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30/03/1995 | MONACO | N°26365

Monaco | Tribunal de première instance, 30 mars 1995, D. c/ S. et autres


Abstract

Filiation

légitime - Action en désaveu - Loi nationale (italienne) des intéressés applicable - Irrecevabilité = forclusion = délai d'un an dépassé

Résumé

S'agissant d'une action en désaveu de paternité laquelle touche à l'état des personnes, il est de principe d'appliquer la loi nationale commune des intéressés qui sont de nationalité italienne, sous réserve de la preuve du contenu de cette loi et des effets de l'ordre public monégasque.

Aux termes de l'article 244 du Code civil italien, le mari peut désavouer l'enfant dans un dé

lai d'un an à partir du jour de la naissance, s'il se trouvait, comme c'est le cas en l'espèce, au...

Abstract

Filiation

légitime - Action en désaveu - Loi nationale (italienne) des intéressés applicable - Irrecevabilité = forclusion = délai d'un an dépassé

Résumé

S'agissant d'une action en désaveu de paternité laquelle touche à l'état des personnes, il est de principe d'appliquer la loi nationale commune des intéressés qui sont de nationalité italienne, sous réserve de la preuve du contenu de cette loi et des effets de l'ordre public monégasque.

Aux termes de l'article 244 du Code civil italien, le mari peut désavouer l'enfant dans un délai d'un an à partir du jour de la naissance, s'il se trouvait, comme c'est le cas en l'espèce, au lieu et au moment de celle-ci, alors que l'article 221 du Code civil monégasque prévoit dans cette hypothèse un délai de six mois.

Il s'ensuit que l'action en désaveu intentée plus de deux ans après la naissance doit être déclarée d'office irrecevable comme formée hors les délais de la loi, l'indisponibilité par ailleurs d'une telle action s'opposant à ce que les parties puissent faire juger qu'elles sont d'accord sur le fond.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que par l'exploit susvisé du 19 octobre 1994, D., d'une part a fait dénoncer à son ex-épouse S. et à J. en sa qualité de tutrice ad-hoc, l'ordonnance rendue sur sa requête le 12 octobre précédent par le Juge Tutélaire, ayant désigné la tutrice susnommée pour représenter l'enfant mineur D. dans la présente instance en désaveu de paternité, d'autre part a fait assigner ces parties aux fins de désavouer l'enfant de sexe masculin né le 28 août 1992 de son mariage avec S. et demande au Tribunal de dire qu'il n'est pas le père de cet enfant, qu'il n'appartient pas à sa famille et qu'il ne peut porter son nom patronymique, en sollicitant en outre la mention du dispositif du présent jugement en marge de l'acte de naissance de l'enfant désavoué ;

Qu'au soutien de ses demandes, D. expose qu'au cours de son mariage contracté en Italie le 12 avril 1975 avec S. est né l'enfant le 28 août 1992 et que par lettre du 14 mai 1994, son épouse l'a informé que cet enfant est en réalité le fils de son concubin R. ; qu'il indique avoir alors intenté une action en divorce sur la base de cet aveu, en précisant que par décision définitive du 14 juillet 1994, le Tribunal a fait droit à sa demande en prononçant le divorce aux torts exclusifs de S. ; qu'il mentionne ne pouvoir être le père de l'enfant, dès lors que la période légale de conception se situait à une époque où il vivait séparé de sa femme, étant domicilié à Paris, tandis que celle-ci entretenait un concubinage notoire depuis 1990 avec R. à Monaco ; qu'enfin, il affirme avoir introduit la présente instance dans le délai de 6 mois à compter de la date à laquelle il a été informé de la situation et estime donc sa demande recevable ;

Attendu que par lettre valant conclusions du 27 octobre 1994, S. divorcée D. déclare s'en rapporter à la Justice sur l'action en désaveu et confirmer en tous points les allégations du demandeur ; qu'elle indique produire diverses pièces établissant l'exactitude des faits selon lesquels D. n'est pas le père de  ;

Attendu que par conclusions du 27 octobre 1994, J., en sa qualité de tutrice ad-hoc de l'enfant D., demande acte de son rapport à Justice ;

Attendu que le Ministère public, auquel le dossier a été communique pour ses « conclusions éventuelles » a déclaré « réserver ses conclusions » le 28 octobre 1994 ;

Attendu que par le second exploit susvisé du 9 novembre 1994 contenant dénonciation et production de pièces versées aux débats, D. a fait assigner le Procureur Général pour qu'il prenne ses réquisitions dans l'instance en désaveu introduite le 19 octobre 1994 ;

Que l'affaire a été renvoyée à cette fin puis mise en délibéré, le Ministère public déclarant en définitive s'en rapporter à justice ;

Sur quoi,

Attendu que les instances respectivement introduites par assignations des 19 octobre et 9 novembre 1994 doivent être jointes dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice ;

Attendu qu'il résulte de l'acte de naissance du jeune ... que celui-ci est né, à la maternité du Centre Hospitalier à Monaco le 28 août 1992, de D. et de S. son épouse, tous deux domiciliés à [adresse] ;

Que cet acte apparaît avoir été dressé le 29 août 1992 « sur la déclaration de D. père de l'enfant » en présence d'un témoin ayant signé l'acte, ainsi que l'a lui-même fait D. ;

Attendu que cet acte établi par l'Officier d'État Civil de Monaco fait la preuve de la filiation légitime du mineur D. par application de l'article 226 du Code civil ; que D. est présumé en être le père par l'effet de l'article 215 dudit code, cet article lui ouvrant cependant le droit de désavouer l'enfant « s'il justifie de faits propres à démontrer qu'il ne peut en être le père » ;

Attendu que la production aux débats par le demandeur des textes, avec leur traduction en langue française, des articles 235 du Code civil italien (désaveu de paternité) et 244 du même code (délais de l'action en désaveu) laisse présumer que D., de nationalité italienne comme S. et le jeune F., entend voir appliquer en la cause ces dispositions du droit italien ;

Attendu que s'agissant d'une action touchant à l'état des personnes, il est de principe, en effet, d'appliquer la loi nationale commune des intéressés, sous réserve de la preuve du contenu de cette loi et des effets de l'ordre public monégasque ;

Attendu qu'aux termes de l'article 244 du Code civil italien, « le mari peut désavouer l'enfant dans un délai d'un an à partir du jour de la naissance s'il se trouvait au lieu de naissance de l'enfant au moment de celle-ci... Dans tous les cas, s'il prouve ne pas avoir eu connaissance de la naissance dans ces délais-là, le délai débute du jour où il en a eu connaissance... » ;

Que pour sa part, l'article 221 du Code civil monégasque prévoit que « le mari doit exercer l'action en désaveu dans les six mois de la naissance lorsqu'il se trouve sur les lieux... » ;

Attendu que l'acte de naissance du mineur dressé sur la « déclaration du père » et signé de D. quelques heures après la naissance établit que celui-ci se trouvait sur les lieux de la naissance ; qu'ainsi, trouvent à s'appliquer les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 244 enfermant l'action en désaveu dans un délai d'un an, sans que le demandeur puisse être suivi en sa prétention visant à faire courir le délai « à compter de la date à laquelle il a été informé de la situation », une telle circonstance apparaissant inopérante et sans effet de droit dans l'hypothèse considérée ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'action en désaveu intentée plus de deux ans après la naissance du jeune Federico doit être déclarée irrecevable comme formée hors les délais de la loi ;

Attendu que le moyen tiré de l'inobservation du délai doit être soulevé d'office en l'espèce par le Tribunal, dès lors :

1 - que la matière est d'ordre public et que les parties ne sauraient, d'accord entre elles, faire juger une action relative à la filiation dans le sens qu'elles souhaitent, d'autant que l'article 214 du Code civil monégasque prescrit que de telles actions sont indisponibles ;

2 - qu'au demeurant, le rapport à Justice de la tutrice ad-hoc équivaut, non pas à une approbation mais à une contestation de la demande ;

3 - que la jurisprudence de la Cour de cassation italienne, citée sous l'article 244 du Code civil italien, sur la nature du délai prévu par la loi - d'ailleurs comparable aux jurisprudences française et monégasque - l'interprète comme un délai de forclusion qui peut, comme tel, être relevé d'office s'agissant d'une matière (l'état des personnes) soustraite à la disponibilité des parties où prévaut l'intérêt public ;

4 - que l'intérêt de l'enfant n'apparaît pas sauvegardé puisque l'admission de la demande en désaveu, que n'accompagne aucune autre reconnaissance paternelle, aboutirait à substituer à la filiation légitime dont il dispose présentement à l'égard de ses père et mère une filiation simplement maternelle ;

Attendu, enfin, que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Ordonne la jonction des instances n° 187/94 et 237/94 respectivement introduites par assignations des 19 octobre et 9 novembre 1994 ;

Déclare D. irrecevable en son action en désaveu et rejette en conséquence l'ensemble de ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. - Mes Escaut, av-déf. ; Rey av-stag.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26365
Date de la décision : 30/03/1995

Analyses

Droit de la famille - Filiation ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : D.
Défendeurs : S. et autres

Références :

articles 235 du Code civil
article 244 du Code civil
article 221 du Code civil
article 226 du Code civil
article 214 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1995-03-30;26365 ?

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