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06/04/1995 | MONACO | N°26371

Monaco | Tribunal de première instance, 6 avril 1995, F. c/ F., SCI Tindim.


Abstract

Succession

Retrait successoral. Conditions (C. civ., art. 710) - Cession de la totalité ou d'une quote-part de la succession (oui) - Cession d'un bien déterminé (non) - Appréciation à la date de l'ouverture de la succession non à celle de la cession

Résumé

Il n'y a lieu à retrait successoral, ainsi que l'édicte l'article 710 du Code civil, que lorsque l'héritier a cédé à titre onéreux à un tiers, « son droit à la succession », c'est-à-dire la totalité ou une quote-part de ses droits indivis sur celle-ci, et non pas sur un bien déterm

iné indépendant.

En effet, l'objet de ce texte étant d'écarter du partage successoral les étra...

Abstract

Succession

Retrait successoral. Conditions (C. civ., art. 710) - Cession de la totalité ou d'une quote-part de la succession (oui) - Cession d'un bien déterminé (non) - Appréciation à la date de l'ouverture de la succession non à celle de la cession

Résumé

Il n'y a lieu à retrait successoral, ainsi que l'édicte l'article 710 du Code civil, que lorsque l'héritier a cédé à titre onéreux à un tiers, « son droit à la succession », c'est-à-dire la totalité ou une quote-part de ses droits indivis sur celle-ci, et non pas sur un bien déterminé indépendant.

En effet, l'objet de ce texte étant d'écarter du partage successoral les étrangers à la famille en leur interdisant de se substituer à un cohéritier dans cette opération, il faut, pour qu'il y ait lieu à retrait successoral, que, par l'abandon général ou partiel de ses droits successifs, le cédant mette en ses lieu et place d'héritier un tiers qui aura ainsi le droit de venir au partage et de s'immiscer dans les affaires de famille du défunt.

Il n'en est pas de même lorsque la cession porte seulement sur les droits indivis appartenant à l'héritier dans un bien déterminé, dès lors que, dans ce cas, l'acquéreur qui n'est qu'un simple ayant cause particulier du cédant, s'avère dépourvu de toute qualité pour concourir au partage de la succession.

Pour apprécier si la cession des droits indivis porte sur l'ensemble ou une quote-part de la succession ou un bien déterminé, il convient de se placer, non à la date de la cession litigieuse, mais à celle de l'ouverture de la succession d'où est née l'indivision, compte devant être tenu, pour cette appréciation, de tous les biens compris dans la masse successorale, quel qu'ait pu être le sort entre l'ouverture de cette succession et la cession des droits indivis en cause.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

V. P. est décédé, ab intestat, le 14 septembre 1927, laissant pour seuls héritiers ses quatre enfants légitimes, M., M., R. et H. P. ;

À son décès, dépendaient de sa succession, notamment trois immeubles situés dans la Principauté de Monaco :

* le premier, anciennement dénommé « Villa T. », dans lequel est exploité un fonds de commerce d'hôtel à l'enseigne « B. » ;

* le second, dénommé « Villa M. » ;

* le troisième, dénommé « Villa M. » ;

Suivant acte authentique dressé le 20 octobre 1959 par Me Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, M. P., veuve F., M. P. veuve R., R. P. et H. P., ont vendu la totalité de l'immeuble « Villa M. » leur appartenant indivisément pour le tout, et divisément chacun pour un quart, et s'en sont partagés le prix dans cette proportion ;

Entre-temps, R. P. décédait le 5 février 1962, laissant pour lui succéder son frère, H. P., ainsi que ses deux sœurs, M. P. veuve F. et M. P. veuve R., chacun pour un tiers ;

M. P. veuve R. décédait le 19 décembre 1973, laissant pour héritière sa fille légitime née d'un premier lit, C. D. épouse G. D. ;

M. P. veuve F. décédait le 9 novembre 1976, laissant pour héritiers ses deux enfants légitimes, Y. F. épouse G. et J. F., chacun pour moitié ;

Y. F. épouse G. et J. F. ont, selon acte sous seing privé en date du 4 mars 1977, déposé par acte du même jour au rang des minutes de Me Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, procédé au partage des biens dépendant de la succession de leur mère, aux termes duquel, la première obtenait les droits indivis appartenant à sa mère dans l'immeuble « Villa M. », soit un tiers, tandis que le second, se voyait attribuer les droits indivis appartenant à sa mère, soit un tiers, dans l'immeuble dans lequel est exploité l'hôtel B. ;

Suivant acte authentique en date du 21 octobre 1977, dressé par Me Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, M. D. épouse G. D., Y. F. épouse G. et H. P., ont vendu la totalité de l'immeuble « Villa M. » leur appartenant indivisément pour le tout et divisément chacun pour un tiers, et s'en sont partagés le prix dans la même proportion ;

Selon acte authentique en date du 10 juin 1983, dressé par Me Jean-Charles Rey, notaire à Monaco, C. D. épouse G. D. a vendu à J. F., les droits indivis lui appartenant dans l'immeuble B., soit un tiers, en sorte qu'après cette cession, ce dernier détenait désormais les deux tiers des droits indivis portant sur ledit immeuble, tandis qu'H. P. détenait le tiers restant ;

H. P. décédait le 10 mars 1985, laissant pour seule héritière sa fille légitime, N. P. épouse F., laquelle, aux termes d'un acte authentique dressé le 18 mars 1992 par Me Paul-Louis Aureglia, a vendu à la société civile immobilière dénommée Tindim, le tiers des droits indivis lui appartenant dans l'immeuble « le B. », moyennant le prix de 13 000 000 francs ;

Suivant exploit en date du 3 décembre 1992, J. F. a fait assigner N. P. épouse F. et la société Tindim, à l'effet de faire constater son droit d'exercer le retrait successoral quant à la vente intervenue entre les défenderesses le 18 mars 1992, ainsi que son offre de rembourser le prix de cette vente ;

Il expose, à cet effet, au soutien de sa demande, que sa qualité de successible l'autorise à se prévaloir des dispositions de l'article 710 du Code civil, à raison de la cession que sa cohéritière a faite à un tiers non successible de sa part indivise dans l'immeuble « Le B. », lequel dépendait de la succession de V. P., leur auteur commun, dès lors qu'une telle cession, portant désormais sur le seul immeuble dépendant de cette succession, aurait concerné l'universalité de l'hérédité immobilière dont s'agit ;

La société Tindim a conclu au rejet de la demande, au motif que les conditions d'application de l'article 710 du Code civil n'étaient pas réunies, en la cause ;

Elle fait valoir, pour l'essentiel, que le retrait successoral ne peut être exercé que si le cessionnaire a acquis la totalité ou une quote-part des droits successifs du cédant, et ce, à l'exclusion de toute cession à titre particulier ;

Que, pour apprécier si la cession incriminée porte ou non sur l'ensemble ou sur une quote-part de la succession, il convient de se placer à la date d'ouverture de ladite succession ;

Que, dès lors qu'en l'espèce la succession de V. P. comprenait, à la date du décès du de cujus, outre l'immeuble présentement concerné par la vente litigieuse, deux autres immeubles également situés à Monaco, nécessairement la cession par N. P. épouse F. de ses droits indivis sur l'immeuble dont s'agit n'avait porté que sur un bien déterminé, ce qui excluait, par là même, la faculté d'exercice de tout retrait successoral ;

N. P. épouse F. a, de son côté, conclu au rejet de la demande, tout en sollicitant, par voie reconventionnelle, l'allocation de la somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive ;

Elle expose, pareillement, pour l'essentiel, qu'il ne saurait y avoir lieu à retrait successoral, dès lors que la vente de ses droits indivis n'avait porté que sur un seul immeuble, alors que l'hérédité immobilière était composée de trois immeubles lors du décès de V. P., auteur commun des parties, en sorte que la cession dont s'agit ne concernait pas l'universalité des immeubles successoraux, ou une quote-part de celle-ci ;

J. F., réitérant sa demande initiale, fait observer en ses dernières conclusions, qu'en tout état de cause le Tribunal devrait faire prévaloir, dans le présent litige, le principe d'équité, faute de quoi la cession litigieuse aboutirait, en définitive, au rachat de tout l'immeuble par la société Tindim, déjà titulaire comme lui de droits indivis sur ce bien ;

Sur ce,

Attendu qu'il n'y a lieu à retrait successoral, ainsi que l'édicte l'article 710 du Code civil, que lorsque l'héritier a cédé à titre onéreux à un tiers, « son droit à la succession », c'est-à-dire la totalité ou une quote-part de ses droits indivis sur celle-ci, et non pas sur un bien déterminé en dépendant ;

Qu'en effet, l'objet de ce texte étant d'écarter du partage successoral les étrangers à la famille en leur interdisant de se substituer à un cohéritier dans cette opération, il faut, pour qu'il y ait lieu à retrait successoral, que, par l'abandon général ou partiel de ses droits successifs, le cédant mette en ses lieu et place d'héritier un tiers qui aura ainsi le droit de venir au partage et de s'immiscer dans les affaires de famille du défunt ;

Qu'il n'en est pas de même lorsque la cession porte seulement sur les droits indivis appartenant à l'héritier dans un bien déterminé, dès lors que, dans ce cas, l'acquéreur qui n'est qu'un simple ayant cause particulier du cédant, s'avère dépourvu de toute qualité pour concourir au partage de la succession ;

Attendu, qu'en l'espèce, pour apprécier si la cession de ses droits indivis par N. P. épouse F. porte sur l'ensemble ou une quote-part de la succession de V. P. ou sur un bien déterminé, il convient de se placer, non à la date de la cession litigieuse, mais à celle de l'ouverture de la succession de ce dernier d'où est née l'indivision, compte devant être tenu, pour cette appréciation, de tous les biens compris dans la masse successorale, quel qu'ait pu être leur sort entre l'ouverture de cette succession et la cession des droits indivis en cause ;

Attendu qu'il résulte, à cet égard, des documents versés aux débats et non contestés par les parties, qu'à la date de son décès, la consistance de la succession de V. P., comprenait notamment trois immeubles distincts situés à Monaco, et que ses héritiers ont successivement procédé à la vente de l'ensemble de leurs droits indivis concernant deux de ces immeubles dont ils se sont partagés le prix ;

Qu'ainsi, une partie de la succession immobilière de V. P., qui était demeurée indivise entre ses héritiers jusqu'en 1959, a fait l'objet, après cette date, de deux partages partiels successifs entre les cohéritiers, en sorte qu'un seul des trois immeubles dépendant de la succession dont s'agit était demeuré indivis entre eux, lorsque est intervenue la vente litigieuse ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'une telle vente, qui ne représente pas la cession de tout ou partie de la part héréditaire de N. P. épouse F., ayant cause universelle de son père H. P., dans la succession de V. P., mais seulement une cession à titre particulier de ses droits indivis dans un bien déterminé de cette succession, ne saurait être soumise à retrait successoral ;

Attendu, par ailleurs, que le Tribunal ne saurait fonder sa décision sur un prétendu principe d'équité, qui aurait pour but de conserver l'immeuble provenant de la succession de V. P. entre les mains de l'un seul des héritiers, J. F. ; qu'en effet, le Tribunal se doit d'apporter une solution au litige qui lui est soumis, conformément aux règles de droit applicables à celui-ci et sans pouvoir s'en écarter sous prétexte d'équité ;

Attendu qu'il échet, en conséquence, de débouter J. F. de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu, d'autre part, que J. F. ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits, il n'y a pas lieu de qualifier sa demande de fautive, en sorte qu'il convient de débouter N. P. épouse F. de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu qu'enfin les dépens suivront la succombance du demandeur ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute J. F. de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute N. P. épouse F. de sa demande reconventionnelle.

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet. prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Karczag-Mencarelli, Léandri, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26371
Date de la décision : 06/04/1995

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : F.
Défendeurs : F., SCI Tindim.

Références :

C. civ., art. 710


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1995-04-06;26371 ?

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