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14/12/1995 | MONACO | N°26406

Monaco | Tribunal de première instance, 14 décembre 1995, Société Mary c/ P.


Abstract

Procédure civile

Exploit d'assignation - Indication d'un domicile erroné - Erreur découverte en cours d'instance - Nullité de l'exploit prononcée après défense au fond

Résumé

L'exception de nullité pour violation d'une formalité substantielle caractérisée par l'indication dans un exploit d'assignation d'un siège de société ne correspondant point à la réalité, se trouve recevable bien que cette nullité d'exploit ait été soulevée après les défenses au fond dès lors que jusqu'à la production d'un acte notarié en cours d'instance, le

défendeur ignorait le véritable domicile de la demanderesse laquelle a continué à indiquer dans to...

Abstract

Procédure civile

Exploit d'assignation - Indication d'un domicile erroné - Erreur découverte en cours d'instance - Nullité de l'exploit prononcée après défense au fond

Résumé

L'exception de nullité pour violation d'une formalité substantielle caractérisée par l'indication dans un exploit d'assignation d'un siège de société ne correspondant point à la réalité, se trouve recevable bien que cette nullité d'exploit ait été soulevée après les défenses au fond dès lors que jusqu'à la production d'un acte notarié en cours d'instance, le défendeur ignorait le véritable domicile de la demanderesse laquelle a continué à indiquer dans toutes ses conclusions une adresse qui ne correspondait pas au siège actuel de la société intéressée.

L'assignation n'étant pas conforme aux dispositions de l'article 136-2° du Code de procédure civile lesquelles doivent être respectées à peine de nullité en vertu de l'article 155 du même code, alors qu'aucune des nullités prévues par ledit code n'est comminatoire, il échet d'en prononcer la nullité.

Motifs

Le Tribunal

Considérant les faits suivants :

Par acte authentique passé par-devant Maître Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, les 11 juillet et 17 décembre 1958, R. V. et M.-T. née D. ont vendu et cédé à la société en nom collectif dénommée Société Mary, dont le siège social est à Monte-Carlo, représentée par son gérant G. B., un immeuble à usage d'hôtel meublé et restaurant situé à Monte-Carlo, ainsi qu'un fonds de commerce d'hôtel restaurant, connu sous le nom de « H. L. », exploité dans l'immeuble sus-désigné, moyennant un prix principal, en bloc et à forfait, de 20 000 000 francs, dont 13 000 000 francs pour l'immeuble et 7 000 000 francs pour le fonds de commerce précité ;

Le 17 octobre 1963, la société en nom collectif dénommée B. et Cie dont la dénomination commerciale est « Mary », ayant pour associés G. B. et I. B., s'est fait radier du répertoire du commerce et de l'industrie pour cessation d'activité, l'hôtel étant transformé en appartements ;

Par contrat de bail en date du 31 décembre 1971, enregistré le 4 janvier 1972, I. B., en sa qualité de propriétaire, a donné en location à A. O., pour une durée de 3 ans à compter du 1er janvier 1972, un logement, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble L. L., se composant de 4 pièces, cuisine et salle-de-bains, moyennant un loyer mensuel de 6 600 francs ;

Ledit contrat de bail mentionne qu'O. pourra exploiter dans ledit local tout commerce, à l'exception de vente de produits alimentaires, de vente de vins et spiritueux, de l'installation d'une école ou de cabinets médicaux ;

Le 5 octobre 1984, S. B. épouse de F. Z., G. B., A. B., M. T., veuve d'I. B., associés de la société « B. et Cie », dont le siège social est à Monte-Carlo, se sont réunis par-devant Maître Jean-Charles Rey, notaire, pour procéder à la cession de droits sociaux et transformer la société B. et Cie, compte tenu de la cessation de toute activité commerciale en une société civile immobilière monégasque dénommée SCI Mary, avec pour associés G. B., S. Z., M. B. et ayant pour objet « la propriété d'un immeuble à usage d'appartements, bureaux et locaux commerciaux sis à Monte Carlo, son administration et sa gestion par bail, location ou autrement » dont le siège social est fixé à Monte Carlo ;

Le 23 novembre 1984, par acte authentique passé par-devant Maître Crovetto, notaire, A. O., commerçant, a vendu à G. P., ébéniste, le fonds de commerce de « confection et vente d'encadrements, vente et achat de gravures graphiques, reproductions, tableaux, vente d'objets de décoration » qu'il exploitait sous la dénomination de « G. M. », dans les locaux précités sis au rez-de-chaussée de l'immeuble dénommé L. L., à Monte Carlo ;

Dans l'acte de vente authentique du 23 novembre 1984, enregistré, il est précisé qu'O. obtiendra des quittances de loyer, établies par la société anonyme monégasque dénommée Comptoir commercial de recouvrements et de gérances, agissant pour le compte de la société Mary, en sa qualité de propriétaire des locaux ;

Par lettre recommandée en date du 12 juin 1992, la société Comptoir commercial de recouvrements et de gérances, en abrégé CCRG, a informé G. P. que son bail vient à échéance le 31 décembre 1992 et que le contrat de bail ne sera pas renouvelé et l'invite à libérer les lieux et à restituer les clés ;

Suivant exploit susvisé, en date du 28 avril 1993, la société Mary a fait assigner G. P. aux fins de voir :

* constater que le bail dont a bénéficié P. est résilié depuis le 1er janvier 1993 ;

* ordonner l'expulsion, sans délai, des lieux de P., ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

* fixer l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 6 000 francs payable par P. le dernier jour de chaque mois, et ce, à compter du 1er janvier 1993 ;

* mettre à la charge de P. la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

* ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

La société Mary indique qu'elle vient aux droits d'I.-B. ;

G. P. fait valoir :

* que la société civile immobilière dénommée Mary ne justifie pas être propriétaire du local litigieux et par conséquent, de sa qualité pour agir en sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable en son action ;

* que le congé est nul et de nul effet car il n'y est pas mentionné que la société CCRG agit en qualité de mandataire de la société Mary, et aucune précision n'est donnée sur le bail et sur les locaux dont s'agit ;

* que l'immeuble L. L. a été construit avant 1949, que les locaux sont utilisés en vue de l'habitation personnelle et de l'exercice d'une profession en sorte qu'ils relèvent de l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 et le seul congé possible aurait été un congé aux fins de reprise ;

G. P. demande, ainsi, au tribunal, de déclarer la société Mary irrecevable en son action, subsidiairement de déclarer le congé en date du 12 juin 1992 nul et de nul effet, et sur le fond, de dire que le bail a une nature civile et commerciale, qu'il bénéficie du droit au maintien dans les lieux conformément à l'ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959 et de débouter, en conséquence, la société Mary de ses demandes et de la condamner à une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive ;

Par conclusions en réponse du 11 novembre 1993, la société Mary affirme :

* qu'elle n'a nullement à justifier de sa qualité de propriétaire et que seul le mandant pourrait se plaindre du défaut de qualité du mandataire et nullement l'occupant des lieux ;

* que le congé est régulier et a été donné avec plus de six mois de préavis et que peu importe que ledit congé ne donne pas de précisions concernant le bail et les locaux visés dès lors que P. n'est occupant que d'un seul local ;

* que P. ne saurait bénéficier de la protection de l'ordonnance-loi n° 669, dès lors qu'il ne saurait être question de considérer une quelconque mixité du contrat de bail étant observé qu'O. a toujours exercé une activité commerciale dans les locaux et n'a pas cédé à P. un droit au bail civil ou commercial, mais un fonds de commerce ;

Par conclusions en réponse du 13 janvier 1994, P. reprend les moyens évoqués ci-dessus et insiste sur le fait que lorsque le congé est donné par un mandataire, il doit l'être « es qualité » et non en qualité de propriétaire et quand bien-même cette qualité de mandataire aurait été précisée, le mandataire doit justifier d'un mandat spécial de délivrer congé ;

Par conclusions du 17 mai 1994, la société Mary maintient que le bail est soumis aux dispositions du Code civil et se réfère à la lettre de l'Administrateur des domaines du 20 avril 1994 ;

Par conclusions du 20 octobre 1994, P. fait remarquer que la société Mary ne rapporte pas la preuve que les locaux litigieux sont sortis du champ d'application de l'ordonnance-loi n° 669 pour une des causes prévues par la loi n° 887 du 25 juin 1970 et 1.118 du 18 juillet 1988, et ce, afin de combattre la présomption légale établie par l'article 55 de l'ordonnance-loi n° 669 ;

P. soutient que les locaux donnés en location servent à la fois de locaux commerciaux pour l'exploitation du commerce de restauration de meubles anciens et de logement pour lui et sa famille ;

Le 26 janvier 1995, le Tribunal a ordonné la remise au rôle de l'affaire pour conclusions des parties sur l'existence de la société au moment de l'assignation et l'éventuel maintien de sa personnalité morale pour les besoins de sa liquidation ce, au regard de l'extrait du répertoire du commerce du 22 décembre 1994, attestant de la radiation de la société dudit répertoire, opérée à la date du 17 octobre 1963 ;

Par conclusions du 6 avril 1995, la société Mary précise au Tribunal, qu'elle résulte de la transformation de la société en nom collectif dénommée B. et Cie, suivant acte de Maître Rey, du 5 octobre 1984, causée par le fait de la cessation de toute activité commerciale en sorte qu'il n'y a pas eu hiatus dans la vie de la personne morale ;

P., par conclusions du 18 mai 1995, fait valoir :

* que l'extinction de l'objet social emporte dissolution de la société de plein droit ;

* que la société issue de l'acte du 5 octobre 1984 apparaît donc comme une société nouvelle qui doit justifier de ce qu'elle est propriétaire des locaux litigieux ;

* que le siège social de la société Mary, tel que précisé dans l'assignation du 28 avril 1993 est ..., alors que, selon attestation notariée du 20 mars 1995, il se trouve ..., en sorte que l'exploit du 28 avril 1993 est nul ;

* que cette exception devra être considérée comme soulevée in limine litis, puisque l'information qui permet de constater l'irrégularité n'a été portée à sa connaissance que le 6 avril 1995 ;

En conséquence, P., tout en reprenant ses précédentes écritures, demande au Tribunal, de déclarer nul l'exploit d'assignation du 28 avril 1993 et, subsidiairement, de dire que la société en nom collectif dénommée B. et Cie s'est trouvée dissoute par extinction de l'objet social en 1963 et que la société issue du contrat notarié du 5 octobre 1984 est une personne morale distincte de la société B. et Cie qui doit justifier de sa qualité de propriétaire des locaux loués ;

P., dans ses dernières écritures, fait remarquer que la société Mary, pour combattre la présomption de disparition résultant de sa radiation du répertoire du commerce doit démontrer que sa personnalité morale a survécu après plus de 20 ans de totale inactivité ;

Sur ce,

Attendu qu'aux termes de l'article 136 alinéa 2 du Code de procédure civile, tout exploit contiendra le nom, prénom, profession, domicile de la partie requérante ou, du moins, une désignation précise ;

Attendu que l'exploit du 28 avril 1993 mentionne « la société Mary dont le siège est sis en Principauté de Monaco » ;

Attendu que l'exploit indique une adresse qui correspondait à celle de la société en nom collectif dénommée B. et Cie ayant pour dénomination commerciale « Mary », qui s'était fait radier du registre du répertoire du commerce et de l'industrie le 17 octobre 1963 ;

Attendu qu'il convient de souligner que l'adresse qui est mentionnée sur l'exploit susvisé a été reprise par la société Mary dans les conclusions du 11 novembre 1993, du 17 mai 1994 et du 6 avril 1995, autrement dit dans toutes les conclusions par elle déposées dans le cadre du présent litige ;

Attendu, cependant, qu'il ressort de l'acte notarié du 5 octobre 1984 que la société Mary est en fait une société civile immobilière monégasque dénommée « SCI Mary » et dont le siège social est ... à Monte Carlo ;

Attendu qu'il ne saurait donc être contesté que le domicile indiqué par la demanderesse est erroné et que le défendeur est en droit de connaître la véritable adresse de la société Mary ;

Attendu que G. P. n'a eu connaissance de l'adresse de la société Mary que lorsque, consécutivement, à la remise au rôle de l'affaire, la demanderesse a versé aux débats l'acte notarié de Maître Rey du 5 octobre 1984, afin de justifier de sa qualité de propriétaire et de la survie de la personnalité morale de la société Mary ;

Attendu que G. P. a, dès qu'il y a eu connaissance de l'adresse de la société Mary, soulevé l'exception de nullité de l'exploit introductif d'instance ;

Attendu que cette exception de nullité pour violation d'une formalité substantielle, est recevable, bien que cette nullité d'exploit ait été soulevée après les défenses au fond dès lors que jusqu'à la production par la demanderesse de l'acte notarié de Maître Rey du 5 octobre 1984, G. P. ignorait le véritable domicile de la demanderesse qui a continué à indiquer dans toutes ses conclusions une adresse qui ne correspond pas au siège actuel de la société Mary ;

Attendu qu'il convient donc de constater que la société Mary a elle-même entretenu la confusion sur son domicile réel ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de dire que les dispositions de l'article 264 du Code de procédure civile, au demeurant non invoquées par la demanderesse, ne peuvent recevoir application en l'espèce ;

Qu'il en résulte, par conséquent, que l'assignation susvisée n'est pas conforme aux dispositions de l'article 136-2° du Code de procédure civile, lesquelles doivent être respectées à peine de nullité, ainsi qu'en dispose l'article 155 du même code ;

Qu'à cet égard, l'article 966 du Code de procédure civile édicte notamment qu'aucune des nullités prévues par ledit code n'est comminatoire ;

Qu'il échet, donc, de prononcer la nullité de l'assignation du 28 avril 1993 ;

Attendu que le Tribunal n'ayant pas été amené à examiner le fond de l'affaire, ne peut estimer qu'il s'agit d'une procédure abusive ;

Que, par conséquent, il convient de débouter G. P. de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu, enfin, que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Prononce la nullité de l'assignation du 28 avril 1993 enregistrée sous le numéro 861 du rôle de 1993 ;

Déboute G. P. de sa demande en dommages-intérêts ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Brugnetti et Pastor av. déf. ; Gorra av. bar. de Nice, Licari av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26406
Date de la décision : 14/12/1995

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : Société Mary
Défendeurs : P.

Références :

article 136-2° du Code de procédure civile
Code civil
article 136 alinéa 2 du Code de procédure civile
ordonnance-loi n° 669 du 17 septembre 1959
article 966 du Code de procédure civile
article 264 du Code de procédure civile
loi n° 887 du 25 juin 1970


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1995-12-14;26406 ?

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