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23/03/1995 | MONACO | N°26359

Monaco | Tribunal de première instance, 23 mars 1995, SARL Balboni c/ SA Bitulac, Communauté Immobilière du Parc Saint Roman, SAM Techno, Société Legnani et Cie, Société Intertechno, SOCOTEC, SAM FREM, SA CONDOTTE d'ACQUA, N., Compagnie d'Assurances Union des Assurances de Paris Urbaine.


Abstract

Expertise

Instance en référé aux fins de désignation d'un expert - Absence de mise en cause d'un défendeur - Inopposabilité du rapport d'expertise à l'égard de celui-ci

Résumé

Dès lors que l'action engagée contre un défendeur s'appuie exclusivement sur les conclusions et constatations d'un rapport d'expertise judiciaire établi en exécution d'une Ordonnance de référé à laquelle il n'a pas été partie et qui ne lui a pas été déclarée commune ultérieurement, il s'ensuit que celui-ci qui n'a point été en mesure de présenter ses obser

vations au cours d'une discussion contradictoire, lors du déroulement des opérations expertales, s'a...

Abstract

Expertise

Instance en référé aux fins de désignation d'un expert - Absence de mise en cause d'un défendeur - Inopposabilité du rapport d'expertise à l'égard de celui-ci

Résumé

Dès lors que l'action engagée contre un défendeur s'appuie exclusivement sur les conclusions et constatations d'un rapport d'expertise judiciaire établi en exécution d'une Ordonnance de référé à laquelle il n'a pas été partie et qui ne lui a pas été déclarée commune ultérieurement, il s'ensuit que celui-ci qui n'a point été en mesure de présenter ses observations au cours d'une discussion contradictoire, lors du déroulement des opérations expertales, s'avère fondé à se prévaloir de l'inopposabilité à son égard dudit rapport.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

La Communauté Immobilière de l'immeuble dénommé « Parc Saint Roman », ayant fait état d'anomalies dans le fonctionnement de l'installation de distribution d'eau chaude sanitaire desservant l'ensemble des appartements dudit immeuble a, par Ordonnance de référé du 15 juin 1984, obtenu qu'une expertise soit prescrite à sa requête, au contradictoire de la société anonyme monégasque dénommée Techno et de la compagnie d'assurances dénommée Union des Assurances de Paris, à l'effet de déterminer l'existence, les causes et les remèdes des désordres ainsi allégués ;

Suivant Ordonnances en date des 12 décembre 1984, 21 mars et 5 juin 1985, cette expertise était déclarée successivement commune aux sociétés Legnani, Intertechno, Frem, Condotte d'Acqua, au bureau de contrôle SOCOTEC, aux architectes J. et J. N. et à la société anonyme monégasque dénommée Résidence du parc Saint Roman, maître de l'ouvrage ; par la suite, la société Balboni est volontairement intervenue aux opérations d'expertise ;

Enfin, aux termes de deux Ordonnances de référé en date des 12 août 1985 et 12 juin 1989, la communauté immobilière dont s'agit était autorisée à faire exécuter, à ses frais avancés, par toute entreprise de son choix les travaux confortatifs préconisés par l'expert, puis à faire procéder au remplacement des ballons d'eau chaude litigieux, dont l'expert a été constitué séquestre ;

Aux termes d'un rapport définitif en date du 24 juin 1991, déposé le 1er août 1991 au Greffe Général, l'expert Piastra, répondant à la double mission qui lui avait été confiée par les Ordonnances précitées, a notamment conclu :

* que les désordres empêchant la distribution d'eau chaude sanitaire sont de deux sortes :

1 - le revêtement intérieur des ballons d'eau chaude présente des défectuosités dues au fait que le revêtement en zinc n'a pas été uniformément appliqué sur les parois des ballons en acier dont certaines parties n'en sont même pas revêtues, en sorte que les ballons, dans les endroits non protégés, se sont corrodés sur des épaisseurs variables allant jusqu'au percement pur et simple en certains endroits ;

2 -les produits chimiques injectés dans l'eau pour protéger les canalisations de distribution d'eau chaude se sont déposés dans le fond des ballons pour former une gangue nuisant à leur bon fonctionnement ;

* que les causes de ces désordres résident :

1 - en ce qui concerne la corrosion sur les ballons dans la mauvaise ou insuffisante application du revêtement de zinc à l'intérieur de ceux-ci ;

2 - en ce qui concerne les dépôts des produits anti-corrosion pour les canalisations, dans le choix inapproprié de l'endroit adopté pour leur injection, en amont de l'arrivée d'eau dans les ballons au lieu de l'aval, d'une part, ainsi que dans l'absence de régulation de température sur l'alimentation des réchauffeurs des ballons, dès lors que plus la température de l'eau est élevée, plus la corrosion est importante ;

* que toutefois, il s'agit là d'un désordre mineur qui ne saurait avoir d'incidence réelle sur la résistance du revêtement en zinc ;

* que les travaux nécessaires à la remise en état du système de distribution d'eau chaude sanitaire devaient comporter successivement :

1 - l'agrandissement au diamètre 0,40 mètre intérieur des orifices percés dans les réservoirs et par lesquels sont introduits et fixés les réchauffeurs,

2 - la réparation par soudure de plaques métalliques sur les parties percées,

3 - le décapage complet de l'intérieur des réservoirs jusqu'à l'acier,

4 - le zingage entier à froid de l'intérieur desdits réservoirs, ce procédé pouvant être remplacé par la pose d'un enduit à base de résines appropriées et tenant compte des hautes températures pouvant être atteintes dans les ballons, l'essentiel étant que la couche soit continue et que son adhérence sur l'acier soit parfaite pour éviter toute corrosion par l'eau ;

* que les travaux de réfection ci-dessus spécifiés ont été confiés par la communauté immobilière du Parc Saint Roman à la société FREM selon marché du 22 janvier 1987, d'un montant de 357 860,55 francs, aux termes duquel ladite société s'engageait à se conformer aux prescriptions de l'expert, consistant, pour l'essentiel, après avoir effectué le nettoyage et le sablage intérieur de chaque ballon, à en réparer les parois endommagées, par la pose de plaques soudées ou par de simples soudures, puis à procéder au moyen d'une laque alimentaire spéciale à un nouveau revêtement de ces parois ; la société FREM, qui a réalisé les travaux de soudure prescrits, a sous-traité les autres travaux faisant partie de son marché à la société Balboni, suivant contrat du 18 mai 1987, d'un montant de 162 192,62 francs ;

* que ces travaux de réfection n'ont pas été réalisés selon les règles de l'art, du fait que les parois intérieures des ballons ne comportaient pas un revêtement continu devant les protéger de la corrosion au contact de l'eau et qu'en outre ledit revêtement ne tenait pas sur son support, en sorte qu'il a « cloqué » sur tout l'intérieur des réservoirs et pas seulement aux soudures ;

* que, par suite de l'inefficacité des travaux confortatifs ainsi réalisés, la copropriété a confié à la société Honeywell le remplacement des neuf ballons actuels de production d'eau chaude sanitaire par des échangeurs à plaques formant un système de production d'eau chaude assurant le même service à la copropriété et ne constituant pas une amélioration par rapport à celui d'origine et dont le montant s'est élevé à la somme de 843 131,85 francs TTC ;

Se référant aux constatations et aux conclusions de l'expert Piastra telles que consignées dans son rapport dont elle a sollicité l'homologation, la communauté immobilière de l'immeuble dénommé Parc Saint Roman a, suivant exploit en date du 15 octobre 1991 (instance n° 380 du rôle de 1992), fait assigner les sociétés anonymes monégasques dénommées « résidence du Parc Saint Roman », « Techno » et « FREM », les sociétés de droit italien dénommées « Legnani SAS » et « Intertechno SPA », les sociétés anonymes et à responsabilité limitée de droit français dénommées « Condotte d'Acqua » et « Balboni », la compagnie « Union des Assurances de Paris », le bureau de contrôle SOCOTEC ainsi que les architectes J. et J. N., en paiement solidaire des sommes suivantes :

* 354 171,28 francs, montant des travaux de réfection qui se sont révélés inefficaces ;

* 843 131,85 francs, représentant le coût des travaux de remplacement des ballons de production d'eau chaude, dont elle a dû faire l'avance ;

* 300 000 francs à titre de dommages-intérêts, en réparation des troubles de jouissance subis par l'ensemble des copropriétaires du fait des nuisances constatées par l'expert ;

Sur la demande dirigée par la communauté immobilière du Parc Saint Roman contre la société Balboni, le Tribunal a, par jugement du 6 janvier 1994, déclaré ladite société responsable in solidum avec la société FREM, dont elle était la sous-traitante, de la mauvaise exécution des travaux de réfection des ballons d'eau chaude préconisés par l'expert Piastra, ledit jugement ayant été frappé d'appel ;

La société Balboni, ainsi assignée suivant l'exploit susvisé, a, par exploit du 16 décembre 1992 (instance n° 486 du rôle de 1993), fait assigner la société Bitulac en intervention forcée aux fins d'être relevée et garantie par ladite société de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre du chef de la communauté immobilière du Parc Saint Roman ;

Aux termes de ce même exploit, elle a, par ailleurs, appelé en déclaration de jugement commun la communauté immobilière du Parc Saint Roman, les sociétés Techno, FREM, Legnani, Intertechno, Condotte d'Acqua, le bureau de contrôle SOCOTEC, la compagnie Union des Assurances de Paris ainsi que les architectes J. et J. N. ;

Selon exploit du 28 janvier 1993 (instance n° 565 du rôle de 1993), elle a également appelé en déclaration de jugement commun la société Résidence du Parc Saint Roman ;

Par jugement du 11 février 1993, le Tribunal a ordonné la jonction de ces deux instances pour être statué sur leur ensemble par un seul et même jugement ;

La société Balboni fait valoir, au soutien de sa demande en garantie, que l'enduit qu'elle a appliqué à l'intérieur des ballons d'eau chaude s'étant révélé inadapté à la solution préconisée par l'expert Piastra, la responsabilité des désordres les ayant affectés incombe à la société Bitulac qui lui a fourni ce produit ;

La société Bitulac a conclu au rejet de la demande en garantie formée à son encontre en faisant observer que celle-ci qui a pour seul fondement le rapport de l'expert Piastra ne saurait prospérer, dès lors qu'elle n'a pas été appelée aux opérations de cette expertise, et qu'en conséquence celle-ci lui est inopposable ;

Elle a, enfin, sollicité, par voie reconventionnelle, l'allocation de la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

La communauté immobilière du Parc Saint Roman, les sociétés Techno, FREM, Legnani, Intertechno, Condotte d'Acqua, le bureau de contrôle SOCOTEC, la compagnie Union des Assurances de Paris ainsi que les architectes J. et J. N. ont, chacun pour ce qui le concerne, conclu à leur mise hors de cause, aux motifs qu'aucune demande n'était formée à leur encontre et qu'ils étaient totalement étrangers au litige opposant la société Balboni à la société Bitulac ;

Les sociétés FREM, Condotte d'Acqua, Intertechno, le bureau de contrôle SOCOTEC, la compagnie Union des Assurances de Paris ainsi que les architectes J. et J. N. ont, en outre, formé une demande reconventionnelle sollicitant la condamnation de la société Balboni à payer, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, les sommes suivantes :

* 30 000 francs à la société FREM,

* 30 000 francs à la société Condotte d'Acqua,

* 20 000 francs aux architectes N.,

* 10 000 francs à la société Intertechno,

* 10 000 francs au bureau de contrôle SOCOTEC,

* 10 000 francs à la compagnie Union des Assurances de Paris ;

Sur ce,

Quant à la demande en garantie :

Attendu que, bien que le jugement du Tribunal ayant retenu la responsabilité in solidum de la société Balboni ait été frappé d'appel, il peut l'être néanmoins d'ores et déjà statué sur la demande en garantie formée par ladite société, dès lors que cette demande apparaît, en tout état de cause, vouée à l'échec ;

Qu'en effet, ainsi que cela résulte des termes de ses écritures judiciaires, la société Balboni fonde sa demande en garantie contre la société Bitulac exclusivement sur les conclusions et constatations du rapport établi par l'expert Piastra en exécution d'une Ordonnance de référé à laquelle la société défenderesse n'a pas été partie et qui ne lui a pas été déclarée commune ultérieurement ;

Qu'il s'ensuit que la société Bitulac qui n'a pas été en mesure de présenter ses observations au cours d'une discussion contradictoire, lors du déroulement des opérations de l'expertise dont s'agit, s'avère ainsi fondée à se prévaloir de l'inopposabilité à son égard du rapport déposé par l'expert Piastra ;

Attendu, par ailleurs, qu'il convient d'observer, ici, que même si l'expertise en cause avait été opposable à cette société, il n'en demeure pas moins, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, que les désordres affectant les travaux de réfection des ballons d'eau chaude provenaient exclusivement du fait que les produits utilisés par la société Balboni avaient été mal choisis ou à tout le moins mal appliqués par celle-ci, en sorte que le défaut de qualité de ces mêmes produits, seul susceptible d'engager la responsabilité de la société Bitulac qui en était le fournisseur, n'a, à aucun moment, été mis en cause par l'expert, lors de ces constatations ;

Attendu qu'il échet, en conséquence, de débouter la société Balboni de sa demande en garantie contre la société Bitulac ;

Attendu, d'autre part, que la société Balboni, qui, en sa qualité de professionnelle en la matière, n'a pu se méprendre sur la portée de ses droits, au regard des conclusions du rapport de l'expert Piastra, apparaît avoir eu un comportement fautif en diligentant la présente procédure à l'encontre de la société Bitulac ;

Qu'en contraignant celle-ci à ester en justice pour y défendre ses droits, elle lui a causé un préjudice certain dont l'indemnisation doit être fixée à la somme de 5 000 francs, eu égard aux éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose ;

Quant à la demande en déclaration de jugement commun :

Attendu qu'il est constant que la communauté immobilière du Parc Saint Roman, les sociétés Techno, Legnani, Intertechno, FREM, Condotte d'Acqua, le bureau de contrôle SOCOTEC, la compagnie d'assurances Union des Assurances de Paris ainsi que les architectes J. et J. N. étaient tous parties à l'instance principale en leur qualité respective de demanderesse ou de défendeurs, laquelle a fait l'objet d'un jugement sur le fond ;

Que la société Balboni, qui les a appelés en déclaration en jugement commun dans l'instance en garantie dirigée contre la société Bitulac, et qui ne justifie toutefois d'aucun intérêt à les mettre en cause dans la présente instance, relative à un litige qui leur est totalement étranger, doit en conséquence être déclarée irrecevable en sa demande en déclaration de jugement commun ;

Attendu qu'à cet égard, cette demande qui apparaît ainsi avoir revêtu un caractère fautif, à l'origine du préjudice certain subi par les sociétés FREM, Condotte d'Acqua, Intertechno, le bureau de contrôle SOCOTEC, la compagnie Union des Assurances de Paris ainsi que les architectes J. et J. N., contraints de comparaître dans une instance judiciaire ne les concernant pas, justifie la condamnation de la société Balboni à payer à chacun d'eux la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'enfin, les dépens suivront la succombance de la demanderesse ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute la société à responsabilité limitée de droit français dénommée « Balboni » de sa demande en garantie contre la société anonyme de droit français dénommée « Bitulac » ;

Condamne la société Balboni à payer à la société Bitulac la somme de cinq mille francs (5 000 francs) à titre de dommages-intérêts ;

Déclare la société Balboni irrecevable en sa demande en déclaration de jugement commun dirigée contre la Communauté immobilière du Parc Saint Roman, les sociétés anonymes de droit monégasques dénommées « Techno » et « FREM », les sociétés anonymes de droit italien dénommées « Legnani » et « Intertechno », la société anonyme de droit français dénommée « Condotte d'Acqua », le bureau de contrôle SOCOTEC, la compagnie d'assurances dénommée Union des Assurances de Paris ainsi que les architectes J. et J. N. ;

Condamne la société Balboni à payer aux sociétés FREM, Condotte d'Acqua, Intertechno, au bureau de contrôle SOCOTEC, à la compagnie Union des Assurances de Paris ainsi qu'aux architectes J. et J. N. la somme de cinq mille francs (5 000 francs) à titre de dommages-intérêts, à chacun d'eux ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. gén. - Mes Lorenzi, Clérissi, Karczag-Mencarelli, Sanita, Sbarrato, Brugnetti, Blot av. déf. - Lorrain et Assus-Juttner av. Bar. de Nice ; Tertian av. Bar. de Marseille.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26359
Date de la décision : 23/03/1995

Analyses

Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : SARL Balboni
Défendeurs : SA Bitulac, Communauté Immobilière du Parc Saint Roman, SAM Techno, Société Legnani et Cie, Société Intertechno, SOCOTEC, SAM FREM, SA CONDOTTE d'ACQUA, N., Compagnie d'Assurances Union des Assurances de Paris Urbaine.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1995-03-23;26359 ?

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