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13/02/1992 | MONACO | N°26123

Monaco | Tribunal de première instance, 13 février 1992, M. c/ Éditions Vertiges du Nord - Carrère Distribution.


Abstract

Société civile particulière

Objet : exploitation d'un contrat d'édition - Apport : contrat d'édition - Imposabilité : publication déjà réalisée - Caducité du contrat de société

Résumé

La réalisation de l'objet d'une société particulière au sens de l'article 1680 du Code civil constituée entre deux associés, en vue de l'exploitation en commun par ceux-ci des droits patrimoniaux des ayants droit d'un écrivain sur l'une de ses œuvres, apparaît subordonnée à la conclusion d'un contrat d'édition entre ces ayants droit et l'un ou les de

ux associés. Cette condition tacite en l'absence de stipulation d'un terme déterminé, est désormai...

Abstract

Société civile particulière

Objet : exploitation d'un contrat d'édition - Apport : contrat d'édition - Imposabilité : publication déjà réalisée - Caducité du contrat de société

Résumé

La réalisation de l'objet d'une société particulière au sens de l'article 1680 du Code civil constituée entre deux associés, en vue de l'exploitation en commun par ceux-ci des droits patrimoniaux des ayants droit d'un écrivain sur l'une de ses œuvres, apparaît subordonnée à la conclusion d'un contrat d'édition entre ces ayants droit et l'un ou les deux associés. Cette condition tacite en l'absence de stipulation d'un terme déterminé, est désormais censée défaillie, conformément aux dispositions de l'article 1031 du Code civil, étant donné qu'il est devenu certain que l'événement que constituait l'apport du contrat d'édition à la société ne pourra jamais se réaliser, l'œuvre objet de l'exploitation ayant déjà été publiée par un tiers. Il s'ensuit que la société dont l'objet social n'a pu être réalisé par suite de la défaillance de la condition l'ayant affecté, est devenue caduque du fait de cette impossibilité et par là même dépourvue de tout effet juridique à l'égard des associés.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Aux termes d'une convention sous seing privé en date, à Monaco, du 11 juillet 1986 - dont la copie, versée aux débats, n'apparaît pas avoir été enregistrée, en sorte qu'elle devra l'être avec le présent jugement - J.-C. M., exerçant en nom personnel, le commerce en Principauté, sous l'enseigne « Éditions J.-C. M. » et la société de droit français dénommée « Éditions Vertiges du Nord », ont constitué une société en participation, « régie par les lois en vigueur à Monaco sur les sociétés commerciales », laquelle avait pour objet : « l'impression, la publication, la vente, la cession aux tiers de tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation d'un ouvrage intitulé provisoirement » Marcel Pagnol Secret «, dont l'auteur est Marcel Pagnol, et dont le contrat d'édition sera annexé aux présentes » ;

Aux termes de l'article 3 des statuts de ladite société, le copyright de l'ouvrage, propriété indivise des associés, devait porter la mention « Éditions J.-C. M./Vertiges » ;

Enfin, l'article 6, sous la rubrique « administration » stipulait que la société serait co-gérée et co-administrée par les Éditions J.-C. M. et les Éditions Vertiges, étant précisé que les décisions concernant notamment :

« - le budget de la société en participation ;

* les prestations assurées par les associés pour le compte de la société en participation ;

* l'établissement de la maquette et la présentation générale de l'ouvrage ainsi que des opérations de fabrication ;

* le chiffre de tirage, tant de la première édition que des réimpressions éventuelles ;

* le prix de vente ;

* la date de mise en vente, les modalités de la distribution et des actions de promotion des ventes, le programme et les budgets de publicité ;

* les cessions aux tiers du droit de publication, de reproduction et d'adaptation de l'ouvrage,

seraient arrêtées d'un commun accord par les deux parties, celles-ci ayant convenu d'ores et déjà que la distribution et la diffusion de l'ouvrage seraient confiées exclusivement à Carrère » ;

Se référant à cette convention et notamment à son article 9 - qui prévoit que chaque contractant ne pourra céder tout ou partie de ses droits dans la société qu'avec l'accord de son coassocié - J.-C. M. a, suivant exploit en date du 1er avril 1987, assigné les sociétés de droit français dénommées « Éditions Vertiges du Nord » et « Carrère Distribution » afin qu'il soit jugé ;

* qu'en ayant fait imprimer, publié et proposé à la vente l'ouvrage de Marcel Pagnol objet de ladite convention, à l'insu de J.-C. M., les sociétés défenderesses ont contrevenu aux dispositions de son article 9 précité et que, ce faisant, la société « Éditions Vertiges du Nord » a engagé sa responsabilité contractuelle ;

* que les sociétés défenderesses devront, en conséquence, être condamnées solidairement au paiement d'une somme de 200 000 F, en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité provisionnelle de 300 000 F, à valoir sur le montant des dommages-intérêts pouvant lui revenir en réparation de son préjudice financier, pour la détermination duquel il sollicite une mesure d'expertise comptable permettant, par ailleurs de faire le compte des parties, conformément à l'article 7 de la convention susvisée ;

* que tous les ouvrages ayant pour titre « Marcel Pagnol Inédit » édités notamment par la société « Éditions Vertiges du Nord » seront saisis chez tous les libraires ainsi qu'au siège de la société « Carrere Distribution » ;

La société « Éditions Vertiges du Nord » a conclu au principal à l'incompétence du Tribunal de Monaco, et à titre subsidiaire, au rejet de la demande, en faisant valoir que le contrat d'édition de l'ouvrage de Marcel Pagnol n'ayant jamais été conclu entre ses ayants droit et les associés de la société en participation, celle-ci était par là même dépourvue d'objet, en sorte qu'elle n'a pu produire un quelconque effet de droit ;

La société « Carrere Distribution » a conclu à l'incompétence du Tribunal de Monaco, se réservant la possibilité de conclure ultérieurement au fond ;

Le tribunal de ce siège a, par jugement du 9 juin 1988, confirmé par Arrêt de la Cour d'appel du 21 novembre 1989, rejeté les exceptions d'incompétence soulevées et renvoyé la société « Carrere Distribution » à conclure au fond ;

La Société « Carrere Distribution » a conclu à l'irrecevabilité de la demande formée à son égard, aux motifs d'une part, qu'elle n'a nullement co-édité l'ouvrage litigieux mais l'a seulement distribué, que d'autre part, n'étant pas partie au contrat de société en participation intervenu entre J.-C. M. et la société « Éditions Vertiges du Nord », il ne saurait lui être reproché une violation des dispositions dudit contrat, qui lui sont inopposables ;

Que par ailleurs, le demandeur ne saurait se prévaloir utilement de ce qu'elle aurait bénéficié d'une confusion volontairement créée, dès lors qu'il s'agit de deux sociétés ayant une personnalité morale distincte et un objet social différent ; « Carrere Distribution » ayant pour objet « la distribution de toutes publications », tandis que « Carrere Éditions » n'avait pour objet que « l'édition de toutes publications et l'imprimerie par tous procédés ».

Attendu qu'après avoir déposé des conclusions au nom des Éditions Vertiges du Nord, datées du 5 novembre 1987, Maître Georges Blot a indiqué au Tribunal, après dépôt du rapport de l'expert, être désormais sans pièces ni moyens pour assurer la défense desdites Éditions ;

SUR CE,

Attendu que la société en participation convenue entre J.-C. M. et la Société « Éditions Vertiges du Nord » avait pour objet l'exploitation en commun par ceux-ci, des droits patrimoniaux des ayants droit de l'écrivain Marcel Pagnol sur un ouvrage intitulé « Marcel Pagnol Secret », dont ce dernier était l'auteur, en vertu d'un contrat d'édition, par lequel lesdits ayants droit leur céderaient, en leur qualité de co-éditeurs, le droit de fabriquer ou faire fabriquer en nombre des exemplaires de cet ouvrage, à charge pour eux d'en assurer la publication et la diffusion ;

Qu'ainsi, la réalisation de l'objet de cette société particulière, au sens de l'article 1680 du Code civil, était soumise à la condition suspensive de l'apport en nature, représenté par le contrat d'édition susvisé, par les soins des deux co-associés ou de l'un d'entre eux ;

Que cette condition tacite résulte, en l'espèce, de la nature du contrat de société en participation intervenu entre J.-C. M. et la société « Éditions Vertiges du Nord », dès lors que leurs engagements respectifs, au sein de ladite société, étaient nécessairement subordonnés à la signature de ce contrat d'édition ;

Attendu qu'il convient à cet égard, de constater, au vu des éléments de la cause non contestés par les parties, que cette condition, en l'absence de stipulation d'un terme déterminé, est désormais censée défaillie, conformément aux dispositions de l'article 1031 du Code civil, dès lors qu'il est devenu certain que l'événement que constituait l'apport du contrat d'édition à la société en participation intervenue entre J.-C. M. et la société « Éditions Vertiges du Nord » ne pourra jamais se réaliser, étant ici observé à cet effet que l'ouvrage de Marcel Pagnol, objet dudit contrat d'édition, a été en fait publié par une société distincte de celle créée entre J.-C. M. et les « Éditions Vertiges du Nord » ;

Attendu qu'il s'évince de ces considérations, que la société en participation conclue entre ces derniers, dont l'objet social n'a pu être réalisé, par suite de la défaillance de la condition l'ayant affecté, était devenue ainsi caduque, du fait de cette impossibilité et par là même, dépourvue de tout effet juridique à l'égard des co-associés ;

Attendu qu'à cet égard, J.-C. M. qui fonde exclusivement son action sur la violation par les « Éditions Vertiges du Nord » de leur engagement de ne pas céder leurs droits dans ladite société en participation, sans avoir obtenu son accord, ne peut présentement justifier d'aucun droit patrimonial de reproduction qu'il détiendrait personnellement, pour sa quote part indivise, sur l'ouvrage dont l'édition incriminée a fait l'objet des exemplaires édités par les sociétés « Vertiges du Nord » et « Carrere » ;

Que, par ailleurs, le demandeur n'établit pas davantage que sa co-associée, la société « Éditions Vertiges du Nord », ait été titulaire des droits d'édition de l'ouvrage litigieux, lors de la conclusion du contrat d'association en participation, alors que seule cette circonstance aurait été de nature à justifier l'action de J.-C. M., qui aurait pu alors reprocher à sa co-contractante d'avoir cédé, à son insu, ses droits d'éditeur ;

Qu'il s'ensuit que J.-C. M. apparaît, dès lors, dépourvu de tout intérêt légitime aussi bien que de toute qualité pour agir dans la présente instance à l'encontre des sociétés susnommées et doit en conséquence être déclaré irrecevable en toutes ses demandes ;

Attendu qu'enfin, les dépens suivront la succombance du demandeur ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement,

Déclare J.-C. M. exerçant le commerce en Principauté de Monaco sous l'enseigne « Éditions J.-C. M. » irrecevable en toutes ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; - Mes Sbarrato, Blot et Lorenzi, av déf. ; Garelli av. Nice ; Boespflug, av. barr. de Versailles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26123
Date de la décision : 13/02/1992

Analyses

Sociétés - Général ; Droits d'auteur et droits voisins


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : Éditions Vertiges du Nord - Carrère Distribution.

Références :

article 1680 du Code civil
article 1031 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-02-13;26123 ?

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