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19/03/1992 | MONACO | N°26135

Monaco | Tribunal de première instance, 19 mars 1992, H. et SNC I. et Cie c/ Sté Cannoise Maritime.


Abstract

Arbitrage

Clause compromissoire - Tiers à la convention - Irrecevabilité de son exception d'incompétence

Résumé

L'exception d'incompétence résultant d'une clause compromissoire contenue dans un contrat de louage de chose, conclu entre le loueur et le locataire, ne saurait être valablement opposée à un courtier ayant mis en rapport ces deux parties, lequel est étranger au contrat, alors que par ailleurs, le Tribunal de première instance connaît, en vertu de l'article 10 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965, conformément à l'article 3-2° du Co

de de procédure civile, quel que soit le domicile du défenseur, des actions fondées sur ...

Abstract

Arbitrage

Clause compromissoire - Tiers à la convention - Irrecevabilité de son exception d'incompétence

Résumé

L'exception d'incompétence résultant d'une clause compromissoire contenue dans un contrat de louage de chose, conclu entre le loueur et le locataire, ne saurait être valablement opposée à un courtier ayant mis en rapport ces deux parties, lequel est étranger au contrat, alors que par ailleurs, le Tribunal de première instance connaît, en vertu de l'article 10 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965, conformément à l'article 3-2° du Code de procédure civile, quel que soit le domicile du défenseur, des actions fondées sur des obligations qui doivent notamment être exécutées en Principauté, ce qui est le cas en l'espèce.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

La société de droit américain dénommée « M. A. and Associates Inc », exerçant l'activité d'agence de voyages, chargeait, dans le courant du mois de mai 1988, Y. I., exerçant, en nom personnel, le commerce d'agent maritime à Monaco, sous l'enseigne « A. Y. B. », de lui rechercher un navire destiné à recevoir des touristes, désirant assister au Grand Prix de Monaco, pour la période du 4 au 8 mai 1989 ;

Dans le cadre de son mandat, Y. I. se mettait en rapport avec la société à responsabilité limitée de droit français dénommée « Société cannoise maritime », laquelle était propriétaire du navire Îles de Lérins, mouillé au Port de Cannes ;

Par la suite, par l'intermédiaire de Y. I., selon acte sous seing privé, intitulé « Charter Agreement », en date du 5 décembre 1988, la société Cannoise maritime donnait en location à la société « M. A. and Associates Inc », le navire « Îles de Lérins », pour la période du 4 au 8 mai 1989, moyennant le prix de 270 710 F ;

Cette convention stipulait en son article 26, sous la rubrique « B. » :

« Le propriétaire consent à ce que la commission du courtier soit considérée comme étant gagnée par le courtier et payable par le propriétaire au moment de la signature de ce contrat » ;

Y. I. adressait à la Société Cannoise Maritime, en date du 6 juin 1989, une facture de la somme de 40 606,50 F, représentant le montant de sa commission de 15 % sur le prix de location du navire « Îles de Lérins » ;

Cette facture étant demeurée impayée, Y. I. a, suivant exploit en date du 10 novembre 1989, fait assigner la société Cannoise Maritime en paiement de la somme de 40 606,50 F, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, outre celle de 5 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

La défenderesse n'ayant pas comparu, le Tribunal de ce siège ordonnait sa réassignation par jugement du 18 janvier 1990 ;

Suivant exploit en date du 6 février 1990, Y. I. réassignait la société Cannoise maritime aux mêmes fins ;

Ladite société a soulevé, in limine litis, l'incompétence du Tribunal de Monaco, pour connaître du présent litige, lequel devait être tranché par voie d'arbitrage, conformément à la clause compromissoire insérée à l'article 58 de la convention ;

Elle a conclu, à titre subsidiaire, quant au fond, au rejet de la demande, en faisant valoir que le courtier ne pouvait lui réclamer le montant de sa commission, dès lors qu'elle avait expressément mentionné dans la convention, que cette commission ne lui serait payée qu'après règlement intégral de la facture de location par la société « M. A. and Associates » ;

Elle a, d'autre part, formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 79 513,35 F, montant du solde du prix de la location de son navire demeuré impayé, au motif que Y. I. devait être déclaré responsable de ce non-paiement, dont la cause, avouée par la société « M. A. and Associates », résidait dans le fait qu'il n'avait pas été possible pour celle-ci de faire sortir le navire du port de Monaco, pendant la durée du Grand Prix, ce qui l'avait contrainte de louer des véhicules pour transporter les passagers, chaque jour, entre Cannes et Monaco, dès lors que le courtier, qui connaissait les projets de cette société, a manqué à son obligation d'information concernant cette restriction ;

La société en nom collectif dénommée « I. et Cie », venant aux droits de Y. I., est volontairement intervenue à l'instance et a réitéré la demande initialement formée par celui-ci tout en faisant valoir :

* quant à l'exception d'incompétence, que la clause d'arbitrage contenue dans la convention de location ne lui était pas opposable, du seul fait que Y. I. n'avait pas été partie à ce contrat et n'avait donc pu y adhérer ;

* que, par ailleurs, s'agissant d'une action fondée sur des obligations devant être exécutées en Principauté, le Tribunal de Monaco s'avérait compétent pour en connaître ;

* quant au fond, que le contrat de location signé par le gérant de la Société Cannoise Maritime qui avait adressé celui-ci à Y. I., ne mentionnait aucune réserve, quant au paiement de la commission de courtier, visée à la clause 26 de la convention, qu'il avait d'ailleurs revêtue de son paraphe ;

SUR CE,

En la forme,

Attendu quant à l'exception d'incompétence, qu'il résulte de la lecture de la convention de location du navire « Îles de Lérins », que celle-ci s'est formée entre la Société Cannoise Maritime, loueur, d'une part, et la société « M. A. and Associates », preneur, d'autre part ;

Qu'ainsi, la clause d'arbitrage insérée à cette convention ne pouvait, en aucun cas, produire effet à l'égard de Y. I. qui n'y avait pas été partie et n'avait donc pu y adhérer ;

Que, par ailleurs, il n'apparaît pas inutile d'observer, que le Tribunal de première instance qui connaît des actions civiles et commerciales, en vertu de l'article 10 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965, portant organisation judiciaire, est compétent, conformément à l'article 3-2° du Code de procédure civile, quel que soit le domicile du défendeur, pour connaître des actions fondées sur des obligations qui doivent notamment être exécutées dans la Principauté, ce qui est le cas en l'espèce ;

Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la défenderesse ;

Au fond,

Quant à la demande principale,

Attendu qu'aux termes de la convention de location du 5 décembre 1988 intervenue entre la société Cannoise Maritime et la société « M. A. and Associates », les parties co-contractantes ont expressément convenu, à l'article 36 du contrat, que la commission du courtier serait à la charge exclusive de la société Cannoise Maritime, laquelle s'engageait à lui en verser le montant, dès la signature du contrat ;

Attendu que la location ayant été effectivement réalisée par l'accord des parties sur la chose et sur le prix et que l'opération que le courtier s'était chargé de traiter étant conclue par la signature de cette convention, tant par le loueur que par le preneur, il s'ensuit que la société en nom collectif « I. et Cie », venant aux droits de Y. I. apparaît fondée à réclamer à la société Cannoise Maritime le paiement de la commission due au courtier, par l'intermédiaire duquel, l'affaire a été menée à bien ;

Qu'à ce sujet, la société défenderesse ne saurait utilement se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, de ce que le contrat signé par son gérant en exercice, comportait en son article 26, la mention manuscrite ajoutée par les soins de celui-ci, que la commission du courtier ne lui serait payée qu'après le règlement intégral de la facture de location, dès lors que l'exemplaire de ce contrat signé par le représentant légal de ladite société, tel qu'il a été adressé à la société « M. A. and Associates » ne mentionnait aucune réserve manuscrite de quelque nature que ce soit, quant à la date d'exigibilité de la rémunération du courtier, fixée par la clause imprimée, sous l'article 26 de la convention, au moment de la signature de celle-ci ;

Attendu qu'il doit être ici observé, à cet égard, d'une part, que la société défenderesse n'a, à aucun moment, dans ses écritures judiciaires, désavoué la signature de son gérant en exercice, le sieur B. P., laquelle présente au document des similitudes certaines avec les signatures de ce même gérant, telles qu'elles sont apposées sur les correspondances versées aux débats ;

Que, d'autre part, ce n'est que bien postérieurement à la signature du contrat de location, par télex du 14 février 1989, que la société Cannoise Maritime avisait Y. I. de sa décision de ne lui régler sa commission qu'à la réception du solde de la facture due par son locataire ;

Attendu qu'il résulte de ces considérations tant de fait que de droit, que la société Cannoise Maritime qui était définitivement liée par son engagement à l'égard de sa co-contractante, la société « M. A. and Associates », de prendre à sa charge exclusive, la commission due au courtier, doit en conséquence être condamnée à payer à la société en nom collectif « I. et Cie », venant aux droits de Y. I., le montant non contesté de cette commission - soit 15 % du prix de la location fixée à 270 710 F - s'élevant à la somme de 40 666,50 F, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 6 février 1990, date de l'assignation valant mise en demeure, en raison de la nature contractuelle de la créance ;

Quant à la demande reconventionnelle,

Attendu que Y. I. n'ayant pas été partie à la convention de location du 5 décembre 1988, la société Cannoise Maritime ne saurait lui imputer une quelconque responsabilité dans l'exécution défectueuse de prestations qu'elle devait à sa co-contractante, la société « M. A. and Associates », alors qu'elle ne rapporte nullement la preuve, dont la charge lui incombe, en sa qualité de demanderesse reconventionnelle, de la faute que ce courtier aurait commise dans l'exercice de ses fonctions d'intermédiaire, ainsi que du lien entre ce manquement et la mauvaise exécution de ces prestations ;

Qu'il s'ensuit que ladite société doit être déboutée de sa demande tendant au paiement de la somme de 79 513,35 F, solde du prix de location lui restant dû par la société « M. A. and Associates », à titre de dommages-intérêts ;

Attendu, par ailleurs, que la Société Cannoise Maritime, en se refusant au paiement de sommes incontestablement dues, au regard de ses engagements envers le courtier, a ainsi opposé une résistance fautive ayant contraint le demandeur à engager des frais pour faire valoir ses droits en justice ;

Qu'eu égard aux éléments d'appréciation dont le tribunal dispose, il apparaît équitable d'allouer à la société en nom collectif « I. et Cie » la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts de ce chef ;

Attendu que les dépens suivront la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Reçoit la société en nom collectif dénommée « I. et Cie », venant aux droits de Y. I., en son intervention volontaire, aux lieu et place de celui-ci ;

Met en conséquence, Y. I. hors de cause ;

Se déclarant compétent, condamne la société à responsabilité limitée de droit français dénommée « Société Cannoise Maritime » à payer à la société en nom collectif « I. et Cie » la somme de quarante mille six cent soixante six francs et cinquante centimes (40 666,50 F), montant des causes sus-énoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 1990, outre celle de cinq mille francs (5 000 F) à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la société Cannoise Maritime de sa demande reconventionnelle ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti et Karczag-Mencarelli, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26135
Date de la décision : 19/03/1992

Analyses

Arbitrage - Général ; Contrat de louage


Parties
Demandeurs : H. et SNC I. et Cie
Défendeurs : Sté Cannoise Maritime.

Références :

article 10 de la loi n° 783 du 15 juillet 1965
article 3-2° du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-03-19;26135 ?

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