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26/03/1992 | MONACO | N°26140

Monaco | Tribunal de première instance, 26 mars 1992, SCI Mercure c/ SC Tercia-Labor, épx C.


Abstract

Baux commerciaux

Conditions d'application de la loi n° 490 du 22 novembre 1948 - Location immeuble - Existence d'une clientèle certaine et actuelle se rattachant à l'existence d'une activité commerciale effective (non) - Exploitation depuis au moins 3 ans d'un fonds de commerce (non)

Appréciation du caractère commercial - Compétence du tribunal pour mettre fin au bail

Tribunal de première instance

Appréciation du caractère commercial d'un bail - Absence de bail commercial - Application de l'article 1577 du Code civil

Résumé

L'élément essentiel du fonds de commerce consiste en une clientèle certaine et actuelle se rattachant...

Abstract

Baux commerciaux

Conditions d'application de la loi n° 490 du 22 novembre 1948 - Location immeuble - Existence d'une clientèle certaine et actuelle se rattachant à l'existence d'une activité commerciale effective (non) - Exploitation depuis au moins 3 ans d'un fonds de commerce (non)

Appréciation du caractère commercial - Compétence du tribunal pour mettre fin au bail

Tribunal de première instance

Appréciation du caractère commercial d'un bail - Absence de bail commercial - Application de l'article 1577 du Code civil

Résumé

L'élément essentiel du fonds de commerce consiste en une clientèle certaine et actuelle se rattachant à l'existence d'une activité commerciale effective.

La seule présence d'un panonceau publicitaire apposé sur la porte d'un appartement donné en location meublé à une société civile, prévoyant les visites possibles, évoque tout au plus l'existence d'une clientèle virtuelle ou potentielle, dont la validité ni l'actualité n'ont pu être constatées par l'huissier de justice mandaté à cet effet sur les lieux par le propriétaire, lequel a constaté à 6 reprises la vacuité des locaux dont s'agit.

La conclusion de baux en meublé, effectué en l'espèce à titre isolé par une société civile, n'apparaît pas réputée acte de commerce au sens de l'article 2 du Code de commerce et caractérise au contraire un acte civil régi par les dispositions spécifiques de l'article 1596 du Code civil, et ce, quelque puisse être le formalisme édicté par l'arrêté gouvernemental du 18 novembre 1975, applicable aux loueurs en garni, et prévoyant le respect de certaines règles et conditions, dont celles inhérentes à l'autorisation préalable consentie par l'Administration.

À défaut par cette société d'avoir justifié de ce que l'exploitation en meublé invoquée présenterait, par une affectation les caractères d'un fonds de commerce, qui serait en outre exploité depuis au moins trois ans consécutifs, le bail portant sur lesdits locaux ne relève pas des dispositions de la loi n° 490 du 22 novembre 1948 en particulier quant à son renouvellement.

Il s'ensuit que le tribunal se trouve tenu de faire application des dispositions de l'article 1577 du Code civil et de constater que le bail liant les parties a cessé de plein droit à l'expiration du terme fixé.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que suivant l'exploit susvisé, la SCI Mercure a fait assigner la société civile Tercia-Labor ainsi que ses gérants, les époux C., à qui elle a le 13 juin 1973 donné à bail un local dépendant de l'ensemble immobilier « Le Labor » à Monaco, aux fins de faire déclarer cette société déchue de tout titre d'occupation à compter du 1er juillet 1991, ordonner en tant que de besoin son expulsion desdits locaux, la faire condamner à lui servir à compter du 1er juillet 1991 et jusqu'à la libération effective des lieux une indemnité d'occupation mensuelle, outre provision sur charges, égale au dernier loyer et provisions sur charges acquittées devant être versée le dernier jour de chaque mois civil, et ce, avec l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Qu'au soutien de sa demande, la SCI Mercure expose que le contrat de bail la liant à la société Tercia-Labor souscrit le 14 juillet 1982 a été renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 1982 jusqu'au 30 juin 1991, moyennant un loyer annuel porté à 18 000 F ; qu'à l'échéance de la période ainsi renouvelée, la société Tercia-Labor l'informait de son intention de proroger le bail une nouvelle fois pour une période de neuf ans, demande à laquelle s'opposait formellement la société Mercure qui notifiait à sa locataire suivant exploit d'huissier du 21 mars 1989 sont refus de toute reconduction du bail ;

Qu'en l'état des dispositions mêmes du contrat de bail prévoyant la possibilité d'une seule prorogation pour une période de neuf ans, la société bailleresse estime impossible toute reconduction au-delà du 30 juin 1990, date à laquelle la SCI Tercia-Labor est selon elle, devenue un occupant sans droit ni titre ;

Attendu que la société Tercia-Labor soutient pour sa part qu'elle bénéficie d'un bail commercial, consenti par la société Mercure, et que le Tribunal de première instance est dès lors incompétent pour prononcer son expulsion ; qu'elle entend en conséquence voir renvoyer la société bailleresse à saisir la commission arbitrale des loyers commerciaux, seule compétente pour régir les relations entre bailleur et locataire commercial, et sollicite à titre reconventionnel la condamnation de cette société à lui payer 20 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Tercia-Labor expose au soutien de ses prétentions que le bail prévoyait en sa dernière page la clause suivante :

« Pour tout ce qui n'est pas prévu au présent bail, les parties déclarent se rapporter aux dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et la loi n° 574 du 23 juillet 1953, concernant les locations à usage commercial et à toutes lois subséquentes qui les modifieraient » ;

Que ladite société s'estime fondée à en déduire que les relations contractuelles existant entre elle-même et la société Mercure s'analysent en des relations de bailleur à locataire commercial régies par les dispositions de la loi n° 490 du 22 novembre 1948 ; qu'il appartient dès lors au bailleur qui entend évincer son locataire commercial de se référer à ce texte en notifiant un congé avec offre de paiement de l'indemnité d'éviction, sous réserve de la fixation de celle-ci, à défaut d'accord, par la commission arbitrale des loyers commerciaux qui a seule compétence pour en connaître ;

Attendu que la société Mercure fait pour sa part valoir que le juge de droit commun est seul habilité à trancher tout problème inhérent à la nature du bail, alors que l'action en validation de congé et expulsion, dont le Tribunal de première instance est actuellement saisi implique nécessairement l'appréciation préalable de la vocation du locataire à bénéficier de la loi n° 490 ;

Que cette bailleresse fait en outre, observer que la société Tercia-Labor qui se prétend loueur en garni ne rapporte nullement la preuve de l'effectivité et de la permanence d'un fonds de commerce, alors que les visites effectuées en 1990, et 1991 par l'huissier de justice, Maître Claire Notari, ont au contraire mis en exergue la vacuité systématique des locaux dont s'agit ;

Que, répliquant enfin à l'affirmation selon laquelle le loyer versé au titre du troisième trimestre 1992 aurait été quittancé, la société Mercure estime fallacieux l'argument que tente de tirer sa locataire d'un tel élément de fait et reprend le bénéfice de ses précédents écrits judiciaires ;

Attendu que, par d'ultimes conclusions, la société Tercia-Labor, précisant que la fin de non-recevoir peut être formulée en tout état de cause, et donc postérieurement à l'exception d'incompétence, soutient qu'il incombait en l'espèce à la société Mercure d'agir en dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux, et ce, d'autant que cette société n'a jamais contesté la soumission de principe du bail liant les parties à la loi n° 490 ; que dans l'hypothèse où ses exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité ne seraient pas admises, la société défenderesse sollicite une mesure d'instruction à l'effet de déterminer si un fonds de commerce est ou non exploité dans les lieux loués par la société Mercure ;

Attendu que J. C. et son épouse, gérants de la société défenderesse également assignés par l'exploit du 23 avril 1991, ont, pour leur part, comparu par le conseil de la société Tercia-Labor qui n'a cependant déposé en leur nom aucune conclusion spécifique ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de statuer par jugement contradictoire à l'égard de toutes les parties en cause ;

SUR CE,

Sur l'exception d'incompétence,

Attendu que le Tribunal de première instance est actuellement saisi d'une action en expulsion et paiement d'indemnités d'occupation, à laquelle le preneur oppose la soumission du bail au statut des baux commerciaux ; que, dès lors, l'appréciation du bien-fondé de la demande de la société bailleresse Mercure implique nécessairement l'examen préalable de la vocation du locataire à prétendre au bénéfice de la loi n° 490 ;

Qu'à cet égard, seul le juge de droit commun apparaissant compétent pour se prononcer sur les contestations inhérentes à la nature du bail, l'existence d'un fonds de commerce ou la détermination des rapports juridiques existant entre bailleur et locataire, il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Tercia-Labor, et de statuer sur la nature réelle du bail liant les parties ;

Sur la recevabilité de la demande,

Attendu que la société défenderesse soulève l'irrecevabilité de la demande d'expulsion, au motif que la bailleresse, sans contester la soumission de principe du bail aux dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, n'aurait pas agi préalablement en dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux ;

Attendu cependant qu'il appartient précisément au Tribunal de première instance, saisi conformément aux règles de compétence précitées d'une demande d'expulsion, de déterminer, en présence d'un bail qualifié de commercial, si le locataire remplit ou non les conditions nécessaires pour bénéficier du statut protecteur édicté par la loi n° 490, ou si, à défaut, les règles du droit commun des baux doivent recevoir application, ce que soutient implicitement mais nécessairement la société Mercure en estimant son ancien preneur déchu de tout titre d'occupation à l'expiration du bail, et en saisissant la juridiction de droit commun pour en juger ;

Attendu qu'il y a donc lieu de déclarer recevable la demande formulée par la société Mercure, dont l'objet même tend à réfuter tout droit du preneur à la propriété commerciale ;

Sur la nature du bail,

Attendu que l'acte sous seing privé du 13 juin 1973 enregistré le 2 juillet 1973 par lequel la SCI Mercure a donné à bail à loyer à usage de bureaux à la société civile Tercia-Labor un local dépendant de l'ensemble immobilier Le Labor à Monaco, ne précise pas autrement l'affectation et la destination spécifique des locaux qui sont simplement qualifiés de « bureaux » autorisation étant par ailleurs donnée à la société locataire d'utiliser lesdits locaux à usage d'habitation, toutes dispositions contractuelles demeurant inchangées aux termes de l'avenant souscrit le 1er juillet 1982 entre les mêmes parties, portant renouvellement du bail jusqu'au 30 juin 1991 ;

Attendu que la société locataire invoque pour sa part une clause du contrat par laquelle les parties se sont expressément référées à la loi n° 490 sur les loyers commerciaux, pour en déduire le caractère commercial - au demeurant non contesté - du contrat ;

Attendu cependant que le régime auquel doit être soumis le contrat dont s'agit dépend au-delà des mentions et qualifications insérées par les parties dans le bail, de la nature de l'activité exercée dans les lieux ;

Qu'il doit en l'occurrence être observé que la société Tercia-Labor qui a un caractère civil, puisque inscrite au répertoire spécial des sociétés civiles sous le n° 73 SC 03165, n'apparaît pas exploiter dans les lieux loués depuis au moins trois ans consécutifs un fonds de commerce, au sens de l'article 1er de la loi n° 490 ;

Attendu en effet que la société Tercia-Labor invoquant les autorisations délivrées par l'Administration de louer en meublé le local objet du contrat souscrit avec la société Mercure, il convient de se référer aux dispositions de l'article 27 de la loi n° 490 qui limite l'application du statut des baux commerciaux aux seuls loueurs en garni dont « l'exploitation en meublé présente, par son affectation, tous les caractères d'un fonds de commerce » ;

Qu'il est à cet égard constant que l'élément essentiel du fonds de commerce consiste en une clientèle certaine et actuelle se rattachant à l'existence d'une activité commerciale effective ;

Qu'en l'occurrence cependant, la seule présence d'un panonceau publicitaire apposé sur la porte de l'appartement loué (prévoyant les visites possibles) évoque tout au plus l'existence d'une clientèle virtuelle ou potentielle, dont la réalité ni l'actualité n'ont pu être constatées par l'huissier de justice mandaté à cet effet sur les lieux par la propriétaire, lequel a constaté à six reprises - du 23 novembre 1990 au 26 février 1991 - la vacuité des locaux dont s'agit ;

Qu'en outre, quant à l'existence de l'activité commerciale requise, il y a lieu d'observer que la conclusion de baux en meublé effectuée en l'espèce à titre isolé par une société civile n'apparaît pas réputée acte de commerce au sens de l'article 2 du Code de commerce et caractérise au contraire un acte civil régi par les dispositions spécifiques de l'article 1596 du Code civil, et ce, quelque puisse être le formalisme édicté par l'arrêté gouvernemental du 18 novembre 1975, applicable aux loueurs en garni, et prévoyant le respect de certaines règles et conditions, dont celle inhérente à l'autorisation préalable consentie par l'Administration ;

Attendu en définitive qu'à défaut pour la société Tercia-Labor d'avoir en l'espèce justifié de ce que l'exploitation en meublé invoquée présenterait, par son affectation, les caractères d'un fonds de commerce, qui serait en outre exploité depuis au moins trois ans consécutifs, le bail portant sur lesdits locaux ne relève pas des dispositions de la loi n° 490 en particulier quant à son renouvellement ;

Attendu que le tribunal se trouve dès lors tenu de faire application des dispositions de l'article 1577 du Code civil et de constater que le bail liant les parties a cessé de plein droit à l'expiration du terme fixé ;

Qu'il résulte en effet, du contrat souscrit le 13 juin 1973 que les parties n'avaient envisagé qu'une seule possibilité de prorogation pour une nouvelle période de neuf années au gré du preneur seul ; qu'à la suite de la demande de la société Tercia-Labor, un avenant était conclu le 14 juillet 1982 prévoyant ledit renouvellement pour neuf ans à compter du 1er juillet 1982 ;

Attendu qu'il doit en être déduit que le bail liant les parties a cessé de plein droit à la date du 30 juin 1991 et que la société Tercia-Labor s'est maintenue dans les lieux sans droit ni titre à compter du 1er juillet 1991 ;

Qu'il convient en conséquence d'ordonner en tant que de besoin l'expulsion de cette société des lieux loués, ainsi que celle de tous occupants de son chef ;

Attendu en outre qu'il est constant que la société Tercia-Labor qui s'est maintenue (sans droit ni titre) dans lesdits locaux depuis le 1er juillet 1991, n'a acquitté depuis lors qu'un terme trimestriel, accepté à titre d'indemnités d'occupation par la société Mercure, s'élevant à 7 425 F ; qu'il s'ensuit que, la défenderesse n'ayant plus rien réglé au titre de la période d'occupation postérieure qui a commencé à courir le 1er octobre 1991, il doit être fait droit au principe de la demande de la société Mercure ; qu'il y a lieu dès lors de condamner la société Tercia-Labor à payer à la société Mercure une somme que le tribunal estime devoir fixer à 14 850 F, à titre d'indemnités d'occupation ;

Attendu que l'urgence alléguée, résultant du maintien injustifié de la défenderesse dans les locaux appartenant à la société Mercure apparaît caractérisée et commande de faire droit à la demande d'exécution provisoire ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Rejette l'exception d'incompétence,

Déclare recevable la demande de la société Mercure ;

Dit et juge que le bail liant les parties venant à expiration le 30 juin 1991 ne relève pas des dispositions de la loi n° 490 sur les loyers commerciaux ;

Constate que la société Tercia-Labor s'est maintenue indûment dans les lieux à compter du 1er juillet 1991 ;

Ordonne que cette dernière ainsi que tous occupants de son chef devant quitter les lieux dans le mois de la signification du présent jugement et dit que faute par eux de ce faire, ils pourront être expulsés par toutes voies de droit, et au besoin avec le concours de la force publique ;

Condamne la société Tercia-Labor à payer à la société Mercure la somme de 14 850 F à titre d'indemnités d'occupation ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti et Blot, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26140
Date de la décision : 26/03/1992

Analyses

Contrat - Général ; Baux commerciaux ; Commercial - Général


Parties
Demandeurs : SCI Mercure
Défendeurs : SC Tercia-Labor, épx C.

Références :

article 1596 du Code civil
article 2 du Code de commerce
article 1577 du Code civil
loi n° 574 du 23 juillet 1953
loi n° 490 du 22 novembre 1948
loi n° 490 du 24 novembre 1948


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-03-26;26140 ?

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