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21/05/1992 | MONACO | N°26161

Monaco | Tribunal de première instance, 21 mai 1992, M. c/ V.


Abstract

Communauté entre époux

Communauté réduite aux acquêts - Biens communs : billet de loterie gagnant : meuble présumé commun - Ancien article 1344 du Code civil

Preuve

Attestation - Admissibilité de la preuve contraire selon les règles du droit commun : nécessité d'un commencement de preuve par écrit

Résumé

S'agissant d'un contrat de mariage soumis aux dispositions des articles 1343 et suivants du Code civil, il s'avère que sont exclus de la communauté tous les biens meubles qui pourront advenir aux époux pendant leur mariage par

successions, donations, legs ou autrement, le partage de la communauté devant par ailleurs se borne...

Abstract

Communauté entre époux

Communauté réduite aux acquêts - Biens communs : billet de loterie gagnant : meuble présumé commun - Ancien article 1344 du Code civil

Preuve

Attestation - Admissibilité de la preuve contraire selon les règles du droit commun : nécessité d'un commencement de preuve par écrit

Résumé

S'agissant d'un contrat de mariage soumis aux dispositions des articles 1343 et suivants du Code civil, il s'avère que sont exclus de la communauté tous les biens meubles qui pourront advenir aux époux pendant leur mariage par successions, donations, legs ou autrement, le partage de la communauté devant par ailleurs se borner aux acquêts faits par les époux, ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de l'industrie de chacun d'eux que des économies réalisées sur les produits et revenus de leurs biens propres.

Aux termes de l'article 1344 ancien du Code civil, si le mobilier existant lors du mariage ou échu depuis n'a pas été constaté par inventaire ou état en bonne forme, il est réputé acquis.

Le terme « mobilier » doit être entendu au sens que lui confère l'article 429 du Code civil, en sorte que le billet de loterie dont s'agit se trouve régi par la règle de preuve édictée par l'article 1344 précité.

Cette règle donne lieu à une application distincte selon que la propriété d'un bien propre est opposée à un époux ou à des tiers.

En effet, ainsi qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi française du 29 avril 1924 ayant modifié l'ancien article 1499 du Code civil français dont la rédaction était identique à celle de l'ancien article 1344 du Code civil monégasque (DP 1924, IV, p. 252), lesquels travaux font état de la jurisprudence alors en vigueur, il convient de considérer, que, vis-à-vis du mari, la femme peut à défaut d'inventaire établir la consistance de son mobilier selon le droit commun et, s'il y a lieu, par témoins, tandis qu'à l'égard des tiers aucun équivalent n'est admis aux titres exigés par l'article 1344.

En l'espèce, et étant relevé que le demandeur ne peut être considéré comme un tiers à l'égard de son père, dont il continue la personne, il y a dès lors lieu d'envisager au profit de la veuve de celui-ci que cette dernière puisse pour établir le caractère propre du bien qu'elle revendique, substituer aux inventaires ou actes authentiques qu'elle n'évoque ni ne produit à cet effet, tous autres moyens de preuve établis selon le droit commun et devant être soumis à l'appréciation du tribunal.

Toutefois, l'attestation qu'elle produit ne peut être légalement admise comme preuve en cette matière, au regard du montant de la demande (10 000 000 F) et ainsi que l'indiquent la doctrine et la jurisprudence (Th. Hue, commentaire théorique et pratique du Code civil, t. IX, n° 363) que s'il existe un commencement de preuve par écrit répondant aux critères édictés par l'article 1194 du Code civil et devant, dès lors, émaner soit du défunt, soit de son fils partie principale à l'instance. Ce qui n'est point le cas en l'espèce.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, par exploit susvisé, G. M., fils du premier mariage de J. M., décédé le 14 juillet 1989 à la survivance de sa deuxième épouse C. V., a fait assigner celle-ci à l'effet d'obtenir qu'un lot de 10 000 000 F déposé par elle sur un compte à terme à la banque Paribas, n° 250 540 V, et provenant du tirage de la 81e tranche 1988 de la loterie nationale française, soit déclaré bien commun dans le cadre du régime matrimonial de communauté réduite aux acquêts qu'elle avait contracté avec son défunt mari suivant acte reçu par Maître Louis Aureglia, notaire à Monaco, le 29 mai 1954 ;

Que G. M. sollicitait également, avec intérêts, la réintégration dans le compte de la communauté d'une somme de 2 000 000 F ayant été virée au compte précité de C. V., mais a, par la suite, renoncé à cette demande ;

Attendu qu'après avoir, par deux fois, conclu en défense que le billet de loterie lui ayant procuré le gain litigieux de 10 000 000 F avait été acquis de ses deniers personnels, en sorte que ce gain devrait être tenu pour un bien propre, ce qui justifierait selon elle le rejet de la demande principale et la condamnation de G. M. à lui payer 50 000 F à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive, C. V. a, en dernier lieu, uniquement soutenu que le billet gagnant lui avait été en réalité offert par un nommé C. F., ainsi qu'il résulterait d'une attestation de celui-ci datée du 27 novembre 1991 et versée aux débats, et que c'est cette seule circonstance qui conférerait le caractère de bien propre au gain dont s'agit ;

Attendu qu'en réplique et tout en relevant que le dernier moyen ainsi avancé par C. V. se trouve en opposition avec la thèse que celle-ci avait constamment soutenue et tenté de justifier dès l'ouverture de la succession du de cujus, et durant plus de deux années de procédure, G. M. considère pour l'essentiel que les dernières prétentions de la défenderesse sont contraires aux faits de l'espèce et justifient par leur caractère artificiel et contestable, l'allocation à son profit d'une somme de 250 000 F à titre de dommages-intérêts, dès lors, en particulier, qu'elles n'auraient d'autre but que de pallier les carences de la preuve, originairement alléguée en défense, que le billet dont s'agit avait été acquis à l'aide de fonds propres de l'épouse ;

Sur quoi,

Attendu que le contrat de mariage conclu le 29 mai 1954 par J. M. et C. V., se trouve expressément soumis aux dispositions des articles 1343 et suivants anciens, du Code civil monégasque et dispose notamment, conformément aux termes dudit article 1343, que sont exclus de la communauté tous les biens meubles qui pourront advenir aux époux pendant leur mariage par successions, donations, legs ou autrement, et, par ailleurs, que le partage de la communauté se bornera aux acquêts faits par les époux, ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de l'industrie de chacun d'eux que des économies faites sur les produits et revenus de leurs biens propres ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1344, ancien, du Code civil, si le mobilier existant lors du mariage ou échu depuis n'a pas été constaté par inventaire ou état en bonne forme, il est réputé acquêt ;

Que le terme « mobilier » doit être entendu au sens que lui confère l'article 429 du Code civil, en sorte que le billet de loterie dont s'agit se trouve régi par la règle de preuve ainsi édictée par l'article 1344 précité ;

Attendu que cette règle donne lieu à une application distincte selon que la propriété d'un bien propre est opposée à un époux ou à des tiers ;

Qu'en effet, ainsi qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi française du 29 avril 1924 ayant modifié l'ancien article 1459 du Code civil français dont la rédaction était identique à celle de l'ancien article 1344 du Code civil monégasque (DP 1924, IV, p. 252) lesquels travaux font état de la jurisprudence alors en vigueur, il convient de considérer, que, vis-à-vis du mari, la femme peut à défaut d'inventaire établir la consistance de son mobilier selon le droit commun et, s'il y a lieu, par témoins, tandis qu'à l'égard des tiers aucun équivalent n'est admis aux titres exigés par l'article 1344 précité ;

Attendu qu'en l'espèce, et étant relevé que G. M. ne peut être considéré comme un tiers à l'égard de son père, dont il continue la personne, il y a dès lors lieu d'envisager au profit de C. V. que celle-ci puisse, pour établir le caractère propre du bien qu'elle revendique, substituer aux inventaire ou acte authentique qu'elle n'évoque ni ne produit à cet effet, tous autres moyens de preuve établis selon le droit commun et devant être soumis à l'appréciation du tribunal ;

Attendu qu'à ce propos la défenderesse principale se borne en dernier lieu à invoquer le témoignage écrit de C. F. qui déclare aux termes de son attestation, ci-dessus mentionnée : « Je soussigné, certifie, sous la foi du serment, avoir offert à Madame M. deux billets de loterie le onze octobre mil neuf cent quatre vingt huit (11 octobre 1988). Il s'avère qu'un de ces billets est sorti gagnant au tirage du super gros lot le (12 octobre 1988) douze octobre mil neuf cent quatre vingt-huit pour la somme de dix millions de francs. Fait à Nice, le 27 novembre 1991 » ;

Attendu, toutefois, que l'attestation ainsi produite ne peut être légalement admise comme preuve en cette matière, au regard du montant de la demande et ainsi que l'indiquent la doctrine et la jurisprudence (Th. Huc, Commentaire théorique et pratique du Code civil, t. IX, N° 363), que s'il existe un commencement de preuve par écrit répondant aux critères édictés par l'article 1194 du Code civil et devant, dès lors, émaner en l'espèce, soit du défunt J. M., soit de son fils G., partie principale à la présente instance ;

Attendu que, tel n'étant pas le cas en l'occurrence, C. V. doit être tenue comme succombant de ce fait en ses moyens de défense, tels qu'il résultent de ses dernières écritures définissant les termes du litige à la clôture des débats ;

Qu'au demeurant, et à supposer établie l'intention libérale de C. F., qui était le kinésithérapeute attitré de J. M., l'attestation précitée, dont le caractère tardif et non spontané affecte de surcroît sa valeur probante, pourrait s'analyser comme ne révélant pas nécessairement la volonté du donateur d'exclure le mari des chances de gain attachées au billet remis, circonstance qui a déjà été retenue par la jurisprudence, dans une espèce voisine, comme privant alors l'épouse de la preuve que ledit billet serait un bien propre (Nantes, 16 juill. 1890 : Journ. Palais, 1891, p. 349) ;

Attendu qu'en définitive, et au regard de la présomption légale résultant de l'article 1341 ancien du Code civil, le billet de loterie dont s'agit, ayant procuré le gain litigieux de la somme de 10 000 000 F, doit être en définitive réputé acquêt, ce qui doit conduire à prescrire conformément à la demande de G. M., que ladite somme soit incluse, avec ses intérêts, dans le partage de la communauté des époux J. M. et C. V., sans qu'il y ait dès lors lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formulée par cette dernière partie pour procédure abusive ;

Attendu que, pour autant, C. V., qui a pu se méprendre sur la portée de ses droits, quant aux moyens de preuve dont elle fait état, ne saurait être non plus condamnée au paiement de dommages-intérêts que lui réclame le demandeur principal pour avoir indûment résisté à son action ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Dit et juge que le lot susvisé de 10 000 000 F, ainsi que les intérêts ayant couru sur cette somme, sont des biens communs aux époux J. M. et C. V. et doivent être inclus dans le partage de la communauté de ces derniers ;

Renvoie les parties à procéder sur cette base au partage de ladite communauté ;

Les déboute du surplus de leurs demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Leandri, av. déf. ; Dufaure de Citres, av. barr. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26161
Date de la décision : 21/05/1992

Analyses

Contrat - Preuve


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : V.

Références :

Code civil
article 1194 du Code civil
article 429 du Code civil
article 1344 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-05-21;26161 ?

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