La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/1992 | MONACO | N°26163

Monaco | Tribunal de première instance, 21 mai 1992, B. c/ Sté International Computers France ICL.


Abstract

Conflit de juridictions

Clause attributive de compétence - Validité : absence de contrariété à l'ordre public

Tribunal de première instance

Clause attributive de compétence - Validité : absence de contrariété à l'ordre public

Résumé

La clause insérée dans le contrat de location de matériel et logiciel informatiques, stipulant que toute contestation relative à l'exécution dudit contrat, relève de la compétence exclusive des tribunaux de Paris, imposant au locataire qui l'avait accepté en signant le contrat où elle figurait

, de soumettre le litige l'opposant au loueur, né de l'inexécution fautive par celui de ses obligations c...

Abstract

Conflit de juridictions

Clause attributive de compétence - Validité : absence de contrariété à l'ordre public

Tribunal de première instance

Clause attributive de compétence - Validité : absence de contrariété à l'ordre public

Résumé

La clause insérée dans le contrat de location de matériel et logiciel informatiques, stipulant que toute contestation relative à l'exécution dudit contrat, relève de la compétence exclusive des tribunaux de Paris, imposant au locataire qui l'avait accepté en signant le contrat où elle figurait, de soumettre le litige l'opposant au loueur, né de l'inexécution fautive par celui de ses obligations contractuelles, aux tribunaux de Paris.

Ladite clause est dépourvue d'ambiguïté puisqu'elle réserve au demandeur non commerçant, pour lequel ces contrats n'auraient pas constitué des actes de commerce, la faculté d'actionner, à son choix, l'entreprise, soit devant le Tribunal de grande instance de Paris, soit devant le Tribunal de commerce de Paris.

Il s'évince de ces considérations que les dispositions de l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile, invoquées par le demandeur, ne sauraient recevoir application, en la cause, les parties, comme il leur était loisible, y ayant dérogé expressément, aux termes des conventions intervenues entre elles, lesquelles leur tiennent lieu de loi, ainsi qu'en dispose l'article 989 du Code civil.

Cette clause apparaît valable au regard de la loi monégasque, dès lors qu'elle ne fait pas échec à une règle d'ordre public conférant la compétence territoriale exclusive aux juridictions de la Principauté.

Il s'ensuit que le tribunal doit se déclarer incompétent en application de la clause attributive de juridiction invoquée.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Selon actes sous seing privés en date à Monaco du 22 novembre 1979 - dont les copies versées aux débats n'apparaissent pas avoir été enregistrées, en sorte qu'elles devront l'être avec le présent jugement - la société anonyme de droit français dénommée « International Computers France », en abrégé « ICL France » a consenti à M. B., administrateur de biens en Principauté, d'une part, la location moyennant un loyer mensuel de 5 661,26 F d'un ensemble de matériels informatiques « 120-1 B », d'autre part la concession du droit d'usage d'un logiciel moyennant un loyer mensuel de 257,54 F ;

Chacune de ces conventions stipulait, en son article 1er, qu'elle était régie par les conditions générales formant partie intégrant du contrat, que le client déclarait parfaitement connaître et accepter ;

Sous la rubrique « Attribution de juridiction », les conditions générales annexées aux contrats de location et de licence susvisés comportaient chacune une clause figurant respectivement sous les articles 16 et 17, laquelle prévoyait que toute contestation ou litige relatif à ces contrats serait de la compétence exclusive des Tribunaux de Paris, même en cas de pluralité de défendeurs ou d'appel en garantie ;

M. B. ayant, en cours d'exécution de ces contrats, fait état de difficultés survenues dans le fonctionnement de l'ensemble du matériel et du logiciel informatique qui lui avait été fourni par la société « ICL France », une expertise a été prescrite à sa requête, par ordonnances de référé en date des 21 mars 1982 et 29 juillet 1985, à l'effet de rechercher l'existence et les causes de la non-conformité du matériel et du logiciel informatiques alléguée par celui-ci, ainsi que les remèdes à y porter pour les rendre conformes à l'usage auquel ce dernier les destinait ;

Aux termes de son rapport en date du 30 septembre 1986, l'expert Salvagny a notamment conclu :

* que, concernant la livraison du matériel, seule l'imprimante n'était pas conforme à la commande, du fait qu'elle ne comportait que 132 positions d'impression au lieu de 198 initialement convenues ;

* que ce défaut de conformité a entraîné une gêne indéniable dans le fonctionnement du cabinet B., « car les grands états sont souvent nécessaires pour une présentation claire et facilement utilisable des résultats » ;

* que, d'autre part, le manuel d'utilisation de l'ordinateur rédigé en français, n'a jamais été délivré, qu'enfin aucune formation du personnel du cabinet B. n'a été assurée sur place ;

* que concernant le logiciel, celui-ci devait se composer de deux chaînes : la chaîne « locations » destinée à traiter l'activité de gestion des locations vides et meublées et la chaîne « syndic » destinée à traiter l'activité de gestion des copropriétés alors qu'en réalité seul a été partiellement fourni le programme correspondant au traitement de l'activité « gestion des locations » ;

* que par ailleurs, s'agissant d'un logiciel déjà réalisé par « ICL France » pour un autre cabinet de syndic, le cabinet Q., celui-ci devait nécessairement, comme il en avait été convenu, être adapté aux besoins spécifiques du cabinet B. ;

* qu'à ce sujet, aucun cahier des charges, traduisant les objectifs et les besoins du cabinet B., n'a été établi par les parties, préalablement à la signature du contrat, alors que seul ce document était de nature à permettre l'adaptation des programmes fournis à la prestation souhaitée par leur utilisation ;

* qu'il s'ensuit, qu'en l'absence de ce cahier des charges, le cabinet B. n'a pas été à même de se rendre compte des résultats qui lui seraient fournis, de même que la société ICL France n'a pu avoir une analyse précise des programmes à réaliser ;

Se référant aux constatations de l'expert Salvagny dont il a sollicité l'homologation du rapport, M. B., a, suivant exploit en date du 17 janvier 1990, fait assigner la société « International Computers France » en résolution des conventions intervenues entre lui et ladite société, aux torts de cette dernière, ainsi qu'en paiement de la somme de 500 000 F, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice commercial subi, outre celle de 20 000 F pour résistance abusive, sollicitant par ailleurs, l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

La société ICL France, a conclu, in limine litis et avant toute défense au fond, à l'incompétence du Tribunal de Monaco au profit du Tribunal de commerce de Paris, au motif que les contrats de location liant les parties, comportaient chacun, une clause attributive de juridiction « aux Tribunaux de Paris », à laquelle M. B. avait nécessairement adhéré, en parfaite connaissance de cause, lors de la signature de ces contrats ;

M. B., réitérant sa demande initiale, a rétorqué, quant à l'incompétence soulevée, que dès lors que, comme en l'espèce, les contrats litigieux ont été signés et exécutés à Monaco, il était fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile, aux termes desquelles les tribunaux de la Principauté connaissent, quelque soit le domicile du défendeur, « des actions fondées sur des obligations qui sont nées ou doivent être exécutées dans la Principauté », alors d'autant que ces dispositions revêtent un caractère impératif, touchant à l'ordre des juridictions monégasques ;

La société « ICL France », réitérant son exception d'incompétence, a relevé que les dispositions relatives à la compétence territoriale étant, tant en France qu'à Monaco, d'intérêt privé, les parties avaient pu valablement y déroger par les clauses dont s'agit ;

SUR CE,

Attendu que le Tribunal ne statuera par le présent jugement que sur l'exception d'incompétence soulevée par la défenderesse ;

Qu'il lui appartient de ce chef, d'examiner le fond, à seule fin de vérifier les conditions de la compétence ;

Attendu, à cet égard, qu'il résulte des pièces versées aux débats, notamment du rapport de l'expert Salvagny, que le matériel et le logiciel informatiques donnés en location par la société ICL France à M. B., s'agissant d'éléments indissociables, n'ont pas été en état de fonctionner convenablement, les défauts affectant la fourniture du logiciel dont les programmes avaient été livrés en faible partie et qui comportaient des insuffisances et des erreurs ayant compromis l'utilisation du matériel, lequel s'est révélé totalement inadapté à l'usage auquel le destinait son utilisateur ;

Que, M. B., prétendant aux termes de ses écritures judiciaires, que la société « ICL France » n'avait pas exécuté ses engagements et ayant assigné celle-ci aux fins d'obtenir du Tribunal la résolution des conventions intervenues entre eux ainsi que le paiement de dommages-intérêts, son action, ayant trait aux difficultés survenues à propos de l'exécution des conventions dont s'agit, est d'ordre contractuel ;

Qu'en l'état de la clause attributive des contrats liant la société « ICL France » à M. B., stipulant que toute contestation relative au contrat est de la compétence exclusive des Tribunaux de Paris, il s'ensuit que l'existence d'une telle clause imposait à M. B., qui l'avait acceptée en signant le contrat où elle figurait, de soumettre le litige l'opposant à la société « ICL France », né de l'inexécution fautive par celle-ci de ses obligations contractuelles à son égard, aux Tribunaux de Paris ;

Qu'il convient ici de préciser, que ladite clause est dépourvue de toute ambiguïté et désigne de manière suffisamment précise la juridiction devant être saisie du litige opposant les parties auxdits contrats ;

Qu'en effet, dès lors que les locations de matériels et de logiciels informatiques constituent l'activité commerciale de la société « ICL France », la clause dont s'agit, réserve ainsi au demandeur non commerçant, pour lequel ces contrats n'auraient pas constitué des actes de commerce, la faculté d'actionner, à son choix ladite société, soit devant le Tribunal de grande instance de Paris, soit devant le Tribunal de commerce de Paris ;

Attendu qu'il s'évince de ces considérations, que les dispositions de l'article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile, invoquées par le demandeur, ne sauraient recevoir application, en la cause, les parties, comme il leur était loisible, y ayant dérogé expressément, aux termes des conventions intervenues entre elles, lesquelles leur tiennent lieu de loi, ainsi qu'en dispose l'article 989 du Code civil ;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence pour le tribunal de se déclarer incompétent quant aux demandes formées par M. B. à l'encontre de la société « ICL France », ce, en application de la clause attributive de juridiction invoquée par ladite société observation étant faite ;

Que cette clause apparaît valable au regard de la loi monégasque, dès lors qu'elle ne fait pas échec à une règle d'ordre public conférant la compétence territoriale exclusive aux juridictions de la Principauté ;

Attendu, enfin que les dépens suivent la succombance du demandeur ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Se déclare incompétent ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti et Lorenzi, av. déf. ; Gouvin, av. barr. de Nice ; Veil, av. barr. de Paris.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26163
Date de la décision : 21/05/1992

Analyses

Justice (organisation institutionnelle) ; Contentieux et coopération judiciaire


Parties
Demandeurs : B.
Défendeurs : Sté International Computers France ICL.

Références :

article 989 du Code civil
article 3 alinéa 2 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-05-21;26163 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award