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19/01/1995 | MONACO | N°26339

Monaco | Tribunal de première instance, 19 janvier 1995, S. c/ SAM d'intervention (MI), Zurich Assurances


Abstract

Accident du travail

Décès de la victime - Droit des ascendants à une rente - Conditions d'obtention (L.n° 636 du 11 janvier 1958, modifiée, art. 4-8)

Résumé

Aux termes de l'article 4-8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 modifiée, sur les accidents du travail, chacun des ascendants d'une personne dont la mort est causée par un accident du travail a droit à une rente viagère égale à 10 % du salaire annuel de la victime s'il établit, dans le cas où celle-ci n'a ni conjoint, ni enfant, qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentai

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Abstract

Accident du travail

Décès de la victime - Droit des ascendants à une rente - Conditions d'obtention (L.n° 636 du 11 janvier 1958, modifiée, art. 4-8)

Résumé

Aux termes de l'article 4-8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 modifiée, sur les accidents du travail, chacun des ascendants d'une personne dont la mort est causée par un accident du travail a droit à une rente viagère égale à 10 % du salaire annuel de la victime s'il établit, dans le cas où celle-ci n'a ni conjoint, ni enfant, qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentaire ; selon l'alinéa 4 du même article, la condition d'ouverture du droit des ascendants doit être remplie, au choix du bénéficiaire, soit à la date de l'accident, soit à celle du décès de la victime.

Il appert de ses dispositions, qu'il appartient à l'ascendant qui sollicite le bénéfice d'une rente d'accident du travail d'apporter la preuve que le droit à cette rente lui est ouvert, c'est-à-dire de démontrer qu'au moment de l'accident du travail ou du décès de la victime, il était dans le besoin, et par là même, n'était pas en mesure d'assurer sa subsistance, notamment en exerçant une activité rémunérée, ce qui n'est point le cas en l'espèce.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que G. S. a été victime le 9 décembre 1992 d'un accident de travail mortel, alors qu'il était employé de la société anonyme monégasque d'Intervention, en abrégé MI, dont l'assureur-loi est la Compagnie d'assurances dénommée Zurich Assurances ;

Que cette compagnie acceptait de prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident ;

Attendu que, suivant requête du 20 juillet 1993, les ascendants de G. S. ont sollicité l'attribution de la rente prévue par l'article 4-8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 ; que cette requête n'a été suivie d'aucune proposition favorable de la compagnie d'assurances, laquelle refusait le 17 août 1993 de faire droit à la demande des époux S., en sorte qu'une ordonnance de non-conciliation était rendue le 4 novembre 1993 et l'affaire renvoyée devant le Tribunal de première instance ;

Attendu que, suivant exploit du 29 mars 1994, D. S. et J. S. ont fait assigner la société MI et la compagnie Zurich Assurances aux fins de les voir condamner au paiement de la rente viagère prévue par l'article 4-8 de la loi n° 636, en l'état de leur impécuniosité telle qu'établie par les documents du dossier ; qu'en effet D. S. se déclare être sans travail et au chômage après un arrêt de maladie de deux mois et demi faisant suite au décès de son fils, tandis que J. S. indique être sans emploi ;

Attendu que les défenderesses concluent au rejet des prétentions de D. et J. S. aux motifs qu'ils ne rapportent pas la preuve de leur impécuniosité à la date de l'accident du travail mortel ;

Qu'elles exposent, en effet, qu'aux termes de l'article 4-8 de la loi n° 636, il appartient aux ascendants d'apporter la preuve qu'ils remplissent les conditions nécessaires pour l'octroi d'une rente viagère ; que, faisant référence à la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation française, qui dans un arrêt du 21 novembre 1957 a déclaré que « la situation des parents devait s'apprécier au jour du décès de leur fils », elles précisent que le 9 décembre 1992, jour de l'accident du travail mortel de G. S., ses parents ne se trouvaient pas en état d'impécuniosité puisqu'à cette date, si effectivement J. S. était sans emploi, D. S. était quant à lui salarié, employé en qualité de maçon auprès de l'entreprise GTM, jusqu'au 8 mars 1993, date à laquelle il apparaît comme demandeur d'emploi ; que, par ailleurs, il n'était pas malade à cette époque ainsi que le prouvent les certificats médicaux versés aux débats ;

Attendu, qu'en réplique, les demandeurs sollicitent le débouté de la société MI et de la Cie d'assurances Zurich de leur moyen comme infondé, ainsi que la désignation d'un expert avec mission de rechercher si à la date du 9 décembre 1992, ils disposaient de ressources telles qu'ils se trouvaient être dans le besoin, au sens de l'article 205 du Code civil, impliquant le principe d'une pension alimentaire ;

Qu'ils exposent que leur état d'impécuniosité résulte de la différence existant à l'époque de l'accident du travail mortel entre les revenus perçus par D. S., et les dépenses, notamment de logement, qui étaient beaucoup plus élevées, que dès lors, et en application de la jurisprudence susvisée, ils sont en droit de prétendre au versement de la rente d'ascendant ;

Attendu que dans d'ultimes conclusions, l'employeur et l'assureur-loi s'opposent à la mesure d'expertise sollicitée aux motifs que dans l'arrêt de référence de la Chambre sociale, la Cour de cassation française exige que les parents soient en mesure de prouver leur état d'impécuniosité au jour du décès de leur fils, et qu'à défaut, comme c'est le cas en l'espèce, une offre d'enquête n'est pas pertinente ;

Sur ce,

Attendu, en droit, qu'aux termes de l'article 4-8 de la loi n° 636, chacun des ascendants d'une personne dont la mort est causée par un accident du travail a droit à une rente viagère égale à 10 % du salaire annuel de la victime s'il établit, dans le cas où celle-ci n'a ni conjoint, ni enfant, qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentaire ;

Que selon l'alinéa 4 du même article, la condition d'ouverture du droit des ascendants doit être remplie, au choix du bénéficiaire, soit à la date de l'accident, soit à celle du décès de la victime ;

Qu'il appert de ces dispositions, qu'il appartient à l'ascendant qui sollicite le bénéfice d'une rente d'accident du travail d'apporter la preuve que le droit à cette rente lui est ouvert, c'est-à-dire de démontrer qu'au moment de l'accident du travail ou du décès de la victime, il était dans le besoin et, par là même, n'était pas en mesure d'assurer sa subsistance, notamment en exerçant une activité rémunérée ;

Attendu qu'en l'espèce Maître Didier Escaut, avocat-défenseur des demandeurs à l'instance, invité par le juge chargé des accidents du travail par courrier en date du 20 août 1993 à fournir des documents complémentaires justifiant l'impécuniosité de D. et J. S., a déclaré en réponse, par lettre du 27 octobre 1993, maintenir sa demande en l'état ;

Attendu qu'il résulte des seuls éléments de la cause produits, que D. S. exerçait une activité salariée au moment des faits, et au moins jusqu'au 28 février 1993 ;

Qu'en effet, selon un certificat médical établi par le Docteur M., ce dernier a nécessité, à compter du 9 décembre 1992, jour du décès de son fils G. S., de soins extrêmement attentifs assortis d'un arrêt de travail jusqu'au 28 février 1993 ;

Que cette situation professionnelle se trouve corroborée par une correspondance que les ASSEDIC ont adressée au demandeur le 7 avril 1993, aux termes de laquelle il appert que celui-ci n'a requis son inscription comme demandeur d'emploi que le 8 mars 1993 et qu'il a déposé une demande d'allocation le 18 mars 1993 ; que les allocations chômage versées par les ASSEDIC couvrent d'ailleurs la période de mars à septembre 1993, période postérieure à l'accident du travail mortel dont a été victime G. S. ;

Qu'il ressort de ce qui précède que, D. S. disposait, lors du décès de son fils, de revenus propres grâce à son activité ; qu'il n'apporte nullement la preuve de ce que, comme il le prétend, ses revenus n'étaient pas en mesure de lui permettre d'assurer sa propre subsistance, et qu'il se trouvait dans le besoin, de telle sorte qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentaire ;

Attendu, par ailleurs que J. S. indique être sans emploi à l'heure actuelle ; que toutefois cette situation ne saurait traduire un état d'impécuniosité, dès lors que celle-ci n'a jamais prétendu avoir occupé un emploi, soit au jour de l'accident du travail, soit précédemment, et que sa situation professionnelle est restée en définitive la même ; qu'il en résulte que son époux, de par son activité rémunérée, et en sa qualité de chef de famille, subvenait à son entretien ;

Attendu, en conséquence, que les époux S. ne démontrent pas qu'ils remplissent les conditions nécessaires à l'octroi de la rente aux ascendants, et que de ce fait la demande d'enquête n'est pas pertinente ; qu'il convient, dès lors, de débouter les demandeurs de toutes leurs prétentions ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

mai 1995

Cour d'appel,

La Cour statue sur l'appel relevé le 17 février 1995 par D. S. et J. S. à l'encontre d'un jugement rendu le 19 janvier 1995 en matière d'accident du travail par le tribunal de première instance.

Il suffit de rappeler les éléments ci-après exposés, référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, au jugement déféré et aux écritures déposées devant la Cour :

Leur fils G. S. ayant été victime d'un accident de travail mortel le 9 décembre 1992 alors qu'il était employé de la SMA d'intervention en abrégé MI dont l'assureur-loi est la compagnie d'assurances Zurich Assurances, les époux S. sollicitaient le 20 juillet 1993 l'attribution de la rente viagère prévue par les dispositions de l'article 4-8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958.

L'assureur-loi ayant refusé de faire droit à cette demande une ordonnance de non-conciliation était rendue le 4 novembre 1993 et les époux S. faisaient assigner la société MI et la compagnie Zurich Assurances aux fins de les voir condamner au paiement de la rente viagère prévue par la loi susvisée en l'état de leur impécuniosité.

Les défenderesses concluaient au rejet de la demande aux motifs que D. et J. S. ne rapportaient pas la preuve de cette impécuniosité à la date de l'accident.

Par le jugement déféré, le tribunal a :

- débouté D. et J. S. de toutes leurs demandes,

- condamné les mêmes aux dépens ;

Pour statuer ainsi les premiers juges ont estimé au vu des pièces de la procédure que D. S. disposait au jour du décès de son fils de revenus propres grâce à son activité, qu'il n'apportait nullement la preuve de ce que ses revenus n'étaient pas en mesure de lui permettre d'assurer sa propre subsistance et qu'il se trouvait dans le besoin de telle sorte qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentaire.

En ce qui concerne J. S., les premiers juges ont relevé qu'elle n'avait jamais prétendu avoir occupé un emploi soit au jour de l'accident, soit précédemment et qu'il en résultait que son époux subvenait à ses besoins.

l'appui de leur appel, les époux S. soutiennent qu'ils étaient bien dans un état d'impécuniosité au moment du décès de leur fils puisqu'à cette date, ils établissent, par la production d'attestations émanant de leurs trois autres enfants, qu'ils recevaient notamment de G. S. des subsides, preuve dont il n'aurait pas été tenu compte par le tribunal de première instance.

Ils demandent en conséquence à la cour de réformer la décision entreprise et de condamner la SAM d'intervention (MI) et la Compagnie d'Assurances Zurich Assurances au paiement de la rente viagère prévue par les dispositions de l'article 4-8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958.

Les intimées sollicitent la confirmation du jugement entrepris faisant valoir essentiellement, après avoir rappelé la motivation de la décision dont appel et énuméré les pièces déposées par les appelants :

- que ces documents ne prouvent nullement que les époux S. étaient en état d'impécuniosité à la date du décès de leur fils,

- que ces pièces n'établissent nullement que les époux S. recevaient des subsides de G. S. à la date de son décès,

- qu'à défaut d'apporter la preuve de leur état d'impécuniosité, à la date du décès de leur fils, les époux S. ne sauraient être accueillis en leur appel.

Ceci étant exposé,

Considérant que si aux termes des dispositions de l'article 4-8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 chacun des ascendants d'une personne dont la mort est causée par un accident du travail a droit à une rente viagère, il appartient cependant à l'ascendant qui en sollicite le bénéfice de démontrer qu'au moment de l'accident du travail ou du décès de la victime il était dans le besoin et n'était pas en mesure d'assurer sa subsistance en exerçant notamment une activité rémunérée de telle sorte qu'il aurait pu obtenir du défunt une pension alimentaire ;

Considérant qu'il est constant que le 9 décembre 1992, jour de l'accident du travail mortel survenu à son fils, D. S. exerçait une activité salariée et qu'il l'a poursuivie au moins jusqu'au 28 février 1993 date à laquelle prenait fin un arrêt de travail prescrit par le docteur M. à compter du 9 décembre 1992 ;

Considérant que l'existence de cette activité professionnelle résulte encore du fait que l'appelant n'a requis son inscription comme demandeur d'emploi que le 8 mars 1993 et qu'il a déposé une demande d'allocation chômage le 18 mars 1993 ;

Considérant que, comme l'ont justement relevé les premiers juges, D. S. disposait lors du décès de G. S. de revenus propres obtenus par son activité professionnelle ;

Considérant que les premiers juges ont, en outre, estimé à bon droit que la situation personnelle de J. S. qui n'avait jamais prétendu avoir occupé un emploi au jour de l'accident ou précédemment est demeurée inchangée, son entretien étant assuré par l'activité rémunérée de son époux ;

Considérant que les trois attestations émanant des enfants S. apparaissent inopérantes dans la charge de la preuve qui leur incombe de leur impécuniosité au moment de l'accident du travail mortel ;

Considérant que ces documents rédigés en des termes pratiquement similaires font simplement état de versements de sommes d'argent par les signataires à leurs parents, lesquels se trouvent être sans travail, ce qui n'était pas le cas de D. S. au moment du décès de son fils G. ;

Que la seule référence à G. S. concerne le fait qu'il aurait, comme eux, participé au versement d'une pension alimentaire à leurs père et mère, sans autre précision de date ou de montant, et alors que la déclaration d'impôts pour l'année 1989 de G. S. ne comporte aucune mention de tel versement ;

Considérant en conséquence que les époux S. ne rapportent pas la preuve que les revenus de D. S. au jour du décès ne leur permettaient pas d'assurer leur propre subsistance et qu'ils se trouvaient dans le besoin de telle sorte qu'ils auraient pu obtenir de la victime une pension alimentaire ;

Considérant que D. et J. S. ne démontrant pas qu'ils remplissent les conditions nécessaires à l'octroi de la rente aux ascendants il y a lieu de les débouter de leur appel et de confirmer le jugement entrepris ;

Considérant que D. et J. S. qui succombent doivent supporter les dépens ;PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme le jugement du 19 janvier 1994

Déboute D. S. et J. S. de leurs demandes, fins et conclusions,

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute D. S. et J. S. de toutes leurs demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet prem. subst.-proc. gén. ; Mes Escaut, Sanita, av. déf.

Note

Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 16 mai 1995.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26339
Date de la décision : 19/01/1995

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : SAM d'intervention (MI), Zurich Assurances

Références :

article 205 du Code civil
article 4-8 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1995-01-19;26339 ?

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