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16/05/1991 | MONACO | N°26079

Monaco | Tribunal de première instance, 16 mai 1991, SA « Azuréenne de Micro Informatique » c/ SAM Surgel Alimentation, Grindlays Bank, en présence du sieur JM T. intervenant ès-qualités de liquidateur de la société demanderesse.


Abstract

Contrats et obligations

Vente de logiciels et de matériel informatique - Obligation de conseil du vendeur - Manquement : fourniture inadaptée aux besoins de l'entreprise - Résolution de la vente

Résumé

Dès lors que l'utilisation des matériels et logiciels commandés aux fins de réaliser un système multipostes permettant d'assurer des tâches distinctes s'est trouvée limitée au traitement informatique de la seule facturation d'ailleurs rendu insuffisant par suite de la saturation de la machine imprimante, sans pouvoir traiter la comptabilité et l

a gestion des activités commerciales, il s'ensuit que le fournisseur a failli à son o...

Abstract

Contrats et obligations

Vente de logiciels et de matériel informatique - Obligation de conseil du vendeur - Manquement : fourniture inadaptée aux besoins de l'entreprise - Résolution de la vente

Résumé

Dès lors que l'utilisation des matériels et logiciels commandés aux fins de réaliser un système multipostes permettant d'assurer des tâches distinctes s'est trouvée limitée au traitement informatique de la seule facturation d'ailleurs rendu insuffisant par suite de la saturation de la machine imprimante, sans pouvoir traiter la comptabilité et la gestion des activités commerciales, il s'ensuit que le fournisseur a failli à son obligation principale de conseil, alors qu'il avait été chargé de la conception d'une installation et d'une programmation informatique.

L'inexécution de cette obligation essentielle apparaît constitutive d'une faute, au sens de l'article 1002 du Code civil, justifiant à elle seule la résolution du contrat de vente aux torts exclusifs du vendeur, en application de l'article 1039 du même code.

Motifs

Le Tribunal,

Considérant les faits suivants ;

Selon contrat n° 18723 en date du 23 janvier 1987, la société anonyme monégasque dénommée « Surgel Alimentation » a passé commande à la société anonyme de droit français dénommée « Azuréenne de Micro Informatique » d'un ensemble de matériels et de logiciels informatiques, destinés à fonctionner en réseau, pour le traitement de la facturation et de la comptabilité de ses activités commerciales, moyennant le prix de 304 347,76 F toutes taxes comprises, payable aux termes d'une facture établie le 30 janvier 1987, selon les modalités suivantes :

* 101 449,25 F comptant par chèque ;

* le solde par deux billets à ordre chacun d'un montant de 101 449,25 F à échéance des 2 mars et 2 avril 1987 ;

Le billet à ordre à échéance du 2 avril 1987 n'ayant pas été honoré, suivant exploit en date du 12 mai 1987 (Instance n° 550 du rôle général de 1987), la société Azuréenne de Micro Informatique, en abrégé AMI, autorisée par ordonnance du 5 mai 1987, à faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la Grindlays Bank à concurrence de la somme de 150 000 F, montant auquel sa créance a été provisoirement évaluée, sur les fonds ou valeurs détenus pour le compte de la société Surgel Alimentation a fait assigner, d'une part, la Grindlays Bank aux fins de déclaration conformément à la loi, d'autre part la société Surgel Alimentation aux fins de s'entendre condamner au paiement du montant des causes de ladite saisie-arrêt ;

La Grindlays Bank, tiers-saisi, ayant déclaré aux termes d'une lettre du 18 mai 1987, ne détenir aucun avoir pour le compte de la Société Surgel Alimentation, suivant exploit en date du 21 septembre 1987 (Instance n° 98 du rôle général de 1987), autorisée par ordonnance du 3 août 1987 à prendre une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société Surgel Alimentation, à Monaco, ce pour avoir sûreté garantie et paiement d'une somme de 150 000 F, montant auquel sa créance a été provisoirement évaluée, la société Azuréenne de Micro Informatique, a fait assigner la société Surgel Alimentation en paiement de la somme principale de 101 449,26 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1987, date d'échéance du billet à ordre impayé, outre celle de 10 000 F à titre de dommages-intérêts, pour résistance abusive, et a sollicité par ailleurs la validation de l'inscription provisoire de nantissement prise le 5 août 1987 ;

La société Surgel Alimentation a conclu au débouté et formé une demande reconventionnelle en résolution du contrat de vente intervenu le 23 janvier 1987, sauf à recourir à une mesure d'expertise préalable, en faisant valoir que la société Azuréenne de Micro Informatique, n'avait pas rempli à son égard l'obligation d'information et de conseil à laquelle elle était tenue, en mettant en place un matériel en informatique qui ne correspondait pas aux exigences qu'elle avait formulées lors des pourparlers ayant précédé le contrat, parmi lesquelles figuraient notamment le traitement des opérations qui devait se faire en temps réel et le volume dudit traitement qui devait correspondre à une facturation estimée à 4 400 unités mensuelles ;

La société Azuréenne de Micro Informatique, réitérant sa demande initiale, a conclu au rejet des prétentions de la société Surgel Alimentation, en soulignant que le matériel qu'elle lui avait fourni était conforme à la définition retenue par les parties tant en ce qui concernait leur nombre que leur possibilité d'affectation à n'importe quelle tâche, à la demande de son utilisateur ;

Par la suite, la société Azuréenne de Micro Informatique ayant été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Nice du 9 octobre 1987, son liquidateur, en la personne de J.-M. T., est intervenu volontairement à l'instance, déclarant reprendre et poursuivre celle-ci, en cette qualité ;

Sur ce, le tribunal par jugement du 20 avril 1989, après avoir joint les instances portant les numéros 550 et 98 du rôle général de 1987, diligentées à la requête de la société Azuréenne de Micro Informatique, ordonnait, avant dire droit au fond, en l'absence d'éléments suffisants d'information sur la nature et l'étendue des relations contractuelles des parties ainsi que sur les conditions d'exécution de la commande litigieuse, de même que sur la qualité du matériel et du logiciel livrés, une mesure d'expertise, aux frais avancés de la société demanderesse ;

Aux termes de son rapport en date du 15 décembre 1989, déposé le 18 décembre 1989 au greffe général, l'expert Roger Salvagny a notamment conclu :

* que le contrat de vente conclu entre la société Azuréenne de Micro Informatique et la société Surgel Alimentation s'analyse comme la fourniture d'un système « clé en main », comprenant le matériel, les logiciels d'application, la formation et la maintenance ;

* que le cahier des charges produit par la société Surgel Alimentation définissant notamment le volume des facturations à traiter dans le cadre de son activité n'apparaît pas avoir été porté à la connaissance de la société Azuréenne de Micro Informatique avant la signature du contrat de vente ;

* qu'il n'en demeure pas moins, que dans le cadre de son obligation de conseil, la société Azuréenne de Micro Informatique se devait de rechercher et de définir avec précision les besoins réels, en matière de facturation tant au niveau des volumes à traiter que des délais à respecter, de la société Surgel Alimentation, d'autant que cette société ayant une activité de grossiste, le volume et le délai de facturation étaient un élément fondamental pour le choix de la solution du système informatique à mettre en place ;

* que les vérifications techniques effectuées, relatives à la facturation traitée par la société Surgel Alimentation, laquelle doit être journalière (car elle est concomitante des ventes et des livraisons) et doit s'effectuer le matin de 7 heures à 12 h 30, en 5 h 30, ont permis d'établir, d'une part que les temps de facturation varient d'un jour à l'autre de 6 heures 28 minutes à 10 heures 10 minutes, soit une moyenne de 8 heures 4 minutes, d'autre part que seuls deux postes de travail avec écran et clavier fonctionnent ;

* que l'on est ainsi en présence d'un système sursaturé sur la seule tâche de la facturation, qui est dans la totale incapacité d'assurer le travail correspondant et d'être en outre utilisé dans les autres tâches prévues de comptabilité et de gestion ;

* qu'ainsi l'absence d'un cahier des charges signé et accepté par les parties, définissant avec précision les besoins en matière de facturation de la société Surgel Alimentation a conduit à la mise en place d'un système informatique manifestement inadapté aux besoins spécifiques de cette dernière société ;

* que finalement, ce qui est en cause, dans le présent litige, c'est le système livré, dans sa conception et ses performances ;

En l'état du dépôt du rapport de l'expert Salvagny, l'affaire a été renvoyée devant le tribunal, suivant ordonnance du juge chargé de suivre l'expertise du 8 janvier 1990 ;

La société Azuréenne de Micro Informatique et J.-M. T., es-qualités de liquidateur de ladite société en liquidation judiciaire, ont conclu, en réitérant leur demande initiale, aux fins de paiement de la somme de 101 449,26 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 1987, outre celle de 10 000 F à titre de dommages-intérêts, sollicitant par ailleurs que soit constatée la validité de l'inscription provisoire de nantissement prise le 5 août 1987 sur le fonds de commerce exploité par la société Surgel Alimentation, à Monaco ;

Ils font valoir au soutien de leur action, en « ayant tels égards que de droit pour le rapport d'expertise du sieur Salvagny, que la société Surgel Alimentation qui n'a jamais communiqué un quelconque cahier des charges faisant ressortir la réalité et l'importance de ses besoins, au cours des pourparlers ayant précédé la conclusion du contrat, ne saurait présentement se plaindre d'une éventuelle inadaptation du matériel informatique qui lui a été livré, en fonction du volume de factures à traiter ;

Se référant aux constatations du rapport de l'expert Salvigny dont elle a sollicité l'homologation, la société Surgel Alimentation conclu au rejet de la demande et a formé une demande reconventionnelle tendant à obtenir la résolution du contrat, aux torts exclusifs de la société Azuréenne de Micro Informatique ainsi que la condamnation de ladite société et de son liquidateur à lui rembourser la somme de 202 898,50 F montant des acomptes versés sur le prix d'achat du matériel informatique, avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement, outre celle de 50 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Elle a d'autre part, requis la mainlevée de la saisie-arrêt et de l'inscription provisoire de nantissement pratiquées à son encontre à la requête de la société demanderesse ainsi que l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Elle expose, au soutien de ses prétentions que la société Azuréenne de Micro Informatique n'a pas rempli l'obligation de conseil, à laquelle elle était tenue, en sa qualité de spécialiste en matière d'informatique, d'autant qu'elle n'ignorait pas traiter avec une société dont la précédente installation informatique s'était révélée insuffisante ;

Qu'en effet, à supposer même, comme elle le prétend, que la société Azuréenne de Micro Informatique n'ait pas eu connaissance du cahier des charges établi à son intention par la société Surgel Alimentation, pour lui faire connaître tant la réalité et l'étendue des besoins en informatique de ladite société que les conditions d'utilisation du matériel informatique souhaité, il n'en demeure pas moins qu'il appartenait à la société Azuréenne de Micro Informatique, ainsi que l'a souligné l'expert dans son rapport, de procéder par elle-même, à une étude préalable à la conception et à la mise en place d'un système informatique, après avoir au besoin exigé de son futur cocontractant, la formulation de ses objectifs, condition nécessaire à l'élaboration d'un système informatique spécifique aux activités de la société Surgel Alimentation ;

Qu'ainsi faute d'avoir satisfait à son obligation de conseil envers la société Surgel Alimentation, la société Azuréenne de Micro Informatique a commis un manquement grave à ses obligations contractuelles, de nature à lui seul, à entraîner la résolution du contrat à ses torts exclusifs ;

SUR CE,

En la forme,

Attendu que la société anonyme de droit français dénommée » Azuréenne de Micro Informatique « ayant été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Nice du 9 octobre 1987, lequel a nommé J.-M. T., en qualité de liquidateur de ladite société, il convient de donner acte à celui-ci de son intervention volontaire à la présente instance, dès lors qu'il exerce seul, les actions patrimoniales du débiteur en liquidation judiciaire, aux termes de l'article 152 de la loi française, n° 85-98 du 25 janvier 1985, applicable en la cause, pour l'appréciation de la capacité d'ester en justice de ladite société ;

Attendu, par ailleurs, qu'il convient de donner acte à la Grindlays Bank, tiers-saisi, de sa déclaration, et, la saisie-arrêt s'étant révélée négative, de mettre ce tiers-saisi hors de cause, tout en donnant mainlevée de cette mesure devenue sans objet ;

Que l'action présentement soumise au tribunal doit se poursuivre dans les termes du droit commun, sous la forme d'une simple action au paiement ;

Au fond.

Attendu qu'il résulte des constatations effectuées par l'expert Salvagny, non contestées par les parties, que le contrat conclu entre celles-ci, s'analyse comme un contrat de fourniture d'un système informatique, » clé en main «, en ce qu'il comprenait la fourniture de matériels et de logiciels effectuée par la même entreprise, dans le cadre d'une opération globale consistant à concevoir et à réaliser un ensemble informatique intégré et prêt à l'utilisation par le client ;

Attendu qu'une telle convention de par sa nature même, entraînait pour la société Azuréenne de Micro Informatique, vendeur professionnel de systèmes informatiques et des programmes destinés à ceux-ci, un devoir de conseil envers la société Surgel Alimentation consistant à définir les besoins de celle-ci et à choisir le matériel et le logiciel les plus aptes à les satisfaire ;

Qu'en l'espèce, ce devoir de conseil à la charge du fournisseur, était d'autant plus primordial, qu'ainsi que ce dernier l'a reconnu dans ses écritures judiciaires, la société Surgel Alimentation était entrée en relations d'affaires avec lui, dans le but de remédier aux défectuosités d'un précédent système informatique qui s'était révélé inapte à satisfaire ses objectifs ;

Que si la société Surgel Alimentation devait de son côté, collaborer à l'analyse de ses besoins et des conditions dans lesquelles devaient être réalisées les applications électroniques destinées à les satisfaire, en fournissant tous éléments utiles à son vendeur, rien ne démontre qu'elle n'ait pas rempli cette obligation, dès lors qu'en précisant sur le bon de commande, qu'elle désirait que lui soient livrés un mini-ordinateur avec 3 écrans et 3 imprimantes outre deux logiciels destinés l'un à la facturation, l'autre à la comptabilité, la société utilisatrice, avait défini ses objectifs essentiels en exprimant le désir d'acquérir un système multi-postes, où ces matériels et logiciels seraient utilisés indépendamment l'un de l'autre, pour assurer ces tâches distinctes ;

Qu'en l'état des besoins ainsi exprimés par une personne mal informée en la matière, s'agissant d'un non-spécialiste, qui de plus n'était pas assisté d'un conseil qualifié en informatique, il incombait alors à la société Azuréenne de Micro Informatique, avant d'exécuter cette commande, de solliciter de la société Surgel Alimentation tous renseignements utiles, pour la formulation la plus précise de ses objectifs, lui permettant de procéder, au besoin après investigations complémentaires de sa part, à une étude préalable sérieuse, tenant compte des problèmes spécifiques propres à cette entreprise, dont l'activité de grossiste, ainsi que l'a relevé l'expert dans son rapport nécessitait que soient déterminés avec la plus grande précision les besoins réels en matière de facturation tant au niveau des volumes à traiter que des délais à respecter, ce que la société venderesse ne pouvait d'ailleurs ignorer, de par sa qualification en la matière ;

Attendu qu'il résulte des vérifications techniques effectuées par l'expert, que les matériels et les logiciels fournis à la société Surgel Alimentation ne pouvaient supporter une fonction multi-postes, dès lors que l'utilisation des imprimantes ne pouvait être simultanée, par suite de la saturation de la tâche concernant la facturation, laquelle exigeait une période de temps variant, selon les jours, de 6 heures 28 minutes à 10 heures 10 minutes, soit en moyenne 8 heures 4 minutes ;

Que cette durée manifestement excessive interdisait par là même, d'utiliser ces mêmes imprimantes aux autres tâches prévues par la société Surgel Alimentation relatives à la comptabilité ainsi qu'à la gestion ;

Attendu qu'il apparaît des conclusions de l'expert judiciaire, que par suite de l'insuffisance manifeste de son analyse des besoins réels et des objectifs de sa cliente, la société Azuréenne de Micro Informatique, qui avait toute possibilité de les connaître et à laquelle il appartenait, au surplus de les interpréter, à la lumière de ses connaissances techniques, alors qu'elle n'avait fait aucune réserve sur le choix par la société Surgel Alimentation des appareils livrés, a ainsi commis une grave erreur de conception, quant au système informatique destiné à fonctionner au sein de l'entreprise exploitée par la société Surgel Alimentation, pour avoir méconnu essentiellement le volume des données à traiter au sein de celle-ci ;

Que c'est une telle erreur qui l'a ainsi conduite à accepter la commande de matériels et de logiciels qui se sont révélés totalement inadaptés aux besoins spécifiques de la société utilisatrice, dès lors qu'aussitôt après leur installation et leur mise en marche, ils ont présenté de graves anomalies de fonctionnement qui ont eu pour effet de réduire considérablement leurs possibilités d'utilisation ;

Que l'usage qui a pu en être fait par la société Surgel Alimentation par rapport aux tâches multiples qui en étaient attendues par celle-ci, relativement au traitement informatique de la facturation, de la comptabilité et de la gestion de ses activités commerciales, s'est limité, en fait, à la seule facturation, laquelle n'a même pas pu être réalisée normalement, eu égard aux temps d 'attente qui se sont révélés excessifs, par suite de la saturation de la machine ne supportant pas l'ensemble de l'application du logiciel en temps réel ;

Attendu qu'en définitive, la société Azuréenne de Micro Informatique apparaît avoir ainsi failli à son obligation principale de conseil, alors qu'elle avait été chargée de la conception d'une installation et d'une programmation informatique ;

Qu'il en résulte que sa responsabilité ne saurait se limiter à la délivrance matérielle des produits (machines et logiciels) surtout lorsqu'il s'agit de produits standards, mais qu'elle s'étend au fonctionnement satisfaisant de cet ensemble indissociable que sont le matériel et le logiciel, en sorte que l'inexécution de cette obligation essentielle est constitutive d'une faute, au sens de l'article 1002 du Code civil, justifiant, à elle seule, la résolution du contrat de vente, ainsi que l'a sollicitée, par la voie reconventionnelle, la société défenderesse ;

Que cette demande en résolution fondée sur la violation d'une obligation contractuelle, n'ayant pas pour objet le paiement de sommes d'argent, échappant ainsi à la suspension des poursuites individuelles, il échet en conséquence d'y faire droit, et de prononcer la résolution du contrat litigieux aux torts exclusifs de la société Azuréenne de Micro Informatique, en application de l'article 1039 du Code civil ;

Attendu que la résolution, ainsi prononcée, ayant pour effet d'anéantir les engagements réciproques des parties nés du contrat, il s'ensuit nécessairement, que J.-M. T., es qualités de liquidateur de la société Azuréenne de Micro Informatique, doit être débouté de sa demande en paiement du solde du prix de vente, comme dépourvue de cause ;

Qu'il en est de même pour sa demande en paiement de dommages-intérêts, la résolution du contrat étant totalement imputable, à la société Azuréenne de Micro Informatique ;

Que par ailleurs, les parties sont en droit d'obtenir la restitution des prestations reçues en exécution du contrat mis à néant par la résolution ;

Qu'à cet égard, le liquidateur J.-M. T. n'ayant pas sollicité du tribunal, la restitution du matériel et du logiciel livrés à la société Surgel Alimentation, il n'y a donc pas lieu de l'ordonner, en l'état ;

Attendu que la demande reconventionnelle de la société Surgel Alimentation à l'encontre de la société Azuréenne de Micro Informatique, en liquidation judiciaire, et tendant à obtenir la restitution des acomptes versés sur le prix de vente ainsi que des dommages-intérêts pour le préjudice subi, constitue une demande en paiement de sommes d'argent, dès lors soumise à la suspension des poursuites individuelles dans les procédures collectives ;

Que cependant la société Surgel Alimentation ayant produit au passif de cette société, selon lettre adressée au liquidateur T. le 14 décembre 1990, comme le lui imposaient les dispositions des articles 47 et 50 de la loi française n° 85-98 du 15 janvier 1985, il s'ensuit qu'en application de l'article 48 de la loi susvisée, la société Surgel Alimentation s'avère par l'effet de sa production entre les mains du liquidateur, fondée à poursuivre l'instance en paiement devant le tribunal à l'encontre du liquidateur de la société Azuréenne de Micro Informatique, son action devant tendre uniquement à la constatation de son droit de créance et à la fixation de son montant, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une quelconque condamnation à l'égard de cette dernière ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence, au vu des considérations ci-dessus énoncées, de constater que la société Surgel Alimentation demeure créancière, de la société Azuréenne de Micro Informatique, d'une part de la somme de 202 898,50 F, représentant la restitution des acomptes versés à cette dernière sur le prix de la vente résolue, d'autre part d'une somme de 20 000 F, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial subi, du fait de la non-conformité du système informatique fourni par cette dernière, eu égard aux éléments d'information dont le tribunal dispose ;

Attendu, quant à la validation de l'inscription provisoire de nantissement, prise à la requête de la société Azuréenne de Micro Informatique, le 5 août 1987, sur le fonds de commerce de la société Surgel Alimentation sis à Monaco, que, dès lors que la société demanderesse ne peut justifier d'aucun droit de créance à l'encontre de la société défenderesse, ayant été déboutée de sa demande en paiement du solde du prix de vente par le présent jugement, il échet d'ordonner la radiation de cette mesure conservatoire, désormais dépourvue d'objet ;

Attendu, quant à l'exécution provisoire du présent jugement, que celle-ci n'apparaît pas justifiée par l'urgence, eu égard aux circonstances de la cause, en sorte qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner ;

Attendu qu'enfin les dépens suivront la succombance de la partie demanderesse ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Reçoit en son intervention volontaire, J.-M. T., es-qualités de liquidateur de la société anonyme de droit français dénommée » Azuréenne de Micro Informatique «, en liquidation judiciaire ;

Constate que la Grindlays Bank, tiers-saisi, ne détient aucune somme pour le compte de la société anonyme de droit monégasque dénommée » Surgel Alimentation " et lui donne acte de sa déclaration ;

Ordonne en conséquence mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée à la requête de la société Azuréenne de Micro Informatique, selon exploit de Maître Escaut-Marquet, huissier, en date du 12 mai 1987 ;

Prononce la résolution du contrat de vente intervenu le 23 janvier 1987 entre la société Surgel Alimentation et la société Azuréenne de Micro Informatique aux torts exclusifs de cette dernière ;

Déboute J.-M. T., es-qualités de liquidateur de la société Azuréenne de Micro Informatique, de toutes ses demandes ;

Constate que la société Surgel Alimentation demeure créancière de la société Azuréenne de Micro Informatique des sommes suivantes :

* deux cent deux mille huit cent quatre-vingt-dix-huit francs cinquante centimes (202 898,50 F) à titre de restitution des acomptes versés sur le prix de vente ;

* vingt mille francs (20 000 F) à titre de dommages-intérêts ;

Constate que la société Surgel Alimentation n'est redevable d'aucune somme à l'égard de la société Azuréenne de Micro Informatique ;

Ordonne en conséquence la radiation de l'inscription provisoire de nantissement prise à la requête de la société Azuréenne de Micro Informatique, le 5 août 1987, au répertoire du commerce et de l'industrie à Monaco, volume 21, numéro 94, sur le fonds de commerce appartenant et exploité par la société Surgel Alimentation, à Monaco ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;

Composition

MM. Landwerlin, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Sbarrato, Léandri, Clerissi, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26079
Date de la décision : 16/05/1991

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de vente


Parties
Demandeurs : SA « Azuréenne de Micro Informatique »
Défendeurs : SAM Surgel Alimentation, Grindlays Bank, en présence du sieur JM T. intervenant ès-qualités de liquidateur de la société demanderesse.

Références :

article 1002 du Code civil
ordonnance du 5 mai 1987
ordonnance du 3 août 1987
article 1039 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.premiere.instance;arret;1991-05-16;26079 ?

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