La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/1992 | MONACO | N°26189

Monaco | Tribunal de première instance, 6 février 1992, Sté fr. de Factoring c/ SAM Opus-Secrétariat Service.


Abstract

Affacturage

Nature juridique - Subrogation conventionnelle - Droits du factor à l'égard du débiteur cédé.

Résumé

Le contrat de factoring, qui est dans les faits une pratique moderne de financement permettant la mobilisation des créances à court terme, présente quant à sa nature juridique, les caractères d'un contrat d'adhésion successif, aux termes duquel le fournisseur ou adhérent s'engage à transférer au factor, l'ensemble des créances dont il dispose sur des tiers acheteurs, et ce, en vertu d'un principe dit de « globalité », alors

que pour sa part le factor s'oblige à régler à son adhérent le montant desdites créances, voi...

Abstract

Affacturage

Nature juridique - Subrogation conventionnelle - Droits du factor à l'égard du débiteur cédé.

Résumé

Le contrat de factoring, qui est dans les faits une pratique moderne de financement permettant la mobilisation des créances à court terme, présente quant à sa nature juridique, les caractères d'un contrat d'adhésion successif, aux termes duquel le fournisseur ou adhérent s'engage à transférer au factor, l'ensemble des créances dont il dispose sur des tiers acheteurs, et ce, en vertu d'un principe dit de « globalité », alors que pour sa part le factor s'oblige à régler à son adhérent le montant desdites créances, voire à gérer ses comptes clients. Le mécanisme de transfert des créances de l'adhérent au factor relève de la subrogation conventionnelle prévue en l'espèce aux articles 1250 et suivants du Code civil français applicables au présent contrat conclu en France, et permet au factor - ou créancier subrogé - qui a payé le fournisseur (ou créancier subrogeant) de recevoir de celui-ci la pleine propriété de la créance sur son client, débiteur cédé.

La subrogation n'ayant donc pas pour effet que de changer le créancier et non la créance cédée, il s'ensuit que le factor ne peut se prévaloir envers le débiteur cédé que des droits ayant appartenu à son adhérent à la date précise du transfert de créance, alors que le débiteur cédé ne peut pour sa part invoquer contre le factor que les exceptions de fait ou de droit nées avant la subrogation.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que la Société Française de Factoring France (SFF) a, suivant l'exploit susvisé, fait assigner la SAM Opus - Secrétariat Service aux fins de s'entendre celle-ci condamner à lui payer la somme principale de 198 315,77 francs représentant un solde de factures impayées, outre intérêts de droits à compter du 11 septembre 1989, et la somme de 60 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ce, avec exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Qu'au soutien de sa demande, la Société Française de Factoring International Factors France soutient qu'elle se trouverait subrogée dans les droits d'une Société française, dénommée GAP France, en l'état du contrat d'affacturage intervenu entre elles selon acte sous-seing privé du 26 juin 1984, aux termes duquel ladite Société GAP France se serait engagée à lui céder tous les droits qu'elle possédait envers ses propres débiteurs ; qu'en exécution dudit contrat, la Société Opus lui serait actuellement redevable de la somme réclamée de 198 315,77 francs correspondant au coût des prestations assurées par le personnel que la Société GAP France aurait mis à sa disposition pour permettre l'exécution de travaux commandés par une société tierce, la Société « Attess Communication » ;

Attendu que la Société « Opus Secrétariat Service » entend pour sa part voir constater que le contrat d'affacturage, sur les dispositions duquel la Société SFF fonde son action, ne s'applique en fait qu'aux opérations commerciales effectuées par la Société GAP France avec des clients domiciliés en France ; qu'elle en déduit l'irrecevabilité de la demande formulée par voie de subrogation à l'encontre d'une Société Anonyme Monégasque domiciliée à l'adresse de son siège social à Monaco ;

Qu'à titre subsidiaire, la Société Opus invoque les termes du courrier daté du 2 mars 1989, intervenu entre la Société Opus et la Société GAP France ayant précisé les droits et obligations respectifs des deux cocontractantes, en n'autorisant la Société GAP France à réclamer à la Société Opus le paiement des prestations fournies par son personnel pour le compte de la Société Attess Communication, que pour autant que cette dernière Société en aurait elle-même réglé le montant à la Société Opus ; que, n'ayant pour sa part jamais été payée, la Société Opus estime infondée la réclamation de la demanderesse, et, formant une demande reconventionnelle, sollicite la condamnation de cette société à lui payer la somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice occasionné par cette procédure manifestement abusive ;

Attendu que la société demanderesse réplique pour sa part, quant à la recevabilité de la demande, que la clause restrictive prévue au contrat l'a été dans l'intérêt exclusif du factor qui a pu valablement y renoncer en payant la facture adressée par son adhérente, la Société GAP France à la Société Opus, et ce, conformément à une jurisprudence constante des Tribunaux monégasques en la matière ; que la Société SFF entend dès lors voir rejeter le moyen d'irrecevabilité et conteste quant au fond la validité, comme l'opposabilité des accords passés le 2 mars 1989 entre les Sociétés Opus et GAP France ; qu'elle soutient à cet égard que ladite lettre datée et expédiée de Monaco le 2 mars n'a pu matériellement être reçue et contresignée à Cannes le même jour par le représentant légal de « GAP France », dont le cachet ne figure pas, et alors que la signature de J.-C. B., directeur régional de cette Société ne correspond pas à celle apposée sur un autre relevé qui lui fut adressé ; que faisant en outre valoir le rôle important joué à titre personnel par la Société Opus dans les relations contractuelles des Sociétés Attess et GAP France, la demanderesse estime que cette société avait pour obligation de l'aviser de la teneur de la lettre litigieuse qu'elle aurait dû soumettre à sa ratification ;

Qu'elle en déduit l'inopposabilité de l'accord du 2 mars 1989, postérieur au contrat d'affacturage, et qu'elle n'a pas ratifié ; que la Société SFF s'estime dès lors fondée à solliciter le montant des sommes réclamées et entend voir débouter la Société Opus des fins de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;

Attendu qu'en réplique, la Société Opus, après avoir sollicité que soit ordonnée la comparution personnelle de Monsieur B., afin que celui-ci soit interrogé sur les circonstances et conditions dans lesquelles a été établie la lettre du 2 mars 1989, a régulièrement communiqué dans les formes prévues à l'article 275 du Code de procédure civile la lettre valant contrat conclue le 2 mars 1989 entre elle-même et la Société GAP France ; qu'invoquant l'attestation établie le 14 mars 1991 par Monsieur B. aux termes de laquelle celui-ci affirme avoir signé lui-même ladite convention, la Société Opus conclut à sa validité, et, rappelant que la Société demanderesse ne peut se prévaloir que des droits, actions et privilèges appartenant à cette société, entend voir déclarer opposable à la Société SFF l'accord conclu le 2 mars 1989 et débouter cette société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Attendu que, par d'ultimes écritures judiciaires, la Société demanderesse estime que l'existence de la convention du 2 mars 1989 procède d'une contradiction flagrante entre les conclusions de la Société Opus et les pièces produites, alors en outre que ce document aurait dû revêtir le cachet commercial de la Société GAP France pour remplir toutes conditions de validité requises ;

Sur ce,

Attendu qu'il ressort des faits de la cause que la Société Française de Factoring fonde son action sur un contrat d'affacturage non enregistré, et qui le sera avec le présent jugement, conclu à Asnières le 26 juin 1984 avec une société dénommée GAP France, aux termes duquel cette société s'engageait à lui céder tous les droits et actions lui appartenant envers ses débiteurs personnels, à charge pour la SFF de payer les créances relatives à l'ensemble des opérations commerciales effectuées avec ses propres clients et d'effectuer à cette fin toutes opérations administratives ou financières nécessaires ;

Attendu que courant 1989, la Société GAP France mettait à la disposition de la Société Opus un certain nombre d'ouvriers intérimaires devant exécuter divers travaux commandés par une Société Attess Communication ; que le coût des prestations assurées par ce personnel devait donner lieu à l'établissement de nombreuses factures, dont la Société Française de Factoring s'estime fondée à recouvrer le montant auprès de la défenderesse, en sa qualité de subrogée dans les droits et actions de la Société GAP France ;

Attendu que le contrat de factoring, qui est dans les faits une pratique moderne de financement permettant la mobilisation des créances à court terme, présente quant à sa nature juridique les caractères d'un contrat d'adhésion successif, aux termes duquel le fournisseur ou adhérent, en l'occurrence GAP France, s'engage à transférer au factor, SFF, l'ensemble des créances dont il dispose sur des tiers acheteurs, tels la Société Opus, et ce, en vertu d'un principe dit de « globalité », alors que pour sa part le factor s'oblige à régler à son adhérent le montant desdites créances voire à gérer ses comptes clients ;

Attendu par ailleurs que le mécanisme de transfert des créances de l'adhérent au factor relève de la subrogation conventionnelle prévue en l'espèce aux articles 1250 et suivants du Code civil français applicables au présent contrat conclu en France, et permet au factor - ou créancier subrogé - qui a payé le fournisseur (ou créancier subrogeant) de recevoir de celui-ci la pleine propriété de la créance sur son client, débiteur cédé ;

Attendu, quant à la recevabilité de la demande, que s'il est constant que les dispositions du contrat d'affacturage prévoient le paiement par subrogation des créances relatives à des opérations effectuées avec des clients domiciliés en France, il doit être relevé qu'une telle clause, manifestement prévue dans l'intérêt exclusif et au bénéfice du factor peut faire l'objet d'une renonciation tacite de celui-ci qui a payé - au vu des quittances subrogatives produites - toutes les factures adressées par son adhérente, GAP France, à la Société Opus, ayant son siège social à Monaco ; qu'une telle faculté de renonciation reconnue au factor doit être rapprochée de la garantie donnée par ce dernier, laquelle implique nécessairement un pouvoir de sélection des créances et la possibilité d'en refuser l'approbation, ce qui, n'ayant pas été le cas en l'espèce, entraîne « ipso facto » le mécanisme de transfert des créances de l'adhérent à son profit et ouvre droit - par le jeu de la subrogation - à l'action qu'il dirige contre le débiteur cédé, soit en l'espèce la Société Opus ;

Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de déclarer recevable la demande formée par la Société Française de Factoring à l'encontre de cette dernière ;

Attendu quant au fond, que si le montant de la créance transférée au factor n'a fait l'objet d'aucune contestation, il est néanmoins soutenu par la Société Opus qu'une convention postérieure au contrat de factoring, intervenue le 2 mars 1989 entre elle-même et la Société GAP France, aurait eu pour effet d'interdire tout recours du factor avant la refacturation, et son encaissement effectif auprès du client final, la Société Attess ;

Attendu que la Société SFF ayant contesté la validité et la portée de cet accord, il convient d'en examiner la teneur, au vu de l'original finalement produit aux débats par la défenderesse ;

Attendu que ce document daté du 2 mars 1989, et se présentant sous la forme d'une lettre adressée par la Société Opus à GAP France, représentée par J.-C. B., alors directeur régional de cette société, lequel a dans une attestation du 14 mars 1991 confirmé qu'il en était bien le signataire, mentionne en son article 3 ;

« De Convention expresse, ma Société » Opus « n'honorera vos factures qu'après encaissement de la refacturation auprès du client final Attess. »

Attendu que s'il est patent que le cachet commercial de la Société GAP France ne figure pas sur le document précité, il n'en demeure pas moins que J.-C. B. ayant alors qualité pour engager ladite société reconnaît avoir apposé sa signature au bas de cet accord qui présente dès lors toutes conditions de validité requises pour engager l'une et l'autre des sociétés qui y sont parties ;

Attendu que se pose alors la question de l'opposabilité de ladite convention à la SFF qui soutient ne pas être liée par ses termes restrictifs ;

Attendu qu'il convient à cet égard de rappeler que la Société demanderesse n'agit que dans la mesure où elle se trouve subrogée conformément aux dispositions de l'article 1250 du Code civil français applicable au présent contrat, dans tous les droits, actions et privilèges appartenant à l'adhérent qu'est la Société GAP France ; que ladite subrogation n'ayant donc pour effet que de changer le créancier et non la créance cédée, il demeure constant que la Société SFF ne peut en l'espèce se prévaloir envers la Société Opus que des droits ayant appartenu à son adhérent à la date précise du transfert de créance, alors que le débiteur cédé ne peut pour sa part invoquer contre le factor que les exceptions de fait ou de droit nées avant la subrogation ;

Attendu qu'il n'est en l'occurrence pas contesté, - et les courriers émanant de la Société Opus (des 29 mai et 15 juin 1989 adressés à GAP France et du 16 juin 1989 adressé à la SFF) apparaissent confirmer cet élément de fait - que l'accord restrictif conclu entre le débiteur cédé et l'adhérent l'a bien été à la date indiquée du 2 mars 1989, la Société de Factoring s'étant contentée d'indiquer qu'elle n'en avait pas eu connaissance, ce qu'il lui appartient de faire valoir le cas échéant dans le cadre d'un recours à l'encontre de sa cocontractante GAP France ;

Attendu qu'étant en effet observé qu'un premier transfert de créance ne s'est en l'espèce réalisé conformément au contrat et aux règles applicables en matière de subrogation qu'à partir du 15 mars 1989, date de la première quittance subrogative délivrée par l'adhérent à la Société Française de Factoring, il doit en être déduit que l'exception tirée de l'accord du 2 mars 1989, inhérente aux créances dont la demanderesse n'était pas encore propriétaire à cette date peut être valablement opposée par le débiteur cédé au factor ;

Attendu en conséquence que la SFF ne peut en l'espèce prétendre au recouvrement d'un solde de créances sur la Société Opus que pour autant que cette société aurait pu elle-même obtenir le règlement de sa propre cliente « Attess Communication » ce qui, au vu des pièces produites et de l'aveu même des parties, n'a pas été le cas, cette société étant actuellement en liquidation judiciaire ;

Attendu qu'il y a dès lors lieu de débouter la Société SFF des fins de sa demande principale dirigée contre la Société Opus ;

Attendu s'agissant de la demande reconventionnelle formée par la Société Opus, tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive, qu'il apparaît, en l'état des éléments d'appréciation dont dispose le tribunal, que la Société demanderesse a pu de bonne foi se méprendre sur la portée de ses droits et n'a commis aucun abus de nature à entraîner sa condamnation à des dommages-intérêts ; que la Société Opus doit dès lors être déboutée des fins de sa demande reconventionnelle ;

Et attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

statuant contradictoirement

* Déclare recevable l'action de la Société Française de Factoring - en abrégé SFF - subrogée dans les droits de la Société GAP France ;

* Au fond, déboute la Société SFF des fins de sa demande ;

* Déboute la Société Opus des fins de sa demande reconventionnelle ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Brugnetti, Escaut et Clérissi, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26189
Date de la décision : 06/02/1992

Analyses

Contrats spéciaux divers ; Contrat - Effets


Parties
Demandeurs : Sté fr. de Factoring
Défendeurs : SAM Opus-Secrétariat Service.

Références :

article 275 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-02-06;26189 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award