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19/03/1992 | MONACO | N°26136

Monaco | Tribunal de première instance, 19 mars 1992, H. (dame) c/ F.


Abstract

Contrat de travail

Contrat à durée indéterminée - Licenciement - Absence de motifs valables

Résumé

Un cuisinier, embauché par un restaurateur suivant contrat à durée indéterminée, ayant été licencié, il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 à l'effet d'apprécier, au vu des circonstances de la cause si son licenciement était ou non justifié par un motif « valable ».

Le motif de rupture du contrat n'apparaît point valable dès lors qu'il n'est point établi que ce cuisinier aur

ait laissé se dégrader la qualité de la cuisine en commettant des fautes réitérées dans la préparation de...

Abstract

Contrat de travail

Contrat à durée indéterminée - Licenciement - Absence de motifs valables

Résumé

Un cuisinier, embauché par un restaurateur suivant contrat à durée indéterminée, ayant été licencié, il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 à l'effet d'apprécier, au vu des circonstances de la cause si son licenciement était ou non justifié par un motif « valable ».

Le motif de rupture du contrat n'apparaît point valable dès lors qu'il n'est point établi que ce cuisinier aurait laissé se dégrader la qualité de la cuisine en commettant des fautes réitérées dans la préparation des mets ou en refusant d'améliorer la carte du restaurant dans un délai raisonnable - ce qui lui était reproché - et qu'il ait ainsi contrevenu aux intérêts de cet établissement.

Motifs

Le Tribunal,

Statuant sur l'appel, régulier en la forme, interjeté par exploit du 22 février 1991, à la requête de G. H., exerçant le commerce sous l'enseigne « L. B. », à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail en date du 17 janvier 1991, signifié le 12 février 1991, lequel, dans l'instance opposant cet employeur à son ex-employé M. F. à la suite de son licenciement intervenu selon lettre datée du 27 novembre 1989 après douze ans d'activité, a :

* dit et jugé que le licenciement de M. F. n'était pas fondé sur de justes motifs,

* condamné G. H. à lui payer la somme de 29 052,62 F à titre d'indemnité de licenciement,

* débouté le sieur F. de sa demande en dommages-intérêts injustifiée,

* condamné la dame H. aux dépens de l'instance ;

Attendu que l'appelante fait grief aux premiers juges de n'avoir pas débouté M. F. des fins de sa demande, alors qu'il ne rapportait pas la preuve dont la charge lui incombait, du caractère injustifié de son licenciement ; qu'estimant au contraire que son ancien employé faisait preuve d'un laisser-aller et d'une négligence croissante et refusait d'adapter son travail aux directives nouvelles qui lui étaient données, G. H. estime valable le motif de rupture et entend voir mettre à néant la décision entreprise, et débouter M. F. de l'ensemble de ses prétentions ;

Attendu que l'intimé, estimant pour sa part que G. H. ne rapporte pas la preuve du motif qu'elle évoque pour mettre un terme à ses prestations, entend voir confirmer le jugement rendu le 17 janvier 1991 en ce qu'il a condamné cette dernière au paiement de l'indemnité de licenciement ;

Que faisant en outre valoir l'extrême rapidité de la mesure prise à son encontre, sans qu'aucun rappel à l'ordre préalable lui ait été notifié, M. F. conclut à l'abus du droit de licencier et entend voir réformer partiellement la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté des fins de sa demande de dommages-intérêts ; que de ce chef, il sollicite la condamnation de G. H. au paiement d'une somme de 30 400 F ;

SUR CE,

I. - Sur l'appel principal

Attendu que G. H. fait grief aux premiers juges d'avoir dit et jugé que le licenciement de M. F. n'était pas fondé sur de justes motifs et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à son ancien employé une indemnité de licenciement chiffrée à 29 052,62 F ;

Attendu qu'étant rappelé que M. F. a été engagé le 1er mars 1978 par G. H. suivant contrat à durée indéterminée, il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 à l'effet d'apprécier au vu des circonstances de la cause, si le licenciement était ou non justifié par un motif « valable » ;

Qu'il ressort à cet égard des pièces produites, que M. F., embauché en qualité de cuisinier par G. H. exploitant un commerce de restauration à l'enseigne « L. B. », a exercé ses fonctions de 1978 à 1989 sans qu'aucun avertissement ou remarque ne lui ait jamais été adressé par son employeur qui ne le conteste pas ;

Que ce n'est qu'en 1989, après que Madame H. ait confié la responsabilité du restaurant à un directeur notamment chargé de rénover la carte et restructurer l'établissement, que divers courriers attestent de la survenance de premières difficultés entre ce nouveau responsable et un cuisinier, auquel on ne reprochait en fait qu'une « certaine lassitude », voire une mauvaise volonté à « s'adapter aux nouvelles conditions d'exploitation » ;

Qu'il résulte en effet d'une lettre adressée le 18 novembre 1989 par R. P. à G. H., que F. aurait été responsable de la mauvaise qualité d'un plat du jour servi le 9 novembre, ayant consisté en un « osso bucco à la milanaise », dont les défauts et imperfections ne sont pas spécifiés par l'employeur ;

Qu'outre le caractère unique de cet incident, il y a lieu d'observer qu'aucune remarque y afférent n'a été adressée directement au cuisinier, que ce soit par l'employeur lui-même ou par R. P., et ce, jusqu'à la lettre du 18 novembre 1989 par laquelle G. H. a convoqué F. pour un entretien préalable à son licenciement ;

Attendu que si la réalité du défaut de qualité du plat réalisé le 9 novembre n'est pas formellement contestée par F., rien ne prouve qu'il ait eu la portée que lui prête l'employeur, notamment quant à l'importance de la clientèle concernée, aucun élément de fait ne permettant d'établir la proportion des plaintes et réclamations par rapport au nombre de plats servis ;

Attendu qu'en ce qui concerne le second grief imputé à M. F., tiré de son défaut d'adaptation à la nouvelle politique du restaurant, il doit être observé qu'un cuisinier qui se voit imposer une rénovation de la carte, ne saurait être tenu d'exécuter immédiatement les directives qui en résultent, dont la mise en œuvre implique un effort de création et d'application nécessitant de la réflexion, voire des travaux d'essai devant lui permettre d'aboutir à une prestation de qualité ;

Qu'une telle remise en cause ne saurait en effet, être exigée d'un salarié de manière radicale, en omettant le facteur temps dont l'importance vient d'être évoquée ;

Attendu qu'il est en l'occurrence constant que l'aspect « routinier » de sa cuisine, comme le manque d'intérêt, voire la « lassitude » qui lui sont prêtés dans l'exercice de son métier, n'ont été portés à la connaissance de M. F. que par courrier du 18 novembre 1989, soit moins de dix jours avant l'envoi de la lettre de licenciement, et que ce cuisinier n'a pu, de toute évidence, être en mesure de rénover la carte dans un laps de temps aussi bref ;

Attendu que les attestations produites par ce salarié démontrent au contraire la satisfaction de nombreux clients du « B. » qui évoquent une cuisine de qualité et variée, et font part de leur fréquentation fidèle de l'établissement au regard des soins apportés par le chef à la réalisation des plats ;

Attendu, en définitive, qu'aucune des pièces produites ne permet d'établir que M. F. aurait laissé se dégrader la qualité de la cuisine en commettant des fautes réitérées dans la préparation des repas ou en refusant d'améliorer la carte du restaurant dans un délai raisonnable, contrevenant de la sorte aux intérêts dudit établissement ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de déclarer valable le motif de rupture du contrat de travail et qu'il convient de confirmer la décision des premiers juges, en ce qu'elle a alloué à M. F. une indemnité de licenciement de 29 052,62 F, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

II. - Sur l'appel incident

Attendu que M. F. fait pour sa part grief aux premiers juges de l'avoir débouté des fins de sa demande de dommages-intérêts et sollicite de ce chef une réparation chiffrée à 30 400 F(correspondant à quatre mois de salaire) ; qu'il invoque à l'appui de sa demande, tant la rapidité de la mesure prise, que l'absence de motif de la rupture de son contrat de travail ;

Attendu qu'il doit être à cet égard observé que l'absence de motif invoqué par l'employeur ne peut caractériser en soi l'exercice abusif du droit de licenciement reconnu aux parties ;

Attendu qu'il appartient en effet, à M. F. d'établir que son employeur a agi avec légèreté ou intention de nuire, pour pouvoir prétendre à l'octroi des dommages-intérêts prévus à l'article 13 de la loi n° 729 ;

Attendu qu'à cet égard, les événements ayant précédé la mesure prise par G. H. démontrent que la décision de rupture relève en l'espèce d'une telle légèreté ; qu'il est en effet constant que M. F., convoqué par son employeur le 22 novembre 1989 pour un entretien à l'occasion duquel il se voyait notifier la teneur des réclamations de R. P., concernant notamment l'incident du 9 novembre 1989, recevait de la sorte un avertissement verbal relatif à la qualité de son travail, dont il n'est pas contesté par G. H. qu'il ait été le premier depuis douze ans de fonctions de ce cuisinier dans son restaurant ;

Qu'il est néanmoins constant que, cinq jours seulement après cette mise en garde, M. F. se voyait notifier, le 27 novembre, son licenciement, et ce, sans qu'aucun fait nouveau ne lui soit reproché dans ce court intervalle de temps, ni qu'il ait pu être en mesure de démontrer qu'il mettait en œuvre les directives et recommandations éventuelles données par son employeur, lors de l'entretien du 22 novembre 1989 ;

Attendu que le caractère brutal et abusif de la rupture intervenue dans un tel contexte, apparaît dès lors établi et conduit la juridiction d'appel à réformer pour partie la décision entreprise et à faire droit au principe de la demande de dommages-intérêts formulée par M. F. ;

Qu'en l'état des éléments d'appréciation précités, il apparaît équitable de réparer le préjudice qui a pu résulter de ce licenciement abusif, en condamnant G. H. au paiement d'une somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement et comme juridiction d'appel du Tribunal du travail ;

Reçoit G. H. en son appel régulier en la forme ;

Dit et juge que le licenciement de M. F. n'était pas justifié par un motif valable, et confirme la décision entreprise du 17 janvier 1991 en ce qu'elle a condamné G. H. à payer à ce salarié une indemnité de licenciement chiffrée à 29 052,62 F ;

Reçoit M. F. en son appel incident, et, réformant partiellement la décision entreprise, dit et juge que le licenciement de M. F. présentait un caractère abusif ;

Condamne en conséquence G. H. à payer à M. F., la somme de vingt mille francs (20 000 F), à titre de dommages-intérêts ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot et Karczag-Mencarelli, av. déf.

Note

Ce jugement confirme la décision du Tribunal du travail en date du 17 janvier 1991.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26136
Date de la décision : 19/03/1992

Analyses

Social - Général ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : H. (dame)
Défendeurs : F.

Références :

article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-03-19;26136 ?

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