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11/05/1995 | MONACO | N°26378

Monaco | Tribunal de première instance, 11 mai 1995, B. c/ B. et M.


Abstract

Procédure civile

Demande reconventionnelle - Irrecevabilité : conditions non remplies (C. pr. civ., art. 382) prononcée d'office - Identité de cause (non) - Défense à demande principale (non) - Compensation judiciaire (non)

Résumé

Il est de règle, en application de l'article 382 du Code de procédure civile de n'admettre, incidemment à une instance, les demandes reconventionnelles que si celles-ci procèdent de la même cause que la demande principale, ou bien forment une défense contre cette demande, ou bien encore tendent à obtenir le bénéfi

ce de la compensation judiciaire.

En l'espèce, ladite demande qui apparaît fondée sur u...

Abstract

Procédure civile

Demande reconventionnelle - Irrecevabilité : conditions non remplies (C. pr. civ., art. 382) prononcée d'office - Identité de cause (non) - Défense à demande principale (non) - Compensation judiciaire (non)

Résumé

Il est de règle, en application de l'article 382 du Code de procédure civile de n'admettre, incidemment à une instance, les demandes reconventionnelles que si celles-ci procèdent de la même cause que la demande principale, ou bien forment une défense contre cette demande, ou bien encore tendent à obtenir le bénéfice de la compensation judiciaire.

En l'espèce, ladite demande qui apparaît fondée sur une clause insérée dans un contrat de bail permettant l'acquisition du bien loué sous réserve de certaines conditions, ne procède pas de la même cause que la demande principale qui tend au paiement de loyers et charges, au demeurant sur la base d'un autre contrat de bail.

Cette demande ne constitue pas davantage une défense à la demande principale, puisqu'on doit entendre par défense l'ensemble des moyens dirigés directement à rencontre de la prétention d'un demandeur pour établir qu'elle est injustifiée, et qu'en l'espèce de tels moyens ne sont pas opposés au soutien de la demande reconventionnelle dont s'agit.

Enfin la dernière condition d'une demande tendant à l'obtention de la compensation judiciaire ne se révèle pas remplie par la demande présentement introduite par les défendeurs telle qu'elle résulte de leurs conclusions sur la réalisation de la vente.

Il s'ensuit, en définitive, que la demande reconventionnelle, ci-dessus spécifiée, doit être déclarée irrecevable.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, suivant l'exploit susvisé, I. B. a tait assigner R. M. B. et F. M. aux fins d'obtenir leur expulsion d'un appartement qu'elle leur a loué, ce, dans le mois de la signification du jugement et sous astreinte de 500 francs par jour de retard ; qu'elle demande en outre leur condamnation solidaire au paiement d'une somme de 149 892,36 francs - avec intérêts au taux légal à compter des dates d'exigibilité des termes de loyer - représentant un arriéré de loyers et charges impayé pour la période du 28 juin 1992 au 27 janvier 1994, sous réserve des loyers impayés pour la période antérieure au 28 juin 1992 et des indemnités d'occupation dues à compter du 27 janvier 1994 ;

Attendu qu'elle expose au soutien de ses prétentions, que R. M. B. et F. M. sont cotitulaires d'un bail à loyer n° 34-721 en date du 28 mars 1988, enregistré à Monaco le 25 octobre 1988, consenti par S. B., décédé le 19 août 1992 et aux droits duquel elle vient en sa qualité d'unique héritière ; que ce bail, concernant un appartement situé au 1er étage de l'immeuble « S. P. », à Monaco, a été conclu pour une durée de 3 ans renouvelable, moyennant un loyer annuel de 92 628 francs plus charges ;

Qu'elle reproche aux défendeurs de ne plus s'être acquittés à compter du 4 septembre 1992 de leur obligation de payer les loyers et charges dus en vertu du contrat de bail, malgré un commandement de payer du 27 décembre 1993, et précise qu'en vertu de l'article 8 dudit contrat la résiliation de celui-ci aurait été acquise, de plein droit, un mois après le commandement susvisé ;

Attendu que les défendeurs, pour leur part, font valoir que S. B. leur avait donné la possibilité d'acquérir l'appartement dont ils étaient locataires pour le prix de 360 000 000 lires, déduction faite des loyers déjà réglés si la vente était réalisée avant l'expiration du bail, selon acte sous seing privé établi le 22 avril 1988 ; que cependant en raison du décès de S. B. et de leur ignorance du nom des héritiers de ce dernier, ils se seraient trouvés dans l'impossibilité de régulariser ladite vente d'une part, de régler les loyers et charges, d'autre part ;

Qu'ils concluent en conséquence au rejet de l'ensemble des demandes d'I. B., et demandent par ailleurs au Tribunal :

* de renvoyer les parties par-devant Me Crovetto, Notaire, pour procéder à la signature de l'acte de vente concernant l'appartement dont s'agit pour le prix de 360 000 000 lires, déduction faite des loyers déjà payés lors de la demande,

* de dire que faute de comparution d'I. B. devant le Notaire, le jugement à intervenir vaudra acte de vente, moyennant paiement de la somme ci-dessus indiquée,

* de leur donner acte de ce qu'ils s'engagent à procéder à la signature de l'acte, comme au règlement du prix et des frais correspondants, des la décision à intervenir ;

Attendu qu'en réponse, I. B. - renonçant à son exception de communication de pièces soulevée dans ses conclusions du 19 mai 1994 dès lors que les pièces sollicitées lui ont été communiquées le 1er juin 1994 - expose que les défendeurs entendent tirer des droits en leur faveur sur la base d'un contrat de bail apparaissant avoir été modifié par l'apposition d'un paragraphe et d'une date supplémentaires qui ne figuraient pas sur le document d'origine et dont ils ne communiquent qu'une photocopie, en sorte qu'il existerait à leur encontre une présomption de fraude et de faux ;

Attendu que la demanderesse, précise en outre que le seul bail à loyer valablement signé entre les parties reste celui du 28 mars 1988 en l'état de la mention manuscrite du 18 août 1988 (postérieure à l'acte invoqué par les défendeurs) apposée par F. M. qui aurait ainsi manifesté son intention de s'en tenir au premier contrat, et de ce que ledit bail avait été enregistré le 25 octobre 1988 ;

Qu'elle demande en définitive au Tribunal :

* d'ordonner la production aux débats de l'original du contrat communiqué par la partie adverse, sous l'identification pièce n° 5 de la communication en date du 1er juin 1994, et en tant que de besoin, dire que la pièce sera déposée entre les mains du Greffier en Chef,

* et de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de solliciter une vérification d'écritures, conformément aux dispositions des articles 279 et suivants du Code de procédure civile, voire de prétendre à l'existence d'un faux civil, conformément aux dispositions des articles 290 et suivants ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, reprenant le bénéfice de son exploit introductif d'instance du 10 février 1994, elle conclut au rejet des prétentions des défendeurs, de même qu'elle invoque un cas de rescision pour lésion, conformément aux dispositions de l'article 1516 du Code Civil, qui entraînerait la nullité de la clause du contrat de bail invoquée par les défendeurs, en l'état de l'infériorité aux 5/12è de la valeur du bien immobilier, du prix de vente dont ils se prévalent ;

Attendu que dans d'ultimes écrits judiciaires, R. M. B. et F. M., réitérant leurs précédentes écritures, précisent que les parties, après avoir conclu un bail, en date du 28 mars 1988, moyennant un loyer annuel de 92 628 francs hors charges, ont décidé de conclure, le 1er avril 1988, un bail concernant les mêmes beaux soumis aux mêmes conditions, sauf que le loyer était porté à 95 060 francs charges comprises ; que par la suite ils avaient manifesté leur intention d'acquérir le bien loué, en sorte que la mention litigieuse avait été portée le 22 avril 1988 au titre des conditions particulières du bail, et paraphée par S. B. ;

Que les défendeurs estiment que de tels documents, signés et paraphés par feu S. B. ont date et valeur certaine ; qu'ils relèvent à cet égard que la formalité de l'enregistrement du premier bail avait été faite à la seule initiative de S. B., et que son effet ne concernait que l'opposabilité de l'acte aux tiers et était sans incidence dans les rapports contractuels des parties ;

Que, par ailleurs, ils soutiennent qu'il n'y aurait aucune lésion en l'espèce, puisqu'en vertu des dispositions légales applicables en la matière les parties devraient se placer à la date de la convention qu'elles ont conclue pour évaluer la valeur de l'appartement, et que cette valeur ne pouvait excéder 360 000 000 lires au 22 avril 1988 ;

Sur quoi,

Attendu quant aux faits, que les défendeurs reconnaissent être colocataires d'un appartement qui leur avait été donné à bail par S. B., aujourd'hui décédé, et aux droits duquel intervient I. B. en sa qualité d'unique héritière ; qu'ils précisent à ce titre qu'ils ont toujours régulièrement réglé le montant des loyers contractuellement convenus ;

Qu'ils admettent cependant, ne plus avoir réglé les loyers après le décès de S. B., et ne contestent pas le montant des sommes réclamées par I. B. ;

Attendu, en droit, sur la demande principale en paiement de loyers, que R. M. B. et F. M., tenus de s'acquitter du prix des loyers et charges, n'ont plus satisfait à cette obligation à partir du 4 septembre 1992 ; que malgré commandement de payer en date du 27 décembre 1993, ils n'ont jamais réglé l'arriéré de charges et loyers qui leur était réclamé et qui s'élève aujourd'hui à la somme de 149 892,36 francs ;

Attendu que la créance de la demanderesse apparaissant juste et bien vérifiée à concurrence dudit montant, il convient donc de condamner solidairement les défendeurs au paiement de ce montant, avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1993, date du commandement de payer, sur la somme de 142 173,36 francs, et à compter du 10 février 1994, jour de l'assignation, sur celle de 7 719 francs ;

Attendu, par ailleurs, que le non-paiement des loyers par les défendeurs, et ce malgré le commandement de payer à eux délivré, a constitué un manquement aux obligations contractuelles qui, aux termes de l'article 8 du contrat de bail du 28 mars 1988, a entraîné de plein droit la résiliation du bail un mois après ledit commandement ; qu'il convient en conséquence d'ordonner l'expulsion de R. M. B. et de F. M., ainsi que celle de tous occupants de leur chef, des locaux susvisés, ce, dans les 15 jours de la signification du présent jugement, sans qu'il y ait lieu de prononcer l'astreinte sollicitée ;

Attendu quant à la demande reconventionnelle tendant à la réalisation de la vente de l'appartement, qu'il est de règle, en application de l'article 382 du Code de procédure civile de n'admettre, incidemment à une instance, les demandes reconventionnelles que si celles-ci procèdent de la même cause que la demande principale, ou bien forment une défense contre cette demande, ou bien encore tendent à obtenir le bénéfice de la compensation judiciaire ;

Attendu en l'espèce, que ladite demande qui apparaît fondée sur une clause insérée dans un contrat de bail du 1er avril 1988 permettant l'acquisition du bien loué sous réserve de certaines conditions, ne procède pas de la même cause que la demande principale qui tend au paiement de loyers et charges, au demeurant sur la base d'un autre contrat de bail ;

Que pas davantage cette demande ne constitue une défense à la demande principale, puisqu'on doit entendre par défense l'ensemble des moyens dirigés directement à rencontre de la prétention d'un demandeur pour établir qu'elle est injustifiée, et qu'en l'espèce de tels moyens ne sont pas opposés au soutien de la demande reconventionnelle dont s'agit ;

Qu'enfin la dernière condition d'une demande tendant à l'obtention de la compensation judiciaire ne se révèle pas remplie par la demande présentement introduite par les défendeurs telle qu'elle résulte de leurs conclusions sur la réalisation de la vente ;

Qu'il s'ensuit, en définitive, que la demande reconventionnelle ci-dessus spécifiée doit être déclarée irrecevable ;

Qu'il n'y a donc pas lieu en conséquence de faire droit en l'état à la demande de communication de l'original du contrat invoqué par les défendeurs et qu'a formulée I. B. ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Condamne solidairement R. M. B. et F. M. à payer à I. B. la somme de 149 892,36 francs, montant des causes sus-énoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1993 sur la somme de 142 173,36 francs et à compter du 10 février 1994 sur celle de 7 719 francs ;

Constate la résiliation de plein droit du bail signé le 28 mars 1988, et ordonne en conséquence l'expulsion de R. M. B. et de F. M., ainsi que celle de tous occupants de leur chef, des locaux sis à Monaco, dans les 15 jours de la signification du présent jugement ;

Déclare les défendeurs irrecevables en leur demande reconventionnelle ;

Déboute I. B. du surplus de ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato, Blot av. déf. ; Bertolotto av. bar. de Nice

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26378
Date de la décision : 11/05/1995

Analyses

Procédure civile ; Baux


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : B. et M.

Références :

article 382 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 1516 du Code Civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1995-05-11;26378 ?

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