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25/06/1992 | MONACO | N°26198

Monaco | Tribunal de première instance, 25 juin 1992, SAM Batilux c/ Banque Sudaméris France, Société Condotte d'Acqua, Sieur P.


Abstract

Saisie-arrêt

Dessaisissement des fonds par le tiers-saisi en l'état d'un jugement ordonnant la mainlevée de la saisie, frappé d'appel mais non signifié à celui-ci.

- Action en paiements des sommes saisies arrêtées par le saisissant après infirmation de ce jugement sur le fondement de l'article 1097 du Code civil : rejet.

- Autorité de la chose jugée du jugement à l'égard du tiers-saisi.

Chose jugée

Jugement ordonnant la mainlevée d'une saisie-arrêt, non signifié au tiers-saisi qui se dessaisit des fonds.

- Action fondé

e sur l'article 1097 rejetée, le jugement ayant acquis l'autorité de la chose jugée à l'égard du tiers-sais...

Abstract

Saisie-arrêt

Dessaisissement des fonds par le tiers-saisi en l'état d'un jugement ordonnant la mainlevée de la saisie, frappé d'appel mais non signifié à celui-ci.

- Action en paiements des sommes saisies arrêtées par le saisissant après infirmation de ce jugement sur le fondement de l'article 1097 du Code civil : rejet.

- Autorité de la chose jugée du jugement à l'égard du tiers-saisi.

Chose jugée

Jugement ordonnant la mainlevée d'une saisie-arrêt, non signifié au tiers-saisi qui se dessaisit des fonds.

- Action fondée sur l'article 1097 rejetée, le jugement ayant acquis l'autorité de la chose jugée à l'égard du tiers-saisi.

Résumé

À la suite d'un arrêt de la Cour d'appel infirmant un jugement ayant ordonné la mainlevée d'une saisie-arrêt, l'action en paiement des sommes saisies-arrêtées dont la banque tiers-saisi s'était dessaisie, engagée contre celle-ci par le saisissant, sur le fondement de l'article 1097 du Code civil ne saurait prospérer dès lors qu'aucun exploit d'appel formé contre ce jugement n'a été signifié au tiers-saisi à la requête du saisissant qui en était par ailleurs appelant.

Il s'ensuit qu'en l'état de cette omission procédurale dont la responsabilité lui incombe, le saisissant doit être débouté de sa demande, les conditions d'application de l'article susvisé n'étant pas réunies en l'espèce, étant donné que la mainlevée régulière de cette saisie-arrêt avait été ordonnée par une décision judiciaire ayant revêtu l'autorité de la chose jugée à l'égard du tiers-saisi.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Selon marché, tout corps d'état, en date du 28 juin 1977, d'un montant de 129 916 411 francs, hors taxes, la société anonyme monégasque " Résidence du Parc Saint-Roman " a confié à la société anonyme de droit français " Condotte d'Acqua ", sous la direction et le contrôle des architectes N. et C. D., la construction d'un ensemble immobilier ;

La société Condotte d'Acqua a sous-traité le lot n° 16 " Revêtement des sols ", suivant contrat du 7 décembre 1978, à G. P., exerçant le commerce à Monaco, sous l'enseigne " L. S. ", moyennant le prix global, révisable et forfaitaire de 1 760 000 francs, hors taxes, étant précisé que le montant de la révision ne pourrait excéder 17,5 % de cette somme, quelle que soit la durée des travaux ;

C'est ainsi que la société anonyme monégasque " Batilux " a été amenée à livrer à P. 21 567 m2 de moquettes de marque Western, dont le prix s'est élevé à la somme de 1 221 920 francs, que ce dernier s'était engagé à fournir et à poser conformément à la commande qui lui en avait été faite par le maître de l'ouvrage ;

Faisant état de ce que P. ne lui avait versé, en règlement de la livraison des moquettes, qu'une somme de 596 000 francs, à titre d'acomptes, et restait donc lui devoir un solde de prix de 625 920,04 francs, la société Batilux, autorisée par ordonnance du 24 septembre 1981 à faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la société Condotte d'Acqua et de la Banque Sudameris à concurrence de la somme de 280 000 francs, sur toutes sommes, deniers ou valeurs appartenant à P. pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme, montant auquel a été provisoirement évaluée la créance de la société Batilux, a, suivant exploit du 29 mai 1981 (instance n° 92 du rôle de 1981), fait procéder à ladite saisie-arrêt et assigné, d'une part, la société Condotte d'Acqua, ainsi que la Banque Sudameris, tiers saisies, aux fins de déclaration conformément à la loi, d'autre part, P. exerçant le commerce à Monaco, sous l'enseigne " L. S. ", en validité de la saisie-arrêt pratiquée et en paiement des causes de la saisie ;

La société Condotte d'Acqua a déclaré détenir pour le compte de P. une somme de 182 508 francs tandis que la Banque Sudameris a déclaré détenir une somme de 4 416,14 francs sur le compte personnel de P., outre celle de 41 215,01 francs sur le compte de l'entreprise " L. S. " ;

Sur ce, par jugement contradictoire en date du 14 avril 1983, le Tribunal a débouté la société Batilux de sa demande en paiement à l'encontre de P. tout en ordonnant la mainlevée des saisies-arrêts pratiquées à la requête de ladite société ;

De son côté, P. faisant état du non paiement de ses situations, l'ayant contraint à abandonner le chantier avant l'achèvement des travaux qui lui avaient été confiés, a, suivant exploit en date du 7 avril 1983, (Instance n° 400 du rôle de 1983) fait assigner les sociétés Condotte d'Acqua, Batilux et Résidence du Parc Saint-Roman ainsi que l'architecte C. D. en paiement solidaire de la somme de 1 047 904,99 francs, montant du solde des travaux lui restant dus, outre celle de 300 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Par ailleurs, la société Batilux, faisant état de ce que le Tribunal l'avait déboutée de sa demande dirigée contre P. a, suivant exploit du 28 juin 1984 (Instance n° 568 du rôle de 1984) fait assigner P., les sociétés Condotte d'Acqua et Résidence du Parc Saint-Roman ainsi que l'architecte C. D. en paiement solidaire de la somme de 625 920,04 francs, montant du solde du prix de la moquette livrée sur le chantier, outre celle de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Sur ce, par jugement contradictoire, en date du 13 juin 1985, le Tribunal, après avoir joint les instances numéros 400 de 1983 et 568 de 1984, a :

* d'une part, quant à la demande principale en paiement formée par la société BATILUX à l'encontre de P., condamné P. à payer à ladite société 21 567 m2 de moquette de marque Weston of Scandinavia et ordonné une mesure d'expertise pour la détermination de ce prix, tout en déboutant, par ailleurs, la société Batilux de toutes ses autres demandes dirigées tant à l'encontre des sociétés Condotte d'Acqua et Résidence du Parc Saint-Roman que de l'architecte C. D., lesquels défendeurs étaient déboutés de leurs demandes reconventionnelles respectives en dommages-intérêts contre la société Batilux ;

* d'autre part, quant à la demande principale en paiement formée par P. à l'encontre de la société Condotte d'Acqua, ordonné, avant-dire droit au fond, une expertise à l'effet d'apurer les comptes respectifs de ces deux parties, tout en déboutant, par ailleurs, P. de toutes ses autres demandes dirigées tant à l'encontre des sociétés Résidence du Parc Saint-Roman et Batilux, que de l'architecte C. D., lesquels défendeurs étaient déboutés de leurs demandes reconventionnelles respectives en dommages-intérêts contre P. ;

Statuant sur les appels interjetés contre les jugements susvisés du Tribunal en date des 14 avril 1983 et 13 juin 1985, la Cour d'appel a, aux termes de son arrêt du 19 mai 1987 :

* d'une part, infirmé en totalité le jugement du 14 avril 1983 déboutant la société Batilux de sa demande en paiement à l'encontre de P. et ordonnant mainlevée des saisies-arrêts pratiquées à la requête de ladite société ;

* d'autre part, confirmé, dans toutes ses dispositions, le jugement du 13 avril 1985 ;

Statuant sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel précité, la Cour de révision, par arrêt du 19 avril 1988, a rejeté ledit pourvoi, en sorte que l'expertise prescrite par le jugement du 13 avril 1985, confirmé par arrêt de la Cour d'appel du 19 mai 1987 était diligentée au contradictoire de toutes les parties en cause ;

Aux termes de son rapport en date du 20 octobre 1987, déposé le 12 novembre 1987 au Greffe Général, l'expert André Akerib a notamment conclu :

1° Sur le litige opposant la société Batilux à P. :

* Que l'examen de la totalité des factures relatives à la livraison des moquettes établies par la société Batilux pendant la période du 24 janvier 1979 au 16 avril 1980, indique que le prix qui y est mentionné correspond à celui pratiqué par la société Weston, soit 48,18 francs le mètre carré, en sorte que le montant total s'établit à la somme de 1 221 920,04 francs, toutes taxes comprises ;

* Que P. ayant réglé un acompte de 596 000 francs à la société Batilux, il reste devoir à ladite société un solde de 625 920,04 francs ;

2° Sur le litige opposant P. à la société Condotte d'Acqua :

a) Quant au solde des travaux exécutés par P. en exécution du marché :

* que le montant des travaux de revêtement des sols de l'ensemble immobilier Résidence du Parc Saint-Roman consistant en la pose de 21 764 m2 de moquettes s'élevant à 1 760 000 francs, hors taxes, il convient d'en déduire le coût des surfaces de moquettes non posées par P., soit 2 851,63 m2, pouvant être évalué à la somme de 230 448,44 francs ;

* qu'ainsi le montant des travaux effectivement réalisés par P. s'élève à une somme de 2 160 960,63 francs TTC, compte tenu de la révision contractuelle du prix ;

* qu'il s'ensuit que la société Condotte d'Acqua qui a versé la somme de 1 883 818,35 francs, à titre d'acomptes à P., demeure redevable envers celui-ci d'un solde de travaux de :

2 160 960,63 F - 1 883 818,35 F = 277 142,26 F ;

b) Quant aux travaux supplémentaires effectués par P. au titre du compte prorota pour la société Condotte d'Acqua :

* que P. n'ayant fourni aucune pièce justificative des factures qu'il a établies, à ce titre, il n'apparaît pas possible d'en tenir compte, en l'absence par ailleurs, des attachements que celui-ci devait prendre et faire approuver par l'entreprise générale, comme le prévoyait le marché ;

* qu'à cet égard, il convient en conséquence de ne retenir à la charge de la société Condotte d'Acqua, en sa qualité d'entreprise principale et de gestionnaire du compte prorata du chantier que la somme de 222 952,45 francs, qu'elle a reconnu devoir à P., de laquelle doit être déduit l'acompte de 88 053,94 francs, déjà perçu par P., outre la somme de 120 711,26 francs, montant de la participation de son entreprise au financement dudit compte, ce qui laisse subsister un solde de 14 187,25 francs à la charge de la société Condotte d'Acqua ;

c) Quant au stock de moquettes appartenant à P. demeuré sur le chantier :

* qu'à ce sujet, la société Condotte d'Acqua qui aurait dû mettre P. en demeure d'enlever ce stock, après son départ du chantier, l'a en fait utilisé pour son compte en le mettant à la disposition de l'entreprise Open chargée d'achever les travaux de couverture des sols ;

* que compte tenu du pourcentage des chutes constatées sur le chantier, soit 22,89 %, la surface de moquettes laissée par P., lors de son départ, peut être évaluée à 614,82 m2, représentant un prix de 59 801,67 francs, qu'il appartiendra à la société Condotte d'Acqua de lui rembourser ;

d) Quant à l'abandon du chantier par P. et à ses conséquences dommageables pour la société Condotte d'Acqua :

* que, la surface de moquette posée par l'entreprise Open aux lieu et place de P. étant de 729,78 m2, le montant de cette prestation se serait élevé pour ce dernier à la somme de 68 925,40 francs ;

* que, la société Condotte d'Acqua ayant dû régler à l'entreprise Open pour la fourniture et la pose de cette surface de moquette une somme de 130 782,69 francs, il s'ensuit qu'elle a dû ainsi supporter un surcoût de 84 504,17 francs auquel il convient d'ajouter la somme de 8 114,40 francs, au titre du salaire du personnel d'encadrement chargé de veiller à la direction de ces travaux de finition, soit au total la somme de 92 618,57 francs dont la charge incombera à P., l'abandon du chantier étant imputable à son fait ;

e) Quant à l'apurement des comptes entre P. et la société Condotte d'Acqua :

* que le montant des sommes restant dues par la société Condotte d'Acqua à P. s'élevant à 351 131,44 francs, tandis que P. s'avérant débiteur envers ladite société d'un solde de 135 678,81 francs, il s'ensuit, qu'après compensation, P. demeure créancier de la société Condotte d'Acqua pour un montant de 351 131,44 F - 135 678,81 F = 215 452,63 F ;

La société Batilux a réitéré sa demande initiale, et se référant aux conclusions de l'expert Akerib, dont elle a sollicité l'homologation du rapport, a conclu à la condamnation de P. à lui payer la somme de 625 920,04 francs, montant du solde du prix de vente de la moquette Weston qu'elle lui avait livré sur le chantier, avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 21 septembre 1981, outre celle de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive ;

Elle a, d'autre part, demandé la validation des saisies-arrêts pratiquées à sa requête entre les mains de la société Condotte d'Acqua ainsi que de la Banque Sudameris ;

P. a conclu, au sujet de la demande de la société Batilux, les règlements déjà effectués par ses soins à celle-ci devant être déclarés satisfactoires, dès lors que l'expert a retenu, à tort, les prix portés sur les factures de ladite société, qui étaient supérieurs à celui pratiqué par la société Weston of Scandinavia, lequel devait être seul retenu en la cause ;

La Banque Sudameris a, quant à elle, fait observer, que s'étant dessaisie, à bon droit, des sommes saisies-arrêtées entre ses mains, en application du jugement du Tribunal, du 14 avril 1983, ordonnant la mainlevée de la saisie-arrêt la concernant, lequel était devenu définitif à son égard, dès lors qu'elle n'a pas été appelée en cause d'appel, il convenait de débouter la société Batilux de sa demande en validation de cette saisie-arrêt ;

La société Batilux, faisant valoir que le jugement dont se prévalait la Banque Sudameris avait été infirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt de la Cour d'appel du 19 mai 1987, et qu'ainsi la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de cet établissement financier avait été maintenue, a, suivant exploit en date du 29 mars 1990 (instance n° 510 du rôle de 1990), fait assigner la Banque Sudameris aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes, saisies-arrêtées entre ses mains, sur le fondement de l'article 1097 du Code civil, dès lors qu'elle avait commis une faute engageant sa responsabilité, en se dessaisissant desdites sommes, au profit de son créancier, P. ;

La Banque Sudameris a conclu au rejet de la demande et formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 30 000 francs, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive, en rétorquant qu'elle s'était valablement libérée des fonds saisis-arrêtés, dès lors qu'aucun appel la concernant n'avait été interjeté par quiconque, quant au jugement du 14 avril 1983, ordonnant notamment la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée entre ses mains, et qu'ainsi cette décision, en l'état du certificat de non appel délivré par le Greffier en chef près la Cour d'appel, avait acquis à son égard, l'autorité de la chose jugée ;

P. a, quant à sa demande en paiement dirigée à l'encontre des sociétés Résidence du Parc Saint-Roman et Condotte d'Acqua, sollicité leur condamnation in solidum à lui verser la somme de 825 244,70 francs, avec intérêts au taux légal à compter de la dernière situation récapitulative, outre celle de 300 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Il fait valoir, à cet effet, tout d'abord, que, le marché le liant à la société Condotte d'Acqua étant un marché à forfait, c'est à tort que l'expert a cru devoir déduire de son montant, une somme de 226 815,65 francs correspondant à une surface de moquettes posées de 2 851,63 m2 ;

Que par ailleurs, c'est également de façon erronée que l'expert a estimé à la somme de 59 801,67 francs la valeur de la moquette qu'il avait laissée sur le chantier, laquelle correspondait à une surface de 614,22 mètres carrés, alors qu'en réalité la surface de moquette non utilisée par ses soins, lors de son départ était de 3 045,40 m2, et représentait une valeur de 296 215,10 francs ;

Qu'enfin, c'est également sans aucun fondement que l'expert a cru devoir mettre à sa charge, une somme de 92 615,57 francs, au titre du surcoût qu'a dû supporter la société Condotte d'Acqua du fait de sa défaillance, dès lors qu'il dénie avoir abandonné le chantier ;

La société Condotte d'Acqua a conclu au rejet des demandes formées par P. à son encontre, en faisant successivement valoir :

* quant au solde de travaux, que c'est à juste titre que l'expert a déduit du prix du marché initial, le coût des travaux non exécutés par celui-ci, en le ramenant à la somme de 1 529 551,56 francs ; que, toutefois, l'expert a commis une erreur en calculant le montant de la révision du prix du marché sur sa valeur initiale de 1 760 000 francs alors qu'il n'aurait dû prendre en compte que le seul coût des travaux effectivement réalisés, par P., soit la somme de 1 529 551,59 francs ;

* qu'il s'ensuit que le montant total du prix du marché révisé s'élève à 2 113 532,22 francs TTC au lieu de celui de 2 160 960,63 francs retenu par l'expert ;

* quant au remboursement du stock de moquettes, que l'expert a mis, à tort, à sa charge, le règlement d'une somme de 59 801,67 francs représentant la valeur de la moquette laissée sur le chantier par P., du seul fait qu'il appartenait à celui-ci de procéder à leur enlèvement lors de son départ, sans qu'il soit besoin qu'il ait été mis en demeure, à cet effet ;

* quant aux conséquences de l'abandon du chantier par P., auquel en incombe la responsabilité, en sorte que la résiliation du marché devra être en tant que de besoin, prononcée à ses torts exclusifs, que l'expert a sous-évalué le préjudice subi, de ce chef, par la société Condotte d'Acqua en refusant de prendre en compte la facture de 48 686,40 francs, correspondant à l'immobilisation d'un membre de son personnel pendant toute la durée des travaux de finition de la pose des moquettes qui s'est prolongée environ six mois et en ne retenant, arbitrairement, à ce titre, qu'un délai d'un mois ;

Qu'ainsi le surcoût réellement supporté par la société Condotte d'Acqua s'établit à une somme de 134 319,53 francs au lieu de celle de 92 618,57 francs retenu par l'expert ;

* qu'en tout état de cause, la société Condotte d'Acqua, au vu de ce qui précède, ne saurait être redevable envers P. que d'une somme de 69 172,59 francs ;

La société Résidence du Parc Saint-Roman et L. C. D. ont conclu à leur mise hors de cause, par l'effet de la chose jugée, dès lors que la société Batilux ainsi que P. ont été déboutés de toutes les demandes qu'ils avaient formées à leur encontre par le jugement du Tribunal du 13 juin 1985, confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel du 19 mai 1987 ;

Sur ce,

En la forme,

Attendu, tout d'abord, qu'en l'état de la connexité nécessaire existant entre les demandes respectivement introduites, d'une part, par la société Batilux, suivant exploits des 25 septembre 1981 et 29 mars 1990, d'autre part, par P. suivant exploit du 7 avril 1983, ainsi que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il échet d'ordonner la jonction sollicitée des instances portant les numéros 92 du rôle de 1981, 400 du rôle de 1983 et 510 du rôle de 1990, pour y être statué par un seul et même jugement ;

Attendu, par ailleurs, que la société Batilux et P., ayant été déboutés de leurs demandes respectives dirigées à l'encontre tant de la société Résidence du Parc Saint-Roman que de L. C. D., aux termes du jugement de ce Tribunal, en date du 13 juin 1985, confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel du 19 mai 1987, devenu définitif, il convient, en conséquence, de prononcer la mise hors de cause de ces deux défendeurs, ainsi qu'ils le sollicitent ;

Attendu qu'il s'ensuit, que la présente instance se poursuit désormais, d'une part, sur l'action en paiement et en validation de saisies-arrêts introduite par la société Batilux contre P., la Banque Sudameris et la société Condotte d'Acqua, d'autre part, sur l'action en paiement introduite par P. contre la société Condotte d'Acqua ;

Qu'en l'état du dépôt du rapport de l'expert Akerib, le litige se limite en conséquence, à un apurement des comptes entre ces parties ;

Au fond,

Quant à la demande de la société Batilux contre P.,

Attendu sur l'action en paiement des causes de la saisie, qu'il résulte, à cet égard, des investigations de l'expert Akerib que le prix de la moquette facturé par la société Batilux à P. soit la somme de 1 221 920,02 francs TTC, apparaît conforme à celui figurant sur les factures établies par le fabricant, la société " Weston of Scandinavia Italia " s'élevant à 1 134 033,48 francs, dès lors que l'augmentation en pourcentage de 7,74 % correspond aux frais de gestion supportés par l'importateur, la société italienne, qui a fourni la société Batilux ;

Attendu qu'il s'ensuit, que la créance de la société Batilux apparaît juste et bien vérifiée à concurrence de ladite somme de 1 221 920,04 francs ; que, déduction faite des acomptes versés par P., s'élevant à la somme non contestée de 596 000 francs, ce dernier demeure donc redevable envers la société Batilux d'une somme de 625 920,04 francs, à titre de solde de prix de vente de la moquette qui lui a été livrée et qu'il échet en conséquence de le condamner au paiement de ladite somme, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 1981, date de l'assignation valant mise en demeure, s'agissant d'une créance de nature contractuelle ;

Attendu, en revanche, qu'en l'état de l'expertise ordonnée par le Tribunal, à l'effet de déterminer le solde du prix restant dû par P., la résistance de celui-ci n'apparaît pas avoir revêtu un caractère fautif, en sorte que la société Batilux doit être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu, par ailleurs, que, les prescriptions des articles 487 et suivants du Code de procédure civile apparaissant avoir été respectées, il convient de déclarer régulière en la forme et de valider à concurrence de la somme précitée, outre intérêts et frais, la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de la société Condotte d'Acqua, suivant exploit du 25 septembre 1981, étant observé que ladite société a déclaré ne plus détenir le 7 octobre 1981, pour le compte de P., que la somme de 182 508 francs et qu'elle en sera valablement libérée par le versement qu'elle en opérera entre les mains de la société Batilux ;

Attendu, qu'en revanche, il convient de constater que la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de la Banque Sudameris, suivant exploit du 25 septembre 1981, se trouve dépourvue d'objet, dès lors que cet établissement financier s'est dessaisi des sommes saisies-arrêtées entre ses mains par le versement qu'il en a opéré entre celles de P., son créancier, et ce, en exécution du jugement de ce Tribunal, du 14 avril 1983, lequel était devenu définitif à l'égard de ce tiers-saisi, aucun exploit d'appel formé contre ce jugement n'ayant été signifié à ce dernier à la requête de la société Batilux, qui en était par ailleurs appelante ;

Qu'il s'ensuit, qu'en l'état de cette omission procédurale dont la responsabilité lui incombe, la société Batilux doit être déboutée de sa demande tendant au paiement des sommes saisies-arrêtées dirigée à l'encontre de la Banque Sudameris sur le fondement de l'article 1097 du Code civil, les conditions d'application de ce texte n'étant pas réunies, en l'espèce, dès lors que mainlevée régulière de cette saisie-arrêt avait été ordonnée par une décision judiciaire ayant revêtu l'autorité de la chose jugée à l'égard de ce tiers-saisi ;

Attendu, par ailleurs, que l'action ainsi intentée par la société Batilux contre la Banque Sudameris apparaît revêtir, en la cause, un caractère abusif, qu'ainsi, en l'état du préjudice causé à cette défenderesse, contrainte d'ester en justice, la demanderesse devra être condamnée à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme de 10 000 francs ;

Quant aux demandes de P. contre la société Condotte d'Acqua,

Attendu, quant au paiement du solde de travaux, que l'expert a procédé, à juste titre, à l'évaluation des ouvrages effectivement réalisés par P., en déduisant du montant du prix du marché initial fixé à 1 760 000 francs, hors taxe, une somme de 230 448,44 francs, hors taxe, représentant le coût de 2 851,63 m2 de surface de moquettes non posées par ses soins, par suite de son abandon du chantier, pour ne retenir, à ce titre, qu'une somme de 1 529 551,56 francs, hors taxe ;

Qu'à cet égard, P. ne saurait se prévaloir du caractère forfaitaire du marché considéré, pour prétendre que seul son prix initial devrait être pris en considération pour le calcul des sommes lui restant dues, dès lors qu'aux termes de l'article 1631 du Code civil, ne sont exclues que les augmentations du prix du marché sans l'accord du maître de l'ouvrage ;

Attendu, qu'en revanche, c'est à tort que l'expert a cru devoir calculer le montant de la révision contractuelle du prix du marché sur sa valeur initiale, alors qu'il n'aurait dû prendre en compte que le coût des travaux effectivement exécutés par P., soit la somme de 1 529 551,59 francs ;

Qu'ainsi, le montant total des travaux dû à ce dernier par la société Condotte d'Acqua, après application du coefficient de révision de 17,5 %, s'élève à la somme de 2 113 532,22 francs, toutes taxes comprises ; qu'il s'ensuit que la société Condotte d'Acqua demeure redevable envers P., déduction faite des acomptes qu'elle lui a versés, s'élevant à la somme non contestée de 1 883 818,35 francs, d'un solde de prix de travaux de 229 913,89 francs ;

Attendu, quant au paiement des travaux effectués par P., au titre du compte prorata, que l'expert après examen des factures produites par ce dernier n'a retenu, à bon droit, qu'une somme de 222 952,45 francs, que la société Condotte d'Acqua a, par ailleurs, reconnu lui devoir, de ce chef, sous déduction de l'acompte déjà versé de 88 053,94 francs ;

Que, d'autre part, P. restant redevable envers la société Condotte d'Acqua, gestionnaire du compte prorata, d'une somme de 126 711,26 francs, montant de sa participation au financement de ce compte, il s'ensuit que ladite société demeure redevable envers P. d'un solde de 14 187,25 francs ;

Attendu, quant au règlement du stock de moquettes appartenant à P. et demeuré sur le chantier, qu'il résulte des constatations de l'expert, que la société Condotte d'Acqua a, en fait, utilisé ce stock pour son compte, en le mettant à la disposition de l'entreprise chargée de l'achèvement des travaux de revêtement des sols, après le départ de P. ;

Que compte tenu du pourcentage de chutes constatées par ses soins sur le chantier, s'élevant à 22,89 %, il a justement évalué à 614,82 m2, la surface de moquettes laissée par P. sur le chantier, laquelle représente un prix de 59 801,67 francs, compte tenu de sa facturation initiale, dont la société Condotte d'Acqua lui demeure désormais redevable ;

Quant à la demande reconventionnelle de la société Condotte d'Acqua contre P.,

Attendu qu'il résulte des constatations de l'expert, non contestées sur ce point, que P. a abandonné le chantier, en cours de travaux, en l'état du non paiement de situations lui restant dues par la société Condotte d'Acqua que celle-ci n'a pu lui régler, en l'état de la saisie-arrêt pratiquée sur son compte à la requête de la société Batilux ;

Qu'ainsi l'arrêt momentané du chantier résultant d'une inexécution des engagements respectifs des parties, il échet de constater la résiliation du marché à leurs torts réciproques et de débouter en conséquence la société Condotte d'Acqua de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, au titre de l'abandon du chantier par P. ;

Attendu qu'en définitive, au vu des considérations qui précèdent, P. s'avère ainsi créancier de la société Condotte d'Acqua, d'un solde de : 229 713,87 F + 14 187,25 F + 59 801,67 F = 303 702,79 F.

Qu'il échet en conséquence de condamner ladite société à payer à P. la somme de 303 702,79 francs, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1983, date de l'assignation valant seule mise en demeure, s'agissant d'une créance de nature contractuelle ;

Attendu qu'en revanche, P. ne justifiant pas, en la cause, d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement déjà indemnisé par l'allocation d'intérêts au taux légal, il convient de le débouter de sa demande, tendant au paiement de dommages-intérêts, pour résistance abusive ;

Attendu qu'enfin les dépens suivront la succombance respective de P. et de la société Condotte d'Acqua, en leur qualité de défendeurs, et devront être supportés par moitié par chacun d'entre eux ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Joint les instances portant les numéros 92 du rôle de 1981, 400 du rôle de 1983 et 510 du rôle de 1990 ;

Prononce la mise hors de cause de la société anonyme monégasque dénommée " Résidence du Parc Saint-Roman " et de L. C.-D., et statuant au vu du rapport de l'expert André Akerib déposé le 12 novembre 1987, au greffe général :

Condamne P. exerçant le commerce à Monaco, sous l'enseigne " L. S. " à payer à la société anonyme monégasque dénommé " Batilux " la somme de six cent vingt-cinq mille neuf cent vingt francs et quatre centimes (625 920,04 F), montant des causes sus-énoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 1981 ;

Déboute la société Batilux de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts :

Déclare régulière et valide pour ladite somme, outre intérêts et frais, la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de la société anonyme Condotte d'Acqua, par la société Batilux, selon exploit du 25 septembre 1981, et dit que la société Condotte d'Acqua, tiers-saisie, se libérera valablement de la somme qu'elle détient pour le compte de P., par le versement qu'elle en opérera entre les mains de la société Batilux ;

Déboute la société Batilux de sa demande tendant au paiement des sommes saisies-arrêtées dirigée à l'encontre de la Banque Sudameris ;

Condamne la société Batilux à payer à la Banque Sudameris la somme de dix mille francs (10 000 francs) à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la société Condotte d'Acqua à payer à P. la somme de trois cent trois mille sept cent deux francs soixante dix-neuf centimes (303 702,79 francs) montant des causes sus-énoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1983 ;

Déboute P. de sa demande tendant au paiement de dommages-intérêts ;

Déboute la société Condotte d'Acqua de sa demande reconventionnelle ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Marquet, Boéri, Escaut, Brugnetti, Sbarrato av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26198
Date de la décision : 25/06/1992

Analyses

Procédure civile ; Règles d'assiette et de recouvrement


Parties
Demandeurs : SAM Batilux
Défendeurs : Banque Sudaméris France, Société Condotte d'Acqua, Sieur P.

Références :

article 1097 du Code civil
ordonnance du 24 septembre 1981
Code de procédure civile
article 1631 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-06-25;26198 ?

Source

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