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27/02/1992 | MONACO | N°26129

Monaco | Tribunal de première instance, 27 février 1992, La Communauté immobilière de Fontvieille Village c/ SCI Antimen Monaco et S.


Abstract

Copropriété

Action du syndicat contre un copropriétaire et son locataire - Trouble de jouissance consécutif à l'exploitation d'un restaurant - Condamnation in solidum.

Résumé

Les eaux usées provenant de la cuisine d'un restaurant, provoquant des débordements dans la fosse de décantation et la détérioration des pompes de refoulement, lesquelles fosses et pompes sont des éléments d'équipements communs de l'immeuble, donc des parties communes, en raison de l'insuffisance fonctionnelle du bac à rétention des graisses, installé par le restaurat

eur, celui-ci en sa qualité de locataire, étant tenu selon le bail de veiller à l'entreti...

Abstract

Copropriété

Action du syndicat contre un copropriétaire et son locataire - Trouble de jouissance consécutif à l'exploitation d'un restaurant - Condamnation in solidum.

Résumé

Les eaux usées provenant de la cuisine d'un restaurant, provoquant des débordements dans la fosse de décantation et la détérioration des pompes de refoulement, lesquelles fosses et pompes sont des éléments d'équipements communs de l'immeuble, donc des parties communes, en raison de l'insuffisance fonctionnelle du bac à rétention des graisses, installé par le restaurateur, celui-ci en sa qualité de locataire, étant tenu selon le bail de veiller à l'entretien des lieux loués et à leurs installations, a failli à ses obligations contractuelles et a ainsi engagé sa responsabilité envers le syndicat de la copropriété.

Par ailleurs le bailleur, en sa qualité de copropriétaire responsable de plein droit des agissements fautifs de son locataire, doit également répondre des nuisances provenant de l'exploitation du restaurant, dans un lot privatif, à l'égard de ce même syndicat.

Il s'ensuit que le bailleur et le locataire étant responsables du même dommage, l'un de son fait personnel, l'autre du fait d'autrui, sont dès lors tenus chacun au tout, dans leurs rapports avec la victime, le syndicat de la copropriété, en sorte qu'il y a lieu de les déclarer tous deux responsables in solidum à l'égard dudit syndicat, sous réserve de leur éventuelle action récursoire.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

La société civile immobilière dénommée « Antimen-Monaco » est notamment propriétaire dans l'ensemble immobilier en copropriété, dénommé « Fontvieille Village », de locaux à usage commercial, qu'elle a donnés à bail à A. S., et dans lesquels celui-ci exploite un fonds de commerce de restaurant ;

Comme les règles d'hygiène en vigueur en Principauté l'imposent, les eaux usées de la cuisine de ce restaurant transitent par un bac de rétention des graisses, avant d'être rejetées dans une fosse étanche équipée de deux pompes de relevage qui les refoulent vers l'égout situé en contre-haut ;

Le syndicat de la communauté immobilière de Fontvieille Village ayant fait état des nuisances provoquées par le débordement des eaux usées du bac à graisses du restaurant, se répandant sur le sol des garages, une expertise a été prescrite par ordonnance de référé du 15 mars 1989 aux fins de rechercher les causes et les remèdes des désordres invoqués par la copropriété susvisée ;

Aux termes de son rapport en date du 12 juin 1990, déposé au Greffe général le 7 juin 1990, l'expert Marcel Aguera a notamment conclu :

* que le bac de rétention des graisses qui reçoit les eaux de la cuisine du restaurant s'avère inopérant, par ses dimensions trop réduites (55 centimètres de diamètre sur 40 centimètres de hauteur) par rapport à l'importance de cet établissement, placé dans la catégorie des 100 places avec un débit de pointe de 1 litre par seconde ;

* que le bac installé n'étant proportionné au débit, se trouve ainsi régulièrement colmaté, en sorte que les détritus et les graisses non retenues cheminent vers la fosse de décantation dont les pompes se trouvent colmatées à leur tour ;

* que de ce fait, dès son installation, ledit appareil ne pouvait remplir correctement son rôle de séparateur de graisses qu'à la condition d'être vidangé et nettoyé régulièrement, au minimum une fois par semaine ;

Cet entretien indispensable n'ayant pas été assuré, il en est résulté des débordements d'eaux usées hors du bac et l'arrivée des graisses et détritus jusqu'à la fosse de décantation ;

* qu'il appartenait à M. S., averti de la non-conformité de cette installation, de prendre toutes dispositions nécessaires pour :

soit, lors de l'aménagement de la cuisine de son restaurant, de faire installer un bac enterré de taille appropriée, avec trappe d'accès pour l'entretien du bac à graisses, ce qui était possible ;

soit d'assurer - puisque ce bac à graisses est sous dimensionné - un contrat d'entretien avec visites hebdomadaires ;

* que le déversement des graisses et détritus provenant de ce bac, dans la fosse de décantation, constituant une partie commune, a détérioré les deux pompes destinées à refouler les eaux usées de cette fosse vers l'égout ;

* que le coût de remplacement de ces pompes ainsi que les frais de pompage et de nettoyage nécessités par le non-fonctionnement du bac à graisses du restaurant, dont le syndicat de la copropriété de l'ensemble immobilier de Fontvieille Village a dû faire l'avance, se sont élevés à la somme de 75 429,54 F TTC ;

* qu'actuellement le problème a été résolu, du fait que par les soins et aux frais de S., il a été installé un nouveau bac séparateur de graisses, du type Simop, assurant un débit journalier de 340 litres, conforme à la capacité du restaurant ;

Se référant aux constatations et évaluations de l'expert Aguera dont il a sollicité l'homologation du rapport, le syndicat de la Communauté immobilière de Fontvieille Village a, suivant exploit en date du 13 juin 1991, assigné la SCI Antimen Monaco et A. S. en paiement solidaire avec intérêts de droit à compter du jour de l'assignation, des sommes suivantes :

* 75 429,54 F, montant des travaux de remise en état du bac à graisses et du coût de remplacement des pompes ;

* 30 000 F à titre de dommages-intérêts, en raison du préjudice subi par la survenance des désordres ;

La SCI Antimen Monaco a conclu au rejet de la demande formée à son encontre, en faisant valoir qu'ayant loué à S. un local à usage de restaurant, brut de décoffrage, sa responsabilité ne saurait être en aucun cas engagée, en l'espèce, dès lors que les désordres invoqués ne sont pas de son fait mais proviennent uniquement de l'activité exercée par son locataire ;

A. S. a comparu sans toutefois conclure, en sorte que le présent jugement aura un caractère contradictoire à l'égard des parties à la présente instance ;

SUR CE,

En la forme

Attendu qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959, le syndicat est chargé de pourvoir à la garde, à la conservation et à l'entretien des parties communes de l'immeuble, ainsi que de contraindre chacun des intéressés à l'exécution de ses obligations ;

Qu'en l'état des désordres constatés par l'expert judiciaire provenant du fonctionnement défectueux d'un élément d'équipement desservant les locaux donnés à bail par la SCI Antimen Monaco à A. S., ayant porté atteinte à une partie commune, le syndicat de la copropriété de l'ensemble immobilier Fontvieille Village apparaît recevable à agir, ainsi qu'il l'a fait, tant à l'encontre de la SCI Antimen Monaco, en sa qualité de copropriétaire, tenue envers les autres copropriétaires des agissements fautifs de son preneur par l'effet du règlement de copropriété ainsi qu'en dispose l'article 4 avant dernier alinéa de l'ordonnance-loi susvisée, qu'à l'égard d'A. S., tenu pour sa part, en sa qualité de locataire, auteur des troubles et dégradations affectant les parties communes de l'immeuble en copropriété, au respect de ce même règlement de copropriété conformément à l'article 4, alinéa 2 et 3, précité ;

Au fond

Attendu qu'il résulte des constatations de l'expert Aguera, non contredites par les parties, que « le bac à rétention des graisses » qu'A. S. a fait installer, et qui était destiné à recevoir les eaux usées provenant de la cuisine de son établissement, s'est révélé à l'usage totalement inopérant, de par ses dimensions trop réduites, ne lui permettant pas d'assurer le débit nécessaire, en sorte que sa saturation rapide entraînait le débordement de ses eaux chargées de détritus et de graisses dans la fosse de décantation, élément d'équipement commun, donc partie commune, y provoquant la détérioration des pompes de refoulement et la rendant à son tour impropre à sa destination ;

Qu'il s'évince de ces considérations qu'A. S. qui était tenu, en sa qualité de locataire, de veiller notamment à l'entretien des lieux loués et de leurs installations « en bon état de réparations et d'entretien », selon les termes du bail, a failli à cette obligation, engageant ainsi sa responsabilité envers le syndicat de la copropriété demanderesse ;

Que, d'autre part, la SCI Antimen Monaco qui était, en sa qualité de copropriétaire, responsable de plein droit des agissements fautifs de son locataire, s'avère également tenue de répondre des nuisances provenant de l'exploitation, dans son lot privatif, du commerce d'A. S. à l'égard de ce même syndicat ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'A. S. et la SCI Antimen Monaco, étant responsables du même dommage, l'un de son fait personnel, l'autre du fait d'autrui, sont dès lors tenus chacun au tout, dans leurs rapports avec la victime, le syndicat de la copropriété de Fontvieille Village, en sorte qu'il y a lieu de les déclarer tous deux responsables in solidum à l'égard dudit syndicat, sous réserve de leur éventuelle action récursoire ;

Attendu qu'il est établi, à ce sujet, par les investigations de l'expert Aguera, que le mauvais fonctionnement du bac à graisses desservant le restaurant, a entraîné la dégradation des deux pompes immergées dans la fosse de décantation, partie commune de l'ensemble immobilier, et que celles-ci ont dû être toutes deux remplacées, l'une d'elles à deux reprises ; que, par ailleurs, le débordement, à diverses reprises, de cette fosse, a nécessité plusieurs interventions d'une entreprise spécialisée dans les opérations de pompage et de nettoyage ;

Qu'il résulte des évaluations, non contestées, de l'expert judiciaire, que le syndicat de la copropriété Fontvieille Village ayant, à ses frais avancés, réglé le coût des travaux de remplacement des pompes et de nettoyage, lequel s'est élevé à la somme de 75 429,54 F, il y a lieu de condamner in solidum A. S. et la SCI Antimen Monaco à payer audit syndicat ladite somme de 75 429,54 F, qui portera intérêts au taux légal, à compter du 13 juin 1991, date de l'assignation valant mise en demeure, s'agissant d'une créance de nature contractuelle ;

Attendu, en outre, qu'il apparaît des circonstances de la cause, ainsi que l'a souligné l'expert dans son rapport, qu'A. S. et la SCI Antimen ont fait preuve d'une carence fautive à l'égard de la copropriété, qu'ils ont contrainte à ester en justice pour faire valoir ses droits ;

Qu'eu égard à la durée de la procédure, diligentée tout d'abord en matière de référé aux fins d'expertise, puis sur le fond après le dépôt du rapport de l'expert, il apparaît que le syndicat de la copropriété Fontvieille Village a subi un préjudice certain dont les défendeurs devront l'indemniser à concurrence d'une somme de 10 000 F, en l'état des éléments d'appréciation dont le tribunal dispose ;

Attendu qu'enfin les dépens devront être supportés solidairement par les défendeurs qui succombent, conformément à l'article 235 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Déclare A. S. et la société civile immobilière Antimen, Monaco, responsables des conséquences dommageables des désordres ayant affecté les parties communes de l'ensemble immobilier en copropriété dénommé « Communauté immobilière de Fontvieille Village » ;

Condamne in solidum A. S. et la société civile immobilière Antimen à payer au syndicat de la Communauté immobilière de Fontvieille Village la somme de soixante-quinze mille quatre cent vingt-neuf francs cinquante-quatre centimes (75 429,54 F), montant des causes sus-énoncées, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 1991, outre celle de dix mille francs (10 000 F) à titre de dommages-intérêts ;

Condamne solidairement A. S. et la société civile immobilière Antimen Monaco aux dépens qui comprendront, outre les frais de l'expertise, ceux réservés par l'ordonnance de référé du 15 mars 1989, et en prononce la distraction au profit de Maître Évelyne Karczag-Mencarelli, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; MMes Karczag-Mencarelli et Blot, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26129
Date de la décision : 27/02/1992

Analyses

Copropriété


Parties
Demandeurs : La Communauté immobilière de Fontvieille Village
Défendeurs : SCI Antimen Monaco et S.

Références :

article 6 de l'ordonnance-loi n° 662 du 23 mai 1959
article 235 alinéa 2 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-02-27;26129 ?

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