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11/11/1993 | MONACO | N°26297

Monaco | Tribunal de première instance, 11 novembre 1993, A. c/ C., société Sotheby's


Abstract

Conflit de juridictions

Compétence Internationale du Tribunal :mainlevée d'une saisie conservatoire - Incompétence du Tribunal pour connaître de la créance après mainlevée, article 3-9° du Code de procédure civile

Saisie conservatoire

Objet saisi propriété du conjoint du débiteur - Acquisition en vue d'une revente - Exclusion de la prescription d'indivision contenue dans le contrat de mariage sous régime de séparation de biens

Résumé

L'instance en validité d'une saisie conservatoire pratiquée sur une œuvre d'art, à l'encont

re d'une personne mariée sous le régime de la séparation de biens, débitrice du saisissement ne saurait...

Abstract

Conflit de juridictions

Compétence Internationale du Tribunal :mainlevée d'une saisie conservatoire - Incompétence du Tribunal pour connaître de la créance après mainlevée, article 3-9° du Code de procédure civile

Saisie conservatoire

Objet saisi propriété du conjoint du débiteur - Acquisition en vue d'une revente - Exclusion de la prescription d'indivision contenue dans le contrat de mariage sous régime de séparation de biens

Résumé

L'instance en validité d'une saisie conservatoire pratiquée sur une œuvre d'art, à l'encontre d'une personne mariée sous le régime de la séparation de biens, débitrice du saisissement ne saurait prospérer, alors qu'il apparaît des circonstances de la cause, que seul son conjoint avait acquis la propriété de cette œuvre en tant que professionnel, aux fins de la revendre, ce qui exclut la prescription conventionnelle d'indivision que prévoyait le contrat de mariage en matière de meubles meublants.

Il s'ensuit, en l'état de la mainlevée de cette mesure conservatoire qui s'impose, que le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur l'action en paiement du prix sur le fondement de l'article 3-9° du Code de procédure civile, étant donné que les parties en présence sont étrangères, qu'elles ne sont pas domiciliées à Monaco et ne soutiennent pas quant au fond que leurs obligations à caractère personnel soient nées à Monaco ou aient à y être exécutées.

Motifs

Le Tribunal

Attendu que selon exploit du 24 janvier 1992, Maître J.-C. A., régulièrement autorisé par ordonnance présidentielle du 20 décembre 1991 à faire saisir conservatoirement auprès de la société Sotheby's Monaco un tableau, huile sur toile, pour avoir sûreté, garantie et paiement d'une somme de 95 000 francs a fait assigner ladite société et A. C. aux fins de voir condamner celle-ci à lui payer la somme de 88 294 francs, montant d'un chèque sans provision, qu'elle lui aurait remis, ce, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1991, outre 7 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Que J.-C. A. sollicite en outre l'autorisation de faire procéder à la vente du tableau saisi entre les mains de la société Sotheby's aux fins de se rembourser sur le produit de vente, ainsi que l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Attendu qu'A. C. n'a pas été citée à personne et a fait défaut le 27 février 1992, tandis que la société Sotheby's constituait régulièrement avocat ; que le Tribunal a ordonné par jugement du 27 février 1992 la réassignation de la défenderesse défaillante ;

Attendu que, selon exploit du 10 mars 1992, J.-C. A. a fait réassigner A. C. ainsi que la société Sotheby's ;

Que celle-ci demande au Tribunal qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle reconnaît être en possession de l'huile sur toile, et qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes de Maître A. ;

Attendu que, par conclusions d'intervention volontaire du 13 mai 1992, C. O. C. expose qu'il est marié avec A. R. depuis 1984 sous le régime de la séparation de biens et qu'il est le seul propriétaire de l'huile sur toile ;

Que seule son épouse se serait portée adjudicataire le 9 juin 1991 de tableaux pour un montant de 168 294 francs, pour lesquels elle aurait réglé une somme de 18 860 francs le même jour par chèque sans provision ;

Qu'il sollicite en conséquence, outre la restitution du tableau saisi, et la condamnation de Maître A. à lui payer 40 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'en réponse, Maître A. fait valoir que le contrat de mariage établi le 27 novembre 1984 en faveur des époux C. prévoit que les meubles meublants et objets mobiliers à l'usage commun du ménage seront présumés appartenir à chacun des époux par moitié ; que, le tableau étant estimé à une valeur comprise entre 200 000 francs et 300 000 francs, les droits d'A. C. ne sauraient être inférieurs à 100 000 francs ;

Que le demandeur sollicite en conséquence le bénéfice de son exploit introductif d'instance, et, de surcroît, la condamnation solidaire des époux C. à lui payer 20 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu enfin qu'A. R. épouse C., représentée par son administrateur légal, C. C. désigné en cette qualité par jugement du Tribunal d'instance de Neuilly-sur-Seine du 6 juin 1992, confirme que son époux est le seul propriétaire de l'huile sur toile saisie et qu'elle s'est seule portée adjudicataire de tableaux le 9 juin 1991 pour lesquels elle a réglé, au moyen d'un chèque qui s'est révélé sans provision, une somme de 18 860 francs ;

Qu'elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de J.-C. A. et soulève l'incompétence du Tribunal aux motifs que la créance invoquée par Maître A. ferait l'objet d'une instance judiciaire engagée par elle devant le Tribunal de grande instance de Lyon ;

Qu'elle conclut enfin à la condamnation de J.-C. A. à lui payer 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Sur ce,

Attendu en la forme, qu'il y a lieu de donner acte à C. C. de son intervention volontaire aux débats ;

Attendu que l'exception de litispendance soulevée par A. C. doit être rejetée dès lorsqu'elle ne peut être opposée devant les juridictions monégasques lorsqu'elle tend à les dessaisir au profit d'une juridiction étrangère ;

Attendu, au fond, qu'il y a lieu dans un premier temps d'examiner la demande tendant à prononcer la validité de la saisie-conservatoire pratiquée le 6 janvier 1992 par J.-C. A. entre les mains de la société Sotheby's SAM, qui constitue le chef de compétence tiré de l'article 3-9° du Code de procédure civile permettant à ce Tribunal de connaître du présent litige ;

Attendu qu'il est constant qu'A. C. s'est portée acquéreur de diverses œuvres d'art lors d'une vente aux enchères publiques organisée le 9 juin 1991 à Lyon par Maître J.-C. A. ;

Qu'en règlement de ses adjudications, A. C. a remis au demandeur un chèque versé aux débats, émis par elle le 9 juillet 1991 d'un montant de 88 294 francs qui a été rejeté par la banque Société Générale pour « défaut ou insuffisance de provision » ;

Attendu que, pour garantir sa créance, J.-C. A. a fait saisir conservatoirement le 6 janvier 1992 un tableau, huile sur toile, mis en vente par la société Sotheby's Monaco SAM sous le numéro 169 de son catalogue afférent à la vente des 5 et 6 décembre 1991 ;

Attendu que, pour justifier sa demande en validation de cette saisie, J.-C. A. se prévaut de l'article 2 du contrat de mariage existant entre les époux C., par lequel ceux-ci ont adopté le régime de séparation de biens, et ainsi rédigé :

« Les meubles meublants et objets mobiliers à l'usage commun du ménage qui se trouveront dans les lieux où les époux demeureront (quel que soit le propriétaire de l'immeuble ou le titulaire du bail) seront présumés appartenir au survivant en cas de dissolution du mariage par décès et à chacun des époux pour moitié dans tous les autres cas » ;

Que, J.-C. A. indique que, le tableau saisi étant estimé à une valeur comprise entre 200 000 francs et 300 000 francs, les droits d'A. C. sur celui-ci ne pourraient être inférieurs à 100 000 francs, montant qui couvrirait la créance invoquée ;

Mais attendu que la présomption conventionnelle d'indivision de l'article 2 précité du contrat de mariage établi le 27 novembre 1984 par Maître Clerc, notaire à Neuilly-sur-Seine ne saurait trouver application en l'espèce dans la mesure où le tableau n'apparaît pas avoir été destiné à l'usage commun du ménage, ni même à garnir le lieu de résidence des époux ;

Qu'en effet, l'huile sur toile a été acquise le 28 avril 1991 par C. C., dont il convient de préciser qu'il exerce la profession de brocanteur, pour la somme de 245 000 francs, ainsi que l'indique G. H., commissaire-priseur, dans une attestation datée du 13 février 1992 ;

Que cette œuvre a été déposée par ce même C. C. dès le 30 juillet 1991 auprès de la société Sotheby's en vue de sa vente aux enchères publiques prévue à Monaco en décembre 1991 ;

Que la concomitance des dates d'achat et de dépôt à la Sotheby's démontre à l'évidence que le tableau dont s'agit n'était pas destiné à l'usage commun du ménage et n'avait pas pour objet de garnir le domicile conjugal, mais s'inscrivait plutôt dans le cadre d'une opération d'achat pour revendre, effectuée par C. C. dans le contexte de son activité professionnelle, pour laquelle il s'est d'ailleurs domicilié à Paris (alors que le domicile des époux était alors situé à Neuilly-sur-Seine) ;

Attendu, de surcroît, que la présomption conventionnelle d'indivision prévue par l'article 2 du contrat de mariage dont se prévaut J.-C. A. relative aux meubles meublants et objets mobiliers se trouvant dans les lieux où les époux demeureront, ne permettrait pas, si elle était applicable, à ce créancier personnel d'A. C. de saisir sa part sur le bien indivis ;

Que seule une demande en partage au nom de sa débitrice et une saisie sur la part de celle-ci pourrait, le cas échéant, être formée ;

Attendu par ailleurs que J.-C. A. n'allègue ni n'offre d'établir que le tableau litigieux serait la propriété exclusive d'A. C., seule circonstance qui aurait permis à ce créancier de saisir un bien de son débiteur personnel ;

Que cette propriété est au contraire revendiquée par C. C. qui prétend être seul propriétaire de l'objet saisi, dont il demande la distraction à son profit ;

Attendu à cet égard qu'il résulte du contrat susvisé de séparation de biens que chaque époux conservera la propriété, l'administration, la jouissance et la libre disposition des biens, meubles et immeubles qui peuvent lui appartenir au moment du mariage ou qui pourront lui advenir par la suite à quelque titre que ce soit ; que chacun d'eux établira la propriété de ses biens par tous les moyens de preuve prévus par la loi ;

Attendu qu'il est constant et non contesté par les parties que C. C. s'est personnellement porté acquéreur de l'huile sur toile le 28 avril 1991 pour la somme de 245 000 francs outre les frais, ainsi que le démontrent le bordereau d'adjudication et l'attestation délivrée par Maître G. H. en date du 13 février 1992 ;

Que ce bien n'apparaît pas avoir été affecté à l'usage du ménage, mais être demeuré en la possession exclusive de son acquéreur, en vue de sa revente trois mois plus tard à l'initiative de ce dernier auprès de la société Sotheby's ;

Attendu que la propriété du tableau apparaît suffisamment caractérisée par les circonstances de la cause ;

Qu'il y a lieu en conséquence de prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 6 janvier 1992 par Maître A. entre les mains de la société Sotheby's et d'ordonner la restitution du tableau par cette société à C. C. ;

Attendu qu'ainsi, en l'état de la mainlevée à laquelle il sera procédé, il y a lieu pour le Tribunal de constater qu'il se trouve désormais dépourvu du seul chef de compétence, tiré de l'article 3-9° du Code de procédure civile, lui permettant de connaître du litige opposant les parties en présence, puisque celles-ci, étrangères, ne sont pas domiciliées en Principauté et ne soutiennent pas, quant au fond, que leurs obligations à caractère personnel soient nées à Monaco ou aient à y être exécutées ;

Qu'il y a lieu de rejeter la demande en paiement de J.-C. A. à l'encontre d'A. C. et de condamner le demandeur principal, qui succombe, aux dépens, sans toutefois lui faire supporter des dommages-intérêts, cette partie ayant pu se méprendre sur la véritable portée de ses droits ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Accueille C. O. C. en son intervention volontaire ;

Rejette l'exception de litispendance soulevée par A. C. ;

Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 6 janvier 1992 entre les mains de la société Sotheby's sur le tableau, huile sur toile " ;

Dit que ce tableau sera restitué, par cette société, à son propriétaire C. C. ;

Se déclare incompétent pour le surplus ;

Déboute J.-C. A. de ses demandes ;

Déboute A. C. et C. O. C. de leur demande en paiement de dommages-intérêts.

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti, Escaut av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26297
Date de la décision : 11/11/1993

Analyses

Procédure civile ; Droit de la famille - Mariage


Parties
Demandeurs : A.
Défendeurs : C., société Sotheby's

Références :

article 3-9° du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1993-11-11;26297 ?

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