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13/02/1992 | MONACO | N°26191

Monaco | Tribunal de première instance, 13 février 1992, A. c/ société Moderne de construction, Me E. ès-qualité mandataire liquidateur, Société Acotherm


Abstract

Faillite

Action dirigée à Monaco contre une entreprise objet d'un redressement judiciaire en France - Suspension des poursuites individuelles également à Monaco - Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950

Responsabilité civile

Contrat d'entreprise - Malfaçon de l'entrepreneur agissant sans le concours d'un maître d'œuvre

Résumé

La demande en dommages-intérêts pour malfaçon formée contre une entreprise, dont le redressement judiciaire a été prononcé par un tribunal de commerce français, doit être déclarée irrecevab

le, en vertu de la règle de la suspension des poursuites individuelles édictée par l'article 47 de la loi...

Abstract

Faillite

Action dirigée à Monaco contre une entreprise objet d'un redressement judiciaire en France - Suspension des poursuites individuelles également à Monaco - Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950

Responsabilité civile

Contrat d'entreprise - Malfaçon de l'entrepreneur agissant sans le concours d'un maître d'œuvre

Résumé

La demande en dommages-intérêts pour malfaçon formée contre une entreprise, dont le redressement judiciaire a été prononcé par un tribunal de commerce français, doit être déclarée irrecevable, en vertu de la règle de la suspension des poursuites individuelles édictée par l'article 47 de la loi française n° 85-98 du 25 janvier 1985, ayant effet à Monaco, conformément aux dispositions de l'article 3 de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953.

Toutefois, la demande dirigée contre cette entreprise, tendant à la constatation d'une créance et à la fixation du montant de celle-ci au vu d'un rapport expertal, en l'état des dommages subis par la demanderesse lui ouvrant droit à réparation, ne fait pas partie des poursuites individuelles suspendues par l'article 47 de la loi française susvisée, analogue à l'article 461 du Code de commerce monégasque, en sorte que ladite demande s'avère recevable de ce chef.

En procédant à l'édification des cloisons d'une salle d'eau au moyen de carreaux de plâtre, matériaux hydrophiles, sans en avoir au préalable assuré l'étanchéité nécessaire, l'entreprise chargée des travaux de maçonnerie et de carrelage, qu'elle a effectués sans le concours d'un maître d'œuvre, dont elle a assumé en connaissance de cause les fonctions, a commis un manquement aux règles de l'art ainsi qu'aux prescriptions du fabricant de ces matériaux, qu'elle ne pouvait ignorer de par sa fonction.

Demeurant ainsi tenue tant de ses fautes de conception et d'exécution, cette entreprise a engagé son entière responsabilité contractuelle dans les termes du droit commun au sens de l'article 1002 du Code civil, dès lors que les désordres litigieux n'affectaient que des menus ouvrages et des éléments d'équipement ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article 1630 du code précité.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Considérant les faits suivants :

N. A., exploitant à Monaco, un institut d'esthétique, sous l'enseigne « Institut A. », a notamment confié des travaux d'aménagement des locaux situés en sous-sol à usage de cabines de soins, et comportant une salle de douches, d'une part à la société Moderne de construction chargée de la maçonnerie, de la pose du carrelage et de la faïence, d'autre part, à la société Acotherm chargée de la plomberie et de la pose du bac à douche ;

Suivant exploit du 22 janvier 1988, N. A. a fait assigner la société Moderne de construction ainsi que la société Acotherm en responsabilité des désordres apparus au cours du mois de juillet 1986, affectant la salle de douches, par suite d'infiltrations d'eau en provenance du bac à douche, sollicitant par ailleurs leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 127 603,75 francs, en réparation du préjudice subi ;

Par jugement du 25 janvier 1990, le Tribunal de ce siège, recevant Maître E., ès-qualité de mandataire liquidateur de la société Moderne de construction, en son intervention volontaire, a déclaré N. A., irrecevable, en l'état de sa demande tendant au paiement de sommes formée à l'encontre de la société Moderne de construction, en liquidation de biens, tout en ordonnant, avant autrement dire droit au fond, une expertise à l'effet tant de rechercher l'existence, les causes et les remèdes des désordres allégués par la demanderesse, que de fournir tous éléments d'évaluation des troubles de jouissance ainsi que du préjudice commercial et financier subis par celle-ci ;

Aux termes de son rapport en date du 3 janvier 1991, déposé au Greffe Général le 8 janvier 1991, l'expert Marcel Aguera a notamment conclu :

* que les travaux n'ont pas fait l'objet d'un procès-verbal de réception, lors de leur achèvement au mois de mars 1986, mais que le maître de l'ouvrage a aussitôt pris possession des locaux pour les exploiter ;

* que courant juillet 1986, après quatre mois d'activité, des désordres sont apparus dans la salle de douche, sous forme de remontées d'humidité le long des cloisons ayant entraîné la détérioration des enduits et peintures ;

* que si l'origine de ces désordres provient du défaut d'étanchéité de l'installation de la douche, ce dont les parties conviennent, il n'a pas été possible - faute de preuves - d'établir la cause exacte de cette fuite d'eau : le plombier (société Acotherm) prétendant que le bac une fois raccordé par ses soins a été déplacé par le carreleur (société Moderne de construction) pour les besoins de la pose de la faïence murale, ce qui a entraîné la déformation ou le déplacement du joint de la bonde d'évacuation alors que la société Moderne de construction a formellement dénié avoir procédé au déplacement de ce bac pour mettre en œuvre la pose de la faïence murale ;

* que pour la recherche de la responsabilité encourue, il importe de signaler que le calage et la mise à niveau des appareils sanitaires surélevés, comme cela a été le cas en l'espèce, sont prévus au lot maçonnerie ; que par ailleurs, le joint horizontal entre le bac receveur et la faïence murale ainsi que le joint d'angle vertical des deux parois de la douche doivent recevoir un cordon de mastic spécial d'étanchéité par le carreleur ;

qu'enfin et surtout ce dernier ayant cloisonné la salle de douche, non par des planelles de béton montées au mortier de ciment, mais par des carreaux de plâtre, produit particulièrement hydrophile, a omis, alors que les normes applicables en la matière le lui imposaient, d'effectuer au préalable la pose de semelles en matière plastique en forme de U, destinées à recevoir l'assise inférieure des carreaux et la protégeant par dessous et latéralement contre les remontées d'humidité ;

* que le coût des travaux nécessaires pour la remise en état du local servant de salle de douche s'est élevé à la somme de 17 627,20 francs TTC ;

* que les locaux du sous-sol de l'Institut A. ayant été inoccupés pendant une durée de trois mois (septembre à novembre 1986), temps nécessaire à la réalisation des travaux de réfection, le maître de l'ouvrage en a éprouvé un préjudice financier certain, dû à la baisse de son chiffre d'affaires, tel que constaté pendant les mois de septembre, octobre et novembre 1986 ;

qu'en prenant en compte, pour comparaison le chiffre d'affaires réalisé pendant les trois mois ayant précédé l'indisponibilité desdits locaux et celui réalisé pendant les trois mois qui l'ont suivie, il apparaît que N. A. a subi une perte de bénéfices de 127 278 francs ;

Se référant aux conclusions de l'expert Aguera dont elle sollicite l'homologation du rapport, N. A. a conclu à la condamnation solidaire des sociétés Moderne de construction et Acotherm au paiement, avec intérêts de droit à compter du mois de juillet 1986, de la somme de 156 380,68 francs, se décomposant ainsi :

* 17 627,20 francs, montant du coût des travaux de remise en état ;

* 127 278 francs représentant le montant de son préjudice financier ;

* 11 475,48 francs au titre des frais de l'expertise ;

La société Moderne de construction a conclu, en la forme, à l'irrecevabilité de la demande tendant à sa condamnation au paiement de sommes, en vertu des dispositions de l'article 47 de la loi française du 25 janvier 1985 ;

Elle a par ailleurs, quant au fond, sollicité le rejet de la demande formée à son encontre, en faisant observer que les travaux de carrelage et de faïence qu'elle a exécutés ne sont nullement à l'origine des désordres constatés, dès lors que l'expert judiciaire a relevé que la cause desdits désordres était due à l'emploi de cloisons en carreaux de plâtre, dépourvues de toute protection étanche posée en pied de celles-ci, prestations qui n'étaient nullement à sa charge ;

La société Acotherm a conclu au rejet de la demande en paiement formée à son égard, au motif, ainsi que l'a retenu l'expert dans son rapport, que l'emploi des carreaux de plâtre servant de cloisonnements de la salle de douche, nécessitait la pose d'une semelle étanche en pied de cloisons, laquelle a été omise par la société Moderne de construction chargée d'y procéder, ce qui constitue un manquement aux règles de l'art ;

Sur ce,

En la forme

Attendu que N. A. ayant, ensuite du dépôt du rapport de l'expert Aguera, réitéré sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société Acotherm et de la société Moderne de construction au paiement de sommes d'argent, celle-ci doit être ainsi qu'il a été jugé, déclarée irrecevable en une telle demande dirigée à l'encontre de la société Moderne de construction, dont le redressement judiciaire a été prononcé par jugement du Tribunal de commerce d'Antibes du 5 août 1988, et ce en vertu de la règle de la suspension des poursuites individuelles édictée par l'article 47 de la loi française n° 85-98 du 25 janvier 1985, ayant effet à Monaco, conformément aux dispositions de l'article 3 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, rendue exécutoire à Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 692 du 9 janvier 1953 ;

Attendu toutefois, que N. A. ayant par ailleurs sollicité l'homologation du rapport de l'expert Aguera, une telle demande qui tend à la constatation d'une créance et à la fixation de son montant, en l'état du fait dommageable dont elle a été victime lui ouvrant droit à réparation, ne fait pas partie des poursuites individuelles suspendues par l'article 47 de la Loi française du 25 janvier 1985, analogue à l'article 461 du Code de commerce monégasque, en sorte que ladite demande s'avère recevable de ce chef ;

Au fond,

Quant à la responsabilité

Attendu qu'il est constant que les sociétés défenderesses ont été notamment chargées par la demanderesse de l'aménagement d'une salle de douche située en sous-sol de son établissement de soins esthétiques, la société Acotherm y ayant effectué les travaux de plomberie et de pose du bac tandis que la société Moderne de construction y a effectué les travaux de maçonnerie et de pose des carrelages du sol ainsi que de la faïence murale ;

Qu'il résulte à cet effet, des constatations de l'expert Aguera, non contredites par les parties, que les désordres affectant ce local dus à des infiltrations d'eau au niveau du bac à douche ayant entraîné des remontées d'humidité le long des cloisons, ont été provoquées par l'absence de pose de semelles en plastique en forme de U recevant l'assise inférieure des carreaux de plâtre constituant les cloisonnements et la protégeant - par dessous et latéralement - contre les infiltrations d'eau ;

Qu'il s'évince de ces constatations, ainsi que l'a souligné l'expert, qu'en procédant à l'édification des cloisons de cette salle d'eau au moyen de carreaux de plâtre, matériau hydrophile, sans en avoir au préalable assuré l'étanchéité nécessaire, la société Moderne de construction, chargée des travaux de maçonnerie et de carrelage, qu'elle a effectués sans le concours d'un maître d'œuvre et ayant ainsi assuré, en connaissance de cause, les fonctions de maître d'œuvre et d'entrepreneur, a commis un manquement aux règles de l'art ainsi qu'aux prescriptions du fabricant de ces matériaux, qu'elle ne pouvait ignorer de par sa qualification ;

Attendu que la société Moderne de construction ne saurait utilement exciper du fait que son rôle se limitait à la pose du carrelage et de la faïence murale, alors qu'il lui appartenait de ne procéder à leur mise en place que dans la mesure où leur support lui paraissait conforme aux règles de l'art ;

Qu'elle devait, au besoin, se refuser à la pose de ces matériaux sur des cloisons dépourvues d'étanchéité préalable, en l'absence d'impossibilité technique ;

Que, demeurant ainsi tenue tant de ses fautes de conception et d'exécution, la société Moderne de construction a engagé, à l'égard de N. A., son entière responsabilité contractuelle, dans les termes du droit commun, édictés par l'article 1002 du Code civil, dès lors que les désordres litigieux n'affectaient que des menus ouvrages et des éléments d'équipement ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article 1630 du Code précité ;

Attendu, qu'en revanche, la responsabilité de la société Acotherm qui a effectué les travaux de plomberie, ne pouvant être engagée du chef d'ouvrages étrangers à son marché, à l'origine des dommages présentement imputés à la société Moderne de construction, il échet de débouter N. A. de sa demande dirigée à l'encontre de la société Acotherm ;

Quant au préjudice

Attendu qu'il résulte des évaluations effectuées par l'expert judiciaire, non contestées, sur ce point, par les parties, que les travaux de réfection nécessaires à la remise en état de la salle de douche se sont élevés à la somme de 17 267,20 francs ;

Que, par ailleurs, après avoir relevé que le sous-sol de l'établissement exploité par N. A. avait été rendu totalement indisponible, pendant la durée des travaux de réfection, c'est-à-dire de septembre à novembre 1986, l'expert Aguera a justement retenu, après avoir constaté la baisse caractéristique du chiffre d'affaires de l'institut A. pendant ces trois mois, correspondant aux deux tiers du chiffre d'affaires réalisé avant et après cette période, que N. A. avait subi, du fait des désordres litigieux, un préjudice financier certain qu'il a équitablement fixé à la somme de 127 278 francs, correspondant à la perte de bénéfices éprouvée durant l'immobilisation d'une partie importante des locaux, dans lesquels elle exploite son fonds de commerce ;

Attendu qu'il convient dès lors, de constater que N. A. s'avère créancière à l'égard de la société Moderne de construction, en liquidation, déduction faite de l'indemnité d'assurances dommage s'élevant à 8 522 francs qui lui a été versée, de la somme de :

(17 267,20 + 127 278) - 8 522 = 136 023,20 francs, sans qu'il y ait lieu d'assortir ladite somme des intérêts réclamés, du fait de l'arrêt du cours des intérêts édicté par l'article 55 de la Loi française du 25 janvier 1985, au demeurant analogue à l'article 453, alinéa 1er du Code de commerce monégasque ;

Attendu qu'enfin, les dépens, qui comprendront les frais d'expertise, seront supportés par la société Moderne de construction qui a seule succombé en ses prétentions ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Homologue le rapport de l'expert Marcel Aguera déposé le 8 janvier 1991 au Greffe Général ;

Déclare la Société Moderne de construction entièrement responsable des conséquences dommageables des désordres ayant affecté la salle de douche de l'établissement exploité par N. A. sous l'enseigne « Institut A. » ;

Constate que N. A. demeure créancière à l'égard de la Société Moderne de construction de la somme de cent trente six mille vingt trois francs vingt centimes (136 023,20 francs) ;

Déboute N. A. du surplus de ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Lorenzi, Blot, Karczag-Mencarelli av. déf. ; Depret av. barreau de Nice.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 26191
Date de la décision : 13/02/1992

Analyses

Droit des obligations - Responsabilité civile contractuelle ; Social - Général ; Procédures collectives et opérations de restructuration


Parties
Demandeurs : A.
Défendeurs : société Moderne de construction, Me E. ès-qualité mandataire liquidateur, Société Acotherm

Références :

article 1002 du Code civil
Code de commerce
article 461 du Code de commerce
ordonnance souveraine n° 692 du 9 janvier 1953


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-02-13;26191 ?

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