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16/12/1993 | MONACO | N°26265

Monaco | Tribunal de première instance, 16 décembre 1993, B.-S. c/ G.


Abstract

Baux commerciaux

Local accessoire dépendant du fonds donné en location par un bailleur différent - Conditions d'application des règles de renouvellement (L. n° 490, art. 1er al. 2) - Connaissance par le bailleur d'une utilisation jointe au moment de la conclusion du contrat de location

Résumé

Le propriétaire d'un fonds de commerce qui, ayant loué une cave un bailleur autre que celui de l'immeuble de son commerce, prétend que cette location se trouve soumise aux règles de renouvellement des baux commerciaux du fait que ce local constituerait un ac

cessoire du fonds, doit rapporter la preuve conformément à l'article 1er alinéa 2 ...

Abstract

Baux commerciaux

Local accessoire dépendant du fonds donné en location par un bailleur différent - Conditions d'application des règles de renouvellement (L. n° 490, art. 1er al. 2) - Connaissance par le bailleur d'une utilisation jointe au moment de la conclusion du contrat de location

Résumé

Le propriétaire d'un fonds de commerce qui, ayant loué une cave un bailleur autre que celui de l'immeuble de son commerce, prétend que cette location se trouve soumise aux règles de renouvellement des baux commerciaux du fait que ce local constituerait un accessoire du fonds, doit rapporter la preuve conformément à l'article 1er alinéa 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux que cette location a été faite en vue de l'utilisation jointe que lui destinait le preneur et que cette destination avait été connue du bailleur au moment même de la location, la connaissance que le bailleur ait pu avoir au cours du bail de l'affectation n'étant pas démonstrative de cette preuve.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, suivant exploit du 28 juin 1991, E. B. épouse S. et non B., ainsi que cela est mentionné par erreur dans l'acte susvisé, a fait assigner C. G. et E. G. aux fins de voir dire et juger que la location du local à usage d'entrepôt, est soumise à la loi n° 490 du 24 novembre 1948, et ce, dans la mesure où elle a été faite en vue de l'utilisation jointe que lui destinait le preneur et qui s'est réalisée à la connaissance pleine et entière du bailleur ; voir en conséquence dire nul et de nul effet le congé délivré par lettre du conseil du bailleur le 21 mars 1991 pour le 1er juillet 1991, et ce, sans égard pour les droits qui s'attachent à la propriété commerciale dont elle revendique le bénéfice ; et voir enfin condamner les consorts G. à lui payer une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts, le tout avec exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Qu'au soutien de sa demande, E. B. fait valoir qu'elle a acquis le 2 octobre 1984 de M. M. un fonds de commerce de snack-bar, vente de glaces exploité sous l'enseigne « P. B. » ; que M. M. était également locataire d'une cave à usage d'entrepôt, appartenant aux consorts G., dont elle est elle-même devenue locataire depuis 1989 pour s'en servir de dépôt ; qu'E. B. évoque à cet égard la pérennité de la location dont s'agit, dans la mesure où le local a toujours été loué par les défendeurs à l'exploitant du fonds de commerce « P. B. », M. M. d'abord, puis elle-même dès la souscription d'un acte sous seing privé du 30 mars 1985 ; qu'en outre, la demanderesse indique que l'utilisation de la cave était connue de ses bailleurs qui n'ignoraient pas sa qualité d'exploitante du fonds « P. B. » et s'y faisaient adresser, avec son accord, des factures de gaz et d'électricité ; que les termes d'une sommation de payer du 27 août 1990 seraient à cet égard dénués d'équivoque dans la mesure où ses bailleurs précisaient que « ... la cave devait servir de dépôt au » P. B. « » ;

Attendu que C. et E. G. concluent pour leur part que les conditions prescrites par l'article 1er de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ne sont pas remplies, la demanderesse ne rapportant pas la preuve de l'exploitation d'un fonds de commerce ou d'industrie depuis au moins trois ans dans le local litigieux, que le contrat de bail du 30 mars 1985, à effet du 1er juillet 1985 pour une durée d'un an renouvelable est de nature purement civile et qu'E. B. doit être déboutée des fins de son assignation ;

Qu'à titre reconventionnel, les consorts G. sollicitent la validation du congé délivré le 21 mars 1991 pour le terme du bail advenant le 1er juillet 1991 et la condamnation de la demanderesse à leur payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que pour dénier le bénéfice de la propriété commerciale à E. B., les consorts G. font valoir que la cave, objet de la location, n'a d'usage exclusif que pour entreposer et stocker des marchandises servant à l'exploitation principale « L. P. B. » et qu'il s'agit là d'une simple commodité dont la privation n'affecterait en rien l'exploitation dudit fonds ; que les défendeurs - sans contester avoir eu connaissance de l'usage donné au local loué par E. B. - dénient en avoir reconnu le caractère indispensable à l'exploitation principale ; qu'ils font à cet égard valoir qu'aucune mention n'a été portée au Répertoire du commerce par E. B. lors de son exploitation personnelle, ni lors de la mise en gérance du fonds ;

Que, tout en se référant aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 490 et au fait constant que le local litigieux appartient à un propriétaire différent (de celui faisant l'objet de l'exploitation principale), les consorts G. estiment que pour bénéficier des règles de renouvellement des baux prévues par ledit article, le local accessoire doit avoir été loué dès l'origine, au vu et au su du bailleur, en vue de l'utilisation jointe mentionnée par ce texte ;

Attendu que, par conclusions additionnelles du 16 juin 1993, E. B. épouse S. s'explique sur le silence du contrat de gérance en précisant que le loyer de la cave devait faire l'objet d'un paiement distinct de celui des murs du fonds considéré, ce qui confirme le gérant dans une attestation du 21 avril 1993 ; qu'en outre, la demanderesse rappelle qu'aucune disposition spécifique de la loi n° 490 ne subordonne, comme cela est en revanche le cas en France, le droit à la propriété commerciale à l'immatriculation du locataire au Répertoire du commerce, ni au demeurant à la forme dans laquelle le contrat de bail a pu être souscrit ; qu'E. B. estime en effet que seule la destination du local et son affectation commerciale doivent permettre de fixer la nature juridique du bail ;

Sur ce,

Attendu qu'il ressort des pièces produites que par acte sous seing privé en date du 30 mars 1985 - non signé par E. B., mais dont les parties n'ont pas contesté qu'ils étaient liés par ses termes, et dont la copie traduite en langue française doit être enregistrée avec le présent jugement -, E. et C. G. ont loué à E. B. épouse S. une cave de 25 m2, et ce, pour une durée d'un an renouvelable à compter du 1er juillet 1985 et moyennant un loyer mensuel de 480 F ;

Attendu que le régime juridique auquel demeure soumis ledit bail dépend - au-delà des mentions insérées par les parties, ou de la forme dans laquelle a été souscrit le contrat - de la nature de l'activité exercée en fait dans les lieux, voire s'agissant d'un local qualifié en l'espèce d'accessoire, du respect des conditions édictées à l'article 1er alinéa 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ;

Attendu qu'E. B. épouse S., se prétendant en effet bénéficiaire du droit à la propriété commerciale sur le local, et ce, à l'effet de pouvoir prétendre à la protection légale applicable en cas d'éviction, il y a lieu de déterminer si la cave, objet du bail du 30 mars 1985, caractérise un local accessoire protégé par le statut des baux commerciaux, étant admis qu'aucun fonds de commerce ou d'industrie n'y est directement exploité ;

Attendu que, dès lors qu'il est constant qu'E. B. épouse S. exploite son activité principale à l'enseigne « P. B. » dans un local dont le propriétaire n'est pas l'un des consorts G., eux-mêmes propriétaires du local qualifié d'accessoire, il y a lieu de déterminer si, conformément aux prescriptions de l'article 1er alinéa 2 de la loi n° 490, la location qui concerne le local a été faite en vue de l'utilisation jointe que lui destinait le preneur et si cette destination a été connue du bailleur au moment de la location ;

Attendu que les pièces produites par la demanderesse (notamment la facture d'électricité adressée le 2 avril 1991 au fonds principal et la sommation de payer du 27 août 1990) ne sauraient à cet égard établir que la connaissance qu'ont pu avoir les bailleurs de la destination, en cours de bail, du local loué à E. B. qui utilisait à titre de dépôt la cave louée, mais ne démontrent nullement, en revanche, la connaissance que ces propriétaires auraient pu avoir de ce projet d'affectation au moment de la conclusion du contrat ;

Attendu, en effet, qu'outre le silence du contrat de bail proprement dit, aucune pièce n'apparaît de nature à démontrer qu'en mars 1985, soit à l'époque où ils allaient louer leur cave à E. B. épouse S., les consorts G. connaissaient l'utilisation jointe envisagée ;

Attendu qu'il y a donc lieu de débouter E. B. épouse S. des fins de son assignation, en ce qu'elle n'a pas rapporté la preuve de ce que la location consentie par les consorts G. relevait du statut des baux commerciaux ;

Que, dès lors que le bail considéré soumis au droit commun, venait à échéance le 1er juillet 1991, il y a donc lieu de faire droit à la demande reconventionnelle des consorts G., tendant à la validation du congé délivré à E. B. épouse S. pour le 1er juillet 1991, et ce, conformément aux règles applicables en matière de baux à loyer ;

Attendu qu'E. B. épouse S. doit dès lors être expulsée des lieux loués, et ce, sans pouvoir prétendre au bénéfice du statut protecteur de la loi n° 490 ;

Attendu qu'il apparaît cependant qu'en l'état de sa qualité de commerçante et de l'affectation de fait apportée au local donné à bail, E. B. a pu se méprendre sur la portée de ses droits en poursuivant son occupation des locaux loués ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formulée par les consorts G. ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement

Dit que le bail liant les parties, venu à expiration le 1er juillet 1991, ne relève pas des dispositions de la loi n° 490 sur les loyers commerciaux ;

Déclare recevable la demande reconventionnelle formulée par C. et E. G. ;

Ordonne qu'E. B. épouse S., ainsi que tous occupants de son chef, devront quitter, de corps et de biens, le local susvisé, ce, dans le mois de la signification du présent jugement ;

Dit que faute par eux de ce faire, ils pourront être expulsés par toute voie de droit, y compris la force publique ;

Déboute C. et E. G. des fins de leur demande de dommages-intérêts.

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet, prem. subst proc. gén. ; Mes Leandri et Escaut, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26265
Date de la décision : 16/12/1993

Analyses

Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : B.-S.
Défendeurs : G.

Références :

article 1er alinéa 2 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
loi n° 490 du 24 novembre 1948


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1993-12-16;26265 ?

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