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09/04/1992 | MONACO | N°26145

Monaco | Tribunal de première instance, 9 avril 1992, SAM Banque internationale de Monaco ABC Banque c/ L.


Abstract

Appel

Jugement du Tribunal du travail - Demande nouvelle forme en cause d'appel - Irrecevabilité

Tribunal du travail

Appel - Demande reconventionnelle - Préliminaire de conciliation non obligatoire

Voir aussi : APPEL

Résumé

Les demandes formées pour la première fois en appel, tendant à obtenir le paiement d'une indemnité pour le cas où l'employeur n'aurait point souscrit un contrat de retraite en faveur de son employé et de dommages intérêts non précisés, constituent des demandes nouvelles lesquelles doivent être déclarÃ

©es irrecevables en application de l'article 431 du Code de procédure civile.

Il est de principe que la d...

Abstract

Appel

Jugement du Tribunal du travail - Demande nouvelle forme en cause d'appel - Irrecevabilité

Tribunal du travail

Appel - Demande reconventionnelle - Préliminaire de conciliation non obligatoire

Voir aussi : APPEL

Résumé

Les demandes formées pour la première fois en appel, tendant à obtenir le paiement d'une indemnité pour le cas où l'employeur n'aurait point souscrit un contrat de retraite en faveur de son employé et de dommages intérêts non précisés, constituent des demandes nouvelles lesquelles doivent être déclarées irrecevables en application de l'article 431 du Code de procédure civile.

Il est de principe que la demande reconventionnelle formée devant le Tribunal du travail qui n'a pas été soumise au préliminaire de conciliation prévu par l'article 55 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création du Tribunal du travail peut être portée devant cette juridiction sans satisfaire à ce formalisme, de sorte qu'une telle demande apparaît recevable en la forme.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Employé en qualité de directeur général adjoint à compter du 1er septembre 1982 par la banque « ABC Banque internationale de Monaco - Groupe Arab Banking Corporation » anciennement dénommée « Banque » L. a été licencié par lettre datée du 31 août 1987 avec effet immédiat, pour faute grave commise dans l'exercice du contrat de service liant la banque ABC Banque Internationale de Monaco à Arab Banking Corporation Daus & Co Bank and Trust Ltd Cayman Islands ;

La banque ABC Banque Internationale de Monaco ayant fait opposition entre ses mains, à compter du 1er octobre 1987 sur les comptes courants ouverts dans ses livres au nom de R. L., celui-ci a obtenu du Juge des Référés une Ordonnance en date du 27 Octobre 1987 donnant mainlevée de ladite opposition portant sur les comptes n° 1034 201-63 et n° 2112 401-83, à la suite de laquelle seul le solde du compte n° 1034 201-63 a été remis à R. L., la banque ABC Banque Internationale de Monaco ayant refusé de payer le solde du compte n° 2112 401-83 ;

Après avoir saisi le Tribunal de première instance, qui s'est déclaré incompétent, d'une demande de remboursement d'une caution locative de 45 000 F ; avancée par elle pour le compte de R. L., la banque ABC Banque Internationale de Monaco a formé la même demande devant la juridiction du Tribunal du travail le 12 avril 1988 ;

Par jugement du 2 février 1989, le Tribunal du travail après voir noté que R. L. soutenait, en défense à la demande en restitution de la banque, être créancier d'un solde de salaires et de sommes retenues indûment sur son compte, a ordonné une mesure d'information confiée à Madeleine Boni, à l'effet pour l'essentiel de vérifier le bien-fondé des prétentions de L., de fournir toutes informations permettant de se prononcer sur la légitimité de ces retenues et de proposer un compte entre les parties, les dépens étant réservés ;

L'expert Boni a régulièrement déposé son rapport, établi sous la date du 11 octobre 1989 ; sur le dernier chef de sa mission, l'expert a conclu comme suit :

« Il nous a été donné de vérifier dans les extraits des comptes n° 1034201-63 et 2112401-83 pour la période du 1er janvier 1987 au 28 octobre 1987 que R. L. a bien reçu, par l'inscription au crédit desdits comptes des sommes correspondantes, l'intégralité de ses rémunérations contractuelles, y compris l'indemnité de congés payés, dues à la date de son licenciement ;

R. L. qui ne formule aucune demande du chef de ces rémunérations, reconnaît devoir à son employeur le montant de la caution locative de 45 000 F sous déduction des frais de déménagement s'élevant à 30 000 F ;

Le paiement par l'employeur des frais de déménagement étant une obligation contractuelle à la charge de la banque ABC Banque Internationale de Monaco et R. L. ne demandant que le coût d'un déménagement, celui de sa famille en Juin 1986, sa demande apparaît justifiée ;

Le solde du compte en deutsche mark n° 2112401 au 28 octobre 1987 étant constitué par le reliquat des salaires contractuellement payables en deutsche mark jusqu'à la date du licenciement, doit être versé à R. L. pour son montant de 35 613,08 D.M.

En conclusion, nous proposons d'arrêter comme suit le compte des parties :

* R. L. doit à son employeur la banque ABC Banque Internationale de Monaco :

* FF 45 000,00 en restitution de la caution locative encaissée par lui, sous déduction de la somme en

* FF 30 000,00, soit la contrepartie de FB 185 000, représentant les frais du déménagement contractuellement dus ;

* la banque ABC Banque Internationale de Monaco doit à R. L., au titre des salaires contractuellement payables en deutsche mark et compensables dans les comptes d'Arab Banking Corporation Daus & Co Limited Cayman Island, un reliquat de 35 613,08 DM égal au solde du compte n° 2112401 ».

Par jugement du 28 février 1991 auquel il y a lieu de se reporter, le Tribunal du travail en dernier lieu saisi, au vu du rapport du mandataire de justice, d'une demande de la banque ABC Monaco en paiement de la somme de 15 000 F et de demandes reconventionnelles de L. tendant au paiement de la contrepartie de la somme de 35 613,08 DM et visant en outre à obtenir la remise « d'un certificat de travail conforme à la loi » et la justification « de la souscription à son profit d'un contrat de retraite remplissant les conditions de la section 7 du contrat d'embauche », a homologué le rapport Boni, condamné d'une part L. à payer 15 000 F à la banque et, d'autre part, la banque à payer à L. en deniers ou quittances, la contre-valeur en francs français au jour du paiement de la somme de 35 613,08 DM, a ordonné la compensation de ces sommes à due concurrence, a condamné la banque à délivrer un certificat de travail conforme à la législation monégasque et à justifier de la souscription au profit de L. d'un contrat de retraite conforme au contrat de travail ayant lié les parties - sous réserve de l'exécution de ces obligations qui serait déjà intervenue -, et a fait masse des dépens en les mettant par moitié à la charge de chacune des parties ;

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considérés qu'il fallait déduire du montant de 45 000 F ; représentant la caution indûment conservée par L., la somme de 30 000 F supportée par celui-ci au titre de frais de déménagement dont il était en droit d'obtenir remboursement ; par ailleurs, ils ont estimé que le solde du compte en D.M. était constitué par le reliquat des salaires dus à L. et devait être versé à celui-ci, en relevant que la banque affirme avoir effectué le paiement de partie seulement de cette somme, motif pris de ce que des pénalités encourues du fait de la restitution tardive d'un véhicule de fonction étaient dues par L. ;

Pour faire droit à la demande reconventionnelle en paiement de 35 613,08 DM, ils l'ont d'abord jugée recevable, en affirmant que seule la demande introductive d'instance doit faire l'objet du préliminaire de conciliation prévu par l'article 1er de la loi du 16 mai 1946, puis n'ont pas retenu leur compétence pour statuer sur le paiement - contesté et non prévu par le contrat - d'une « clause pénale » réclamée par la banque ; qu'enfin, ils ont fait droit aux autres chefs de demande, sans les motiver ;

La banque internationale de Monaco ABC a régulièrement relevé appel le 7 juin 1991 de cette décision, signifiée le 28 mai précédent ; elle en requiert la confirmation du chef ayant condamné L. à lui payer 15 000 F et la réformation pour ce qui concerne les points suivants, tirés du dispositif de son exploit d'appel :

« Dire sans portée les autres conclusions expertales en ce que les sommes pouvant revenir à L. ne (la) concerne pas mais l'Arab Banking Corporation Daus & Ce Limited Cayman Island ; Constater qu'en sa qualité d'ancien employeur (elle) n'est visée par aucune réclamation de L. ;

Dire irrecevables en la forme les prétentions de L. comme n'ayant pas satisfait à la tentative de conciliation prévue par la loi ;

Dire irrecevables au fond les prétentions de L. comme devant être dirigées à l'encontre de l'Arab Banking Corporation Daus & Ce Limited Cayman Island au titre des sommes en DM » ;

L'appelante soutient en effet que la demande tendant à l'établissement d'un compte entre les parties, ultérieurement chiffrée, n'a pas été soumise à la tentative de conciliation prévue par la loi au cours de laquelle elle aurait pu faire valoir ses arguments d'irrecevabilité au fond ; elle affirme que L. lui a celé qu'il était rémunéré au titre de son poste d'administrateur de l'ABC Daus & Ce Limited Cayman Island par cette entité juridique distincte ; elle reproche à son ancien salarié d'avoir entretenu un amalgame et de lui réclamer paiement de sommes dues par une société tierce, en sorte que le mandataire de justice n'aurait pas dû prendre en compte les sommes en D.M. versées par cette société à L., lequel devra, le cas échéant, s'adresser aux tribunaux des Îles Cayman ;

En réponse, R. L. conclut au rejet de ces demandes en sollicitant la confirmation du jugement entrepris, et requiert du Tribunal d'appel qu'il supprime les mots « ou quittances » du dispositif et rajoute, au sujet de la souscription du contrat de retraite, les dispositions suivantes : « que faute de cette justification, la banque ABC Monaco sera condamnée à payer à M. L. la contre-valeur en francs français au jour du paiement de 300 000 DM, valeur septembre 1991 » ; il demande en outre paiement de 50 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Au soutien de ses prétentions, L. constate que le Tribunal du travail a déjà répondu en première instance aux moyens soulevés par l'appelante : d'abord, la demande reconventionnelle n'est pas soumise au préliminaire de conciliation, ensuite le contrat d'embauche montre que c'est le groupe ABC (Monaco, Allemagne et Cayman Island) qui fut son employeur, ainsi que l'a constaté Madeleine Boni ;

Il note que la banque s'abstient de toute proposition, tant en ce qui concerne le certificat de travail que la justification de la souscription d'un contrat de retraite, et prétend qu'un versement unique d'environ 300 000 DM lui permettrait d'avoir une assurance retraite comparable, à défaut de souscription par la banque ;

Sur quoi,

Attendu que l'appel de la banque ayant été interjeté dans les délais de la loi, il y a lieu de le déclarer recevable en la forme ;

Que par l'effet dudit appel, le Tribunal doit se prononcer sur le chef du jugement entrepris ayant condamné la banque ABC Monaco à payer à L., en deniers ou quittances, la contre-valeur en francs de 35 613,08 DM ;

Attendu qu'en sollicitant l'adjonction d'une disposition tendant à obtenir paiement d'une somme de 300 000 DM au cas où un contrat de retraite n'aurait pas été souscrit par son ancien employeur, L. ne forme pas un appel incident mais saisit ce Tribunal d'une demande nouvelle en cause d'appel, dès lors qu'elle n'apparaît pas avoir été soumise aux premiers juges au vu des éléments dont le Tribunal dispose ;

Attendu, en conséquence, que cette demande doit être déclarée irrecevable par application de l'article 431 du Code de procédure civile ;

Qu'il doit en être de même de la demande, également formée pour la première fois en cause d'appel, tendant à obtenir paiement de 50 000 F à titre de dommages-intérêts ; qu'en effet, faute d'être motivée, cette demande, incluse sans la moindre explication dans le dispositif des conclusions prises par L., ne permet pas, en elle-même, d'en connaître le fondement ; qu'en particulier, rien n'autorise à affirmer qu'elle aurait pour objet de compenser un préjudice qui serait né d'un appel abusif, dès lors qu'elle est de nature à s'appliquer à toutes actions en responsabilité contractuelle ou délictuelle ;

Attendu en définitive, qu'il appartient au Tribunal de statuer uniquement sur la recevabilité et le bien fondé de la prétention de L. visant à obtenir le paiement de la contre-valeur de la somme de 35 613,08 DM ;

Attendu qu'il est constant que cette demande a été formée à titre reconventionnel après dépôt du rapport du mandataire de justice et sur le fondement dudit rapport ; que toutefois, L. avait invoqué, lors de l'instance originaire ayant abouti au jugement ayant-dire-droit du 2 février 1989, une créance de salaires - qu'il n'avait pu alors chiffrer -, ce qui a précisément conduit le Tribunal du travail à ordonner une mesure d'information ;

Attendu qu'il n'est pas douteux qu'une telle demande, ayant pour objet de former une défense à l'action principale en paiement de la somme de 45 000 F et tendant à obtenir le bénéfice de la compensation, constitue une demande reconventionnelle recevable au sens de l'article 382 du Code de procédure civile ;

Attendu que si la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création du Tribunal du travail impose une phase préliminaire de conciliation et la comparution des parties devant le bureau de conciliation du Tribunal, aucune disposition de ladite loi ne soumet les demandes reconventionnelles - que le Tribunal du travail connaît par application de l'article 55 de la loi - à un préliminaire obligatoire visant à tenter une conciliation des parties ; qu'il est de principe que de telles demandes peuvent être portées devant le Tribunal et connues de la juridiction sans satisfaire à ce formalisme ;

Attendu, en conséquence, que la demande apparaît donc recevable en la forme, étant observé que la banque, qui a eu le loisir de développer ses arguments et moyens d'irrecevabilité, tant en première instance qu'en appel, ne peut sérieusement soutenir - comme elle le fait - n'avoir pu faire valoir lesdits moyens ;

Attendu, au fond, qu'il n'est pas contesté que le « contrat d'embauche » de l'intimé a été conclu à la fois par « ABC Banque Internationale de Monaco », agissant pour un contrat de service pour Arab Banking Corporation - Daus & Ce Bank and Trust Ltd Cayman Island « et par » Arab Banking Corporation - Daus & Ce GmbH, RFA « ;

Que ledit contrat, selon ses propres termes, remplace tous les contrats et accords précédents conclus entre ces établissements et L., et organise des modalités particulières du paiement de sa rémunération ; qu'ainsi L. recevait une partie de ses salaires en francs de ABC Monaco et l'autre partie en DM de la banque ayant son siège aux Îles Cayman, laquelle s'est d'ailleurs engagée à rembourser les dépenses engagées de ce chef par la banque monégasque ;

Attendu que ces circonstances justifient l'affirmation du mandataire de justice dans son rapport, avancée au terme d'une exacte analyse des éléments de la cause, selon laquelle le groupe Arab Banking Corporation composé des établissements précités a repris à son compte le contrat d'embauche de R. L. en qualité de directeur général adjoint de ABC Monaco ;

Attendu qu'il s'ensuit, alors qu'il résulte du rapport d'expertise que les rémunérations en DM composent l'essentiel du crédit du compte bancaire dont L. n'a pu reprendre la disposition, que celui-ci est fondé à obtenir paiement par l'appelante du solde dudit compte au 28 octobre 1987, soit la somme réclamée de 35 613,08 DM, sans que les déductions, au demeurant non justifiées, puissent être opérées sur ladite somme ; qu'en effet, les relations étroites entretenues entre les établissements du groupe ABC excluent que l'un ou l'autre d'entre eux soit qualifié de tiers à la convention d'embauche ; que, pour sa part, L. s'est à bon droit adressé à la banque ABC Monaco, au service de laquelle il se trouvait, pour obtenir paiement d'un reliquat de salaire afférent à son emploi dans cette banque ;

Attendu que le jugement entrepris doit donc être confirmé quant au compte des parties, sans qu'il y ait lieu de supprimer les mots » ou quittances " ainsi que le sollicite L., dès lors que tout débiteur est admis à faire la preuve du paiement de son obligation par de telles quittances ;

Attendu que les dépens, dans leur ensemble, devront être supportés par parts égales entre les parties en raison de leur succombance respective ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges ;

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail dans les limites de la saisine,

Déclare l'appel recevable en la forme ;

Déclare irrecevables, comme nouvelles en appel, les demandes de R. L. visées aux motifs ;

Confirme le jugement entrepris du 28 février 1991 en ce qu'il a reçu les demandes respectives des parties et condamné, d'une part L., à payer 15 000 F à la banque ABC Monaco, et d'autre part, cette banque à payer à L., en deniers ou quittances, la contre-valeur en francs français de la somme de 35 613,08 DM, en ordonnant compensation desdites sommes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Brugnetti, et Blot, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26145
Date de la décision : 09/04/1992

Analyses

Social - Général ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : SAM Banque internationale de Monaco ABC Banque
Défendeurs : L.

Références :

article 431 du Code de procédure civile
article 1er de la loi du 16 mai 1946
loi n° 446 du 16 mai 1946
article 55 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 382 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-04-09;26145 ?

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