La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/1995 | MONACO | N°26361

Monaco | Tribunal de première instance, 23 mars 1995, Société International Development And Trade services, Inc c/ Société Russian State concern « Norilskiy Nikel ».


Abstract

Procédure civile

Désistement - Instance déjà liée - Acceptation du défendeur nécessaire

Résumé

Dès lors que l'instance est déjà liée du fait que la défenderesse a fait valoir ses défenses au fond et formé une demande reconventionnelle et qu'elle n'appartient plus ainsi au seul demandeur et que le défendeur a un droit acquis à ce qu'elle se poursuive jusqu'au jugement, le désistement d'action intervenu postérieurement, ne peut produire effet, en application de l'article 412 du Code de procédure civile sans l'acceptation du défendeur.>
Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, suivant exploit en date du 1er mars 1994, la société de dro...

Abstract

Procédure civile

Désistement - Instance déjà liée - Acceptation du défendeur nécessaire

Résumé

Dès lors que l'instance est déjà liée du fait que la défenderesse a fait valoir ses défenses au fond et formé une demande reconventionnelle et qu'elle n'appartient plus ainsi au seul demandeur et que le défendeur a un droit acquis à ce qu'elle se poursuive jusqu'au jugement, le désistement d'action intervenu postérieurement, ne peut produire effet, en application de l'article 412 du Code de procédure civile sans l'acceptation du défendeur.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, suivant exploit en date du 1er mars 1994, la société de droit américain dénommée « International Development and Trade services Inc. », en abrégé « IDTS », a fait assigner la société de droit russe dénommée « Russian State concern Norilskiy Nikel » à l'effet de faire constater qu'elle est créancière de cette dernière société d'une indemnité de 10 073 847,66 dollars US sollicitant, au préalable, l'instauration d'une mesure d'expertise en vue de déterminer le montant du préjudice qui lui a été causé par les manœuvres de concurrence déloyale auxquelles se serait livrée sa cocontractante ;

Qu'elle expose, à cet effet, au soutien de sa demande, qu'aux termes d'un accord de distribution conclu à Monaco entre elle-même, la société Norilskiy Nikel et la société de droit suédois dénommée « Axel Johnson », il avait été convenu que la commercialisation du nickel produit par la société Norilskiy Nikel serait effectuée par la société Axel Johnson sur le marché européen à l'exception de l'Espagne, tandis que la société IDTS se voyait attribuer les marchés espagnols en Europe, ainsi que les marchés nord-américain, africain et asiatique ;

Que, par la suite, la société Norilskiy Nikel a violé cet accord en livrant à la société Axel Johnson plus du double de la quantité de nickel qui lui était réservé ; qu'elle a, par ailleurs, vendu directement une partie de sa production à des courtiers en contravention avec l'exclusivité accordée à ses deux cocontractantes ;

Qu'enfin, elle a totalement cessé de lui livrer la quantité de nikel convenu en attribuant l'ensemble de ses exportations de ce métal à la société Normaco issue d'une convention de « joint venture » conclue entre les sociétés Axel Johnson et Norilskiy Nikel ;

Attendu que la société Norilskiy Nikel a conclu, le 15 juin 1994, au rejet de la demande, en faisant observer que la société IDTS s'était abstenue de communiquer les pièces de nature à justifier du bien-fondé de ses prétentions ;

Qu'elle a, par ailleurs, sollicité par voie reconventionnelle la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que par lettre du 3 mars 1995 valant conclusions, la société IDTS a déclaré renoncer à son action introduite devant la juridiction monégasque à rencontre de la société Norilskiy Nikel, tout en sollicitant le rejet de la demande reconventionnelle formée à son encontre au motif qu'elle avait agi de bonne foi et que la procédure qu'elle avait intentée n'avait causé aucun préjudice à la défenderesse ;

Sur ce,

* Quant au désistement d'action de la société IDTS :

Attendu que considéré comme un contrat, le désistement résulte de la conjonction de l'offre de la partie demanderesse et de l'acceptation de la partie défenderesse ;

Que si, en l'espèce, la proposition de la société IDTS apparaît réelle, dès lors qu'elle a été expressément formulée dans les écritures judiciaires de cette partie, encore faut-il déterminer si elle se suffisait à elle-même pour avoir effet de désistement ou si elle nécessitait en outre l'accord de la société Norilskiy Nikel ;

Qu'il résulte, en effet, des dispositions de l'article 412 du Code de procédure civile, que le désistement n'est parfait qu'une fois accepté par le défendeur ;

Attendu toutefois qu'il est de principe qu'une telle acceptation n'est nécessaire que pour autant que l'instance soit déjà liée, c'est-à-dire qu'elle n'appartienne plus au seul demandeur et que le défendeur ait également un droit acquis à ce qu'elle se poursuive jusqu'au jugement ;

Qu'il n'y a, en effet, d'instance liée que lorsque les deux parties ont exprimé leur volonté commune de soumettre au Tribunal l'appréciation d'un droit litigieux ;

Attendu qu'il est constant, en la cause, que la société IDTS n'a expressément formulé sa demande de désistement d'action que par conclusions datées du 3 mars 1995, alors que la société Norilskiy Nikel avait déjà conclu au fond le 15 juin 1994 ;

Qu'il est donc établi qu'à cette même date du 15 juin 1994, les débats étaient liés, d'autant qu'outre les défenses au fond qu'elle avait opposées, la société Norilskiy Nikel avait également formé une demande reconventionnelle ;

Attendu qu'il découle de ce qui précède qu'à la date de l'offre de désistement intervenue le 3 mars 1995, la présente instance devait être considérée comme appartenant déjà aux deux parties ; qu'ainsi, la demanderesse ne pouvait plus se désister de son action sans le consentement de la défenderesse, laquelle s'y est expressément opposée ;

Qu'il y a donc lieu, pour le Tribunal, passant outre au désistement exprimé par la société IDTS, de statuer sur les demandes principale et reconventionnelle qui lui ont été soumises ;

* Quant au fond :

Attendu, quant à la demande principale, que la société IDTS n'a produit aucune pièce au soutien de son action ; qu'ainsi, la réalité des faits qu'elle invoque n'étant nullement établie, il ne saurait y avoir lieu d'ordonner une mesure d'instruction en vue de suppléer sa carence dans l'administration de la preuve dont la charge lui incombe, conformément aux dispositions de l'article 1162, alinéa 1er du Code civil ;

Qu'il échet en conséquence de débouter la société IDTS de l'ensemble de ses prétentions ;

Attendu, quant à la demande reconventionnelle, que la société Norilskiy Nikel a un intérêt légitime à voir aboutir une telle demande qu'elle fonde sur le préjudice que lui a causé la société IDTS en la contraignant, sans raison, à ester en justice pour y défendre ses droits ;

Qu'en l'état du caractère manifestement abusif de son action, la société demanderesse doit être condamnée à payer à la société défenderesse la somme de 20 000 francs, eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose ;

Attendu qu'enfin, les dépens suivront la succombance de la demanderesse ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

En la forme, constate que le désistement de la société de droit américain dénommée International Development and Trade services, Inc. (IDTS) n'est pas accepté et le déclare en conséquence sans effet de droit ;

Au fond, déboute la société IDTS de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la société IDTS à payer à la société de droit russe dénommée « Russian State Concern Norilskiy Nikel » la somme de vingt mille francs (20 000 francs) à titre de dommages-intérêts ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. Mes Sbarrato et Brugnetti av. déf. ; Gardetto av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26361
Date de la décision : 23/03/1995

Analyses

Procédure civile ; Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : Société International Development And Trade services, Inc
Défendeurs : Société Russian State concern « Norilskiy Nikel ».

Références :

article 412 du Code de procédure civile
Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1995-03-23;26361 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award