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06/06/1991 | MONACO | N°26085

Monaco | Tribunal de première instance, 6 juin 1991, L. c/ B.


Abstract

Filiation

Filiation naturelle - Compétence du Tribunal de première instance - Reconnaissance par le père au consulat de France à Monaco - Acte authentique - Enfant adultérin a patre - Admission à Monaco de la filiation adultérine établie en France - Obligation alimentaire du père naturel - Application de la loi française

Résumé

Le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l'article 3-2° du Code de procédure civile, pour connaître d'une action qui tend à la sanction d'une obligation alimentaire, devant s'exécuter à Monaco, lieu

du domicile de la demanderesse et de l'enfant, laquelle action, au demeurant et sur le pla...

Abstract

Filiation

Filiation naturelle - Compétence du Tribunal de première instance - Reconnaissance par le père au consulat de France à Monaco - Acte authentique - Enfant adultérin a patre - Admission à Monaco de la filiation adultérine établie en France - Obligation alimentaire du père naturel - Application de la loi française

Résumé

Le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l'article 3-2° du Code de procédure civile, pour connaître d'une action qui tend à la sanction d'une obligation alimentaire, devant s'exécuter à Monaco, lieu du domicile de la demanderesse et de l'enfant, laquelle action, au demeurant et sur le plan interne échappe notamment par le montant de la demande au domaine d'application de l'article 11-4° du Code de procédure civile.

Les parties à l'instance (L. et B.) et l'enfant, ayant la nationalité française et B. ayant, postérieurement au décès de son épouse procédé à la reconnaissance de l'enfant, par acte dressé au Consulat général de France à Monaco, conformément à l'article 335 du Code civil français, il s'ensuit que la filiation paternelle dudit enfant doit être tenue pour régulièrement établie en France, et relève de la loi française, applicable à raison de la nationalité de l'enfant, alors qu'un livret de famille a été délivré aux père et mère naturels en cause, en application du décret français n° 74-449 du 15 mai 1974 et qu'il résulte de l'article 24 alinéa 3 de la Convention de Paris du 21 septembre 1949, rendue applicable à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, que l'acte précité doit être assimilé à un acte dressé en France.

Par voie de conséquence, et encore qu'il soit prétendu que la filiation résultant d'un tel acte ne pourrait être actuellement prise en compte, comme contraire à l'ordre public, de par son caractère adultérin, il ne saurait être en rien fait obstacle à la reconnaisse sollicitée de cette filiation, puisque l'ordre public, ne s'opposerait qu'à l'établissement de celle-ci à Monaco et non à ce qu'elle y ait effet après avoir été régulièrement établie à l'étranger, ce, pour le cas où, serait exclue en l'espèce la faculté de légitimation que vise l'article 239-6 nouveau du Code civil, résultant de la loi n° 1089 du 21 novembre 1985, applicable aux enfants nés avant son entrée en vigueur, encore que cette faculté soit envisageable, les parties n'apparaissant pas l'une ou l'autre actuellement unies par les liens du mariage.

Il doit être imputé au défendeur, en l'état de la reconnaissance par lui de son fils, le principe d'une obligation alimentaire envers l'enfant, tirée non point de l'article 342 du Code civil français mais de l'article 334 du même code.

Les dispositions de cet article pourront être présentement appliquées par le tribunal, même si elles bénéficient à un enfant adultérin et s'avèrent ainsi contraires à celles de l'article 227 du Code civil monégasque, puisque l'obligation alimentaire dont s'agit relève au premier chef des effets d'une filiation régulièrement établie en France, en sorte que l'ordre public ne s'oppose nullement à sa mise en œuvre à Monaco, n'intervenant que de manière atténuée quand il convient seulement, comme en l'espèce, de laisser se produire à Monaco les effets des droits acquis à l'étranger.

Motifs

Le Tribunal,

Attendu que par l'exploit susvisé, A. L. a fait assigner M. B. en paiement d'une pension alimentaire mensuelle de 5 000 F au profit d'un enfant naturel issu de ses relations avec lui ;

Attendu que cet enfant, prénommé E. Y., et né le 20 août 1976 à Monaco, a une filiation établie à l'égard d'A. L., par l'indication du nom de celle-ci dans son acte de naissance ; que son père, M. B., l'a pour sa part ultérieurement reconnu ;

Attendu qu'au motif qu'il était marié à une autre femme que la demanderesse lors de la conception de l'enfant, M. B. s'oppose à la demande en invoquant la contrariété à l'ordre public de la filiation adultérine qu'une telle demande manifesterait ainsi, ce qui la rendrait irrecevable selon lui ;

Que, subsidiairement, et faisant valoir d'importantes difficultés financières, puisqu'il déclare se trouver personnellement en redressement judiciaire, à raison d'activités commerciales en France, B. offre une pension limitée à 1 000 F par mois, en sollicitant par ailleurs une expertise à l'effet de déterminer ses ressources et charges actuelles, ainsi que celles d'A. L. ;

Attendu que celle-ci réfute le moyen d'irrecevabilité formulé à titre principal par B., en arguant de ce que l'ordre public n'aurait en l'espèce qu'un effet atténué, puisqu'il s'agirait simplement de laisser se produire à Monaco des droits acquis sans fraude à l'étranger, et en conformité de la loi française devant régir la filiation de l'enfant, en raison de sa nationalité et de celle de ses parents ;

Que, par ailleurs, quant au fond, elle nie que les difficultés financières du défendeur puissent exonérer celui-ci de la pension qu'elle lui réclame ;

Sur quoi,

Quant à la recevabilité,

Attendu que l'action présentement introduite par A. L. tend à la sanction d'une obligation alimentaire, devant s'exécuter à Monaco, lieu du domicile de la demanderesse et de l'enfant ;

Qu'à ce dernier titre le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l'article 3-2 du Code de procédure civile, pour connaître d'une telle action laquelle au demeurant et sur le plan interne échappe notamment par le montant de la demande au domaine d'application de l'article 11-4 du Code de procédure civile ;

Attendu, par ailleurs, qu'alors que les parties et l'enfant ont la nationalité française, il est constant que M. B., postérieurement au décès de son épouse a procédé à la reconnaissance d'E. par un acte dressé le 22 décembre 1988 au Consulat général de France à Monaco ;

Qu'il doit être à cet égard rappelé que l'article 335 du Code civil français prescrit que toute reconnaissance, postérieure à la naissance de l'enfant, doit être faite par acte authentique, ce qui est le cas des actes reçus par les officiers d'état-civil ou les agents consulaires, agissant comme tels ;

Qu'il s'ensuit que la filiation paternelle de cet enfant doit être tenue pour régulièrement établie en France, et relève de la loi française applicable à raison de la nationalité de l'enfant, alors qu'un livret de famille a été délivré aux père et mère naturels en cause, conformément au décret français n° 74-449 du 15 mai 1974 et qu'il résulte de l'article 24, alinéa 3, de la Convention de Paris du 21 septembre 1949, rendue applicable à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, que l'acte précité doit être assimilé à un acte dressé en France ;

Attendu que, par voie de conséquence, et encore qu'il soit prétendu que la filiation résultant d'un tel acte ne pourrait être actuellement prise en compte, comme contraire à l'ordre public, de par son caractère adultérin, il ne saurait être en rien fait obstacle à la reconnaissance sollicitée de cette filiation puisque l'ordre public ne s'opposerait qu'à l'établissement de celle-ci à Monaco et non à ce qu'elle y ait effet après avoir été régulièrement établie à l'étranger, ce, pour le cas où serait exclue en l'espèce la faculté de légitimation que vise l'article 239-6 nouveau, du Code civil, résultant de la loi n° 1089 du 21 novembre 1985, applicable aux enfants nés avant son entrée en vigueur ;

Qu'à ce propos, toutefois, les parties n'apparaissent pas l'une ou l'autre actuellement unies par les liens du mariage en sorte que la légitimation par elles de leur enfant commun est juridiquement envisageable, et, partant, même l'établissement à Monaco de la filiation adultérine de celui-ci, conformément à l'article 239-6 précité ;

Qu'il s'ensuit, en définitive, qu'A. L. doit être reçue en sa demande, l'ordre public ne pouvait être nullement heurté par la reconnaissance ou l'établissement d'une telle filiation, étant observé d'autre part que la présente action alimentaire, exercée contre un débiteur en état de cessation des paiements, échappe selon le droit français régissant, en raison de sa nationalité, la capacité de B. d'ester en justice, au dessaisissement de celui-ci né de la procédure collective qu'il invoque ;

Quant au fond,

Attendu que l'appréciation du bien fondé allégué de l'action d'A. L. requiert la référence à la loi française qui régit le statut personnel de l'enfant, et au demeurant des parties, puisque la demande d'aliments dont s'agit est invoquée sur le fondement d'une filiation antérieurement établie et demeure dès lors soumise à la loi qui a présidé, comme il vient d'être dit, à l'établissement de celle-ci ;

Attendu que la jurisprudence française a constamment admis l'existence d'une obligation alimentaire envers l'enfant naturel de la part de ses parents, par le simple effet du lien de filiation les unissant à lui ;

Qu'une telle obligation bénéficiait déjà, selon la jurisprudence précédant la loi française du 15 juillet 1955, à l'enfant adultérin a patre, ce, en considération d'une sorte de filiation de fait conçue comme devant prévenir que la prohibition de la constatation d'une filiation adultérine n'aboutisse à compromettre les moyens d'existence de l'enfant ;

Qu'elle a été organisée ensuite par ladite loi de 1955 avant que la loi française du 3 janvier 1972 n'en affirme une nouvelle fois le principe relativement, cette fois, à l'enfant naturel en général, auquel ont alors été formellement reconnus, dans les rapports avec ses père et mère, les mêmes droits qu'à l'enfant légitime, selon ce que dispose l'actuel article 334 alinéa 1er du Code civil français manifestement applicable aux enfants adultérins ;

Que l'obligation alimentaire ainsi édictée est actuellement indépendante de celle inhérente à l' « action à fin de subsides » issue de la loi française précitée de 1972, laquelle, exercée par la mère sur le fondement des articles 342 et suivants du Code civil, tend substantiellement à la réparation du préjudice subi par l'enfant qui serait dépourvu de filiation paternelle, à l'effet de lui procurer des aliments de la part de celui ou ceux qui auraient pris le risque de l'engendrer par leurs relations avec sa mère, cette action supposant pour ce, non pas une filiation certaine, comme en l'espèce, mais simplement une paternité possible ;

Attendu que, sans qu'il y ait dès lors lieu de se référer, en l'occurrence, auxdits articles 342 et suivants, en l'état de la reconnaissance par lui de son fils E., il doit être ainsi imputé à B., comme celui-ci en admet d'ailleurs le principe, une obligation alimentaire envers cet enfant, tirée de l'article 334 susvisé du Code civil français ;

Qu'il doit être précisé à ce propos que les dispositions de cet article peuvent être présentement appliquées par le tribunal, même si elles bénéficient à un enfant adultérin et s'avèrent ainsi contraires à celles de l'article 227 du Code civil monégasque puisque, quoique manifestée en l'état par une action exercée de manière autonome, l'obligation alimentaire dont s'agit relève au premier chef des effets d'une filiation régulièrement établie en France, en sorte que l'ordre public ne s'oppose nullement à sa mise en œuvre à Monaco, n'intervenant que de manière atténuée quand il convient seulement, comme en l'espèce, de laisser se produire à Monaco les effets des droits acquis à l'étranger ;

Qu'il échet en définitive d'imposer à B. la charge de subvenir aux besoins de son fils E. en fonction de ses ressources ;

Attendu qu'à cet égard toutefois, les pièces produites ne sont pas de nature à renseigner complètement le tribunal sur la situation matérielle des parties ; qu'une enquête sociale s'avère dès lors opportune ;

Que néanmoins, il convient de constater l'offre de B. de verser d'ores et déjà à A.L. une pension mensuelle de 1 000 F pour leur enfant commun ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Reçoit A. L. en sa demande introduite au bénéfice de son fils mineur E. ;

Donne acte à M. B. de ce qu'il offre à A. L. pour cet enfant une pension alimentaire mensuelle de 1 000 F ;

Le condamne provisoirement et en tant que de besoin au paiement de ladite pension, le premier de chaque mois et d'avance au domicile de la mère ;

Avant dire droit sur le montant de la pension dont M. B. sera en définitive déclaré tenu ;

Ordonne une enquête sociale ;

Commet pour y procéder P. L., assistante sociale chef, laquelle, après s'être fait communiquer par les parties tous documents utiles et avoir visité le domicile de la demanderesse, aura pour mission de rapporter au tribunal tous éléments de fait lui permettant de déterminer ou d'apprécier outre les conditions de vie et moyens d'existence des parties, les besoins de l'enfant E. et les charges incombant à M. B. du fait de son actuelle situation commerciale ;

Impartit à P. L. un délai d'un mois pour le dépôt de son rapport ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du jeudi 11 juillet 1991 ;

Composition

MM. Landwerlin prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. - Mes Leandri, Sanité av. déf. ; Curti av. barr. de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26085
Date de la décision : 06/06/1991

Analyses

Civil - Général ; Droit de la famille - Autorité parentale et droits de l'enfant


Parties
Demandeurs : L.
Défendeurs : B.

Références :

article 3-2 du Code de procédure civile
article 3-2° du Code de procédure civile
article 11-4 du Code de procédure civile
Code civil
loi n° 1089 du 21 novembre 1985
ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949
article 227 du Code civil
article 11-4° du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1991-06-06;26085 ?

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