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09/01/1992 | MONACO | N°26112

Monaco | Tribunal de première instance, 9 janvier 1992, C. c/ C., D.


Abstract

Vente

Promesse de vente : annonce dans un quotidien - Prix non déterminé - Non-validité de la promesse

Résumé

L'offre de vente d'un fonds de commerce faite par une annonce dans un quotidien, fournissant des indications permettant d'identifier celui-ci, mais avec cette seule mention « loyer intéressant », sans emporter de précision relative au montant du prix, constitue une proposition insuffisamment explicite et ne remplit pas les conditions requises pour la validité d'une promesse unilatérale de vente. Cette proposition tend seulement à l'ouv

erture de discussions en vue de la conclusion éventuelle de la vente dont un élément ...

Abstract

Vente

Promesse de vente : annonce dans un quotidien - Prix non déterminé - Non-validité de la promesse

Résumé

L'offre de vente d'un fonds de commerce faite par une annonce dans un quotidien, fournissant des indications permettant d'identifier celui-ci, mais avec cette seule mention « loyer intéressant », sans emporter de précision relative au montant du prix, constitue une proposition insuffisamment explicite et ne remplit pas les conditions requises pour la validité d'une promesse unilatérale de vente. Cette proposition tend seulement à l'ouverture de discussions en vue de la conclusion éventuelle de la vente dont un élément essentiel reste indéterminé, de sorte qu'une acceptation de se porter acquéreur à tel prix ne saurait lier le promettant.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants :

Le 30 novembre 1987, la société en nom collectif C.-P., propriétaire du fonds de commerce à l'enseigne « L. R. », confiait à l'agence « B.-D. Immobilier », exploitée notamment par P. D., l'exclusivité de la vente de ce bien pour une durée de six mois à compter du 1er décembre 1987, renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de huit jours minimum ;

M. D. faisait paraître dans le quotidien « Nice-Matin » du 16 octobre 1989 une annonce rédigée comme suit : « Carré d'Or : position de prestige - superbe local journaux, tabacs - loyer intéressant » ;

Par lettre du 18 octobre 1989 adressée à l'agence B.-D., P. C. indiquait son accord pour acquérir ce fonds de commerce moyennant un prix de 5 000 000 F ;

Le 30 octobre 1989, la SNC C.-P. déclarait ne pas donner suite à cette offre, ce dont B.-D. informait P. C. ; celle-ci faisait toutefois sommation le 23 novembre 1989 aux gérants de la SNC d'avoir à comparaître chez Maître Aureglia, notaire en principauté, pour souscrire à l'acte de vente, lequel constatait le défaut de comparution des vendeurs ;

Par exploit du 14 mars 1990, P. C. a assigné la SNC C.-P. et M. D. aux fins de voir le tribunal :

* Constater que B.-D. était valablement mandaté par la SNC C.-P. pour proposer à la vente, au prix de 5 000 000 F le fonds de commerce « L. R. » ;

* Constater que dans le cadre de son mandat, il a valablement proposé cette vente et valablement reçu l'offre d'acquisition conforme de P. C. ;

* Constater que, dès lors, la vente était parfaite et qu'il n'était pas loisible à la SNC C.-P. de refuser la ratification de cette vente par un acte authentique ;

* Condamner la SNC C.-P. à souscrire cet acte, à défaut dire que le jugement à venir en tiendra lieu ;

J. C. expose, en premier lieu, que la SNC C.-P. a été dissoute à compter du 15 mai 1990, et qu'il demeure seul propriétaire du fonds de commerce « L. R. » ; il entend dès lors qu'il lui soit donné acte de ce qu'il intervient aux lieu et place de ladite société ;

Il précise ensuite que le mandat exclusif donné à l'agence B.-D. pouvant être considéré à durée indéterminée, a été révoqué le 27 septembre 1989, et que cette agence se trouvait en conséquence dépourvue de pouvoir pour négocier la vente du bien litigieux ;

De plus, l'annonce parue dans le quotidien « Nice-Matin » ne saurait, selon J. C., constituer une offre de vente, à défaut de stipulation précise sur le prix, mais doit être considérée comme une invitation à entrer en pourparlers ;

Il indique en outre que la chronologie des faits permet de mettre en doute la sincérité de la manifestation de la volonté de P. C., du fait de la collusion existant entre cette dernière et B.-D. ; il conclut subsidiairement si le tribunal admettait que la vente s'est formée, à l'annulation de celle-ci en application de la règle de l'interdiction qui est faite au mandataire d'acheter le bien qu'il est chargé de vendre ;

J. C. sollicite en conséquence reconventionnellement la condamnation de P. C. à lui payer une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

Par conclusions du 29 mars 1991, M. D. s'est rapporté à justice sur le mérite de la demande principale formée par P. C. et, dans l'hypothèse où le tribunal déclarerait parfaite la vente du fonds de commerce « L. R. », entend voir juger que la demanderesse devra lui verser la part lui incombant sur la rémunération due à titre de commission, soit la somme de 150 000 F ; avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Par exploit en date du 26 septembre 1990, J. C. a assigné M. D. et P. C. aux fins de voir ordonner la jonction de l'instance consécutive à cette assignation avec celle introduite le 14 mars 1990 par P. C. et condamner « conjointement et solidairement » les défendeurs au paiement de la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts ;

M. D. conclut au débouté de J. C. de l'ensemble de ses demandes et à la condamnation de celui-ci, d'une part, dans l'hypothèse où la vente du fonds de commerce serait considérée comme parfaite, au règlement de la commission due, doit 250 000 F avec intérêts au taux légal à compter du jugement, d'autre part, au paiement de la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

SUR CE,

En la forme,

Attendu d'une part, qu'il ressort des pièces produites aux débats que, suivant acte authentique reçu par Maître C., notaire à Monaco, le 15 février 1990, réitéré le 15 mai 1990, la SNC « C. et P. » a été dissoute le plein droit à compter du 15 mai 1990, J. C. devenant seul propriétaire du fonds de commerce « L. R. » ;

Qu'il convient en conséquence de donner acte à ce dernier de ce qu'il intervient à l'instance au lieu et place de la SNC « C.-P. » ;

Attendu, d'autre part, que les instances introduites par exploits des 14 mars 1990 et 26 septembre 1990 présentent un lien de connexité tel qu'il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de se prononcer sur celles-ci par un seul et même jugement et d'ordonner la jonction desdites instances portant les numéros 489 et 129, en application des dispositions de l'article 271 du Code de procédure civile ;

Au fond,

Attendu qu'il est constant qu'à la suite d'une annonce parue dans le quotidien « Nice-Matin » le 16 octobre 1989 ainsi rédigée « Carré d'Or - position de prestige - superbe local journaux, tabacs - loyer intéressant », P. C. a adressé le 18 octobre 1989 un courrier à l'agence B.-D. comportant son acceptation de se porter acquéreur du fonds de commerce « L. R. » au prix de 5 000 000 F ;

Qu'informée de cette offre d'achat, la SNC C.-P. a déclaré le 30 octobre 1989 ne pas y donner suite « du fait de son associé C. » ;

Qu'il échet en conséquence pour le tribunal, de rechercher si l'acceptation par P. C. de l'annonce susmentionnée a engendré à la charge des parties des obligations personnelles et réciproques et entraîné de facto la conclusion de la vente ;

Attendu qu'il convient tout d'abord, de préciser que l'offre faite au public, lie le pollicitant à l'égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l'offre faite à personne déterminée ; que, le consentement nécessaire à la formation du contrat existant dès lors que se rencontrent deux volontés concordantes, l'offre faite dans un premier temps par le vendeur doit nécessairement consister en une proposition de contracter, suffisamment ferme et précise pour que son acceptation suffise à former ledit contrat ; qu'elle doit comporter tous les éléments essentiels permettant pour le moins d'identifier avec précision la chose offerte et indiquer le prix demandé ;

Attendu que l'annonce parue le 16 octobre 1989, si elle permettait d'identifier de façon certaine l'objet de la vente, ne comportait aucune précision relative à son prix, la seule mention « loyer intéressant » ne pouvant constituer à cet égard qu'une indication très imprécise quant à son montant ;

Que cette proposition, insuffisamment explicite, ne remplit dès lors pas les conditions requises pour la validité d'une promesse unilatérale de vente ; qu'elle doit être considérée comme tendant seulement à l'ouverture de discussions en vue de la conclusion éventuelle de la vente dont un élément essentiel reste indéterminé, et ne saurait en tant que telle lier le promettant ;

Attendu de ce fait, que la réponse à cette invitation aux pourparlers, soit en l'espèce la lettre de P. C. en date du 18 octobre 1989 et fixant le prix de vente du fonds de commerce litigieux, constitue seule une véritable offre de contracter, qui n'est pas au demeurant exclusive de toute négociation ; que d'ailleurs, la SNC C.-P. n'a pas entendu y donner suite ;

Attendu en conséquence que l'offre faite le 16 octobre 1989 par la SNC C.-P. ne pouvant s'analyser en une promesse de vente, l'acceptation postérieure de P. C. n'emportait pas à elle seule formation de la vente ; qu'il est dès lors sans intérêt à cet égard en l'état d'une telle impossibilité de conclusion du contrat, d'apprécier la mesure dans laquelle M. D. aurait été réellement mandaté pour le conclure ;

Que P. C. doit donc être déboutée de sa demande ;

Attendu toutefois que cette dernière a pu se méprendre sur la portée de ses droits ; que J. C. doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts formée tant à l'encontre de P. C. qu'à celui de M. D., dont il n'est pas rapporté la preuve, qui incombe à C., d'éventuelles manœuvres dolosives auxquelles l'agent immobilier se serait livré dans le but de s'approprier ledit bien ;

Qu'à ce dernier titre, la demande de M. D. en paiement de dommages-intérêts apparaissant justifiée en son principe, il convient de condamner J. C. de ce chef à lui payer la somme de 10 000 F ;

Qu'au regard de leur succombance respective, les dépens doivent être partagés entre J. C. et P. C. ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Donne acte à J. C. de ce qu'il intervient à l'instance au lieu et place de la société en nom collectif C.-P. dissoute le 15 mai 1990 ;

Ordonne la jonction des instances n° 489 (assignation du 14 mars 1990) et n° 129 (assignation du 26 septembre 1990) ;

Déboute P. C. de ses demandes ;

Déboute J. C. de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Le condamne à payer à M. D. la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Déboute M. D. du surplus de ses demandes ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Karczag-Mencarelli et Clérissi, av. déf. ; Gorea, av. barr. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26112
Date de la décision : 09/01/1992

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de vente


Parties
Demandeurs : C.
Défendeurs : C., D.

Références :

article 271 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1992-01-09;26112 ?

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