme de 800 000,00 francs et de sa demande en paiement de la somme de 50 000,00 francs au titre des frais irrépétibles ;

* Et lui voir donner acte de son offre de régler à la demanderesse la somme de 70 000 francs au titre du préjudice moral » ;

L'État de Monaco fait, pour sa part, valoir que les lieux où J. J. a trouvé la mort appartiennent exclusivement à la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers, ainsi que cela s'évince tant des procès-verbaux de police que des plans produits aux débats ; que le préposé en poste dans les locaux dont s'agit appartient également à cette société qui assure également l'éclairage des lieux ;

L'État estime avoir en revanche parfaitement rempli sa mission de gardien de l'ordre public, et ce, dans la mesure où les services de la Sécurité Publique ont été rapides et diligents et n'encourent aucun reproche ; l'État entend en conséquence être mis hors de cause, faute pour M. J. d'avoir établi le lien de droit lui permettant d'engager sa responsabilité solidaire, avec celle de la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers ; il conclut donc à l'irrecevabilité de la demande dirigée à son encontre ;

M. J. s'en remet, quant à elle, à la décision du Tribunal, s'agissant de la demande de mise hors de cause de l'État de Monaco, et se réfère, pour le surplus, aux termes de son assignation, tout en précisant que les battants du portail d'accès à l'escalier étaient ouverts et non fermés et qu'elle ne saurait en outre se voir reprocher d'avoir fait procéder à la crémation de son mari en Grande-Bretagne, en sa ville natale où résident encore sa sœur et ses quatre frères ;

Sur ce,

1° - Sur la responsabilité

Attendu qu'il résulte d'un dossier d'enquête de la Sûreté Publique, régulièrement versé aux débats et auquel les parties ont entendu se référer à titre d'élément de preuve, que le mercredi 14 août 1991, vers 22 heures, J. J., touriste de passage dans la Principauté, a chuté dans les escaliers desservant les toilettes publiques situées dans les Jardins dits de la « Petite Afrique », derrière le poste de police de la Place du Casino ; qu'il était découvert par les services de police, allongé sur le dos, au bas des marches, la tête baignant dans une mare de sang ; qu'il devait décéder au Centre Hospitalier Princesse Grace à 0 heure 45 des suites d'un traumatisme crânien ; que des divers témoignages recueillis, il ressort que J. J., à la recherche d'une boîte aux lettres pour poster des cartes postales, avait mal compris les indications données par l'agent en service à l'intérieur du poste de police et en était sorti pour se diriger sur la droite puis à l'arrière du bâtiment, alors que la boîte postale était en fait située sur le trottoir ; que c'est à l'occasion de ce détour que J. J. devait perdre l'équilibre et chuter dans des escaliers hauts de dix-sept marches, d'ordinaire pourtant bien éclairés et habituellement fermés par un portail situé à leur sommet ; qu'au cours de sa chute, sa tête heurtait le sol, provoquant une fracture de la calotte crânienne ;

Attendu que M. J., épouse du défunt, fonde sa demande sur les fautes qu'auraient commises tant la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers que l'État de Monaco en ne veillant pas suffisamment à la sécurité des bâtiments et de la voie publique, étant par elle précisé qu'une triple négligence aurait été à l'origine du dommage ; qu'à cet égard, la demanderesse invoque tant le mode de fermeture dangereux de la barrière d'accès à l'escalier, à savoir son ouverture vers la pente, que l'absence de verrouillage de ce portail le soir des faits et la panne d'éclairage ayant affecté les réverbères des jardins de la « Petite Afrique » ;

Attendu que, force est tout d'abord de constater que les lieux où J. J. a trouvé la mort appartiennent non au domaine public ou privé de l'État, mais exclusivement à la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers, ainsi qu'en témoignent les procès-verbaux de police et le plan « Casino et abords » versé à la procédure ; qu'aucune faute de conception, voire de surveillance, ne saurait dès lors être imputée à l'État de Monaco qui ne dispose d'aucun pouvoir de direction ou d'administration sur les propriétés privées ; que, de même, l'absence d'électricité qui aurait, au vu des témoignages des fonctionnaires de police et du préposé de la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers (T.) affecté depuis déjà quelques jours ce secteur des jardins du Casino, n'incombe nullement à l'État, et ce, dès lors qu'il est constant et nullement contesté que l'éclairage des lieux est également assuré par la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers, et ce, tant dans les jardins de la « Petite Afrique », que sur tout le domaine des abords du Casino ;

Attendu, que les pièces produites, et notamment les attestations des témoins présents, permettent par ailleurs de dire que les services de la Sécurité Publique ont rempli leurs fonctions avec zèle et rapidité, et que l'État ne peut se voir de ce chef reprocher d'avoir failli à sa mission de gardien de l'ordre public et de la sécurité des personnes ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de débouter M. J. des fins de ses demandes, en ce qu'elles sont dirigées contre l'État de Monaco, lequel doit être mis hors de cause ;

Attendu qu'en ce qui concerne la responsabilité de la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers engagée sur le même fondement de l'article 1229 du Code civil, qu'il s'évince des déclarations du préposé T., que celui-ci indique - conformément aux instructions reçues lui enjoignant de verrouiller la porte - avoir donné à 16 heures au moins un tour de clef au portail situé au haut de l'escalier ; que l'inspecteur ayant procédé aux investigations d'usage observe néanmoins que si le pêne de la serrure était bien en position de fermeture, la tige métallique - qui devait être insérée dans le point d'ancrage au sol - se trouvait relevée en sorte que le portail à deux vantaux a pu s'ouvrir sur une simple pression ; qu'il est à cet égard indifférent de savoir si c'est un passant entre 16 heures et 22 heures, ou J. J. à 22 heures, qui a procédé à cette ouverture, laquelle n'aurait pu être opérée si le verrouillage avait été effectué à double tour au niveau de la serrure et complété par l'ancrage au sol de la tige de fermeture ;

Qu'outre cette première négligence, aggravée par le mode d'ouverture des deux vantaux vers l'intérieur, il est également établi que les fonctionnaires de police ont dû se munir de torches pour procéder à leurs constatations, tant était sombre la zone de l'accident ; qu'à cet égard, le constat dressé le 4 septembre 1991 par Maître M.-Thérèse Escaut-Marquet, démontre la présence de deux hublots lumineux situés dans l'escalier, outre un lampadaire à proximité immédiate de son accès, dont les divers témoignages produits et les constatations de la police permettent d'affirmer qu'ils ne fonctionnaient pas le soir du 14 août 1991 ;

Attendu que les faits constants de la cause démontrent en définitive que la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers, propriétaire des lieux où l'accident s'est produit, et chargée tant de leur entretien et fonctionnement que de la sécurité des personnes appelées à s'y déplacer librement, a commis une faute en n'assurant pas une fermeture correcte ni un éclairage efficace de l'escalier des jardins du Casino, double négligence ayant incontestablement provoqué la chute fatale de J. J. qui ne connaissait pas les lieux et n'a, pour sa part, commis aucune faute en l'état de l'analyse qui précède ;

Attendu que la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers doit en conséquence être déclarée entièrement responsable du décès de J. J., et condamnée à indemniser l'entier préjudice qui en est résulté pour son épouse M. J. ;

2° - Sur le préjudice

Attendu quant au remboursement des frais exposés par l'épouse, consistant pour l'essentiel en des dépenses relatives à l'hospitalisation de J. J., les frais d'obsèques, de transport et d'incinération du corps et de voyage des membres de la famille, qu'il est fait grief à l'épouse d'avoir engagé inconsidérément certaines dépenses dont la réalité, ni le montant ne sont au demeurant contestés ;

Attendu cependant que M. J. ne saurait se voir reprocher d'avoir choisi de faire incinérer son défunt mari en Angleterre, dès lors que sa famille y vivait encore et que le transport direct du corps en Australie aurait privé ses quatre frères et sa sœur d'assister aux obsèques ; qu'en outre, le voyage du fils du défunt d'Australie en Grande-Bretagne pour soutenir sa mère lors de la crémation n'apparaît pas davantage extravagant, tout comme sont justifiées les autres demandes de remboursement, en l'état des pièces versées aux débats ;

Qu'il y a donc lieu de condamner la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à payer à M. J. les sommes suivantes :

* 2 823 francs français au titre des frais d'hospitalisation à Monaco,

* 2 998 francs au titre des frais de séjour de M. J. à Monaco, outre l'équivalent en francs français des sommes ci-après :

* 2 149,78 £ au titre des frais d'obsèques en France (cercueil, embaumement, démarches),

* 611,53 £ au titre des frais de transport du corps de Nice à Heathrow,

* 400,00 £ pour les frais de voyage de M. J. de Nice à Scarborough avion outre le taxi Heathrow-Scarborough,

* 1 026 £ pour les frais d'obsèques en Grande-Bretagne (transport du corps de Heathrow à Scarborough, achat de l'urne, crémation),

* 760,00 $ australiens au titre des frais d'obsèques en Australie (inhumation des cendres, place dans la crypte, plaque),

* 2 199 $ australiens au titre des frais de voyage du fils de Monsieur et Madame J. d'Australie en Grande-Bretagne,

* 450 £ pour les frais de voyage de la nièce de M. J. de Grande-Bretagne à Nice et frais d'hôtel.

Attendu que M. J. sollicite par ailleurs une indemnité de 800 000,00 francs au titre de la perte de soutien financier que lui apportait son époux de son vivant ; qu'il résulte à cet égard des pièces produites que J. J. retraité du Sidney Water Board et de la Merchant Navy Widows Pension Uk touchait depuis 1986 et jusqu'au mois d'août 1991 des pensions dont la moyenne annuelle s'élevait approximativement à 41 000 $ australiens ; que, s'il apparaît indéniable, et non au demeurant contesté par la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers, que M. J. ne dispose pas des mêmes ressources depuis la mort de son époux, il doit néanmoins être observé que cette partie n'établit pas la perte de revenus effective qu'elle aurait subie, par la production de tous justificatifs de ses ressources et charges actuelles par rapport à celles du couple J., du vivant de l'époux ; que néanmoins, compte tenu de la réduction incontestée de son niveau de ressources et des difficultés auxquelles M. J. doit par conséquent faire face pour continuer à mener une vie décente, alors qu'elle n'exerce aucune profession et ne dispose d'aucun revenu propre, le Tribunal estime devoir allouer à M. J. une somme forfaitaire de 350 000 francs au titre du préjudice matériel ;

Attendu qu'en ce qui concerne, en revanche, le préjudice moral subi par M. J., il apparaît indéniable que cette femme âgée de 67 ans, venue passer en Europe un été de détente avec son époux, a dû éprouver une profonde détresse compte tenu des circonstances tragiques ayant entouré le décès de ce dernier ; qu'eu égard tant au caractère brutal et inattendu de l'accident, qu'à l'isolement de M. J. dans un pays étranger loin de sa famille, et à la bonne santé de J. J. âgé seulement de 67 ans, il y a lieu d'allouer à la demanderesse la somme réclamée, soit 200 000 francs en réparation de son préjudice moral ;

Attendu que M. J. sollicite enfin la condamnation de la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers au paiement des frais dits « irrépétibles » qu'elle a dû acquitter pour obtenir les conseils juridiques adéquats et nécessaires à la présente procédure ; que si la loi monégasque ne dispose d'aucun texte spécifique relatif à de tels remboursements, il n'en demeure pas moins que l'engagement de telles dépenses caractérise un dommage matériel directement rattachable à l'accident de J. J. et que la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers devra régler à la demanderesse à titre de dommages-intérêts ; qu'aucune contestation, ni réserve n'ayant été émise quant au montant des sommes réclamées, il y a lieu de tenir pour constante l'évaluation forfaitaire formulée de ce chef par la requérante à hauteur d'une somme globale de 50 000 francs ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers responsable de l'accident mortel dont J. J. a été victime le 14 août 1991 dans les jardins dits « La Petite Afrique » sur la place du Casino, et la dit tenue de réparer toutes les conséquences dommageables qui en sont résultées pour M. J. son épouse ;

Met l'État de Monaco hors de cause ;

Condamne la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers à payer à M. J. les sommes suivantes :

1° - Au titre des frais ci-dessus énoncés :

a) une somme globale arrondie à 55 821 francs français,

b) l'équivalent en francs français calculé au cours en vigueur au jour du présent jugement des sommes totales arrondies à :

* 4 637 £ Sterling

* 2 959 $ Australiens ;

2° - La somme de 350 000 francs au titre de son préjudice matériel ;

3° - La somme de 200 000 francs au titre de son préjudice moral ;

Déboute M. J. du surplus de ses demandes ;

Condamne la Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers aux dépens distraits au profit de Maître Rémy Brugnetti et Maître Evelyne Karczag-Mencarelli, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation chacun en ce qui le concerne ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Brugnetti, Sanita, Escaut, Karczag-Mencarelli av. déf. ; Lepicard av. bar. de Paris.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26441
Date de la décision : 28/03/1996

Analyses

Civil - Général ; Droit des obligations - Responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle


Parties
Demandeurs : J.
Défendeurs : Société des Bains de Mer et du Cercle des étrangers et État de Monaco

Références :

article 1229 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1996-03-28;26441 ?

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