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09/07/1992 | MONACO | N°26178

Monaco | Tribunal de première instance, 9 juillet 1992, K. c/ Sté Segafredo Zanetti - France


Abstract

Procédure civile

Exception de sursis à statuer : fondé sur la règle le criminel tient le civil en l'état (CPP, art. 3, al. 2) - Action fondée sur des faits entièrement distincts de ceux servant de base à l'action pénale - Rejet de l'exception

Résumé

Si l'information, dans laquelle le demandeur à la présente instance, a été inculpé du délit d'abus de confiance est actuellement en cours et si les faits dénoncés dans les plaintes avec constitution de partie civile (du défendeur), s'analysent en des détournements de marchandises et de somme

s d'argent se situant dans le cadre des relations contractuelles de la société défenderesse ...

Abstract

Procédure civile

Exception de sursis à statuer : fondé sur la règle le criminel tient le civil en l'état (CPP, art. 3, al. 2) - Action fondée sur des faits entièrement distincts de ceux servant de base à l'action pénale - Rejet de l'exception

Résumé

Si l'information, dans laquelle le demandeur à la présente instance, a été inculpé du délit d'abus de confiance est actuellement en cours et si les faits dénoncés dans les plaintes avec constitution de partie civile (du défendeur), s'analysent en des détournements de marchandises et de sommes d'argent se situant dans le cadre des relations contractuelles de la société défenderesse dont le demandeur était l'agent, il n'en demeure pas moins, en l'espèce, que ces faits fussent-ils établis et retenus à sa charge par la juridiction pénale, seraient sans influence sur la solution du litige, objet de la présente instance civile.

En effet, l'action en responsabilité civile intentée par le demandeur se trouve fondée sur les articles 1229 et 1230 du Code civil au regard des agissements fautifs de cette dernière, commis en dehors des rapports contractuels liant les parties, concernant des faits entièrement distincts de ceux qui ont servi de base à l'action pénale de la défenderesse.

Il s'ensuit que l'exception soulevée par la défenderesse, qui invoque l'application de la règle « le criminel tient le civil en l'état » édictée par l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile, doit être rejetée.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

M. K. exploitant en son nom personnel, à Monaco, un fonds de commerce de vente au détail et en gros import-export de vins fins et spiritueux ainsi que de « vente en gros de café, de machines à café et appareils de mouture et annexes », avait obtenu, dans le cadre de cette dernière activité, de la société « Segafredo-Zanetti », la concession exclusive de la distribution et de la vente des cafés de marque « Segafredo-Zanetti » en Principauté de Monaco et en France, dans les départements des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches du Rhône ;

Dans le cadre de ce contrat de concession intervenu le 29 septembre 1984, M. K. avait placé gratuitement auprès de sa clientèle tant à Monaco que dans les départements susvisés du territoire français des machines à café et appareils annexes, lesquels sont restés sa propriété ; en contrepartie, il obtenait de sa clientèle la souscription d'un contrat d'approvisionnement exclusif de café ;

Dans le but de regrouper ses activités commerciales sur le territoire des départements français susvisés ainsi qu'en Principauté de Monaco, la société à responsabilité limitée « Segafredo-Zanetti France », filiale de la société de droit italien du même nom, a proposé à M. K. de lui racheter la clientèle et le matériel qu'il s'était constitués dans le secteur de la vente en gros, demi-gros et détail de café ; c'est ainsi que selon deux actes sous seing privé en date du 13 novembre 1987, les parties ont défini et arrêté les modalités de la vente dont s'agit, laquelle prenait effet à compter du 1er novembre 1987, date à laquelle, par ailleurs, M. K. devenait agent général de ladite société ;

Selon actes authentiques en date à Monaco du 4 décembre 1987, M. K. cédait à la société « Segafredo-Zanetti France » la clientèle qu'il s'était constituée ainsi que l'ensemble du matériel et accessoires mis en dépôt chez celle-ci d'une part en Principauté de Monaco, d'autre part en France, dans les départements des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches du Rhône, moyennant le prix de 4 500 000 F pour ce qui concernait Monaco et celui de 2 000 000 F pour ce qui concernait le territoire des départements français des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches du Rhône ;

Aux termes de ces deux actes notariés, il était en outre stipulé, d'une part sous la rubrique « interdiction de concurrence » que « le vendeur s'interdit en outre formellement le droit de se rétablir ou de s'intéresser directement ou indirectement même comme simple associé commanditaire dans un commerce de la nature de celui vendu, pendant une durée de cinq années à compter de ce même jour sur les territoires de la Principauté de Monaco, des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches du Rhône » ;

D'autre part, sous la rubrique « contrat d'exclusivité en approvisionnement », que « Monsieur K. conservant son droit exclusif de vendre les machines à café et matériel annexe, sur les territoires de Monaco, des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches du Rhône, il est expressément convenu que la société » Segafredo-Zanetti France « s'engage à s'approvisionner exclusivement auprès de Monsieur K. pour tout achat de machines à café et matériel annexe destinés à être mis en dépôt sur les territoires considérés et ce, pendant une période de cinq années à compter du 1er novembre 1987 » ;

Les parties précisaient les conditions de ce contrat d'approvisionnement aux termes d'un acte sous seing privé en date à Monaco du 25 janvier 1988, par lequel M. K. devenait le fournisseur exclusif de la société « Segafredo-Zanetti France » de machines à café et matériel annexe dans les secteurs géographiques délimités par les territoires de la Principauté de Monaco, des départements des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches du Rhône ;

Faisant état de ce que la société à responsabilité limitée de droit français dénommée « San Mac Sud » aurait résilié, de manière unilatérale et sans aucun motif, le contrat de concession exclusive que ladite société lui avait consenti concernant la vente des machines à café de la marque San Marco, et de ce qu'en fait, cette résiliation aurait été provoquée par l'intervention de la société « Segafredo-Zanetti France » dans le dessein de nuire à ses intérêts commerciaux, M. K. a, suivant exploit en date du 14 septembre 1990, fait assigner la société « Segafredo-Zanetti France » aux fins d'obtenir que ladite société soit déclarée responsable, par suite de ses agissements fautifs, des conséquences dommageables de la résiliation du contrat de concession exclusive qu'il avait conclu avec la société « San Mac Sud », tout en sollicitant la condamnation de la société « Segafredo-Zanetti France » au paiement d'une indemnité provisionnelle de 10 000 000 F, dans l'attente des résultats d'une expertise sollicitée à l'effet d'évaluer le montant du préjudice qui en est résulté pour lui ;

La société « Segafredo-Zanetti France » a, in limine litis et avant toute défense au fond, conclu au sursis à statuer, en application de la règle « le criminel tient le civil en l'état », édictée par l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale ;

Elle fait valoir, à cet égard, qu'elle a déposé les 31 octobre et 2 novembre 1990, deux plaintes avec constitution de partie civile à l'encontre de M. K. devant le juge d'instruction de Monaco : la première visant des détournements de sommes que des clients lui avaient remis en sa qualité d'agent général de la société « Segafredo-Zanetti France », en règlement du montant de factures de café de cette marque ; la seconde ayant trait à des ventes d'importantes quantités de café prélevées par M. K. dans le stock, devenu la propriété de la société « Segafredo-Zanetti France », et dont il a encaissé le prix à son profit ;

Elle précise que l'information ouverte à l'encontre de M. K., du chef d'abus de confiance, étant toujours en cours, le sursis à statuer s'impose puisque la décision à intervenir au pénal est susceptible d'avoir une influence sur la présente instance ;

M. K. a conclu au rejet de l'exception de sursis à statuer en faisant observer qu'à les supposer établis, les faits dénoncés par la société défenderesse dans les plaintes avec la constitution de partie civile déposées devant le magistrat instructeur monégasque ne peuvent avoir aucune incidence sur le litige actuellement soumis au Tribunal, en l'absence d'identité des faits servant de base aux deux actions et en l'état d'un fondement juridique distinct pour chacune de celles-ci ;

SUR CE,

Attendu, en la forme, que le Tribunal ne statuera par le présent jugement, de l'accord des parties, que sur l'exception préjudicielle de sursis à statuer soulevée par la société défenderesse ;

Qu'en la cause, la société « Segafredo-Zanetti France » requiert l'application de la règle « le criminel tient le civil en l'état » édictée par l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure pénale, en suite de deux plaintes avec constitution de partie civile en cours d'instruction à Monaco déposées par elle, à l'encontre de M. K., du chef d'abus de confiance, lesquelles ont mis en mouvement l'action publique ;

Attendu que si l'information, dans laquelle M. K. a été inculpé du délit d'abus de confiance est actuellement en cours, et si les faits dénoncés dans les plaintes dont s'agit, s'analysent en des détournements de marchandises et de sommes d'argent s'appliquant à M. K. et se situant dans le cadre de ses relations contractuelles avec la société « Segafredo-Zanetti France », dont il était l'agent général, il n'en demeure pas moins, en l'espèce, que ces faits, fussent-ils établis et retenus à sa charge par la juridiction pénale, seraient sans influence sur la solution du litige, objet de la présente instance civile ;

Qu'en effet, l'action en responsabilité civile intentée par M. K. à l'encontre de la société « Segafredo-Zanetti France » se trouve fondée sur les agissements fautifs de cette dernière, commis en dehors des rapports contractuels liant les parties ; que l'éventuelle condamnation de la société défenderesse à des dommages-intérêts pour le préjudice résultant de ses agissements, ne pourrait dès lors être fondée que sur les dispositions des articles 1229 et 1230 du Code civil régissant la responsabilité délictuelle, mais pour des faits entièrement distincts de ceux qui ont servi de base à l'action pénale de la défenderesse ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner le sursis à statuer ; qu'il convient de rejeter en conséquence, l'exception soulevée par la société « Segafredo-Zanetti France », tout en renvoyant celle-ci à conclure au fond à une audience ultérieure ;

Attendu qu'enfin les dépens seront réservés en fin de cause ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement :

Rejette l'exception de sursis à statuer soulevée par la société à responsabilité limitée « Segafredo-Zanetti France » ;

Renvoie ladite société à conclure au fond à l'audience du 22 octobre 1992 ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato, Léandri av. déf. ; Berard, av. barr. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26178
Date de la décision : 09/07/1992

Analyses

Justice (organisation institutionnelle) ; Procédure civile


Parties
Demandeurs : K.
Défendeurs : Sté Segafredo Zanetti - France

Références :

article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile
articles 1229 et 1230 du Code civil
CPP, art. 3, al. 2


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-07-09;26178 ?

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