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09/04/1992 | MONACO | N°26144

Monaco | Tribunal de première instance, 9 avril 1992, Directeur des services fiscaux des Alpes Maritimes c/ Procureur général


Abstract

Conflit de juridiction

Exequatur - Jugement français déclarant une succession vacante - Dévolution des biens à l'État - Rejet

Résumé

La demande d'exequatur d'un jugement français passé en force de chose jugée, ayant reconnu vacante, selon la loi française, une succession ouverte en France, aux fins d'accéder à un coffre dans une banque sise à Monaco, ne saurait être accueillie sans porter atteinte à l'ordre public monégasque, dès lors que l'État de Monaco a seul vocation à se voir attribuer les biens situés sur son territoire, en applic

ation de l'article 36 de la Constitution du 17 décembre 1962 et de l'article 435 du Code civ...

Abstract

Conflit de juridiction

Exequatur - Jugement français déclarant une succession vacante - Dévolution des biens à l'État - Rejet

Résumé

La demande d'exequatur d'un jugement français passé en force de chose jugée, ayant reconnu vacante, selon la loi française, une succession ouverte en France, aux fins d'accéder à un coffre dans une banque sise à Monaco, ne saurait être accueillie sans porter atteinte à l'ordre public monégasque, dès lors que l'État de Monaco a seul vocation à se voir attribuer les biens situés sur son territoire, en application de l'article 36 de la Constitution du 17 décembre 1962 et de l'article 435 du Code civil, alors qu'il n'est point satisfait à l'ensemble des conditions prévues par l'article 18 de la convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que, selon exploit du 7 octobre 1991 le directeur des services fiscaux du département des Alpes-Maritimes a fait assigner le Procureur général près la Cour d'appel de Monaco, aux fins d'obtenir dans la Principauté de Monaco l'exequatur d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Nice, le 14 février 1990, dont le dispositif est ainsi conçu :

« Déclare vacante la succession de S., D. B. né le 5 octobre 1958 à Paris (10e), en son vivant demeurant à Nice, décédé le 22 janvier 1987 à Beuil (Alpes-Maritimes) ; Nomme en qualité de curateur, le service des domaines en personne du directeur départemental des services fiscaux chargé du domaine à Nice ;

Donne au curateur tous les droits et pouvoirs prévus aux articles 813 et 814 du Code civil et 1000 et 1002 du Code de procédure civile ;

Dit que le curateur devra ou pourra effectuer, notamment les opérations suivantes :

...

* faire procéder à l'ouverture de tous coffres-forts ou compartiments de coffres-forts et en retirer leur contenu

...

Déclare les dépens frais privilégiés de curatelle » ;

Attendu que le Procureur général s'oppose pour sa part à la demande d'exequatur ainsi formulée, en faisant valoir que les biens qui pourraient être contenus dans le coffre dont s'agit de la Banque-Paribas à Monte-Carlo doivent être considérés comme vacants, et sont, de ce fait, du domaine de l'État ainsi qu'en dispose la législation monégasque ; qu'en outre la même solution est consacrée par la législation française par application de la théorie de l'État souverain ;

Attendu que le requérant demande en ses dernières écritures qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en remet en définitive à la Justice, en précisant que le principe dominant en matière de successions vacantes est effectivement celui de la souveraineté de chaque État sur les biens situés sur son territoire, mais qu'en l'espèce, l'existence sur le territoire de la Principauté de biens dépendant de la succession de S. B. est purement aléatoire ;

Sur quoi,

Attendu que le jugement soumis à exequatur a été versé aux débats sous la forme d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, qui présente tous caractères propres à justifier de son authenticité ; que ledit jugement a bien été rendu par une juridiction compétente et après requête régulièrement présentée par le Procureur de la république près le Tribunal de grande instance de Nice ;

Que, ladite décision, n'ayant pas été frappée d'appel dans le délai pour ce requis par la loi, est passée en force de chose jugée ;

Mais attendu que, selon l'article 18 de la convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, le contrôle du juge de l'exequatur doit notamment porter sur la vérification de la non-contrariété à l'ordre public du pays où l'exequatur est requis des dispositions dont l'exécution est demandée ;

Attendu, en l'espèce, que la succession de S. B. s'est ouverte en France où elle a été reconnue vacante selon la loi française en sorte qu'un service français des domaines a été chargé d'administrer ladite succession ; qu'à ce titre l'exequatur a été demandé aux fins d'accéder à un coffre de la banque Paribas Monte-Carlo ressortant de ladite succession ;

Attendu, cependant, qu'en droit monégasque, comme d'ailleurs en droit français, les biens vacants et sans maître appartiennent au domaine de l'État ; (Article 36 de la Constitution du 17 décembre 1962 et article 435 du Code civil) ;

Que dès lors, l'État de Monaco a seul vocation à se voir attribuer les biens situés à Monaco, l'État français ne pouvant faire valoir les droits qu'il tient en l'espèce de l'article 713 du Code civil français, que sur les biens, dépendant de la succession dont s'agit et se trouvant en France, à l'exclusion de ceux situés à l'étranger ;

Attendu que, par voie de conséquence, l'État de Monaco a seul pouvoir d'accéder en l'espèce, au coffre de la banque Paribas Monte-Carlo ressortant de ladite succession ;

Attendu, en définitive, que les dispositions contenues dans le jugement du Tribunal de grande instance de Nice en date du 14 février 1990 ne sauraient être ramenées à exécution sans porter atteinte à l'ordre public monégasque en sorte que, faute pour le jugement précité de satisfaire à l'ensemble des conditions prévues par l'article 18 de la convention précitée du 21 septembre 1949, ledit jugement ne peut être admis à l'exequatur ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déboute des fins de sa demande le directeur des services fiscaux du département des Alpes-Maritimes agissant en qualité de curateur à la succession de S. B. ;

Laisse les dépens à sa charge ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Me Sanita

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26144
Date de la décision : 09/04/1992

Analyses

Justice (organisation institutionnelle) ; Traités bilatéraux avec la France


Parties
Demandeurs : Directeur des services fiscaux des Alpes Maritimes
Défendeurs : Procureur général

Références :

article 36 de la Constitution du 17 décembre 1962
articles 813 et 814 du Code civil
Code de procédure civile
article 435 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-04-09;26144 ?

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